« Lacan, Abrahams et un magnétophone : dialogue de sourds »

Transcription

A. -Je veux que quelque chose soit mis au point finalement. Jusqu’ici j’ai suivi vos règles, il faudrait maintenant que vous essayiez… d’ailleurs je ne vois pas pourquoi…

Dr X. -Maintenant si vous voulez bien… Nous sommes bien d’accord ; voilà ; nous arrêterons là, ce sera bien dommage pour vous.

A. -Mais vous avez donc peur de cet enregistreur ?

Dr X. -je ne désire pas cela ; je ne marche pas.

A.- Mais pourquoi ? Expliquez-moi au moins cela, vous avez peur de cet enregistreur ?

Dr X. -je coupe !

A. -Vous coupez ? tiens c’est intéressant, vous reprenez « la coupure » ; tout à l’heure vous parliez de la coupure du pénis ; donc c’est vous maintenant qui voulez couper tout d’un coup.

Dr X. -Écoutez! Maintenant c’est fini avec cet enregistreur !

A. -Mais qu’est-ce qui est fini ?

Dr X. -Ou bien vous le sortez de la pièce, ou bien l’entre tien est fini ! Nous sommes d’accord ! Je veux bien vous expliquer ce que je voulais vous expliquer ; mais pour le moment, ou bien cet enregistreur est dehors, on bien je ne dirai plus rien ; je le regretterai beaucoup mais je ne ferai pas ceci.

A. -je crois que vous avez peur ! je crois que vous avez peur et vous avez tort parce que ce que je viens faire c’est dans votre intérêt ; mine de rien je prends un gros risque et je le fais pour vous et pour beaucoup d’autres gens, mais je veux aller jusqu’au fond de cette mystification et j’ai l’intention de poursuivre.

Dr X. -Bon, eh bien …

A. -Non! Vous allez rester là Docteur ! Vous allez rester là et vous n’allez pas toucher a votre appareil, vous allez rester là et n’essayez surtout pas de me faire le coup de la collocation (internement)

Dr X. —je ne vous ferai pas le coup de la collocation si vous quittez cette pièce.

A. –je ne quitte pas cette pièce ! J’ai des comptes à vous demander; et des comptes importants, et vous allez me répondre. Et je ne vous les demande pas uniquement en mon nom, mais au nom de … Allez, soyez gentil et asseyez-vous ; ne nous fâchons pas ! Vous allez voir… ça ne fera pas mal ; il ne s’agit pas de vous enculer ! Allez, soyez calme ! Asseyez-vous… vous ne voulez pas vous asseoir ? eh bien, restons debout. Bon ! Alors, donc « la coupure du pénis ». Hein, n’est-ce pas ? Mon père voulait me… non ? Qu’est-ce que c’était encore ?

Dr X. -Écoutez ! Pour le moment vous n’êtes pas eu état de discuter.

A. -Mais si ! C’est vous qui ne voulez pas discuter. C’est vous qui n’êtes pas en état.

Dr X. -je vous ai demandé de rentrer votre enregistreur.

A. Mais mon enregistreur n’est pas une queue vous savez C’est un auditeur qui nous écoute avec beaucoup de bienveillance.

Dr X. -J’étais en train de vous expliquer quelque chose…

A. -Oui, eh bien continuez !

Dr X. -Et à ce moment là vous avez plutôt que d’essayer de comprendre…

A. Parce que vous avez voulu laisser tomber quelque chose qui était capital et que vous m’avez fourré dans la tête depuis des années, et je voudrais justement que vous n’essayiez pas de vous en tirer en esquivant le problème, c’est-à-dire, encore une fois le problème de votre responsabilité.

Dr X. -La vôtre

A. -Quoi ?

Dr X. -Pour le moment vous avez envie de me rendre responsable de ce dont vous êtres responsable.

A. -Pas du tout ! Je fais un travail pour l’instant, un travail scientifique !

Dr X. -C’est possible

A. -Bon alors continuons ; vous savez que cela va beaucoup mieux quand on enregistre les travaux scientifiques, comme ça nous sommes libres, nous ne devons pas prendre des notes. Nous allons avancer.

Dr X. -Il ne s’agit pas ici de travaux scientifiques !

A. -Si ! je croyais être chez un homme de science ! En tout cas je me suis confié à. un homme de science et je voudrais savoir de quelle science il s’agit en définitive, car je ne suis plus du tout convaincu que cette « science » n’est pas du charlatanisme

Dr X. -Eh bien moi j’ai leDroit de ne pas parler devant un enregistreur.

A. -Vous avez leDroit, bien sûr, et vous ne manquez pas de le dire ; on vous remercie… Vous vous sentez accusé, et vous parlez comme un Américain qui ne parlera que devant son avocat… Asseyez-vous !

Dr X. -je suis prêt à parler avec vous et vous expliquer.

A. -Eh bien continuons!

Dr X. -Mais je ne suis pas prêt à parler devant un enregistreur. A. -Mais pourquoi est-ce que vous alliez téléphoner ?

Dr X. -Parce que je vous avais demandé de sortir au cas où vous mainteniez cet enregistreur.

A. -Et alors ? Mais pourquoi ? Pourquoi alliez-vous téléphoner ?

Dr X. -Parce que je vous avais demandé de sortir si vous mainteniez cet enregistreur; je ne voulais pas vous faire colloquer mais…

A. -Mais pourquoi est-ce que vous avez… Vous ne pourriez pas me faire colloquer vous savez ! Parce que s’il y a quelqu’un qui doit se faire colloquer ce serait plutôt vous, si jamais il s’agissait de déterminer qui est déséquilibré

Dr X. -je… je… de toute façon…

A. -Mais écoutez, je vous aime bien, je ne vous veux aucun mal; au contraire…

Dr X. -Eh bien nous sommes d’accord; déposez cet appareil.

A. -On s’amuse beaucoup en ce moment ; cependant je voudrais que vous cessiez d’avoir peur..

Dr X. -Moi, je ne m’amuse pas.

A. –Mais vous avez peur. Et la libido, qu’est ce que vous en faites ? Croyez-vous que je veux vous couper le zizi ? Mais non ! je viens vous en donner un vrai -, un vrai… c’est formidable! enfin! vous aviez longtemps attendu cette petite fête ! Écoutez, avouez que vous vous en tirez très élégamment. Docteur! ! ! Docteur je vous veux du bien, mais vous, vous ne vous voulez pas du bien.

Dr X. -Vous êtes pour le moment…

A. -je vous veux du bien mais, mais… je trouve que vous abusez  ! oui vous abusez, vous avez beaucoup abusé de moi ; je dirai même que vous m’avez un peu escroqué, s’il fallait poser les choses en termes juridiques, parce que vous n’avez pas rempli vos obligations, vous ne m’avez pas du tout guéri ; vous n’êtes d’ailleurs pas prêt à remplir vos obligations ; car vous ne savez pas guérir les gens ; vous ne savez que les rendre un peu plus fous. Vous savez… Il n’y a qu’à interroger vos autres malades, enfin vos « malades », ceux que vous appelez les malades, ceux qui viennent chercher un peu d’aide et qui n’en reçoivent pas, qui ne reçoivent que de l’attente… alors asseyez-vous ! Sayons calmes ! calmes ! Allons  ! Vous êtes un homme ou vous êtes une nouille ? Est-ce que vous êtes un homme ?

Dr X. –Encore une fois, je vous l’ai dit une fois pour toutes que vous avez là un enregistreur, que je ne désire pas cette attitude-là.

A. -je regrette, je vous répète pourquoi j’ai sorti cet enregistreur, pour employer votre, mot de « sortir », c’est que moi je n’apprécie pas du tout la manière dont vous avez tout d’un coup demandé que je laisse tomber la question de la castration.

Dr X. -Moi je veux bien parler de la question de la castration, si c’est ça le vrai problème, mais je ne désire pas parler devant un enregistreur.

A. -Bon, eh bien on n’en parlera pas, on attendra que vous ayez changé d’avis ; vous êtes coincé.

Dr X. -Qu’est-ce que vous voulez gagner à me coincer ?

-Moi, je n’ai rien à perdre !

Dr X. -C’est possible.

A. Vous avez peur ! … Allez Jeannot ! Desserre les fesses quoi ? Non ? Tu ne veux pas ?

Dr X. -Est-ce que vous ne croyez pas que c’est une situation sérieuse ?

A. -Terriblement sérieuse ! C’est pour ça qu’il vaut beaucoup mieux que tu tires une autre tête que celle que tu tires… Il faut que je sois culotté pour me permettre une chose pareille ! Il faut quand même que je sois vraiment sûr…

Dr X. -Mais non ! Il ne faut pas que vous soyez sûr. Si vous étiez sûr vous n’agiriez pas comme ça ! Maintenant laissez-moi sortir, c’est une situation très dangereuse

A. -Dangereuse ?

Dr X. -Oui vous êtes dangereux

A. -Mais pas du tout, vous le dites! Vous n’arrêtez pas d’essayer de me faire croire que je suis dangereux, mais je ne suis pas du tout dangereux !

Dr X. -Vous êtes dangereux parce que vous méconnaissez la réalité !

A. -Pas du tout !

Dr X. -Vous méconnaissez la réalité !

A. -je suis un petit mouton! J’ai toujours été un petit mouton !

Dr X. -Vous méconnaissez la réalité!

A. -C’est vous qui êtes dangereux ! C’est celui qui le dit qui l’est.

Dr X. -Vous méconnaissez la réalité!

A. -La « réalité », qu’est-ce que c’est ?

Dr X. -Pour le moment, vous êtes dangereux parce que vous méconnaissez la réalité.

A. -Mais qu’est-ce que c’est la «réalité » ? Il faudrait qu’on s’entende d’abord. Moi, je sais une chose, du point de vue de votre réalité, c’est que vous êtes très en colère, vous avez un mal fou à vous dominer et vous allez sûrement éclater; ça va péter, vous êtes sous pression ; vous allez sûrement vous énerver, et ça ne sert à rien : je ne vous veux pas de mal, il n’y a aucune raison, je ne suis pas -votre père!

Dr X. -Vous avez la votre enregistreur!

A. je ne suis pas votre père !

Dr X. –Vous avez votre enregistreur.

A. -Et alors ?

Dr X. -Terminons là

A. -Mais voyons, il ne vous fait pas si mal ! Il vous fait peur ? Ce n’est pas un revolver.

Dr X. -Terminons là!

A. -Vous avez peur ?

Dr X. -Terminons là.

A. -Qu’est-ce que ça veut dire ? Terminons quoi ?

Dr X. -je ne désire pas un entretien de ce genre.

A. -Dites, est-ce que vous voulez une fessée ?

Dr X, -Vous voyez que vous êtes dangereux!

A. -Est-ce que vous voulez une fessée ?

Dr X. -Vous voyez que vous êtes dangereux.

A. -Mais non, je vous pose une question ; si vous voulez arrêter de faire le gosse.

Dr X. -je vous dis (pie vous êtes dangereux

A. -Mais moi je vous (lis que vous faites l’enfant

Dr X. -Et vous allez me le démontrer, je le crains,

A. -Non, je ne vais pas vous le démontrer.

Dr X. -Terminons là.

A. -Mais qu’est-ce que ça veut dire: «Terminons là. »?

Dr X. -je n’ai rien à vous dire ; vous êtes dangereux.

A. –Comment, vous n’avez rien à me dire ? Mais vous avez des comptes à me rendre.

Dr X. -je vous ai invité à sortir.

A. -Pardon ! Vous vous trompez !

Dr X. -Vous voyez que vous êtes dangereux!

A. -Vous avez des comptes à me rendre !

Dr X. -Vous voyez que vous êtes dangereux!

A. -je ne suis pas dangereux; j’élève seulement la voix, mais vous ne le supportez pas ; si on crie vous avez peur n’est-ce pas ? si vous entendez crier vous ne savez plus ce qui se passe ; c’est épouvantable ; c’est affreux ; c’est le papa qui crie (depuis quelques instants les deux interlocuteurs sont à 20 cm l’un de l’autre), mais moi, Jeannot, je ne crie ici que pour te montrer que ce n’est pas grave cette fois ; tu vois maintenant, déjà tu surmontes ta peur; voilà ! ça y est! Tu surmontes ta peur! ça y est, ça va mieux, tu t’habitues, voilà ; parfait. Ça va mieux. Tu vois ce n’est vraiment pas si grave : je ne suis pas ton père ; et je peux crier encore, mais non ! voilà, c’est assez.

Dr X. -Vous imitez votre père pour le moment ?

A. -Mais non voyons, le vôtre! Celui que je vois dans vos yeux.

Dr X. -Vous essayez de prendre le rôle… A. -je ne veux rien vous prendre comme rôle auprès de vous; je veux simplement me délivrer de vos angoisses! C’est vous qui faites dans votre culotte pour l’instant! Sûrement! Regardez ça : pourquoi croisez-vous les bras ainsi, c’est vous qui vous défendez! croyez-vous vraiment que je veux vous frapper ! Où allez-vous chercher que je voudrais vous frapper ! je suis beaucoup trop sage ! je me contiens, je ne veux pas faire ce que vous voudriez que je fasse : ce serait tellement plus simple: je vous frapperais je serais dans mon tort, j’aurais commencé, j’aurais commis un acte qui vous donnerait le pouvoir de… je ne sais pas, moi… d’être le médecin, de jouer au docteur, hein !… au psychiatre. Si je suis dangereux, je rie suis pas dangereux pour le petit Jeannot, je suis dangereux pour le médecin, pour le médecin sadique, pas pour le petit Jeannot ; celui-là il a assez souffert lui aussi ;je n’ai pas du tout envie de le frapper… niais le médecin, le psychiatre, celui qui a pris la place du père, celui-là, il mérite des coups de pied au cul. Maintenant laissez-moi vous expliquer, asseyez-vous; Non ? vous ne voulez pas ?

Dr X. –Vous pouvez parler. Moi je ne parlerai pas, je vous ai dit que je ne…

A. -D’accord c’est moi qui parlerai ; Enfin ! Tant mieux ! D’ailleurs j’allais vous le dire au moment ou j’ai sorti l’enregistreur, je ne le sortais que pour parler, que parce que j’allais moi-même parler. Évidemment vous aussi vous pouvez être enregistré si vous voulez; d’ailleurs, je vous ferai une copie si vous le désirez ; ça devrait vous intéresser prodigieusement… enfin peut-être… je l’espère pour vous. Bon… voilà! On ne peut pas guérir là-dessus! (il désigne d’un mouvement de tête le divan professionnel) c’est impossible! et vous-même vous n’êtes pas guéri parce que vous avez passé trop d’années là dessus. Vous n’osez pas regarder les gens en face. Tout à l’heure vous avez commencé en parlant de « faire face a mes fantasmes ». Je. n’aurais jamais pu faire face à quoi que ce soit ! vous m’aviez obligé à vous tourner le dos. Ce n’est pas comme, ça qu’on peut guérir les gens. C’est impossible puisqu’en fait, vivre avec les autres c’est savoir leur faire face. Qu’est-ce que vous vouliez que j’apprenne là-dessus ? au contraire ! vous m’avez désappris le goût d’essayer même de vivre avec les autres ou d’affronter quoi que ce soit en face, et ça c’est voire problème ! c’est pour ca que vous mettez les gens comme ça, que vous ne pouvez pas leur faire face, et vous ne pouvez pas les guérir, vous ne pouvez que leur refiler vos problèmes de père dont vous ne sortez pas ; et de séance en séance vous trainez des victimes comme ça avec le problème du père, Hmm ! Vous comprenez un peu ce que je veux dire ? et j’ai eu beaucoup de mal à comprendre et à en sortir et à me retourner. Bien sûr que vous m’avez fait faire de la gymnastique mentale. Au moins un petit peu, mai,; avouez que c’était tout de, même un peu cher, si ce n’était que ça ! Mais il y a pire : vous m’avez désappris à faire face en me promettant et je m’en suis remis a vous, seulement comme je ne pouvais pas vous voir je ne pouvais pas imaginer quand vous alliez enfin me donner ce que je venais chercher chez vous. J’attendais l’autorisation. Oui c’est ça! Vous auriez été bien bête de me la donner, hein, de me retourner, du me délivrer puisque je vous nourrissais, vous viviez a mes dépens, vous me pompiez, moi j’étais le malade, vous étiez le médecin ; vous aviez enfin retourné votre problème d’enfance, d’être l’enfant vis-à-vis du père… C’est vous qui aviez leDroit pour vous, Humm, leDroit de colloquer éventuellement par exemple, peut-être pas moi mais enfin vous avez leDroit de colloquer d’autres gens…

Dr X. -je téléphonais au 609 pour vous faire partir, au 609, à la police, pour vous faire expulser.

A. -A la police ? Le papa ? c’est ça ! votre papa est agent de police! et vous alliez téléphoner à votre papa pour venir me chercher.

Dr X. -Parce qu’à mon avis…

A. -Mais écoutez ça devient intéressant ; pourquoi vouliez-vous appeler la police! vous auriez manqué tout ceci. Avouez quand même…

Dr X. -Vous êtes docteur enDroit…

A. -Que j’ai bien fait de vous en empêcher…

Dr X. -Quand quelqu’un ne veut pas quitter chez vous c’est à la police qu’on s’adresse

A. -Ah oui ! Voilà la vérité ! vous m’aviez amené chez vous, vous m’aviez attiré dans votre petit intérieur, dans votre caverne…

Dr X. -Je vous avais demandé de quitter.

A. -Écoutez! si vous prenez la parole pour dire des choses pareilles, alors autant me laisser continuer parce que sinon nous allons nous énerver, perdre du temps, hein, d’accord ? Si vous avez vraiment des trucs importants à dire, alors il faut que vous les disiez, d’accord, il faut que vous les sortiez, sûrement ; c’est vrai : vous êtes plein de refoulements… Mais si c’est pour me dire que vous appelez la police ou que vous auriez voulu l’appeler voilà quelque chose qu’il faudra que vous analysiez. Bon, alors… ça va mieux ? (ton extrêmement doux et calme) ça va mieux ?

Dr X. –Mais non (il se lève) vous allez aller écouter votre enregistreur.

A. -Non, non, non, non, ce n’est pas ça qui n’importe pour le moment, regardez un peu comme vous avez réagi, quelle histoire de fou! vous vous êtes énervé, excité uniquement parce qu’on sort un petit appareil qui va nous mettre de comprendre ce qui se passe ici. C’est absurde voyons, d’ailleurs vous n’avez pas pu au fond expliquer pourquoi vous ne vouliez pas d’enregistrement. Vous ne voulez pas me le dire au moins, pourquoi vous êtes si fâché ? Parce que tout d’un coup je prenais les commandes de quelque chose ! Jusqu’à maintenant vous aviez l’habitude de contrôler complètement la situation, et brusquement voilà l’étrangeté qui s’introduit, qui s’installe chez vous.

Dr X. -je n’ai pas l’habitude de la violence physique.

A. -Comment « la violence physique » ?

Dr X. -C’est une violence que de sortir cet enregistreur maintenant.

A. -Une violence physique ? (Étonnement extrême).

Dr X. –Et d’ailleurs vous l’avez très bien perçu… il n’y a qu’à regarder où est mon téléphone pour voir que c’est de la violence physique (le téléphone est en effet par terre depuis l’incident initial « Vous n’allez pas toucher à votre appareil… »).

A. -Mais écoutez, est-ce que vous parlez sérieusement ? Est-ce que vous avez du plaisir à dire ce que vous venez de dire ? Est-ce que vous êtes content pour l’instant ? je voudrais m’assurer (le votre bien-être ! Est-ce que vous êtes en forme ? Est-ce que vous vous sentez bien ? Ouh, ouh… (ton amical s’adressant à un enfant) Docteur! (très bas et doux) Coucou… Allons, vous voulez pas me répondre, vous voulez pas me dire ? Enfin! Regardez un peu la situation ! C’est ridicule! Tâchons de nous montrer à la hauteur.

Dr X. -Regardez un peu : ce que vous venez de dire maintenant, ce que vous venez de m’expliquer…

A. -Oui ? Quoi ?

Dr X. –Vous auriez intérêt à le réécouter.

A. -Sûrement, et vous aussi, à écouter votre silence… C’est vous qui êtes refoulé puisque vous ne pouvez pas parler. On sort un enregistreur et, tout d’un coup ça, vous la coupe  ! C’est bien ce que vous avez dit : « Je coupe. » Vous vous êtes coupé vous-même, n’est-ce pas, dans le sens de l’assassin qui se coupe, qui se dénonce lui-même. Moi je n’ai rien coupé, au contraire je veux continuer et je veux qu’on avance vers plus de vérité…

Dr X. -Le temps que je vous avais réservé est passé, il faut quitter.

A. -Mais non ! le temps n’existe pas

Dr X. Si, il existe !

A. -Noir il n’existe pas… Maintenant c’est le bon temps qui commence je vous assure.

Dr X. -Mais vous avez expliqué quelque chose, eh bien, vous n’avez qu’à en tirer la leçon: vous avez expliqué quelque chose…

A. -Oui ?

Dr X. que vous auriez dû comprendre depuis longtemps.

A. -Quoi ?

Dr X. -Votre attitude

A. –Comment mon attitude ?

Dr X. –Mais oui, ce que vous avez expliqué…

A. -C’est vous qui aviez une attitude… (bruit de sonnerie de porte)… de coupure.

Dr X. -Ce que vous venez d’expliquer in, maintenant c’est votre attitude. Écoutez, maintenant il y a quelqu’un d’autre qui m’attend.

A. je m’en fous ! La prochaine victime n’est pas pressée.

Dr X. -Moi je ne m’en fous pas.

A. (Ton catégorique et martelé) Nous ne sortirons pas de ce huis clos tarit que les choses ne seront pas plus claires sur ce qui s est passé et sur le problème de vos engagements et du non-accomplissement de vos engagements. Ne parlez surtout pas de violence physique parce que c’est vous en m’obligeant à me retourner sur le divan qui avez commencé la violence physique, c’est vous qui m’avez tordu, qui m’avez mis la tête à l’envers. C’est vous qui avez faussé les conditions, vous ne vous rendez pas compte de ça ? Est-ce que vous ne vous rendez pas compte que vous êtes ridicule tout d’un coup ! Il y a quelque chose qui dépasse le moment présent ! Il y a quelque chose de honteux dans votre comportement actuel et d’infantile !

Dr X. -Vous voyez que vous êtes dangereux, je vous ai dit que vous étiez dangereux.

A. -Docteur X… vous êtes un pitre!… et vous êtes un pitre sinistre ! Vous esquivez… Je suis venu chez vous pendant combien d’années deux ou trois fois par semaine, et qu’est-ce que j’ai eu ? Si je suis fou et dangereux comme vous le dites maintenant vous ne feriez que ramasser ce que vous avez semé, ce que vous avez investi avec votre théorie trompeuse. Rendez-vous compte de çA. Et au fond vous vous en tireriez à très bon compte avec votre trouille que vous avez en ce moment et la petite réflexion que je vous demande de faire, c’est un petit devoir qu’on vous impose, un tout petit devoir, c’est pas si grave ! ça ne fait pas si mal ! Allons, mais souriez voyons, ne prenez pas cette tête boudeuse ! c’est très important vous savez de s’occuper de, guérir les gens, d’être médecin et la Psychanalyse, on écrit beaucoup de livres là-dessus ça mérite qu’on y réfléchisse et que nous essayions de nous expliquer franchement et de comprendre ce qui s’est passé entre nous parce que nous pouvons peut-être en tirer quelque chose pour d’autres gens et je ne suis pas dangereux donc ne me dites pas ça tout le temps parce que là vous essayez de nous égarer ! vous avez empoché le bénéfice d’une situation ambiante, vous êtes un privilégié : vous êtes venu après Freud, on vous a payé des études, et vous avez réussi à mettre une plaque sur votre porte ! et maintenant vous emmerdez des tas de gens avec leDroit de le faire, et ainsi vous croyez vous en tirer. Vous êtes un raté et vous ne ferez rien de votre vie que de coller votre problème à d’autres gens… Bon… Eh bien maintenant c’est fini tout ça vous comprenez ! vous serez très content de ce que je vous fais subir pour l’instant, parce que je ne vous fais rien subir en fait, rien subir du tout.

Dr X. Si, Vous me faites subir votre présence.

A. -je ne vous fais pas subir ma présence, je voudrais que vous restiez assis.

Dr X. -Violence physique !

A. -je voudrais que vous vous asseyiez.

Dr X. -Violence physique ! Violence physique !

A. -Pas du tout ; je voudrais que vous continuiez à rester assis.

Dr X. –Violence physique !

A. -Asseyez-vous voyons.

Dr X. -Violence physique!

A. -Mais non (ton paternel et rassurant).

Dr X. -Violence physique!

A. -Mais non, c’est du théâtre.

Dr X. -Vous me faites subir des violences physiques.

A. -Pas du tout, je ne vous fais pas subir de violence physique

Dr X. -je vous ai donné l’occasion de vous expliquer.

A. -Moi je voudrais que vous vous expliquiez maintenant.

Dr X. -je vous ai donné l’occasion de vous expliquer et je vous ai proposé de…

A. -Pas du tout vous m’avez coupé, vous avez interrompu l’explication que je voulais commencer par vous donner.

Dr X. –Dans la mesure où je ne voulais pas parler devant un enregistreur.

A. -Mais au début je ne vous ai pas demandé de parler, je vous ai demandé de me laisser parler.

Dr X. -Non, vous m’avez demandé de parler.

A. –Vous m’avez interrompu, c’est comme ça que ça s’est passé : tout d’un coup vous m’avez parlé de la police.

Dr X. -Maintenant l’entrevue est terminée.

A. -Sans blague ! Chiche ! Moi je dis que non ! Alors ? qui va faire le premier pas vers la violence physique ?

Dr X. -C’est vous qui êtes en train de le faire

A. -Mais pas du tout je suis très bien ici! je suis comme un sénateur sudiste qui ne quitte pas son pupitre.

Dr X. Vous êtes vraiment très dangereux, oui, vous vous êtes assurément très bien… (Le docteur va vers sa fenêtre, le bureau est à un rez-de-chaussée surélevé; bruit très intense de volets qu’il ouvre.)

A. -Vous allez sauter par la fenêtre ? C’est extraordinaire! vous allez vraiment faire ça ? (nouveau bruit de volets que A. vient de refermer en riant). Vous voyez que c’est vraiment du théâtre.

Dr X. -Ça va finir mal.

A. -Ça va finir par unDrame ! UnDrame sanglant ! ça va saigner !

Dr X. Oui ça va saigner.

A. Qui va saigner ?

Dr X. Ça va saigner.

A. Mais non ça ne va pas saigner, ça ne va pas finir comme ça ! ça va finir très gentiment ! on s’amuse beaucoup.

Dr X. -Ça, va se terminer par des violences.

A. Mais non on ne va pas terminer sur des violences quand même.

Dr X. Laissez-moi ouvrir la porte et quitter…

A. Mais vous avez peur ? Vous recommencez ? Hoou !

Dr X. -Vous voyez que vous êtes dangereux.

A. Mais non j’ai besoin de me détendre.

Dr X.Drôle de manière de se détendre, vous avez peur.

A. -Vous voulez me faire peur

Dr X. Vous êtes dangereux parce que vous avez peur.

A. Dangereux ? Qu’est ce que ça veut dire dangereux ?

Dr X. Vous agissez physiquement en restant ici.

A. C’est ça qui est dangereux ?

Dr X. C’est comme ça !

A. Et la torture morale! Qu’est-ce que vous en faites?

Dr X. Vous agissez sur le plan physique.

A. Écoutez, les esclaves quand ils se révoltent, évidemment ça fait parfois mi peu le sang et pourtant vous voyez maintenant personne ne saigne encore.

Dr X. -Vous agissez sur le plan physique. (Il faudrait préciser que A. occupe une position stratégique, adossé à la seule porte de la pièce.)

A. Vous faites dans votre culotte.

Dr X. Vous voudriez que je fasse dans ma culotte.

A. -Mais pas du tout, seulement. je le constate que vous faites dans votre culotte.

Dr X. -Vous avez l’impression d’avoir le bon bout… vous croyez que vous m’emmiélez.

A. je ne vous emmiéle pas; je n’ai aucune intention de vous emmiéler je voudrais que vous commenciez à parler sérieusement.

Dr X. -Hé bien moi je vous parle sérieusement : il est l’heure.

A. -Comment ?

Dr X. Il est l’heure et j’ai d’autres personnes à recevoir.

A. Il est l’heure ? Mais comment ? Il est l’heure des comptes ! Sûrement ! l’heure est venue.

Dr X. -je regrette beaucoup.

A. -Comment, vous regrettez beaucoup ? Mais vous permettez ! c’est moi qui regrette beaucoup, vous ne vous rendez vraiment pas compte ! vous m’avez rendu dingue, vous m’avez rendu fou pendant des années ! des années ! et vous voulez en rester là !

Dr X. -Au secours !… Au secours ! (À partir de maintenant le docteur va crier au secours une dizaine de fois de plus en plus fort avec une voix de mieux en mieux modulée de cochon satisfait qu’on égorge). A l’assassin! Au secooours  ! Au secooours! Au secooours! Au secooours !

A. -Taisez-vous et asseyez-vous.

Dr X. -Au secooooours! Au secooooours !

A. –Taisez-vous! on je vous

bâillonne! Dr X. -Au secoooooooouuuuurs. (Long hurlement.)

A. –Pauvre con va! Pauvre, idiot ! Asseyez-vous!

Dr X. –Au secoouurs ! (Très faible marmonnement.)

A. -De quoi avez-vous peur ?

Dr X. Au sucooourrs! (Reprise des hululements.) Vous voyez que vous êtes dangereux

A~ Mais non je ne suis pas dangereux.

Dr X.–Au secooouuurs !

A. -Vous avez peur que je vous coupe le zizi ?

Dr X.-Au secooooouuuuuuuurrrs ! (Cet appel-ci est le plus beau de tous.)

A. -Quel enregistrement rigolo!

Dr X.-Ça sera très rigolo ! Au secours ! Au secours ! Au secours ! (cette fois-ci c’est le cri lugubre final d’une baudruche qui se dégonfle comme une bête crevée -suivi d’un long silence.)

A. Allons, mon bonhomme, prenez vos lunettes.

Dr X. Cassées. (Ce qui n’était pas vrai.) (Nouvelle pause.)

A. -Hé bien ! Je ne m’attendais pas à ce que vous vous comportiez comme un con comme ça ! vraiment pas ! vous êtes vraiment un enfant ! c’est vraiment vous qui avez commencé la bagarre. Asseyez-vous. Et vous êtes un homme de science ! Eh bien, elle est belle votre science ! C’est du propre, il serait ravi Freud ! ça ne lui est jamais arrivé d’en arriver à une situation de fou furieux comme çA.

Dr X. -Maintenant si vous le voulez bien terminons-en là. On a été prévenu dehors, il vaut peut-être mieux que vous vous en alliez.

A. Moi je serais ravi que vous alliez jusqu’au bout.

Dr X. -Vous risquez la collocation mais ce ne sera pas de ma faute.

A. Très bien, ravi, je l’attends de pied ferme cette collocation, je suis curieux de savoir si vous irez jusque-là, nous écrivons pour l’instant un excellent chapitre de la psychanalyse.

Dr X. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise d’autre ?

A. Mais alors asseyons-nous et attendons la police, l’arrivée de votre papA. Asseyez-vous, calmez-vous, vous êtes terriblement énervé, Docteur Jeckill… Hein… le monsieur Hyde n’est jamais très loin, Hmm… et dire que je vous voulais du bien… (pause) je ne suis pas dangereux, je suis très gentil.

Dr X. Oui bien sûr, croyez-le.

A. -Non, non, nous allons commencer maintenant le procès des psychanalystes et nous allons voir un peu ce qui se passe et ce qu’ils font dans leur cabinet et où ils en sont avec leurs clients, nous allons voir, et je crois que ce sera passionnant comme découverte pour savoir qui a la caboche à l’envers. Quoi, vous voulez partir ? Vous voulez ficher le camp en courant ? Trouillard ! (On entend dans le lointain le docteur s’adressant à sa femme -« Lulu s’il te plaît téléphone au 609 ! »

A. (Imitant la voix et le ton du docteur). De grâce fais vite… Bon on s’en va… Vous n’avez plus rien à dire docteur; avant qu’on ne se quitte.

Dr X. -La prochaine fois…

A. -Oui ?

Dr X. -Aujourd’hui je ne parlerai plus, je veux bien parler encore avec vous, mais cette fois-ci je ne parlerai plus que devant des personnes capables de limiter vos violences.

A. Très bien !

Dr X. -Mais je suis prêt à m’expliquer avec vous sans enregistreur et devant des personnes capables de vous retenir.

A. -Très bien! Vous n’avez plus rien à dire ? C’est fini alors ? On coupe alors ? On interrompt la séance ?

Dr X. -oui!

A. –Très bien, on interrompt la séance alors, c’est la première séance, à la suivante alors. Au revoir, Docteur.

 

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6 réponses à « Lacan, Abrahams et un magnétophone : dialogue de sourds »

  1. Mariane Perruche dit :

    bonjour

    Je lis sur votre site, dans un article consacré à la transcription du dialogue de Jean Jacques Abrahms avec son psychiatre -psychanalyste que celui qui s’occupait de celui que l’on appellera « l’homme au magnétophone » était Jacques Lacan.

    Je suis étonnée car j’ai toujours lu que le psychiatre en question était le Dr Van Nypelseer. Je pense que vous pourriez vous reporter à cet article des Temps Modernes paru en 2013, c’est assez récent :

    http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=LTM_674_0319&AJOUTBIBLIO=LTM_674_0319

    Des révélations récentes ont-elles permis de changer l’identité des protagonistes de cette célèbre affaire ?

    Je vous remercie des éclaircissements que vous voudrez bien apporter sur cette question
    cordialement

    Mariane Perruche

    • Joel Bernat dit :

      Bonjour et merci de votre commentaire.
      Lorsque ce texte est paru dans la revue « les temps modernes » en 1969 avec des commentaires de Sarte, Pontalis, etc., soit pour attaquer Lacan, soit le défendre. Plus intéressant était la position de Deleuze.
      Vous pouvez entendre l’enregistrement sur youtube, et jusqu’ici, il ne faisait aucun doute qu’il s’agissait du Dr. L. Je ne connais pas le texte nouveau que je vais consulter de ce pas, et ce serait plutôt des révélations récentes qui infirmeraient ce qui jusqu’alors était dit par les protagonistes de l’époque !
      Mais le plus intéressant reste l’effet d’un élément étranger qui intruse dans la cure et comment l’on peut s’en « débrouiller » ou pas pour maintenir l’analyse, que ce soit un magnétophone ou quoi que ce soit d’autre.
      bien à vous
      JB

  2. Mariane Perruche dit :

    merci pour votre réponse.

    En ce qui me concerne, je n’ai jamais lu aucun texte, ni de Sartre, ni de Pontalis, qui mette en cause Lacan dans cette affaire. Le texte de Sartre, que l’on trouve dans Situations IX, p.329-337, est une attaque en règle contre l’ensemble du dispositif analytique, sa praxis, comme il l’appelle, mais ne contient aucune attaque ad hominem contre Lacan. C’est toute la psychanalyse freudienne qu’il attaque et récuse en bloc, et non la pratique du Dr. X ou Y. Sartre écrit d’ailleurs Docteur X.
    Pontalis, quant à lui, répond à Sartre une fin de non recevoir : il le renvoie à son propre rapport ambigu à la psychanalyse-à la fois fasciné et terrifié. On trouve ces quelques lignes de Pontalis juste après la transcription du dialogue entre l’homme au magnétophone et son psychanalyste, toujours dans Situations IX. On lira également avec profit le commentaire qu’en fait Pingaud qui enfonce le clou en décortiquant le texte de Sartre : c’est bel et bien TOUTE la psychanalyse que Sartre récuse, et tout particulièrement ce qu’il appelle l’état de dépendance à l’analyste que supposent la cure et le transfert. La philosophie de Sartre étant une philosophie de liberté ne saurait s’accommoder de ce qu’il conçoit comme une forme d’aliénation.
    J’espère que ces précisions apporteront à vos lecteurs de quoi juger que le fond du problème dépasse – et de loin- la personne de Jacques Lacan.
    Il me paraissait important de remettre le débat dans une autre perspective…

    • Joel Bernat dit :

      merci de vos précisions et bien d’accord avec vous. Il ne s’agit pas de faire un procès à qui que ce soit ! C’est pour cela que ce témoignage n’a d’intérêt que par rapport au setting analytique et la question (fantasmatique) du tiers.
      JB

  3. Olivier dit :

    Il s agit du dr Van Nypelseer. Jean Jacques le répetait sur tous les toits.
    Le texte a été et manifestement continue d’être utilisé. On peut l ecouter sur youtube.

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