Anna Freud : « L’adolescence » (1958)

Résumé : « Dans cet article, j’ai recensé et résumé la littérature de base concernant l’adolescence ainsi que mes propres opinions sur le sujet. J’ai ajouté à ma description antérieure des processus de défense pendant l’adolescence les activités spécifiques dirigées contre les liens aux objets œdipiens et préœdipiens. In Psychoanalytic Study of the Child, 1958, 13, 225-278 ; trad. fr. de D. Widlöcher, in L’enfant dans la psychanalyse, Paris, Gallimard, 1976, 244-266.

I : L’adolescence dans la théorie psychanalytique

C’est après un intervalle de vingt ans que je reviens sur le thème de l’adolescence. Pendant ce temps, bien du travail a été accompli dans le domaine de la psychanalyse, qui a apporté un éclairage nouveau aux problèmes posés et a influencé les conditions des jeunes, qu’ils soient normaux ou anormaux. Et pourtant, malgré des progrès partiels, l’état de nos connaissances psychanalytiques en ce domaine n’est pas brillant, il est même décevant si on le compare à celui de la première enfance. Pour celle-ci, nous nous sentons en terrain sûr ; nous disposons d’une richesse de matériel et d’informations qui nous dote d’autorité et nous permet d’appliquer les découvertes analytiques aux problèmes pratiques de l’éducation. Quand il s’agit de l’adolescence, nous sommes perplexes et nous ne pouvons pas satisfaire les éducateurs et les parents qui en appellent à nous et à nos connaissances. Il est fréquent d’entendre dire que l’adolescence est une période négligée, un parent pauvre de la théorie analytique.

Ces doléances sont exprimées par deux tenants : les parents et les éducateurs eux-mêmes. Elles justifient, à mon avis, plus d’attention qu’elles n’en ont reçu jusque-là.

1.       L’adolescence dans la littérature psychanalytique

L’étude psychanalytique de l’adolescence vit le jour, comme chacun sait, en 1905 dans le troisième chapitre des Trois Essais sur la théorie de la sexualité. La puberté y était décrite comme une période où surviennent les remaniements de la vie sexuelle infantile qui vont aboutir à sa forme définitive. Subordination des zones érogènes au primat de la zone génitale ; établissement de nouveaux buts sexuels, différents chez l’homme et chez la femme ; et, enfin, découverte de nouveaux objets sexuels en dehors de la famille. Alors que cette manière de voir expliquait bien des caractéristiques du développement et du comportement chez l’adolescent, jusque-là restés obscurs, l’idée, nouvellement émise, qu’il existe une vie sexuelle dans l’enfance ne pouvait que diminuer aux yeux des chercheurs l’importance de l’adolescence. Avant la parution des Trois Essais, l’intérêt porté à l’adolescence venait, en majeure partie, de ce qu’elle marquait le début de la vie sexuelle chez l’individu. Après les découvertes de la sexualité infantile, le statut de l’adolescence a été réduit à celui d’une période de transformations finales, étape intermédiaire entre la sexualité infantile diffuse et la sexualité génitale de l’adulte.

Dix-sept ans plus tard, en 1922, Ernest Jones a publié un article intitulé “Quelques problèmes de l’adolescence” dont le plus grand intérêt était d’évoquer une “corrélation entre l’adolescence et la première enfance”. Poursuivant une des thèses des Trois Essais, à savoir que la phase du développement entre deux à cinq ans doit être considérée comme un précurseur important de l’organisation finale ultérieure, Jones montra en détail comment

“l’individu récapitule et développe dans la deuxième décennie l’évolution qu’il a accomplie pendant les cinq premières années de sa vie…”

Il imputa la différence aux “circonstances dans lesquelles se déroule le développement” et il alla même jusqu’à proposer la “loi générale” suivante :

“L’adolescence récapitule la petite enfance ; la manière précise selon laquelle une personne donnée traversera les étapes obligatoires du développement pendant l’adolescence est dans une grande mesure déterminée par la forme du développement de son enfance”.

En bref, “Ces étapes se passent sur des plans différents pendant les deux périodes de la petite enfance et de l’adolescence, mais de façon très similaire chez le même individu”. (Jones, 1922).

La contribution de Jones, importante mais isolée, a coïncidé avec les publications de Siegfried Bernfeld à Vienne, véritable explorateur de la jeunesse, qui alliait le travail clinique d’un analyste et l’enseignement de la psychanalyse à une étude incessante de l’adolescence sous tous ses aspects : comportement individuel et comportement en groupe, réaction aux influences sociales, sublimations, etc. Son apport le plus notoire à la théorie analytique fut la description d’un mode spécifique de développement chez l’adolescent garçon qu’il appela “prolongé”42 et qui s’étend bien au-delà de la durée moyenne normale de l’adolescence, avec comme particularité des

“tendances à la créativité, qu’elle soit artistique, littéraire ou scientifique, un goût marqué pour les causes idéalistes et les valeurs spirituelles…” (Bernfeld, 1923).

Bernfeld a appuyé ses hypothèses sur un matériel très riche d’auto-observations d’adolescents, leurs journaux, écrits poétiques, etc., qu’il a publiés avec la collaboration de W. Hoffer (Bernfeld, 1924).

Alors que Bernfeld expliquait l’élaboration du processus normal de l’adolescence par l’impact de frustrations internes et externes et de pressions du monde extérieur, August Aichhorn, également à Vienne, s’est intéressé à la question du point de vue du développement asocial et criminel. Son travail est consacré à ces jeunes qui, exposés aux mêmes pressions, répondent par des défauts d’adaptation, un développement vicié du Surmoi et une révolte contre la communauté. Son livre Jeunesse à l’abandon (Aichhorn, 1925) a acquis une renommée mondiale. C’est le premier essai de cette envergure qui ait introduit la science psychanalytique dans le domaine épineux des problèmes du jeune délinquant.

Très au fait des idées de Bernfeld et ayant été associée de près aux études d’Aichhorn, j’ai moi-même apporté ma participation, en 1936, dans deux articles intitulés “Le Moi et le Ça à la puberté” et “Anxiété instinctuelle pendant la puberté”43. J’étais concernée par les problèmes de l’adolescence dans la mesure où je m’intéressais aux luttes qu’engage le Moi pour maîtriser les tensions et pressions exercées par les rejetons pulsionnels, luttes qui aboutissent, dans les cas normaux, à la formation du caractère et, dans les cas pathologiques, à celle de symptômes névrotiques. Ce combat entre le Moi et le Ça comporte une première trêve au début de la période de latence, et, plus tard, un nouveau conflit dès l’approche de la puberté, période où la distribution des forces à l’intérieur de l’individu est bouleversée par des changements quantitatifs et qualitatifs des pulsions. Exposé à l’anxiété par le développement des pulsions, le Moi, tel qu’il a été formé pendant l’enfance, part en bataille pour sa survie, met en jeu toutes les méthodes de défense disponibles et les exploite au maximum. Les résultats, c’est-à-dire les transformations de personnalité accomplies, sont variables. Dans les cas normaux, la structure du Moi et du Surmoi se modifie assez pour s’accommoder de ces nouvelles formes de sexualité. Dans des cas moins favorables, un Moi rigide, immature, réussit à inhiber ou à déformer la maturation sexuelle ; ailleurs, les pulsions du Ça sont capables, pendant la période de latence, de créer la plus grande confusion et le plus grand chaos dans ce qui avait été un Moi social adapté. J’ai montré que, plus qu’à toute autre période de la vie, l’adolescence, avec ses conflits spécifiques, fournit à l’analyste des exemples qui expriment l’influence réciproque et la séquence faite de danger intérieur, anxiété, activité de défense, formation transitoire ou permanente de symptôme et effondrement psychique44.

L’intérêt porté à la question, accru dans les années d’après-guerre, fut à l’origine d’une multitude de contributions venant surtout des Etats-Unis. Spiegel a publié en 1951 (bénédiction pour celui qui veut étudier la question) une exhaustive Revue des contributions à la théorie psychanalytique de l’adolescence. Bien que sa tentative de construire une théorie intégrée à partir d’éléments souvent largement divergents n’ait guère réussi, l’article a du moins le grand intérêt de résumer, de recenser et de classer le matériel. Spiegel a regroupé les publications sous des titres variés : Classification of Phenomenology (Bernfeld, Hartmann, Kris and Loewenstein, Wittels) ; Object Relations (Bernfeld, Buxbaum, Deutsch, Erikson, Fenichel, A. Freud, Hoffer, Jones, A. Katan, Landauer) ; Defense Mechanisms (Bernfeld, Deutsch, Fenichel, A. Freud, Greenacre, E. Kris) ; Creativity (Bernfeld, A. Freud) ; Sexual Activity (Balint, Bernfeld, Buxbaum, Deutsch, Federn, Ferenczi, S. Freud, Lampl-de Groot) ; Aspects of Ego Functioning (Fenichel, A. Freud, Harnik, Hoffer, Landauer) ; Treatment (Aichhorn, Eissler, A. Freud, Gitelson, A. Katan, Klein, Landauer, Reich). Une bibliographie détaillée comprenait en tout quarante et un articles de trente-quatre auteurs, qui recouvraient apparemment tous les aspects théoriques, cliniques et techniques du sujet.

Mais, en dépit de cette liste impressionnante d’auteurs et d’articles, nous étions toujours insatisfaits de nos connaissances sur la question ; nous-mêmes et les parents n’accordions pas plus de confiance à nos talents de psychanalystes pour le traitement d’adolescents. Il y a eu alors de nombreuses publications pour prouver le contraire ; cependant, l’adolescence demeurait ce qu’elle avait été jusqu’alors : un parent pauvre de la théorie psychanalytique.

2.      Difficultés à établir des faits concernant l’adolescence

Il y a, à mon avis, des causes qui peuvent expliquer notre perplexité quand nous sommes confrontés avec toute la complexité du processus de l’adolescence. Quand, en notre qualité d’analystes, nous évaluons des états mentaux, nous nous fondons essentiellement sur deux méthodes : soit l’analyse d’individus dont le fonctionnement mental se déroule en notre présence, soit la reconstruction de cet état au cours d’un traitement analytique entrepris à une date ultérieure. Les résultats de ces deux procédés, utilisés séparément ou associés l’un à l’autre, nous ont enseigné tout ce que nous, analystes, connaissons des étapes de développement de l’esprit humain45.

Il se trouve que ces deux procédés, qui nous ont été utiles pour toutes les autres périodes de la vie, se sont avérés moins satisfaisants et moins fructueux quand on les a appliqués à l’adolescence.

a-      Reconstruction de l’adolescence dans les analyses d’adultes

Dans le domaine de la reconstruction, un fait m’impressionne : c’est la rareté avec laquelle, au cours de nos analyses d’adultes, je suis parvenue à faire pleinement revivre en eux leurs expériences d’adolescent. Je ne veux pas dire par là que les patients adultes ont une amnésie de leur adolescence aussi étendue et profonde que celle de leur prime enfance. Au contraire, les souvenirs des événements de l’adolescence sont, dans les cas normaux, présents à la conscience et racontés à l’analyste sans difficulté apparente. La masturbation de la préadolescence et de l’adolescence, l’approche des relations sexuelles, etc. peuvent même jouer un rôle prédominant dans les souvenirs conscients des patients, et nous savons bien qu’ils sont utilisés pour recouvrir et cacher les conflits refoulés autour de la masturbation comme les activités sexuelles enterrées de la prime enfance. De plus, au cours d’analyses d’hommes souffrant d’inhibition sexuelle, qui se plaignent de leur impuissance, il est assez facile de retrouver les souvenirs des pratiques corporelles de l’adolescence, souvent très grossières et cruelles, employées alors pour empêcher les érections ou les supprimer dès leur apparition.

Par ailleurs, ces souvenirs ne comportent rien d’autre que les faits bruts, les événements et les actions séparés des affects qui les avaient accompagnés à l’époque. Ce que, en règle générale, nous ne réussissons pas à retrouver, c’est l’atmosphère dans laquelle vit l’adolescent : ses anxiétés, le degré de son exaltation ou la profondeur de son désespoir, la soudaineté de ses enthousiasmes et ses désarrois absolus, les brûlantes (et parfois stériles) préoccupations philosophiques ou intellectuelles, l’aspiration à la liberté, le sentiment de solitude, l’impression d’être opprimé par ses parents, les rages impuissantes ou les haines fébriles dirigées contre le monde des adultes, les passions érotiques (homo- ou hétérosexuelles), les idées de suicide, etc.

Ce sont des sautes d’humeur passagères, difficiles à évoquer, et qui, au contraire des stades affectifs des nourrissons et des petits enfants, n’ont pas tendance à réémerger et à être revécues dans la relation avec l’analyste.

Si cette impression, que j’ai tirée de mes propres cas, devait être confirmée par d’autres analystes d’adultes, une telle incapacité, au moins partielle, à reconstruire l’adolescence pourrait rendre compte des lacunes dans notre étude du processus mental pendant cette période.

b-     L’analyse pendant l’adolescence

Discutant des contributions ayant trait au traitement psychanalytique d’adolescents, Spiegel (1951) déplorait un pessimisme qu’il trouvait injustifié de la part de certains auteurs. Il soulignait la nécessité d’adapter la technique analytique à la situation particulière du malade adolescent et s’étonnait qu’aucune explication claire ne soit donnée au cours d’une période préparatoire “analogue à celle employée pour les enfants et délinquants”.

En fait, depuis 1951, quelques nouveaux articles ont été publiés traitant de technique. Deux d’entre eux étudient la phase du début (Fraiberg, 1955 ; Nohshpitz, 1957), un troisième de terminaison (Adatto, 1958). Alors que ces auteurs apportaient un matériel qui éclairait les difficultés techniques rencontrées spécialement au début et à la fin de la thérapie, le travail accompli chez les adolescents dans notre Hampstead Child-Therapy Clinic soulignait des difficultés techniques particulières surgissant au plein milieu de la thérapie, c’est-à-dire au moment critique où le préadolescent devient adolescent à proprement parler : la révolte contre les parents est devancée dans le transfert et tend à provoquer une rupture avec l’analyste, c’est-à-dire une terminaison abrupte et non souhaitable du traitement par le patient.

Ainsi l’expérience montre que l’on rencontre des difficultés particulières au début, au milieu et à la fin du traitement. Autrement dit, le traitement analytique des adolescents est une aventure risquée du début à la fin, une aventure au cours de laquelle l’analyste est confronté à des résistances d’une force et d’une variété inhabituelles. Ceci est corroboré par la comparaison de cas d’adolescents à ceux d’adultes. Au cours d’analyses d’adultes, nous avons l’habitude de manier des situations techniquement délicates où certains malades hystériques, incapables de supporter la frustration, essaient de nous obliger à passer à l’acte et à revivre réellement avec eux leurs sentiments d’amour et de haine dans une relation personnelle. Nous savons aussi nous parer contre ce procédé, bien particulier aux malades obsessionnels, qui consiste à isoler le mot de l’affect et à tenter d’interpréter le contenu inconscient alors que celui-ci est déconnecté de sa charge affective. Nous essayons d’aborder le retrait narcissique du schizophrène borderline, les projections des malades paranoïaques qui transforment leurs analystes en ennemis persécuteurs, le désespoir destructeur du déprimé qui proclame ne croire en aucune issue positive du travail analytique ; les tendances au passage à l’acte et l’absence d’insight du délinquant ou des caractères psychopathiques. Mais, dans les perturbations que nous venons de citer, nous rencontrons l’une ou l’autre de ces difficultés techniques et nous pouvons adapter la technique analytique à la résistance spécifique à ce désordre mental. Il n’en est pas ainsi pendant l’adolescence où le patient peut passer rapidement d’un de ces états émotionnels au suivant, les exhiber tous à la fois, ou très vite l’un après l’autre, ne laissant à l’analyste que peu de temps et de latitude pour rassembler ses forces et modifier son approche pour l’adapter au changement de besoin.

c-      Obstacles dans l’économie de la libido : comparaison avec les états de deuil et de déception sentimentale

L’expérience nous a appris à prendre sérieusement en considération la répétition de ces échecs massifs de la technique analytique. On ne peut pas alléguer des caractéristiques spécifiques au malade qui subit le traitement ou quelque facteur fortuit et extérieur qui iraient à son encontre. Un effort accru, encore plus d’adresse et de tact de la part de l’analyste ne suffisent pas à surmonter ces échecs. Ils doivent être considérés comme l’indice que quelque chose, à l’intérieur même de la structure des perturbations, diffère notablement du modèle de ces affections pour lesquelles la technique analytique a été imaginée et auxquelles elle est le plus souvent appliquée (Eissler, 1950). Nous devons acquérir de l’insight dans ces divergences de la pathologie avant d’être en mesure de réviser notre technique. En ce qui concerne les analyses d’enfants, de délinquants et de certains états-limites, c’est déjà fait. Ce à quoi la technique analytique avait à subvenir, dans ces cas, était l’immaturité et la faiblesse du Moi des malades, la diminution de leur seuil de tolérance à la frustration, leur pauvreté de verbalisation, l’importance accrue de la mise en acte. Il reste à expliciter quels sont les facteurs équivalents caractéristiques des désordres de l’adolescent, c’est-à-dire à quelle situation interne spécifique des patients il convient d’ajuster notre technique pour rendre les adolescents plus accessibles au traitement analytique.

En ce qui me concerne, je suis impressionnée par la similitude des réponses de ces jeunes patients avec celles de deux autres types bien connus de désordre mental : les réactions au traitement au cours de déceptions sentimentales et pendant les périodes de deuil. Dans ces deux états, il existe une grande souffrance mentale et le désir ardent d’être aidé. Malgré cela, aucun de ces états ne répond bien à la thérapie analytique. Notre explication théorique de cet échec est la suivante : l’état amoureux et celui de deuil sont deux états émotionnels pour lesquels la libido de l’individu est pleinement engagée dans une relation à un objet d’amour réel, du présent ou d’un passé très récent, la souffrance mentale étant causée par la tâche difficile d’opérer un désinvestissement et de renoncer à une position qui n’offre plus d’espoir de retour d’amour, c’est-à-dire de satisfaction. Pendant que l’individu est engagé dans cette lutte, une quantité de libido insuffisante est disponible pour investir la personne de l’analyste ou régresser et réinvestir des objets et des positions antérieurs. Ainsi, ni les événements du transfert ni le passé ne deviennent assez significatifs pour fournir du matériel à interpréter. Il faut renoncer à l’objet immédiat (d’amour ou de deuil) avant que la technique analytique puisse devenir efficace.

La position libidinale de l’adolescent a, selon moi, beaucoup en commun avec les deux états que je viens de définir. L’adolescent aussi est engagé dans un débat affectif qui, de plus, a un caractère extrêmement impérieux et pressant. Sa libido est sur le point de se détacher des parents et de s’attacher à de nouveaux objets. Un certain deuil des objets du passé est inévitable ; ce sont les “coups de foudre”, c’est-à-dire les histoires sentimentales avec des adultes en dehors de la famille ou avec d’autres adolescents du même sexe ou de sexe opposé ; un certain degré de retrait narcissique est aussi inévitable : il permet la transition avec des périodes pendant lesquelles aucun objet extérieur n’est investi. Quel que soit l’équilibre libidinal à un moment donné, il s’agira toujours d’une préoccupation du moment présent qui ne laisse que peu ou pas de libido disponible pour investir le passé ou l’analyste.

Si on estime valable cette hypothèse concernant la distribution de la libido dans la personnalité de l’adolescent, elle peut servir à expliquer quelques-uns des comportements de nos jeunes malades au cours de leur traitement, tels que leur réticence à coopérer, leur manque d’engagement dans la thérapie ou dans la relation à l’analyste, leurs revendications pour diminuer leurs séances hebdomadaires, leur absence de ponctualité, leur absence aux séances, auxquelles ils préfèrent des activités extérieures, leur interruption brutale du traitement. Nous apprenons là, par contraste, combien la continuité de la moyenne des analyses d’adultes est due au simple fait que l’analyste est un objet hautement investi, outre le rôle essentiel que joue par ailleurs le transfert dans la production du matériel.

Il existe bien sûr des cas où l’analyste lui-même devient le nouvel objet d’amour de l’adolescent, c’est-à-dire l’objet du “coup de foudre”. Cette conjoncture va aiguiser l’ardeur du jeune patient à se “faire traiter”. Mais, même si l’assiduité et la ponctualité sont améliorées, l’analyste est le plus souvent confronté à une autre difficulté spécifique des analyses d’adolescents, c’est-à-dire au caractère impératif de leurs besoins, à leur intolérance à la frustration et à leur tendance à utiliser n’importe quelle relation en cours comme moyen de réalisation des désirs et non comme source d’éclairement sur eux-mêmes, d’insight.

Dans ces conditions, on ne s’étonnera pas que, outre la thérapie analytique, on ait eu recours, pour les adolescents, aux modes les plus variés de traitement : remaniement de l’environnement, traitement institutionnel, création de communautés thérapeutiques, etc. Quelle que soit, d’un point de vue pratique, la valeur de ces tentatives expérimentales, on ne peut évidemment pas en attendre un enrichissement direct de notre insight théorique sur le contenu inconscient de l’esprit de l’adolescent, sur la structure de ses troubles spécifiques ou les particularités des mécanismes mentaux qui les entretiennent.

II : Applications cliniques

Je vais maintenant tenter d’appliquer au moins quelques-unes de ces découvertes difficilement acquises à trois des problèmes les plus aigus concernant l’adolescence.

1.       Le bouleversement de l’adolescent est-il inévitable ?

Il y a d’abord l’éternelle question de savoir si la crise de l’adolescence est souhaitable et bénéfique en elle-même, si elle est nécessaire et, qui plus est, inévitable. Sur ce point, la position psychanalytique est unanime. Les personnes appartenant à la famille ou à l’école de l’enfant, qui se fondent sur le comportement pour en juger, peuvent déplorer le bouleversement de l’adolescent : c’est, pour eux, la perte de qualités valables, d’une stabilité du caractère et d’une adaptation sociale. Nous, analystes, qui évaluons la personnalité d’un point de vue structural, pensons différemment. Nous savons que la structure de caractère d’un enfant à la fin de la période de latence est le résultat de longs conflits entre les forces du Ça et du Moi. L’accession à un équilibre interne, bien que précieuse et caractéristique de chaque individu, n’est que provisoire et fragile. Elle ne peut pas faire face à un accroissement de l’activité des pulsions ou au changement de leur qualité, phénomènes inséparables de la puberté. Il faut donc renoncer à cet équilibre pour permettre à la sexualité adulte d’être intégrée dans la personnalité. Ce qu’on appelle crise d’adolescence est tout simplement l’indice extérieur visible de la mise en place de ces remaniements internes.

Par ailleurs, chacun de nous connaît des enfants qui, aussi tard qu’à quatorze, quinze ou seize ans, n’extériorisent aucun signe de malaise intérieur. Ils demeurent, comme pendant la période de latence, de “bons” enfants, emmaillotés dans leurs relations familiales, dignes fils de leur mère, soumis à leur père, en harmonie avec l’atmosphère, les idées, les idéaux de leur origine. Bien que cette situation soit particulièrement facile, elle témoigne d’un retard du développement normal, c’est donc un signe d’alarme. Ces cas peuvent évoquer, dans un premier temps, un déficit constitutionnel des pulsions, hypothèse qui, la plupart du temps, se révélera fausse. L’investigation analytique montre que cette réticence à “grandir” vient non pas du Ça, mais des aspects de la personnalité issus du Moi et du Surmoi. Il s’agit d’enfants qui ont construit des défenses excessives contre leurs activités pulsionnelles, qui en sont maintenant paralysés, ce qui entrave les processus de maturation correspondant à la phase de développement. Plus que quiconque, peut-être, ils ont besoin de recourir au traitement pour être libérés de leur handicap interne et connaître un développement normal, même si ce dernier est “bouleversant”.

2.      Peut-on prévoir la crise de l’adolescent ?

On nous pose souvent une seconde question : peut-on prédire la manière dont un enfant particulier réagira dans l’adolescence à partir des caractéristiques de son comportement pendant la prime enfance ou la période de latence ? En dehors de l’affirmation globale de Jones, un seul des auteurs cités a écrit des choses claires et positives dans ce domaine. Bernfeld (1923) dans ses discussions sur les caractéristiques de l’adolescent du type “prolongé” a établi un lien entre cette forme de puberté et un type spécifique de développement infantile comportant les trois conditions suivantes : a) que la frustration des désirs sexuels infantiles ait porté ombrage au narcissisme de l’enfant ; b) que les fixations incestueuses aux parents aient été d’une force exceptionnelle et aient été maintenues tout au long de la période de latence ; c) que le Surmoi ait été établi de façon précoce, soit bien démarqué du Moi, et que les idéaux qu’il contient soient investis aussi bien par une libido narcissique que par une libido d’objet.

D’autres réponses moins précises à la même question sont dispersées dans la littérature. Nous retrouvons l’opinion que, dans la majorité des cas, les manifestations du processus de l’adolescence ne sont pas prévisibles puisqu’elles dépendent presque entièrement de facteurs quantitatifs, c’est-à-dire de la force et de la soudaineté de l’émergence pulsionnelle qui, parallèlement, fait surgir l’anxiété responsable de toute la crise. En 1936, j’ai émis l’hypothèse que, parfois, l’adolescence procure quelque chose de l’ordre d’une cure spontanée. C’est ce qui se passe chez les enfants dont les activités et les caractéristiques prégénitales ont persisté de façon dominante tout au long de la période de latence, jusqu’à ce que la poussée de libido génitale produise une régression salutaire de la prégénitalité. On peut rapprocher cette dernière éventualité d’une autre qui produit l’effet opposé : quand les traits phalliques ont persisté de façon prédominante pendant la période de latence, la poussée de libido génitale provoque une masculinité exagérée et d’une menaçante agressivité.

On admet, en général, l’idée qu’une fixation importante à la mère, remontant non seulement à l’attachement œdipien mais aussi préœdipien, fait de l’adolescence une période particulièrement difficile. Cette dernière assertion doit être mise en corrélation avec deux découvertes récentes, de nature différente, que nous devons au travail accompli dans notre Hampstead Child-Therapy Clinic. Une de ces découvertes est le résultat de l’étude d’enfants orphelins qui ont été privés de la relation à une image maternelle stable pendant leurs premières années. Ce manque de fixation maternelle, loin de faciliter l’adolescence, constitue un danger réel pour la cohésion intime de la personnalité pendant cette période. Dans ces cas, l’adolescence est souvent précédée par la recherche frénétique d’une image maternelle. La possession à l’intérieur du soi et l’investissement d’une telle image semblent être essentiels pour le déroulement du processus ultérieur qui consiste à en détacher la libido pour la transférer à de nouveaux objets, c’est-à-dire à des partenaires sexuels.

La seconde découverte a été faite grâce aux analyses de jumeaux adolescents. Dans un cas, cette relation de gémellarité avait été observée depuis la prime enfance et rapportée dans les moindres détails (Burlingham, 1952). Au cours du traitement de ces jumeaux, il apparut que leur “révolte d’adolescent” à l’encontre des objets d’amour de l’enfance exige la rupture du lien avec le jumeau aussi bien que la rupture du lien avec la mère. Puisque cet investissement libidinal du jumeau, tant narcissique qu’objectai, est enraciné dans la même couche profonde de la personnalité que l’est l’attachement précoce à la mère, son retrait est escorté par autant de remaniements des structures, de bouleversements émotionnels et de formation de symptômes. Là où, par contre, la relation gémellaire persiste après la phase d’adolescence, on peut s’attendre à un retard dans l’installation de la maturité ou à un caractère rigide et étriqué pendant la période de latence, comme dans les exemples déjà cités pour lesquels l’amour porté aux parents dans l’enfance résiste aux attaques de l’adolescence.

Pour en revenir à la question initiale, il semble que nous soyons capables de prédire la réaction de l’adolescent dans certaines circonstances typiques et spécifiques, mais certainement pas pour toutes les variations individuelles de structure de personnalité infantile. Notre compréhension des développements typiques augmentera avec le nombre d’adolescents qui se soumettront à l’analyse.

3.      Pathologie pendant l’adolescence

Il nous reste un troisième problème dont les implications cliniques et théoriques sont, pour moi, plus importantes que celles des précédents. Je me réfère toujours à la difficulté des cas d’adolescents pour démarquer la normalité et la pathologie. Comme nous l’avons montré, l’adolescence constitue, par définition, une interruption dans une croissance paisible qui évoque, en apparence, une quantité d’autres bouleversements émotionnels et de remaniements de structures46. Les manifestations de l’adolescent se rapprochent de la formation de symptôme du névrosé, du psychotique ou encore du comportement asocial, et aboutit imperceptiblement aux états-limites et aux formes larvées ou florides de presque toutes les maladies mentales. Par conséquent, le diagnostic différentiel entre les crises d’adolescent et la vraie pathologie devient une tâche difficile.

En ce qui concerne la discussion de ce problème de diagnostic, je laisserai la plupart des spécialistes de la question parler en leur propre nom. Je vais résumer mes propres impressions forgées à partir de mes expériences cliniques passées et présentes.

En 1936, quand j’ai étudié le même sujet sous l’aspect des défenses, je m’intéressais aux ressemblances entre l’adolescent et d’autres troubles émotionnels plutôt qu’à ce qui les différenciait. J’ai écrit que les crises d’adolescents prennent la forme d’une névrose si la menace pathogène initiale se trouve dans le Surmoi, l’anxiété produite étant alors ressentie comme une culpabilité ; elles ressemblent à des troubles psychotiques si le danger réside dans l’accroissement même de la puissance du Ça, ce qui menace le Moi dans son existence ou son intégrité. Qu’un tel adolescent nous donne alors l’impression d’être obsessionnel, phobique, hystérique, ascétique, schizoïde, paranoïaque, suicidaire, etc., dépendra, d’une part, de la qualité et de la quantité des contenus du Ça qui assaillent le Moi et, d’autre part, des mécanismes de défense que ce dernier a choisi d’utiliser. Puisque, à l’adolescence, des pulsions de toutes les phases prégénitales font surface et que les mécanismes de défense, des plus bruts aux plus complexes sont employés, les résultats pathologiques, bien qu’identiques de par la structure, sont plus divers et moins stables qu’à d’autres périodes de la vie.

Aujourd’hui, j’ai l’impression que cette description structurale a besoin d’être élargie, non pas dans le sens de la ressemblance des troubles de l’adolescent à d’autres troubles, mais dans celui de la spécificité de leur nature. Il existe dans leur étiologie au moins un élément supplémentaire dont on peut considérer qu’il est unique et caractéristique de cette période : en effet, le danger donne l’impression de venir non seulement des pulsions du Ça et des fantasmes, mais aussi de l’existence même des objets d’amour du passé œdipien et préœdipien. Leur investissement libidinal a été maintenu depuis les phases infantiles et seulement diminué ou inhibé pendant la période de latence. C’est pourquoi le réveil des impératifs prégénitaux ou, pis encore, les exigences génitales nouvellement acquises risquent de rencontrer ces objets et de prêter une réalité nouvelle et menaçante à des fantasmes qui semblaient éteints mais qui, en fait, ne sont que refoulés47. Les anxiétés qui s’éveillent sur de tels terrains sont liées à l’élimination des objets infantiles, c’est-à-dire à la rupture de leurs liens. Anny Katan (1937) a utilisé, dans sa discussion sur ce type de défense dont le but est de changer les partenaires et la scène du conflit, le terme de removal. Une telle tentative peut réussir ou échouer, partiellement ou en totalité. De toute façon, je partage l’avis d’Anny Katan : le résultat sera décisif pour le succès ou l’échec des autres moyens de défense que nous connaissons mieux et qui sont dirigés contre les pulsions elles-mêmes.

Je vais maintenant illustrer cette hypothèse par un certain nombre d’exemples.

A. Défense contre le lien avec l’objet infantile

a- Défense par déplacement de la libido

De nombreux adolescents réagissent à l’anxiété qu’éveille l’attachement à leurs objets infantiles tout simplement par la fuite. Au lieu de permettre un processus de séparation progressive des parents, ils détachent d’eux leur libido d’un seul coup et en bloc. Ils en gardent une nostalgie passionnée de présence qu’ils recherchent dans l’environnement en dehors de la famille. Là, ils adoptent des solutions variées. La libido peut être transférée, sous forme plus ou moins identique, à des substituts parentaux, pourvu que ces nouvelles images soient en tout diamétralement opposées à celles des parents (sur un plan personnel, social ou culturel). Ils peuvent encore s’attacher à des “leaders” qui, en général, appartiennent à une génération intermédiaire entre celle de l’adolescent et celle des parents et qui représentent des idéaux. Aussi fréquentes sont les liaisons passionnées à des contemporains du même sexe ou de sexe opposé (amitiés homo- ou hétérosexuelles) ou la participation à des bandes d’adolescents (ou “gangs”). Quelle que soit la solution choisie, le résultat est que l’adolescent se sent “libre” et jouit de cette nouvelle et précieuse impression d’indépendance vis-à-vis des parents qui sont alors traités avec une indifférence frisant le manque de cœur, l’insensibilité et la dureté.

Bien que le sens vers lequel s’oriente la libido dans ce cas reste dans les limites de la normalité, la soudaineté du changement, l’application à observer le contraste pour le choix de l’objet et le caractère de l’attachement montrent bien qu’il s’agit là d’une défense. Ce déroulement constitue une anticipation bien trop hâtive d’une croissance normale pour être un processus de développement normal.

Que la fuite libidinale soit suivie d’une vraie fuite – c’est-à-dire que l’adolescent quitte réellement sa famille – change peu la situation affective. S’il reste chez lui, c’est en “pensionnaire” sans égards le plus souvent envers les membres plus jeunes ou plus âgés de sa famille.

Par ailleurs, le détachement des investissements des parents a des conséquences décisives sur le reste du processus défensif. Après que les objets infantiles ont été dépouillés de leur importance, les pulsions génitales et prégénitales cessent d’être aussi menaçantes. La culpabilité et l’anxiété diminuent et le Moi devient plus tolérant. Les désirs sexuels et agressifs, autrefois refoulés, font surface et sont réalisés, l’action se déroulant en dehors de la famille, dans un horizon plus large. Que ce passage à l’acte se joue sur un plan inoffensif, idéaliste, asocial ou même criminel dépendra avant tout des nouveaux objets auxquels l’adolescent s’est attaché. En général, les aspirations du leader du groupe d’adolescents ou du gang sont adoptées avec enthousiasme et sans critique.

De tels adolescents peuvent être adressés pour traitement après que leurs agissements leur ont donné maille à partir avec l’école, l’employeur ou la loi. En ce qui concerne le traitement psychanalytique, ils semblent n’être guère prêts à conclure cette alliance thérapeutique entre l’analyste et son patient sans lequel la technique analytique est impossible. Toute relation à l’analyste et, par-dessus tout, le transfert avec lui réactiveraient les liens infantiles qu’ils viennent d’abandonner ; c’est pourquoi l’adolescent semble indifférent. De plus, le fait qu’il se soit libéré de ces liens fait qu’il ne ressent plus de conflit interne, du moins transitoirement ; il n’éprouve donc pas le besoin d’aide psychologique. C’est ce que Aichhorn (1925) avait présent à l’esprit quand il affirmait que les adolescents asociaux et criminels avaient besoin d’une longue période de préparation et de remaniement interne avant d’être accessibles au traitement psychanalytique. Il prétendait que ce traitement n’avait de chance de succès que si, pendant cette préparation en milieu institutionnel, l’adolescent faisait un nouveau transfert d’objet d’amour, réveillait ses attachements de l’enfance, intériorisait une nouvelle fois ses conflits, en bref, devenait névrosé.

Tenter d’analyser un adolescent dans cette phase où il réussit à se détacher du passé semble être une tentative vouée à l’échec.

b- Défense par renversement de l’affect

Il existe une deuxième manière de réagir à cette même situation de danger. Bien que les manifestations en soient moins bruyantes, elle est intérieurement plus néfaste.

Au lieu de déplacer la libido investie sur les parents, ou plus vraisemblablement après échec de cette tentative, le Moi de l’adolescent peut se défendre en transformant les sentiments qu’il éprouve à leur égard en leur contraire : l’amour en haine, la dépendance en révolte, le respect et l’admiration en mépris et dérision. Grâce à un tel renversement d’affect, l’adolescent s’imagine “libre” mais, malheureusement pour sa tranquillité d’esprit et sa perception du conflit, cette conviction n’intéresse que les couches conscientes superficielles de son esprit. Pour toutes les intentions et tous les desseins plus profonds, il reste attaché d’aussi près aux figures parentales qu’il l’était auparavant ; les passages à l’acte se font dans la famille et tout remaniement résultant de la défense se fait à son désavantage. Il ne tire aucun plaisir positif de ce renversement dans les relations, mais uniquement de la souffrance, tant subie qu’infligée. Il n’y a pas place pour la liberté d’action ou l’évolution ; une opposition compulsive aux parents se révèle être aussi paralysante à cet égard qu’une soumission compulsive48. Puisque l’anxiété et la culpabilité demeurent inchangées, un renforcement constant de la défense s’avère nécessaire. Deux méthodes sont employées dans ce but : le déni (des sentiments positifs) et les formations réactionnelles (attitudes grossières, égocentriques, méprisantes). Le comportement qui se manifeste à ce stade est celui d’un adolescent non coopérant et hostile.

Il vaut la peine de prêter attention à l’évolution clinique de cette pathologie. L’hostilité et l’agressivité qui, au départ, jouent le rôle de défense contre l’objet d’amour deviennent bientôt intolérables pour le Moi, sont ressenties comme des menaces et sont combattues pour leur propre compte. Ceci peut être réalisé par la projection ; dans ce cas, l’agressivité est attribuée aux parents qui du coup deviennent les principaux oppresseurs et persécuteurs de l’adolescent. Cliniquement, ceci se manifeste sous forme de méfiance, puis, si le mécanisme de projection s’accentue, l’adolescent a un comportement de type paranoïaque. À l’inverse, la totalité de l’hostilité et de l’agressivité peut être détournée des objets et retournée contre le soi. Dans ce cas, les adolescents présentent un tableau de dépression intense, une tendance à l’autodépréciation et à l’auto-agressivité et développent des idées de suicide, avec même passage à l’acte.

Pendant toutes les étapes de ce processus, la souffrance est grande et le désir d’être aidé intense. Ceci ne représente en soi aucune garantie que l’adolescent en question aille se soumettre à la thérapie analytique. Et encore moins si ce sont les parents qui insistent pour que cette thérapie se fasse. Si, du moins, elle avait lieu, l’adolescent considérerait l’analyste comme leur outil, étendrait son hostilité et sa méfiance à la personne de l’analyste et refuserait de coopérer. Les chances sont plus grandes si l’adolescent décide de lui-même de demander de l’aide et a recours à l’analyse comme s’il s’opposait ainsi aux désirs des parents. Même dans ces circonstances, le pacte conclu avec l’analyste peut n’être qu’éphémère. Dès l’établissement d’un vrai transfert, avec résurgence dans le conscient des fantasmes infantiles positifs, le même type de renversement d’affect tend à se reproduire dans la situation analytique. Plutôt que de revivre toute cette tempête de sentiments avec l’analyste, de nombreux adolescents échappent au traitement. Ils fuient leurs sentiments positifs tout en manifestant à l’analyste un transfert négatif accablant sous la forme d’une rupture de traitement.

d-     Défense par le retrait de la libido dans le soi

Nous envisageons maintenant des cas de gravité croissante. Le retrait de libido des parents que nous venons de décrire ne préjuge en rien de son utilisation ou de son destin futurs. Si les anxiétés et les inhibitions barrent le chemin vers d’autres objets extérieurs à la famille, la libido demeure à l’intérieur du soi et peut être utilisée à investir le Moi et le Surmoi et, par là même, les gonfle. Il en résulte cliniquement l’apparition d’idées de grandeur, fantasmes de pouvoir illimité sur d’autres êtres humains ou de réussite exceptionnelle dans un ou plusieurs domaines. Ou, encore, le Moi souffrant et persécuté de l’adolescent peut prendre des dimensions semblables à celles du Christ, avec les fantasmes correspondants de sauver le monde.

Par ailleurs, l’investissement peut se restreindre au seul corps de l’adolescent et donner naissance aux sensations et impressions hypocondriaques de transformations corporelles que les stades initiaux des maladies psychotiques nous ont bien fait connaître cliniquement. Dans tous les cas, une thérapie analytique est indiquée et urgente. Le traitement va dissiper l’apparence d’anomalie sévère s’il fraie un nouveau chemin à la libido et lui permet de refluer et de réinvestir les objets infantiles originaux ou, au contraire, de s’écouler vers la direction que nous avons décrite et d’investir des substituts moins effrayants.

Ce qui met alors à l’épreuve l’habilité technique de l’analyste, c’est l’état de retrait dans lequel se trouve le patient, c’est-à-dire la difficulté d’amorcer une relation et un transfert. Ce pas accompli, l’évolution de ce retrait narcissique vers un investissement d’objet soulage le patient, au moins temporairement.

Je pense que, dans de nombreux cas, l’analyste devrait avoir la sagesse de se contenter de ce succès partiel sans pousser plus avant le traitement. Une implication plus grande et plus fondamentale dans le transfert pourrait éveiller les anxiétés que nous avons décrites et de nouveau aboutir à un arrêt brutal de l’analyse dû à une réaction de fuite de l’adolescent.

e-      Défense par la régression

Plus les anxiétés dues aux attachements objectaux sont grandes et plus les activités défensives employées par l’adolescent pour leur échapper sont élémentaires et primitives. C’est pourquoi, au paroxysme de l’angoisse, les relations avec le monde objectal peuvent être réduites au stade affectif connu sous le terme d’“identification primaire” aux objets. Ce compromis, que les maladies psychotiques nous ont appris à connaître, implique des changements régressifs dans tous les domaines de la personnalité, tant dans le Moi que dans l’organisation libidinale. Les “frontières du Moi”49 s’élargissent pour englober avec le soi certaines parties de l’objet. Ceci provoque chez l’adolescent d’étonnants changements de traits de caractère, d’attitudes et même d’apparence extérieure. Sa soumission à des personnes extérieures se manifeste par les altérations de sa propre personnalité (c’est-à-dire ses identifications) plutôt que par une déperdition de libido. Les projections, de même que les identifications, dominent la scène et créent un mouvement d’échange entre le soi et l’objet qui a des répercussions sur d’importantes fonctions du Moi. Par exemple, la distinction entre le monde extérieur et intérieur (épreuve de réalité) s’estompe par moment. Ce défaut de fonctionnement du Moi se manifeste cliniquement par un état de confusion.

Une telle régression peut soulager transitoirement le Moi en vidant les fantasmes œdipiens (et beaucoup parmi les préœdipiens) de leur investissement libidinal50, mais cette diminution de l’anxiété ne va pas durer. Une anxiété plus profonde va bientôt prendre sa place. Je l’ai autrefois décrite comme la peur d’une “reddition affective”51 avec la crainte concomitante de perte d’identité.

B. Défense contre les pulsions

Quand les défenses contre les liens aux objets œdipiens et préœdipiens échouent, les tableaux cliniques réalisés se rapprochent des confins de la psychose52

a-      L’adolescent ascétique

Parmi ces tableaux, j’ai autrefois décrit celui de l’adolescent ascétique. Celui-ci, en lutte contre toutes les pulsions préœdipiennes et œdipiennes, sexuelles et agressives, va même jusqu’à employer la défense à l’encontre de la réalisation des besoins physiologiques de nutrition, de sommeil et de bien-être corporel. Ceci me semble la réaction caractéristique d’un Moi dominé par la peur aveugle des forces du Ça qui le submergeraient : une angoisse qui ne laisse pas place aux nuances plus subtiles entre la satisfaction des besoins vitaux et le simple agrément, entre ce qu’il y a de sain ou de morbide, entre les plaisirs permis par la morale et ceux qui sont interdits. Une guerre totale est engagée contre toute recherche de plaisir en tant que tel. C’est pourquoi la plupart des processus normaux de satisfaction des instincts et des besoins sont entravés et paralysés. L’expérience clinique nous apprend que l’ascétisme de l’adolescent est fort heureusement un phénomène transitoire. Pour l’observateur analytique, c’est une précieuse illustration de la puissance de la défense, c’est-à-dire du degré jusqu’auquel des rejetons pulsionnels normaux et sains peuvent être exposés à être mutilés par le Moi.

Au total, le traitement psychanalytique des adolescents ascétiques ne présente pas autant de difficultés techniques qu’on attendrait. Peut-être, chez eux, la défense contre les pulsions est-elle si massive qu’ils peuvent se permettre quelque relation d’objet à l’analyste et par là entamer un transfert.

b-     L’adolescent “intransigeant”53

Le qualificatif qui convient le mieux pour décrire un autre type d’adolescent, également anormal, est celui d’“intransigeant”. Ce terme, dans ce cas, désigne plus que l’attitude bien connue, volontairement implacable, adoptée par de nombreux jeunes qui défendent leurs idées, refusent de faire des concessions aux positions plus pratiques et plus adaptées à la réalité de leurs aînés et s’enorgueillissent de leur principe moraux ou esthétiques. Le “compromis”, chez ces adolescents, comprend des processus essentiels pour la vie comme, par exemple, la collaboration entre les pulsions, la fusion de tendances opposées, l’atténuation des forces du Ça par médiation du Moi. Un adolescent que j’ai observé en analyse faisait tout son possible dans la poursuite de son but inaccessible pour empêcher la moindre interférence entre son esprit et son corps, entre son activité et sa passivité, ses amours et ses haines, ses réalités et ses fantasmes, les exigences de l’extérieur et les siennes propres issues de l’intérieur, en bref entre son Moi et son Ça.

Pendant le traitement, cette défense s’est manifestée sous forme d’une forte résistance à toute “cure”. La simple idée en était méprisée, malgré une souffrance intense. Il comprenait parfaitement que la santé mentale repose en dernier ressort sur quelque chose d’harmonieux, c’est-à-dire précisément sur ces formations de compromis qu’il essayait d’éviter.

III : Le concept de normalité pendant l’adolescence

Quand il s’agit d’adolescence, il semble plus facile de décrire ses manifestations pathologiques que les processus normaux. Cependant, l’exposé qui précède contient au moins deux propositions qui peuvent se révéler utiles pour ce concept : 1. l’adolescence est en soi une interruption d’une croissance paisible ; 2. la prolongation d’un équilibre stable pendant le processus de l’adolescence est en elle-même anormale.

Si nous admettons que, pour l’adolescence, une dysharmonie à l’intérieur des structures psychiques est une donnée fondamentale, les choses deviennent plus claires. Nous commençons à considérer que ces combats terribles entre le Ça et le Moi sont des tentatives constructives pour restaurer la paix et l’harmonie. Les méthodes de défense employées contre les pulsions ou contre l’investissement d’objet commencent à sembler légitimes et normales. Si les résultats sont pathologiques, ce n’est pas parce qu’elles sont, par essence, mauvaises mais parce qu’elles sont employées abusivement, avec exagération ou, au contraire, de façon isolée. En réalité, chacun des types de développement anormal d’adolescent représente, tel qu’il est décrit plus haut, un mode possible de retour de l’équilibre mental, processus normal s’il est combiné à d’autres défenses et utilisé avec modération.

Pour mieux expliquer cette affirmation, j’admets qu’il est normal pour un adolescent d’avoir pendant très longtemps un comportement incohérent et imprévisible, de combattre ses pulsions et de les accepter, de les maintenir à distance et d’être débordé par elles, d’aimer ses parents et de les haïr, de se révolter contre eux et de dépendre d’eux, d’être profondément honteux de sa mère devant d’autres et, de façon inattendue, de désirer lui parler à cœur ouvert ; de se complaire à imiter les autres et à s’identifier à eux et, pourtant, d’être en quête incessante de sa propre identité ; d’être plus idéaliste, artiste, généreux et désintéressé qu’il ne le sera jamais, mais aussi le contraire : centré sur lui-même, égoïste, calculateur. De telles fluctuations entre les opposés extrêmes paraîtraient tout à fait anormales à tout autre moment de la vie. A cette période, elles peuvent simplement vouloir dire qu’une structure de personnalité adulte prend beaucoup de temps à se former. Le Moi de l’individu en question ne cesse pas d’expérimenter et n’a aucune hâte à limiter ses possibilités. Si ces solutions temporaires passent pour anormales aux yeux de l’observateur, elles le sont cependant moins que des décisions hâtives, prises dans d’autres cas pour méconnaître une partie de soi-même, ou que des conduites de révolte, de fugue, de retrait exprimant régression ou ascétisme et qui sont, elles, responsables des vrais développements pathologiques que nous avons décrits.

Tant qu’un adolescent a un comportement incohérent et imprévisible, il peut souffrir mais il ne me semble pas avoir besoin de traitement. Je pense qu’il faut lui laisser le temps et la liberté de trouver lui-même son chemin. Ce sont plutôt les parents qui ont besoin d’aide et de conseils pour pouvoir le supporter. Il y a peu de situations dans la vie qui soient aussi difficiles à affronter que celle d’un adolescent, fille ou garçon, qui tente de s’affranchir.

NOTES

42 Protracted. (N.d.T.).

43 Voir chap. 11 et 12 dans Le Moi et les mécanismes de défense (A. Freud, 1936).

44 Mental breakdown. (N.d.T.)

45 Il peut être utile de rappeler à ce propos au lecteur que nos connaissances des processus mentaux de l’enfance sont tirées de reconstructions au cours d’analyses d’adultes et n’ont été que confirmées et étendues ultérieurement par des analyses et des observations faites pendant l’enfance.

46 L’adolescence n’est pas, bien sûr, le seul moment de la vie où les modifications physiologiques perturbent l’équilibre psychique. La même chose se produit plus tard, lors de la ménopause ; et, récemment, Grete L. Bibring (1959) a donné une description convaincante d’un trouble similaire affectant l’équilibre mental pendant la grossesse.

47 On peut en trouver une illustration dans une entité clinique importante : l’anorexie mentale de la jeune fille. Dans ces cas, les fantasmes infantiles de fécondation orale sont ravivés par la potentialité nouvelle de maternité due à la maturation génitale. Par conséquent, les procédés phobiques adoptés pour éviter l’ingestion de nourriture, d’une part, et l’identification à la mère, d’autre part, sont accentués à un tel point qu’ils peuvent entraîner l’inanition.

48 Il y a de nombreuses années que Ferenczi a attiré l’attention sur cet effet de “désobéissance compulsive”.

49 Voir Federn (1952) et après lui Freeman et al. (1958).

50 Voir à ce propos M. Katan (1950).

51 Emotional surrender.

52 Borderline of psychotic illness.

53 Uncompromising.

54 Titre original : On Adolescence. Paru dans : Psychoanalytic Study of the Child, 1960, 15-95-103. Traduction française : Maja Perret-Catipovic et François Ladame.

55 Titre original : The Second Individuation Process of Adolescence. Paru dans : Psychoanalytic Study of the Child, 1967, 22, 162-186. Traduction française : François Ladame et Maja Perret-Catipovic.

56 Un exemple comme un autre serait le mode d’habillement ostensiblement simple et confortable adopté par une partie des jeunes Germains éduqués au cours de la seconde moitié du 18e siècle en réaction au raffinement vestimentaire des jeunes Français. Non seulement ont-ils ôté tous les rubans délicats qui ornaient leurs chemises mais ils ont donné libre cours à une émotionnalité exubérante entre mâles (larmes, embrassades) et ils ont laissé leurs cheveux flotter librement au vent. Un certain rousseauisme, de même qu’une réaction vis-à-vis des aspects factices de l’establishment sont perceptibles chez ces jeunes gens, qui ont pu créer un style propre, non conventionnel et naturel, et servir ainsi de ferment politique pour leur époque.

57 Il peut paraître à première vue contradictoire de parler d’appauvrissement du Moi lorsque la libido objectale est défléchie sur soi. Toutefois, un Moi sain ne supporte ni aisément, ni pour une période prolongée d’être coupé de relations objectales. L’influx de libido narcissique dans le soi ne peut être syntone que chez les adolescents psychotiques pour qui le monde réel est ennuyeux et incolore. L’adolescent “normal” éprouve un sentiment d’irréalité effrayante lorsqu’il se trouve dans un état d’isolement narcissique par rapport au monde des objets. Et la masturbation ne peut jamais constituer une forme définitive de gratification parce qu’elle finit par affaiblir l’estime de soi.

59 Que les auteurs des écrits dont j’ai fait ma prébende veuillent bien me pardonner de ne pas les citer. Eux-mêmes, comme le lecteur, reconnaîtront ce que je leur dois et ce très bref travail ne me permet pas de rendre justice à chacun.

58 Paru dans : Revue Française de Psychanalyse, 1980, 44, 523-530. PUF.

60 C’est à dessein que je ne m’attarde pas ici à la délinquance proprement dite ni à la toxicomanie – aspects précis de certains de ces passages à l’acte – pas plus que je ne m’y arrêterai plus loin dans la référence aux issues pathologiques de la crise car je ne pense pas que ces aspects méritent un travail spécifique.

61 Titre original : The Central Masturbation Fantasy, the Final Sexual Organization and Adolescence. Paru dans : Psychoanalytic Study of the Child, 1976, 31, 297-316. Traduction française : François Ladame et Maja Perret-Catipovic.

62 Aujourd’hui Anna Freud Centre (NdT).

63 Manière vient du latin manuarius, de la main, en main, soit le plus spécifiquement du sujet, sa capacité, sa façon propre de mettre la main à la pâte du monde et de l’objet.

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