Freud de «tous les chemins mènent à Rome»
Roseline Bonnellier
«Andrea, à voix haute: Malheureux le pays qui n’a pas de héros!
[…] Galilée: Non. Malheureux le pays qui a besoin de héros.»
Bertolt Brecht, Vie de Galilée1
Qu’est-ce qu’un «intellectuel» ? Le terme devient usuel surtout à partir du vingtième siècle. Il est particulièrement marqué en France.
Freud était-il un «intellectuel» ? Assurément oui. Mais à ne pas confondre hâtivement avec l’intellectuel français «sans le savoir» de notre Monsieur Jourdain national. Un intellectuel français en effet ne rôde-t-il pas aussi dans les antichambres de psychanalystes d’après le «retour à Freud» (J. Lacan, «Discours de Rome», 1953) sous le truchement du «sujet supposé savoir»?
Il n’empêche. Retour «français» ou retour plus «allemand» à Freud, il s’agit toujours, contre vents et marées, du «destin» de la psychanalyse évoqué par Freud en 1926 dans La question de l’analyse profane.
Quand «tous les chemins mènent à Rome»
Longtemps avant de parvenir à réaliser son souhait dans la vie éveillée, Freud dut remplacer sa «désirance (Sehnsucht) de Rome» par des rêves2.
Rêve(s) de Rome
Cette désirance pour la Ville éternelle génère une série de «rêves de Rome» rapportés au chapitre V de L’interprétation du rêve sur «Le matériel du rêve et les sources du rêve», pour l’analyse desquels «la trace des expériences de l’enfance» insiste le plus fortement dans le «contenu de rêve latent».
Une note en bas de page au sujet de l’inhibition qui le retenait de se rendre à Rome, considérée comme «à éviter» ne fût-ce que pour des raisons de santé, alors qu’une occasion favorable se présentait d’y séjourner, permet à Freud de confesser plus tard qu’il n’était pourtant besoin que «d’un peu de courage» pour accomplir ce souhait tenu longtemps pour inaccessible. Et Freud d’ajouter que par la suite il est devenu «un pèlerin assidu de Rome».
Les rêves de Rome ont été préparés dans l’enfance d’un Freud «prédestiné» à devenir «un grand homme»: ainsi par les prédictions de la vieille paysanne qui «avait prophétisé à la mère heureuse de son premier-né qu’elle avait fait cadeau au monde d’un grand homme », puis lorsque le jeune garçon de onze ou douze ans que ses parents avaient emmené dans une auberge du Prater, où un «poète» de fête foraine, moyennant rétribution, lui avait prédit qu’il deviendrait «ministre» à l’époque du «ministère bourgeois», lequel dura de fin 1867 jusqu’en avril 1870 dans la «double monarchie» de l’Autriche-Hongrie. Or, la carrière ministérielle était fermée au médecin que Freud finalement décida de devenir, après un désir passager d’étudier le droit. Mais qu’importe puisque «tous les chemins mènent à Rome»!
Les rêves de Rome font intervenir également la judéité de Freud qui renvoie, sur ce thème entremêlé, au rêve de «l’oncle à la barbe jaune». C’est aussi entre dix et douze ans que le jeune Freud ressentit l’expérience malheureuse de l’humiliation de son père dans le récit que lui en fit celui-ci au cours d’une promenade avec l’enfant: jeune homme, le père de Freud, fier de ses beaux habits et de son bonnet de fourrure tout neuf, un samedi où il était allé se promener dans la ville natale de Sigismund, avait été apostrophé par un chrétien qui avait envoyé voler d’un coup son bonnet dans la boue en criant: Juif, descends du trottoir. Jacob Freud répondit «placidement» à la question du jeune garçon «qu’as-tu fait?» qu’il était alors passé sur la chaussée et avait ramassé le bonnet. Freud commente dans la Traumdeutung: «Cela ne me parut pas héroïque de la part de l’homme grand et fort qui menait par la main le petit bonhomme que j’étais».
Sans rentrer dans le détail de l’interprétation par Freud de ses rêves de Rome dans lesquels il a bien des difficultés à arriver jamais au but, le quatrième rêve se déroulant plutôt à Prague, lieu de séjour plus confortable pour «des promeneurs allemands», abrégeons en signalant que Freud est ramené dans l’analyse des sources infantiles de ce type de rêve à se souvenir du «héros favori» de ses années de lycée, Hannibal, grand stratège en lutte contre Rome que le travail de rêve n’est pas sans associer entre autres à cet autre grand stratège que fut Napoléon. Hamilcar Barca, le père d’Hannibal, avait fait jurer à son petit garçon sur l’autel domestique qu’il devrait prendre vengeance des Romains. Freud raconte comment, plus tard, dans les classes supérieures, il avait commencé adolescent de comprendre «les conséquences qu’entraînait le fait de descendre d’une race étrangère», tandis que «les motions antisémites» parmi ses camarades «demandaient que l’on prît position»: «Hannibal et Rome» symbolisèrent dès lors «l’opposition entre la ténacité du judaïsme et l’esprit d’organisation de l’Église catholique».
Un intellectuel juif de culture allemande à Vienne
Freud, intellectuel «juif de culture allemande» à Vienne en Autriche, appartient par Bildung à une certaine «catégorie sociale» qui renverrait au plus large Bildungsbürgertum, la «moyenne bourgeoisie cultivée», telle qu’elle s’opposerait en Allemagne à «la bourgeoisie entreprenante dans le domaine économique»3.
La «situation de « libre flottement », de « déracinement », ce statut d’être « sans attaches » qui caractérise l’intellectuel en général vaut d’autant plus pour l’intellectuel juif au XXe siècle, souvent nomade, exilé, réduit à une situation marginale, instable ou précaire», écrit Michaël Löwy en précisant que «le concept d’ « intellectuel juif » implique en lui-même une dimension comparative, puisque la situation des communautés juives et les courants culturels et politiques qui les traversent sont assez différents selon les pays ou les aires géographiques où ils se trouvent». Cependant, avant Auschwitz, écrit encore Michaël Löwy dans cet article de synthèse sur «Les intellectuels juifs», les intellectuels juifs d’Europe centrale «forment un ensemble assez homogène et une unité qui est celle de la culture allemande»4.
Et sans pouvoir non plus entrer à présent dans la complexité critique vis-à-vis de la religion chrétienne qu’introduit la judéité de Freud, il faut donc considérer celui-ci plutôt comme un Gelehrte(r), une personne «instruite» dans le genre «élargi» des philosophes et poètes (Dichter) du «temps de Goethe» correspondant au concept linguistique et culturel de «l’Allemagne» de l’époque «classique».
Le dénivelé historique entre la France et l’Allemagne est considérable. Par libre association d’idée, il peut faire presque penser géographiquement à la faille géologique qui sépara les Vosges et la Forêt Noire pour donner naissance au fossé d’effondrement de la plaine d’Alsace: une Alsace tantôt allemande, tantôt française dans l’histoire, d’un côté ou de l’autre de la frontière conflictuelle au cours des siècles entre les deux peuples voisins. À la différence de «l’Allemagne», le concept de «nation» française est territorial déjà depuis des siècles et se concentre autour du «domaine royal» absorbant progressivement ses marges pour devenir le «Royaume de France» (Frankreich). Dans une large mesure, c’est aussi Napoléon à Austerlitz (1805) qui prépare l’unité allemande, laquelle aura lieu plus tard sous l’égide de la Prusse: Napoléon met fin au Saint Empire Romain Germanique que l’Empereur souhaite remplacer par son propre empire «français» parti en guerre à la conquête de l’Europe.
Il faut se rappeler que l’Empereur des Français est parvenu au pouvoir en tant qu’«héritier» de la Révolution française. La Révolution «factuelle» de 1789 en France, qui procède par «voie de fait », décapite Louis XVI. Ainsi que toute « révolution », celle de 1789 peut valoir en partie comme «formation réactionnelle» contre un «Ancien Régime» que les historiens aujourd’hui inscrivent déjà dans «les temps modernes». N’en est pas absent le «retour du refoulé» de sanglantes guerres de religions, refoulées par les Lumières dans un passé obscur. Les guerres de religion renvoyèrent d’ailleurs un certain nombre de protestants en Allemagne et dans des pays limitrophes plus accueillants où la religion chrétienne avait été «réformée».
Ainsi, nos «Lumières» ne seraient-elles pas aussi «françaises» qu’on peut le penser avec un Jean-Jacques Rousseau né en Suisse du fait de l’origine protestante de sa famille, et dont «le mythe transcendantal de la nature» se «postféra»5 après coup (nachträglich), par «transfert interculturel»6 entre «la France» et «l’Allemagne», jusqu’à se reporter sur le «sujet transcendantal de la science» dans la philosophie de Kant (d’origine piétiste7).
Il convient également de mentionner qu’avant d’être sauvé par des «modernes» romantiques, les frères Schlegel, le livre De l’Allemagne de Madame de Staël, fille de Necker (d’origine suisse), fut interdit sous Napoléon qui condamna son auteur à l’exil en Europe.
La «révolution romantique» en Allemagne vient à la suite de l’Aufklärung, et sa «réponse» par le repli sur une «subjectivité» peuplée de forces irrationnelles «obscures», est en partie aussi une «formation réactionnelle» à l’adresse de «la révolution copernicienne» opérée par Kant dans la Critique de la raison pure où le philosophe pose fondamentalement la question métaphysique de l’Occident chrétien. Les «modernes» romantiques tendent à se retourner vers le catholicisme.
Narcissisme des «petites différences»: Qu’est-ce qu’un «intellectuel français» ?
L’ «intellectuel français», comparativement à des intellectuels d’autres pays, serait une «singularité française»8 née du célèbre «J’accuse…» d’Émile Zola le 13 janvier 1898 dans L’Aurore: depuis l’affaire Dreyfus en effet, «l’intellectuel français est devenu l’un des hérauts de la geste républicaine française». Et Marie-Christine Granjon que je viens de citer de poursuivre son analyse de ladite singularité française: «Dans le sillage de l’Affaire et tout au long du XXe siècle, les intellectuels ne vont pas cesser de s’engager pour ou contre de multiples causes (Front populaire, guerre d’Espagne, fascisme, communisme, indépendance de l’Algérie, etc.)». Une «historiographie autojustificative, à caractère souvent polémique» s’ensuit: «la défense de l’universel, l’abus d’autorité, la fonction critique, l’affirmation d’autonomie. Les intellectuels français n’ont pas cessé de se croire défenseurs d’idées ou de valeurs universelles […]»9.
J’ajouterais à part moi que les psychanalystes d’un «retour à Freud» – dont un Jean Laplanche observe sous la litote non dénuée d’ambiguïté du conférencier qu’«il n’est pas tout à fait faux de dire que c’est un retour français»10 – ne sont pas exempts de cette forme atténuée de «prosélytisme» souterrain et «résistant», qui tente de se dérober à l’analyse du retour de son refoulé historique. Il côtoie par la bande celui du passé catholique de «la fille aînée de l’Église» dans le contexte d’une déchristianisation à laquelle nous n’avons pas fini d’assister sous couvert de l’idée française de laïcité.
Au risque de m’exposer à la «Censure» un peu de tous les côtés, je dirais qu’il existe en réalité, et par «transcendance du transfert»11 au sein de notre culture, un lien historique profond entre le christianisme et la psychanalyse, notamment dans l’application clinique de cette nouvelle «science» à la «cure» de patients dans le cadre «œdipien» des névroses dites «de transfert». Sous Lacan et dans le contexte intellectuel des années 1960 et suivantes, la psychanalyse est devenue bon gré mal gré avant tout d’expression française. Nous sommes toutes et tous, analysants et analystes, peu ou prou des «héritiers» du «retour à Freud» en France, y compris, si j’ose dire, les «malgré nous», critiques de Lacan12. Et c’est, du reste, tout à l’honneur de l’appel «en masse» lacanien du «Discours de Rome» à un tel «retour» que le «destin» de la psychanalyse doit en passer par cet «après-coup» français, qui cherche après la princesse Marie Bonaparte à «sauver» Freud dans l’histoire.
Mais «le transfert interculturel» que représente le «retour à Freud» est loin d’avoir fini d’être analysé. L’analyse en aurait même à peine commencé en France du côté «allemand» d’un Freud dans «la» / notre culture née en Europe. Donc bien avant Auschwitz, et avant 1871 où l’Allemagne commence d’être reconnue d’après le concept «territorial» identitaire d’une «nation» au travail en France depuis déjà des siècles: témoin, notre héroïne nationale Jeanne D’Arc guidée par «ses voix», qui la mettent au service de son Roi, avant que «La pucelle d’Orléans», pour parler avec Schiller, soit brûlée comme sorcière, lorsqu’on n’aura plus besoin d’elle!
Du roman familial poético-religieux «œdipien» de Freud, «intellectuel» héroïque
L’histoire est longue d’un retour plus «allemand» à Freud qui passe par «l’Allemagne» des Dichter. En tant qu’«écrivain», Freud est en effet un héritier du Dichter de «l’époque classique» en Allemagne. Cette première acmé de la littérature [de langue] allemande, le «temps de Goethe», est tardif en Europe. La seconde acmé ou «l’après-coup» a lieu un siècle plus tard dans le Mitteleuropa et se concentre davantage autour de son foyer culturel viennois « fin de siècle » dix-neuvième.
Le Knabe (un «garçon») du classico-romantisme allemand
Avant, le classico-romantisme allemand du «temps de Goethe» arrive un siècle plus tard que le classicisme français du siècle de Louis XIV. En Allemagne de son concept linguistique et culturel, telle que Germaine de Staël dans De l’Allemagne en décrit les paysages, le classicisme de Goethe et Schiller assagis et réunis à Weimar après leur «jeune» période des «génies» du Sturm und Drang, de même que l’idéalisme des «philosophes», confondus à juste titre avec les Dichter ou «poètes» dans la conscience populaire, les deux s’enracinent dans le protestantisme. Les pasteurs étaient les gens «instruits», connaisseurs des langues anciennes et disposant de bibliothèques. Or les pasteurs se marient et ont des enfants. Le fils du pasteur devient vicaire dans une cure où il épousera la fille du pasteur.
Tel est avant la lettre le schéma du futur roman familial «moderne» dans la théorie œdipienne de Freud, roman familial personnel du «père» de la psychanalyse compris, tel qu’il l’applique «narcissiquement» ou «comparativement» – en «psychanalyse appliquée» – à l’analyse de la Gradiva de Jensen: Martha et Minna Bernays habitent elles aussi «à l’enseigne du Soleil» du fait qu’elles sont les nièces de Jacob Bernays, le premier philologue «juif» à occuper une place importante et reconnue dans l’Université allemande.
Goethe, quant à lui, était fils de la grande bourgeoisie francfortoise «seulement». Le chercheur en «science de la littérature» (Literaturwissenschaft du nom de la discipline universitaire), Heinz Schlaffer auquel je me réfère13 maintenant, débusque dans un poème de Goethe à quel point le modèle du Knabe, «l’enfant» (du genre/sexe masculin qu’il s’agit «d’identifier» en l’idéalisant) reste dans «l’Idéal-du-moi» du grand Dichter, le «fils du pasteur» de l’idylle.
Le Knabe de la langue écrite (administrative et littéraire) est un mythe qui va faire «couple» avec celui du Jüngling «romantique», le «jeune homme» demeuré l’adolescent éternel ou l’homme «sans âge» qui échappe au temps, «rajeuni» dans Faust à son passage obligé par la «cuisine de Sorcière», la Phantasie alliée au «démon de midi» de l’homme Goethe jusque dans le grand âge de celui-ci. Et c’est bien pour cette raison que le jeune Goethe dans sa période non encore «maîtrisée» du Sturm und Drang tombe amoureux de l’inoubliable Friederike Brion, «la fille du pasteur» alsacien de Sesenheim, un «tendron» ou junges Blut («jeune sang»).
Éléments de construction dans l’analyse pour une histoire des «genres» en Occident
La « jeune fille » séduite et abandonnée, muse principale du premier Faust dont le sujet véritable est «la tragédie de Marguerite», l’Iphigénie chrétienne qui rachètera par son amour sacrificiel l’âme de Faust, est le type même du Mädchen allemand, le Gretchen, demeuré du point de vue du statut de «la femme» la «servante» (Magd) du «mythe» dont «l’homme» est le héros.
L’idéal néo-humaniste goethéen confond «naturellement», et Freud n’y changera presque rien en introduisant l’Idéal-du-moi avec son concept du narcissisme, le «sexe» masculin et le «genre» humain que l’homme doit représenter en refoulant l’autre sexe: et c’est la fonction même reconduite depuis l’Antiquité de ce «mythe» du héros. «Rêve d’une ombre, l’homme», Lacan citera Pindare14. Chez Goethe devenu «classique», le mythe dont l’homme est le héros, qui a pris le pouvoir de sa représentation d’un genre humain dans l’ensemble et pour ainsi dire «total» depuis les anciens Grecs, se muera en Bildungsroman dans Wilhelm Meister et dans Faust II: le héros médiéval sur le modèle du chevalier chrétien réconcilié avec l’idéal grec «humaniste» retrouve les mystérieuses «Mères» grecques «classiques» par lesquelles en point d’orgue final le voile de «l’éternel féminin», la beauté d’Hélène, la nouvelle épousée après Marguerite sacrifiée, recouvrira de sa métaphore le mythe de l’Homme «éternel» de l’idéal «classique».
Dans le christianisme moyenâgeux au fondement de la culture occidentale, d’avant sa «sécularisation» par la Raison «éclairée» du XVIIIe siècle, la «femme» qui est «la mère» reproductrice du «Fils de l’Homme» est «la Servante du Seigneur» d’après son modèle dans le monde féodal. Le genre neutre das Mädchen, «la (petite / jeune) fille», en vient: ce n’est qu’une formation grammaticale secondaire de diminutif sur die Magd, «la servante», soit au Moyen-âge allemand la «jeune fille» ou «pucelle» au service de «la dame», épouse du seigneur. La «Sainte Magd » est donc la «Sainte Vierge» Marie d’un «Idéal» phallique «divin» projeté dans les cieux.
Der Knabe est le nom que Freud emploie pour écrire la théorie du complexe d’Œdipe du «garçon». Dans la vie courante, le terme habituel pour désigner un jeune garçon est der Junge: le genre masculin doit faire la différence du «petit d’homme» de sexe masculin et du «petit de l’animal» du genre grammatical neutre, das Junge – l’adjectif jung veut dire «jeune». L’enfant au Moyen-âge ne jouit pas du même «pouvoir» que lui a donné le narcissisme parental de «His» [je souligne le masculin. R.B.] Majesty the Baby dans nos sociétés plus démocratiques où l’enfant «roi» remplacerait le «Roi» d’Ancien Régime en France suivant une loi salique qui n’est tout de même pas de mise dans la monarchie constitutionnelle de Sa Majesté Britannique à laquelle Freud fait allusion (dans Pour introduire le narcissisme).
Dans le monde féodal, le Knabe ou jeune garçon, à l’instar de la Magd ou «jeune fille» au service de la dame, a le statut du «valet» au service du seigneur: il existe une réelle «parité» des genres masculin et féminin à ce niveau du «service». Le statut ancillaire du Mädchen, ne va plus guère évoluer «dans le Symbolique » ensuite sous les multiples avatars progressistes par lesquels les femmes tentent de rentrer dans l’histoire pour accéder aux «Droits de l’Homme». Par contre, «le valet» (celui du «jeu de cartes») va faire un bond historique prodigieux, celui de la dialectique maître esclave théorisée par Hegel, avec l’ascension socio-économique de la classe bourgeoise. L’ancien «sujet» du «roi» (d’Ancien Régime en France), ou de «l’Empereur»15 et des « princes » (dans les pays allemands), devient le citoyen [Bürger en allemand, qui signifie «bourgeois»]. Puis, au vingtième siècle en psychanalyse devenue française par «retour» lacanien à l’Œdipe freudien déterminant sa «structure», le bourgeois en train de se faire oublier en même temps que «la lutte des classes», devient– Hegel, via Marx, étant passé par là – le «sujet» [barré/castré(e)] d’un certain «inconscient structuré comme un langage». Notre «sujet» au fond très «œdipien» dont Lacan a renforcé la dimension paternelle phallo-centrée du modèle freudien, le «garçon» pour «l’enfant mythique de la psychanalyse» à la phase phallique, est aujourd’hui pratiquement «arrêté» à sa «père-version» uniforme en tous «genres» actuels, toutefois que domine sa «pensée unique» rendue politiquement correcte, autour de laquelle la terre tourne. Ce vieux «soleil» immobile et éternel, refoulé au niveau de l’Œdipe négatif ou inversé du garçon dans l’Idéal-du-moi, confond un soi-disant inconscient se voulant intemporel avec le narcissisme, processus indirect comme le rêve, apte à «suspendre le temps» (Goethe, Faust16) en Phantasie. Le coup de génie, par lequel Goethe reprend au sens figuré, sous la métaphore, l’argument d’Œdipe roi dans Faust, c’est que le nouveau héros, l’homme, à savoir son mythe, «tue le temps» en Phantasie: l’acte créateur a complètement déplacé dans la pensée le «meurtre du père».
Freud avec Napoléon et Goethe: «Le destin, c’est l’anatomie»
Une «rencontre au sommet» des «trois métiers impossibles» évoqués ailleurs par Freud a lieu à Erfurt en Allemagne au «temps de Goethe»: la politique y est représentée par Napoléon; l’éducation par le Dichter Goethe – un éducateur de son peuple, les «Allemands» ainsi nommés étymologiquement depuis la traduction de la Bible en allemand écrit moderne par Luther à l’adresse de «tous les hommes» (alle mannen); et «après coup» (nachträglich), un siècle plus tard, arrivera le premier écrivain de la psychanalyse Freud, un «intellectuel» de langue et de culture allemandes qui s’est «instruit» auprès de l’illustre écrivain précédent, rapporteur de son entretien avec l’Empereur des Français seize ans après l’événement.
La scène se joue donc en 1808 à Erfurt17, non loin de Weimar, le berceau du «classicisme» allemand. Napoléon converse avec Goethe sur le «théâtre» en désapprouvant les «pièces fatalistes», c’est-à-dire en allemand les «pièces du destin». Au détour de la conversation, il affirme de façon péremptoire: «Que signifie maintenant le destin ? C’est la politique qui est le destin».
Avant que n’advienne, le politique ayant été refoulé dans les dessous, le pastiche freudien «Le destin, c’est l’anatomie»18, il vaut la peine de s’étendre sur le contexte de cet énoncé napoléonien pour mieux éclairer la manœuvre de Freud, lecteur et grand admirateur de Goethe, un Freud rêvant lui aussi d’être un grand homme, un «conquérant» comme Hannibal, mais ce sera par les polders du «moi» de la deuxième topique à conquérir sur un «ça» qui n’est plus tout à fait de même facture que le refoulé « inconscient » de la première topique: le point de vue quantitatif de la pulsion, qui fait le plus difficulté, s’y déroberait davantage à l’analyse sous ce que Jean Laplanche critique comme un «fourvoiement biologisant» de la sexualité chez Freud destiné, ajouterais-je, à donner le change d’une certaine «substance» ou «nature» de contrebande au ça.
Je reviens à Goethe. La germaniste Jeanne Ancelet-Hustache, dont je redonne la traduction dans son Goethe, a écrit auparavant: «Si Goethe eut à souffrir, comme tous les Allemands, des guerres et de l’occupation napoléoniennes, il n’en fut pas moins plein d’admiration pour le « prodigieux » grand homme et son unicité « démonique »». Il fut reçu le 2 octobre 1808 à Erfurt19 par l’empereur. Resté discret sur cet entretien, il n’en consigna les détails qu’en 1824. En voici quelques extraits:
«L’Empereur est assis à une grande table ronde et déjeune. À sa droite, debout, un peu éloigné de la table, Talleyrand; assez près à sa gauche, Daru avec lequel il s’entretient des affaires de contribution.
L’Empereur me fait signe d’approcher. Je reste debout devant lui à une distance convenable. Après m’avoir regardé attentivement il dit: « Vous êtes un homme » [en français dans le texte]. Je m’incline.
Il me demande: « Quel âge avez-vous ? – Soixante ans. – Vous êtes bien conservé. Vous avez écrit des tragédies. »
[… Napoléon critique le Mahomet de Voltaire dont Goethe a fait une traduction, puis amène la conversation sur Werther, fait des remarques « tout à fait justes », selon Goethe, et désigne un passage en particulier qu’il ne trouve « pas naturel »…]
Je l’écoutai de bonne humeur et lui répondis avec un sourire amusé qu’à vrai dire, je ne savais pas si quelqu’un m’avait fait le même reproche, mais je le trouvais très justifié, et j’avouai que ce passage avait quelque chose de faux. Seulement, ajoutai-je, on pourrait peut-être pardonner à l’écrivain d’avoir employé un artifice qui n’était pas facile à découvrir, pour produire certains effets qu’il n’aurait pu atteindre par un moyen simple et naturel.
L’Empereur parut satisfait, revint au drame et fit des remarques très significatives, comme quelqu’un qui considère la scène tragique avec toute l’attention d’un juge criminel et qui, en même temps, a ressenti très profondément combien le théâtre français s’éloigne de la nature et de la vérité. Il en vint également aux pièces fatalistes qu’il désapprouva.
« Elles appartiennent, dit-il, à une époque moins éclairée. Que signifie maintenant le destin ? C’est la politique qui est le destin. »
[…]
L’Empereur se leva, vint à moi et par une sorte de manœuvre, me coupa des autres membres de la rangée dans laquelle je me trouvais. Alors qu’il leur tournait le dos et me parlait en baissant la voix, il me demanda si j’étais marié, si j’avais des enfants et d’autres choses personnelles auxquelles on s’intéresse ordinairement. […] Je lui répondis d’une manière naturelle. Il parut satisfait, il traduisait dans son langage, mais en termes un peu plus catégoriques que ceux que j’avais pu employer.
[… Goethe admire dans toute la conversation la variété des approbations de Napoléon, rarement immobile, faisant pensivement un signe de tête ou disant « Oui », ou « C’est bien » etc. …] Je ne dois pas non plus oublier de noter que, lorsqu’il avait fini de parler, il ajoutait ordinairement : « Qu’en dit M. Goet ? « [En français dans le texte]»20.
On voit comment pour Napoléon, s’autorisant d’être l’héritier des idées de la fin du XVIIIe siècle et de la Révolution, le «naturel» est aussi le «rationnel» et qu’à cette époque on se doit d’être «éclairé». C’est en même temps user d’une diplomatie assez directe pour s’entretenir avec un intellectuel allemand d’une grande notoriété sur un terrain acceptable, et l’entretien n’est pas en même temps précisément un échange de «lieux communs», il est encore politique de la part de Napoléon. Goethe, qui est premier ministre du duc de Saxe-Weimar, observe en écrivain et artiste. Il note. Le Dichter, ce nouveau héros de son peuple, est également un «intellectuel allemand» qui attend son heure.
Freud a retenu la leçon dans les détails, ou son subconscient de lecteur l’a retenue, et il n’a peut-être pas retenu seulement celle de Napoléon qu’il va citer opportunément en remplaçant lui-même politiquement «la politique» par «l’anatomie» qui reprend tout d’un «primat du phallus», pierre d’angle de sa théorie moniste de la libido et du «complexe d’Œdipe» ordonné autour du complexe de castration, soit d’un «dédoublement narcissique» de l’objet phallique identificatoire. Que Lacan rehaussera dans le structuralisme et en réinjectant la dialectique hégélienne dans le sujet cartésien et grammatical français pour dynamiser la temporalisation du sujet récupérateur au final de l’«objet» à «dévorer» dans le «complexe maternel» du «sujet»: derrière le grand Autre de Lacan, «l’identification primaire au père de la préhistoire personnelle» de Freud ne sert-elle pas, surtout au garçon, à faire l’économie dans l’analyse théorique du «complexe maternel» réduit à l’objet-chose «sein», auquel se substitue le complexe paternel de la «père-version» phallique dominante dans la culture? Le «meurtre du père» continue sa déclinaison «cannibale».
Goethe est toujours là, car le «désir» faustien des «non dupes errent» de Lacan, retraduit de Es irrt der Mensch, so lang’ er strebt21, «L’homme erre aussi longtemps qu’il a des aspirations (à quelque chose)», est une transposition énormément retravaillée, déplacée dans la «pensée du névrosé » d’un «meurtre du père» accompli par Œdipe roi. Ce que Goethe fait tuer en Phantasie à son héros, avec l’aide de la Sorcière qui est « la fantaisie » même c’est donc le temps. La traduction par Hölderlin de l’Œdipe d’Antigone sera beaucoup plus profonde, parce que Hölderlin sait qu’on ne tue pas le «père du temps» de l’adresse donnée à la «fille» dans l’Idéal-du-moi ; on ne tue pas le père du rapport hétérosexuel possible «par nature» qui précède dans le fantasme incestueux de la femme, donc aussi dans le complexe maternel de l’homme. La mère de Hölderlin est fille de pasteur, et son fils reçoit la mission d’être son héros. On peut penser que la superbe «culture générale» à la française de Lacan n’ignore pas tout à fait «le semblant» méphistophélique par lequel Goethe tente de donner à son insu le change à l’impossible «rapport sexuel» fantasmatique de l’homme avec le père dans la «père-version» obligée du «garçon». La filiation d’un «fils» par rapport à son père ne peut être qu’indirecte, en faisant un détour par l’identification narcissique de «genre» avec l’homme de même sexe qu’est le père.
Il reste qu’il est magnifique cet entretien entre le stratège Napoléon et le «créateur littéraire», le Dichter Goethe! Le plus retors est peut-être le «poète», qui travaille davantage avec son préconscient. Au regard de ce que manifeste de façon assez carrée l’homme «politique» encore au pouvoir en Europe à ce moment-là, nous accorderions à ce dernier plus de franchise dans le registre, si ce n’est de la vérité, en tous les cas de la Realität. Mais il se peut que Napoléon n’ait pas fini de s’instruire auprès de Goethe, en soit «poétiquement» plus ou moins conscient, d’où ces très savoureux «Qu’en dit M. Goet ?»
Roseline Bonnellier
Notes
1 Bertolt Brecht écrivit sa Vie de Galilée en 1938/1939 durant son exil au Danemark. La pièce fut représentée pour la première fois à Zurich en 1943.
2 Freud, S. (1900), L’interprétation du rêve, OCF.P IV, Paris, Quadrige/PUF, 2010, pp. 228-235.
3 Bock, H.-M. «Histoire et historiographie des intellectuels en Allemagne», dans Pour une histoire comparée des intellectuels, éd. M. Trebitsch et M.-C. Granjon, Publication de l’IHTP (CNRS) aux Éditions Complexe, coll. «Histoire du temps présent», 1998, p. 81.
4 Löwy, M., «Les intellectuels juifs» dans Pour une histoire comparée des intellectuels, Op. Cit., pp. 125-126. Le concept de «freischwebende Intelligenz» est élaboré par Alfred Weber et Karl Mannheim: il est loisible d’observer que M. Löwy après A. Weber et K. Mannheim traduit par «libre flottement» à l’instar de l’ancienne traduction française de «l’attention flottante» du psychanalyste dans le concept freudien de la freischwebende Aufmerksamkeit.
5 Par ce néologisme «traductif» de la «postférabilité» afin de préciser plus littéralement la traduction lacanienne de «l’après-coup» pour le concept émergent de la Nachträglichkeit formé sur le verbe composé allemand nachtragen, je propose de laisser mieux entendre, sur la base du verbe tragen, «porter» auquel correspondrait en français, langue romane, le verbe latin ferre, le croisement conceptuel de ce qui est «postférable» (nachträglich) dans le temps avec le «transfert» (Übertragung) à l’adresse donnée par l’autre (qui est «avant»). Cf. Bonnellier, R., (2012), «Surréel et romantisme dans la langue allemande», Topique, N° 119, pp. 87-100.
6 Cf. Espagne, M., (1994), «Sur les limites du comparatisme en histoire culturelle», Genèses, n° 17, septembre 1994, pp. 112-121. Michel Espagne introduit dans cet article la notion très riche de «transfert interculturel» par rapport au «comparatisme» qui a ses limites en histoire: «Les comparaisons donnent un résultat anhistorique, alors que les points de contacts entre les cultures sont impliqués dans un processus permanent», écrit l’historien.
7 Le piétisme est une forme accentuée du luthéranisme, et il n’est pas sans correspondre au «quiétisme» en France d’une Madame Guyon.
8 En 2013, il serait nécessaire toutefois de nuancer le propos que j’amène ici sur «l’intellectuel français» moins «en gloire» et peut-être aussi moins «actif» par son engagement aujourd’hui, le contexte de la «mondialisation» ayant changé la donne par rapport à l’ouvrage Pour une histoire comparée des intellectuels auquel je me réfère, qui date des années 1990.
9 Granjon, M.-C., «L’histoire des intellectuels : synthèse et perspectives», dans Pour une histoire comparée des intellectuels, Op. Cit., pp. 21-22.
10 Laplanche, J., (2006), Problématiques VI L’après-coup, Paris, PUF/Quadrige, p. 16.
11 J’emprunte cette notion à Jean Laplanche, (1987), dans ses Problématiques V Le baquet, sous-titré Transcendance du transfert.
12 Cf. Bonnellier, R., (2009), «Œdipe: l’éclipse. La théorie de la séduction généralisée de Jean Laplanche», Cliniques méditerranéennes 80, pp. 233-247.
13 Schlaffer, H., (2002), Die kurze Geschichte der deutschen Literatur, München, Wien, Hanser Verlag; tr. (M. Rocher-Jacquin et D. Rocher) La brève histoire de la littérature allemande, Paris, Éd. de la Maison des sciences de l’homme, 2004.
14 Cf. Lacan, J., (1960-1961), Le Séminaire livre VIII Le transfert, Paris, Seuil, p. 433.
15 Qu’on songe au seul titre du grand roman écrit en 1914, paru en 1918, de Heinrich Mann Der Untertan (littéralement : Le soumis) traduit en français par «Le sujet de l’Empereur» dans l’Allemagne de Guillaume II! Le sujet traité peut être rapproché de celui qu’aborde Jean-Paul Sartre dans sa nouvelle L’enfance d’un chef.
16 Goethe, Faust, „Studierzimmer“ I, v. 1700-1701: „Werd’ich zum Augenblicke sagen: / Verweile doch! Du bist so schön!“, «Si je dis à l’instant qui passe: / Arrête-toi, tu es si beau», dit Faust au Diable, ce dernier aura son âme.
17 Je reprends maintenant en l’adaptant un bref extrait de ma thèse autour de «L’entrevue d’Erfurt de la psychanalyse» comme je l’appelle. Cf. Bonnellier, R., 2007 (Paris XIII), «De Hölderlin et la question du père à la théorie de la séduction généralisée de Jean Laplanche: Avancée paradoxale de la traduction d’Œdipe en psychanalyse», pp. 271-273.
18 Freud paraphrase la phrase de Napoléon Die Politik ist das Schicksal dans «Du rabaissement généralisé de la vie amoureuse», OCF.P. XI, p. 140, et dans «La disparition du complexe d’Œdipe», OCF. P. XVII, p. 31, n. a. L’entretien de Goethe avec Napoléon à Erfurt le 2 octobre 1808 est rapporté par l’écrivain in: Goethe, Paralipomena zu den Annalen, Jubiläums-Ausgabe, t. XXX, p. 414 (note des OCF.P XVII, p. 31).
19 Napoléon était à Erfurt pour rencontrer le tsar Alexandre, après la guerre d’Espagne et au moment de la cinquième coalition formée par l’Autriche. Cette «entrevue d’Erfurt» eut lieu «devant un « parterre de rois » du 27 septembre au 14 octobre 1808» et «au milieu des fêtes, des parades militaires, dans une intimité apparente»: «Au fond l’entrevue d’Erfurt était un échec diplomatique pour Napoléon. Talleyrand en avait été pour partie l’artisan. Persuadé que la France avait intérêt à maintenir en Europe une Autriche forte et capable de faire contrepoids à la Russie, effrayé d’ailleurs par le caractère de plus en plus aventureux et chimérique de la politique napoléonienne, entrevoyant la catastrophe, l’habile homme ourdit une intrigue qui allait jusqu’à la trahison. Dans un entretien secret avec le tsar, il le supplia de « sauver l’Europe, en tenant tête à Napoléon ». « Il ne fallait pas de mesures inquiétantes pour l’Autriche ». Ce fut sur ce conseil qu’Alexandre refusa de « montrer les dents ».» [Malet-Isaac (Cours d’histoire), L’époque révolutionnaire (1789 – 1851) Classe de première, Paris, Classiques Hachette, 1950, pp. 314 et 316].
20 Ancelet-Hustache, J., Goethe, Paris, écrivains de toujours/seuil, 1955, pp. 141-143.
21 Goethe, Faust I, «Prologue dans le ciel», v. 317.
Roseline Bonnellier – Freud de «tous les chemins mènent à Rome»
Résumé: «Tous les chemins mènent à Rome » dans le rêve qui est «l’accomplissement d’un souhait». Le rêve de «Rome» de Freud engage le «destin» de la psychanalyse. La pulsion dévie de son but et l’enfant du complexe d’Œdipe, un «garçon», n’est pas sûr d’arriver au bout de l’acte que le penseur accomplira pour lui. L’Idéal-du-moi fait question là où le mythe de l’homme se confond avec le vêtement dont il recouvre Dieu afin d’y dérober le pouvoir politique de son illusion.
Mots-clés: Rêve – Héros – Christianisme – Allemagne – Intellectuel
Roseline Bonnellier – Freud of « all roads lead to Rome »
Abstract: “All roads lead to Rome” in the dream that “accomplishes a wish”. Freud’s dream of “Rome” engages the “destiny” of psychoanalysis. The driver deviates from its aim and the child of the Oedipus complex, a “boy”, isn’t sure to reach the end of the act that the thinker will accomplish for him. The ego ideal is problematic where the man confuses God with the clothing of its myth, in order to hide under it the political power of his illusion.
Key-words: Dream – Hero – Christianity – Germany – Intellectual
Qualités:
Roseline Bonnellier
Germaniste et Docteur en psychologie
Membre de l’Association Internationale Interactions de la Psychanalyse (A2IP)
Chargée d’enseignement à l’Université Paris VII – Diderot en « Études psychanalytiques »
[Plan de construction de l’article :
I. Quand «tous les chemins mènent à Rome»
1. Rêve(s) de Rome
2. Un intellectuel juif de culture allemande à Vienne
3. Narcissisme des «petites différences» : Qu’est-ce qu’un «intellectuel français» ?
II. Du roman familial poético-religieux «œdipien» de Freud, «intellectuel» héroïque
1. Le Knabe (un «garçon») du classico-romantisme allemand
2. Éléments de construction dans l’analyse pour une histoire des «genres» en Occident
3. Freud avec Napoléon et Goethe: «Le destin, c’est l’anatomie»]