Marie Bonaparte : « L’identification d’une fille à sa mère morte »

I. — L’HALLUCINATION A LA CIGOGNE.

Quand j’avais quatre ans, le surlendemain de notre retour de la mer à Paris, en septembre, je fus prise tout à coup, un matin au réveil, d’une violente hémoptysie. Le médecin diagnostiqua une « congestion pulmonaire ». Les poumons étaient si engorgés, mon état si grave que le médecin le déclara le soir : je ne passerais sûrement pas la nuit. La mère de mon père, qui m’élevait — ma mère étant morte de ma naissance — télégraphia à mon père, qui voyageait alors dans les Balkans, de revenir.

Mais je passai la nuit et me réveillai, le lendemain matin. Mon père, à son retour, retrouva son enfant unique, et il suffit de quelques mois dans le Midi pour définitivement me guérir.

Je ne me souviens pas du crachement de sang, bien que mes premiers souvenirs remontent plus haut que ma quatrième année. J’ignorai même, toute mon enfance, que j’eusse craché le sang. Ma grand-mère, et les femmes, déjà âgées, qui m’élevaient, ainsi que notre médecin aux idées surannées, m’entouraient de soins excessifs et absurdes, me privant d’air, de sorties l’hiver, m’interdisant de me laver même les mains à l’eau froide. « Vous savez bien, chuchotait-on, ce qui est arrivé. Pourvu que ce ne soit pas comme sa mère ! » Mais ce qui était arrivé, nul ne le disait, ni au dehors, de crainte qu’on ne me crût malade « de la poitrine », ni à moi, pour ne pas « m’effrayer ». Bien entendu, tout ce mystère entourant un sombre et vague événement qui écrasait ma vie, était justement fait pour m’épouvanter.

Je me souvenais cependant d’une chose, d’un événement féerique, extraordinaire. Un matin, quand j’étais très petite encore, je devais avoir environ quatre ans — un matin, en m’éveillant, couchée, dans mon petit lit, sur le dos, j’avais vu, sous les rideaux de mousseline blanche ombrageant mon lit. posé juste sur mon bas-ventre, un haut, grand et radieux oiseau, paré de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Il était dressé sur une seule de ses longues pattes et me regardait, la tête n peu de côté ; il avait un énorme bec, épais, long et pointu, il ressemblait à un héron, un ibis, un flamant, un marabout, une cigogne, une grue ? je n’aurais su le dire. J’ignorais, d’ailleurs, alors le nom de la plupart de ces oiseaux. Mais jamais je n’avais rien vu d’aussi beau que ce grand oiseau irisé de mille couleurs, cependant jamais rien, non plus, d’aussi terrible. La magnifique et effrayante vision s’était bientôt évanouie, j’avais passé ensuite toute la journée au fond de mon petit lit, dans le noir, les rideaux baissés, car j’étais alors très malade, et je me souviens des voix, des pas étouffés des grandes personnes, dans les autres chambres, qui me semblaient si lointains, si lointains, comme si j’avais alors été dans un autre monde.

C’est au sujet de cette vision du grand oiseau que j’appris le mot « hallucination ». J’avais, en effet, conté la chose, j’avais fort bien perçu, en voyant s’évanouir dans l’air, avec le plein réveil, les contours irisés de l’oiseau, qu’il n’était pas réel, et l’on me dit qu’une telle vision, qui ressemblait à un rêve, mais qu’on avait éveillée, s’appelait de ce mot étrange: « hallucination ».

Cependant le grand oiseau, messager, me semblait-il, d’un pays mystérieux et terrible, devait garder longtemps son secret.

Ce n’est que cette année que j’appris quel était son message, au cours de l’analyse que je poursuis, depuis deux ans, chez le Professeur Freud. Je donnerai, dans l’ordre où elles apparurent, les deux principales chaînes d’associations qui menèrent à déchiffrer l’énigme de l’oiseau.

I° L’oiseau était un grand échassier, posé sur une de ses pattes. J’avais été, la veille de mon hallucination, juste le lendemain de notre retour du bord de la mer, au Jardin d’Acclimatation. J’étais alors dans une période de défi têtu : en revenant de Dieppe, dans le train, on n’était pas parvenu, jusqu’à Paris, à me faire quitter la fenêtre ouverte du wagon, où j’aspirais le vent du soir et l’odeur du train avec une volupté sauvage. De même, le lendemain, au Jardin d’Acclimatation ; on ne parvenait pas à m’arracher de l’endroit où, clouée sur place d’admiration, j’observais, à travers les barreaux de leur grille, les grues cendrées ou huppées se livrant à leurs danses bizarres. On en avait conclu que j’avais « pris froid », et à la fenêtre du train et sur la terre froide du Jardin d’Acclimatation, d’où ma « congestion pulmonaire » et mon hémoptysie[1].

Au Jardin d’Acclimatation, il y avait aussi sans doute alors un marabout. Mais sûrement aussi, dans leurs cages, les flamants roses d’Égypte, dont la couleur me ravissait. J’aurais pu demeurer des heures à les contempler, l’une de leurs fines pattes plongeant dans l’eau de leur petit bassin, l’autre relevée sous leur aile, où leur tête et leur cou parfois aussi disparaissaient. Je croyais d’ailleurs alors qu’ils s’appelaient ibis. Mais la veille de ma maladie, c’étaient les grues qui m’avaient fascinée. J’ignorais d’ailleurs alors aussi jusqu’à leur nom, je les prenais, en ce temps-là, pour des sortes de cigognes, et ce n’est que bien plus tard, en revoyant leurs danses, que je les reconnus.

De cigognes, je n’en avais jamais vu de vraies, mais j’en avais entendu parler. C’était sans doute par mon institutrice, une Irlandaise mariée à un Allemand, entrée chez nous vers ce temps-là. Elle commençait à m’apprendre l’anglais et l’allemand, et me montrait et m’expliquait aussi des livres d’images. Dans l’un de ceux-ci, que j’avais alors peut-être même avant son entrée chez nous, il y avait sur la page droite une gravure en couleur que je vois encore devant moi. Elle représentait un village d’Alsace, avec, sur le haut d’une cheminée, au premier plan, une cigogne perchée sur une patte. Or l’on m’avait dit en me la montrant — mon institutrice ou d’autres avant elle — que les cigognes avaient cette mission extraordinaire d’apporter les enfants[2]. J’aurais tant voulu en voir, des cigognes sur les cheminées. Mais sur les cheminées des maisons de Paris, il n’y en avait jamais — il eût fallu aller jusqu’en Alsace — et j’en étais réduite à prendre pour des cigognes les grues du Jardin d’Acclimatation.

2° Le grand oiseau avait toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. C’est cela qui est le plus énigmatique. Les cigognes, en effet, n’ont pas le plumage irisé, pas plus qu’aucun des grands, échassiers auxquels j’aurais pu penser, grue, héron, marabout, ou même flamant rose. J’avais beau nommer alors le flamant ibis, ce qui ressemble à iris, je ne crois pas avoir connu à quatre ans ce nom mythologique de l’arc-en-ciel.

Je pense d’abord, à propos des irisations merveilleuses du grand oiseau, à l’arc-en-ciel lui-même, qui semble descendu du ciel, s’appuyer sur la terre, la pénétrer. J’aimais beaucoup, enfant, les cieux, les astres, les météores. Je pense ensuite, au sujet des irisations de l’oiseau, au rouget que regardaient, dit-on, les Romains du Bas-Empire, mourir, pour jouir, avant de le manger, de toutes les irisations par lesquelles il passe au cours de son agonie. Horrible et raffinée me semblait cette histoire. Mais ce n’est que plus tard que je la lus. A quatre ans, je l’ignorais encore.

Et tout à coup, je me souviens. Il y a quelque chose que j’avais sûrement déjà entendu conter lorsque j’avais quatre ans. C’était, bien entendu, que ma mère, cet être idéal de charme et de douceur qu’on me vantait et qui portait le même nom que moi : Marie, était morte pour m’avoir donné la vie. Ma mère morte, je l’avais même vue. Sur le tableau, la grande aquarelle accrochée par ma grand-mère dans le salon, et où ma mère apparaissait, couchée sur le dos sur son lit, en robe blanche comme une mariée, et pâle, pâle. Je pouvais voir ce tableau tous les jours. Ma mère était morte un mois après ma naissance, le soir du premier jour où elle s’était relevée, d’une « embolie », mot qu’il me semble avoir su de toujours. Elle avait eu à peine le temps de monter sur son lit et d’appeler mon père, en disant qu’elle se mourait. Tel était le résultat de devenir mère. Et tel était le résultat d’une autre cause encore. Ma mère avait connu mon père chez une dame russe qu’on me menait voir parfois ; elle était toujours couchée, parce qu’elle avait, disait-on, « un champignon dans la tête », elle me semblait très belle, dans son lit toujours orné de dentelles, et fumant sans cesse des cigarettes embaumées. Cette dame, paraît-il, — ma grand-mère le contait souvent — avait reçu en reconnaissance, du jeune couple, un cadeau. Mais comme on ne pouvait « donner » à cette dame de l’argent, ma mère et mon père lui avaient  » acheté » un de ses plus beaux bijoux russes, payé une centaine de mille francs. Ma grand-mère parlait souvent de ce bijou en ayant l’air de penser qu’il ne valait pas ce prix : une opale, cependant, disait-elle, grosse « comme un oeuf » et entourée de beaux diamants. Je n’avais jamais vu ce bijou, tous les bijoux de ma mère, dont j’avais hérité, devant rester enfermés, disait-on, jusqu’à ma majorité à la Banque, lieu mystérieux, lointain. Mais j’en avais entendu parler certes déjà dès mes quatre ans, quand on me menait chez la dame russe, ou bien quand ma grand-mère, qui possédait beaucoup de petits bijoux et me les montrait, y avait un jour trouvé une opale. La grande opale était revêtue pour moi d’une auréole magique, surtout parce que les femmes qui m’entouraient contaient à son sujet encore une autre histoire. Cette histoire ressemblait aux contes où sévit la mauvaise fée. L’opale, disait-on, était une pierre qui porte malheur. La grande opale, achetée lors de son mariage par ma mère, lui avait porté malheur : elle était morte dès son premier enfant. Pourtant, comme elle avait désiré être mère ! Mariée à vingt ans, elle avait dû attendre plus d’un an avant de savoir qu’elle le serait. Elle désespérait alors de le devenir jamais. Puis j’étais venue, et à vingt-deux ans, elle était morte. Il était curieux, cependant, qu’elle eût possédé cette énorme opale, disait ma grand-mère elle-même, s’il est tout à fait faux que les opales portent malheur. Voilà ce que j’avais déjà dû entendre dire dès ma quatrième année, car on en parlait souvent à la maison.

J’avais certes aussi entendu dire autre chose. Ma mère aurait été « faible de la poitrine », et crachait le sang. Ma grand-mère avait beau parfois ajouter ce que le médecin aurait affirmé, que « ça venait de la gorge », ma mère ayant eu des « granulations « , on n’en chuchotait pas moins. Ma mère crachait le sang, voilà ce que j’avais sûrement entendu dire avant mes quatre ans, ce sujet étant à l’ordre du jour chez nous, si tôt encore après la mort de ma mère.

L’hallucination du grand oiseau irisé commence à s’élucider. Ainsi, le grand oiseau est, d’une part, symbolisme général, la cigogne, l’oiseau phallique qui apporte les enfants, d’autre part — symbolisme à moi particulier — l’oiseau irisé dont les couleurs d’arc-en-ciel rappellent celles de l’opale, grosse comme un oeuf, qui porta malheur à ma mère. Je n’avais jamais vu cette opale, mais je l’ai dit plus haut, j’en avais sûrement vu d’autres, ma grand-mère ayant beaucoup de petits bijoux et, en me les montrant, un jour, elle avait dû me parler de la grande opale, à propos d’une autre plus petite, dont j’avais alors admiré les magiques reflets, avec attrait et terreur.

Mon père, veuf à vingt-quatre ans, ne s’était pas remarié — il ne devait jamais le faire —, il vivait avec sa mère, qui m’élevait. Inutile de dire que lorsque j’avais quatre ans, il. était mon unique et fol amour. Je le vois — plus ancien souvenir encore — dans son uniforme d’officier, grand et mince, et moi, petite enfant qui n’avais alors que trois ans —, car ensuite il quitta l’armée — entourant avec une amoureuse fureur de mes petits bras une de ses jambes revêtues du pantalon rouge. Je l’adorais; quand il partait en voyage, j’avais le coeur brisé et ne vivais que de l’attente de son retour. Et je sais aujourd’hui que si je suivais d’un regard aussi nostalgique, dans le Bois de Boulogne, les voitures des mariées qui allaient, comme il était souvent d’usage alors dans certaines classes sociales, faire leur repas de noces au restaurant de la Cascade, c’est que j’aurais voulu être à leur place, avec mon père, comme marié, à mon côté ! Tel est en effet le rêve classique des petites filles, qu’elles expriment souvent même ouvertement.

Je me souvenais même du jour anniversaire de mes quatre ans. Je me vois encore, seule, par un temps torride — je suis née le 2 juillet — dans la grande bibliothèque de mon père, dans notre maison du Cours la Reine, attendant la visite du « Baron Phylloxéra », un vieux valet de chambre de mon grand-père maternel, célèbre dans la famille pour l’illusion qu’il entretenait d’être l’inventeur incompris d’un remède souverain contre le phylloxéra qui ravageait alors les vignes. Il venait tous les ans m’apporter un bouquet blanc serré, comme on en faisait alors, dans une collerette en dentelle de papier, pareil à ceux que tenaient, dans leurs voitures vitrées, les mariées que j’enviais dans le Bois, se rendant à la Cascade. Ce bouquet blanc avait un parfum adorable ressemblant à celui de la fleur d’oranger, car Juillet est la saison des lys et des tubéreuses. Donc j’attendais, dans la grande bibliothèque vitrée et chaude de mon père, la visite et le bouquet du Baron Phylloxéra. Il venait toujours accompagné de sa fille, et j’enviais celle-ci de toujours ainsi accompagner seule son père, ce qui n’était jamais mon cas. Et dans la bibliothèque chaude, symbole de mon père, et de ses travaux dont j’étais peut-être jalouse parce qu’ils le tenaient écartés de moi, je me disais : « J’ai aujourd’hui quatre ans. Comme je suis vieille ! » Et le sentiment de mes années m’écrasait. C’est que sans doute ce sentiment était l’expression déguisée d’un désir : être assez vieille, assez grande, pour pouvoir enfin épouser mon père ; sous ce souvenir se cache toute l’envie que portent, dans l’impuissance de leurs violents désirs, les enfants aux grandes personnes.

Ainsi, à quatre ans, comme il est d’ailleurs de règle, j’étais en voie d’atteindre à l’apogée de mon complexe d’OEdipe. Mais j’étais une enfant dont le sort avait en partie réalisé les inconscients désirs. En effet, ma mère était morte, la place enviée, que d’autres petites filles trouvent occupée auprès du père aimé, pour moi était vide. Il y avait bien ma grand-mère, que je n’aimais pas, malgré ses grandes qualités, et parce qu’elle était dure, et — je le sais aujourd’hui — surtout parce que mon père, fils soumis et adorant, l’aimait trop. Mais enfin la vide, et je pouvais plus aisément peut-être qu’une autre petite fille rêver de l’occuper.

Mais l’identification à la mère rencontrait par contre une condition qui n’existe pas pour les autres petites filles, dont la mère est la rivale vivante : la mort. Or la mort, pour l’inconscient, nous le savons, n’existe pas ; le moi, en se développant, s’en fait seul une idée quelconque. La mort, pour l’inconscient, c’est le sommeil, le repos, ou un autre monde, ce n’est pas la mort même, dont le néant ne se saurait, par un vivant, pressentir. C’est ce qui permet à l’inconscient de se servir du motif de la mort, quand la réalité extérieure l’apporte, et de l’érotiser. La conception sadique du coït, si naturelle à l’enfant, qu’il ait observé le, coït des grandes personnes ou l’ait simplement pressenti de par une sorte de mémoire phylogénique, aide l’enfant à rapprocher les idées de l’amour et de la mort. Et ce rapprochement, si cher par ailleurs aux poètes, est conforme à la réalité biologique: la mort» chez beaucoup d’espèces animales, est la rançon de l’amour. Et chez tout ce qui vit, s’il n’était pas de mort, il ne saurait être d’amour.

Certes, de telles réflexions philosophiques ne hantaient point mon cerveau de quatre ans. Mais en revanche, des faits précis étayaient mon désir: être morte, pour moi, c’était l’identification à la mère, c’était être à la place de la femme de mon père, c’était, comme ma mère, de par lui — sorte d’étranges délices — mourir.

Or, voici que le sort m’apportait la réalisation de ce plus profond de mes désirs. Comme ma mère, voici qu’un matin, au réveil, « je crache le sang ». Alors, les pulsions profondes de l’inconscient créent le fantasme hallucinatoire : la cigogne m’apporte, comme elle avait fait à ma mère, enfin un enfant du père, je suis à mon tour sa femme, son aimée, et par lui mère. Et la cigogne est « opalisée », tout comme le furent pour ma mère et le mariage et la maternité, c’est-à-dire qu’elle apporte, avec l’enfant, fruit de l’amour, aussi le malheur, la mort.

Deux autres traits, entre autres, du grand oiseau, sont encore particulièrement révélateurs: il me regarde, la tête un peu de côté, et a un énorme bec, épais, long et pointu — tel un marabout. Or, mon père, qui était très myope, me regardait souvent ainsi de côté, par dessus son lorgnon. C’est son attitude de tête caractéristique qu’avait le grand oiseau irisé[3]. D’autre part, le grand bec long, épais et pointu ressemble à celui d’un marabout, oiseau dont j’ignorais alors certainement le nom, mais que j’avais dû voir au Jardin d’Acclimatation. Les marabouts ont l’air grave de savants studieux. Bien plus tard, mon mari, gentiment plaisantant, devait dire à nos enfants en passant avec eux devant la cage du marabout au Jardin d’Acclimatation : « Voilà Bon papa ». Car mon père était un « savant ». C’est à propos de lui, de sa vie laborieuse, que j’avais appris ce mot, qui me semblait un mot sacré, et que je ne proférais qu’avec vénération. Mais, par ailleurs, le grand bec de l’oiseau est un symbole phallique classique. A quatre ans, un enfant a d’ordinaire déjà perçu la différence des sexes, et il est justement curieux que, dans cette hallucination, chez le sujet, moi-même, comme chez l’objet projeté, le spectre de l’oiseau, l’accent soit justement porté sur l’érotique orale. Le déplacement général de bas en haut de la libido est évident : le grand oiseau a beau être posé et sur une seule patte, et sur mon bas-ventre, ce qui est frappant chez lui, c’est ce grand bec menaçant, tout comme ce qui est frappant chez moi est le crachement, par la bouche, du sang, la blessure orale. Seulement dans le souvenir-écran, dans le grand oiseau projeté hors de moi hallucinatoirement, ma mémoire a pour ainsi dire eu la permission de conserver la vision du bec imposant, tandis qu’en ce qui touche la blessure de mon propre corps, la vision trop effrayante de mon propre sang dans la cuvette a été refoulée, et ceci de façon définitive. On ne m’avait jamais parlé de mon hémoptysie pendant mon enfance, mais lorsque plus tard, à l’adolescence, on me révéla enfin comme un mystère terrible ce grand secret du crachement de sang de mes quatre ans, cette révélation elle-même fut incapable d’en réveiller en moi le moindre souvenir. Ce n’est même que par la suite que j’eus l’idée du lien pouvant unir mon hémoptysie au plus ancien et au plus grave souvenir de maladie de ma vie et à l’hallucination à la cigogne qui en faisait partie.

Le grand oiseau fut donc évoqué sous l’empire du plus profond de mes désirs: l’identification à ma mère, morte en me donnant le jour.

De là, les deux affects mêlés qui accompagnèrent l’hallucination : la terreur d’une part, d’autre part l’intense jouissance esthétique. La terreur appartenait au moi, effarouché par la violence de ses désirs, et sans doute par un sentiment de culpabilité venu de ce que j’avais « tué » ma mère, et que les représailles s’ensuivaient ; mais bien plus forte que la terreur était la jouissance esthétique de la beauté du grand oiseau irisé, jouissance qui fut la première grande impression esthétique de ma vie. C’était tellement beau, de voir mon plus profond désir réalisé, d’être enfin la femme du père aimé, de devenir de par lui mère, de voir la cigogne m’apporter comme à ma mère un enfant, que j’acceptais en échange à mon tour, d’un coeur comblé, la mort.

Cependant quelque chose d’essentiel manquait à ce bonheur. J’ai parlé plus haut des pas que j’écoutais si lointains, si lointains, aller et venir dans les autres chambres et les corridors, pendant que j’étais malade, au fond de l’obscurité de ma chambre. J’ai enfin compris cette année (1929) pourquoi ce souvenir est le seul qui soit demeuré, dans ma mémoire, en rapport direct avec ma maladie.

Le souvenir de ces pas lointains dans les autres chambres et les corridors est teinté pour moi d’une mélancolie intense. Être très malade et couchée dans une chambre obscure, tandis que d’autres vont et viennent à côté, m’apparaît encore comme la mélancolie, la nostalgie par excellence.

C’est qu’alors mon oreille enfantine n’était ainsi tendue vers les pas errants aux corridors que dans l’espoir d’y discerner un pas, un seul. Mais les lentes heures de la journée — peut-être pour moi les dernières — avaient beau s’écouler et la lueur du jour s’éteindre en haut des rideaux tirés, le pas lourd de mon père — mon père était toujours chaussé de bottes — ne retentissait pas.

Ma mère, elle, quand elle s’était sentie mourir, avait appeler  » Roland, je meurs ! » et mon père était accouru. Elle était morte en lui tenant la main. J’étais, moi, à mon tour, mourante, et mon père n’accourait pas !

Quand il revint des Balkans, rappelé par le télégramme de ma grand-mère, j’étais sauvée, et c’est pourquoi son retour me déçut, comme j’en ai le vague souvenir. Il revenait trop tard. L’inconscient ignore le temps et ne tient pas compte de la durée des trajets en chemin de fer, et quelque chose en moi ne pardonna jamais à mon père son absence à mon « lit de mort ».

II. — LA PHOBIE D’ANUBIS.

Cette vision du grand oiseau est restée le plus radieux souvenir de mon enfance. Pour quiconque ignore les lois de l’inconscient, que nous a révélées la psychanalyse, il semblera curieux que le plus beau souvenir de mes premières années soit justement celui qui recouvre — souvenir-écran — ce fait que, ce jour-là, je fus en danger de mort. Mais nous venons de voir que la mort signifiait pour mon imagination infantile autre chose que pour une pensée adulte et s’était simplement et humblement mise au service de mes ardents désirs d’amour, pour enfin les réaliser.

C’est même ainsi que l’élément le plus terrifiant de mon hallucination, l’ « opalisation » de la cigogne, en devint — par une sorte de négation, de retournement de l’affect — l’élément le plus fascinateur, le plus esthétique.

Plus tard, aux temps plus gris de la période de latence, le même amour du père et la même aspiration à m’identifier à ma mère morte perdirent leurs irisations primitives et prirent une plus sombre couleur.

Déjà, à San Rémo, où l’on m’avait emmenée pour ma convalescence, dès le début de l’année suivante, j’eus une autre vision, ou plutôt fantasme, qui n’avait plus même beauté. Un tremblement de terre, en effet, cette année-là, secoua tout le littoral. A cinq heures du matin, je fus réveillée dans mon petit lit par la première secousse, et en me réveillant, encore endormie, voici ce que je vis en pensée : un loup, un loup qui grimpait à une échelle appuyée à ma fenêtre, et qui secouait la maison[4]. J’appelai « au loup », on arrivait déjà pour me descendre dans le jardin, de crainte des écroulements de maisons, et là, je me vois encore, auprès des orangers dont j’aimais tant les beaux fruits vermeils, écoutant notre propriétaire conter à ma grand-mère comment le sol, au cours de tremblements de terre, parfois s’ouvrait, et qu’on disparaissait alors dans la fente, qui se refermait. Ainsi avait été enterrée vivante une femme. Alors je me mis à regarder la terre entre les petits cailloux de l’allée avec la terreur, presque l’attrait, de la catastrophe qui pourrait m’arriver.

Mais c’est bien plus tard, lorsque j’avais environ huit ans, que mes imaginations devinrent vraiment noires. Le loup avait bien continué à me hanter, à travers l’histoire du Petit Chaperon Rouge, où il dévore d’abord la grand-mère — cela ne m’eût sans doute pas beaucoup déplu, de voir dévorer ma dure grand-mère —, puis la petite fille. Mais le loup était un animal charmant, apprivoisé, auprès de la lugubre figure qui vint alors, vers huit ans, hanter mes nuits.

Mon père était libre-penseur, et aussi ma grand-mère. Ils défendaient à ma vieille bonne de me faire prier. Elle le faisait cependant, et je priais alors le soir, le coeur tremblant que ma grand-mère n’ouvrît là porte, comme d’autres enfants volent des confitures. C’était toujours ma mère que ma vieille bonne me faisait prier, ma « petite maman « .

Mon sens religieux trouvait encore ailleurs des aliments. J’adorais la mythologie, y pressentant mille concordances avec moi-même. Et un jour, en feuilletant un livre de mythologie égyptienne, vers huit ans, je découvris, sur une gravure, Anubis, le dieu sombre, à tête de chacal, « veilleur des morts » avec, sur une table de pierre, étendue devant lui, la momie. De cet instant, Anubis s’empara de mon imagination, et chaque soir, dès que je venais de m’étendre dans mon petit lit, sur le dos (dans la position de la momie), j’étais prise de la folle terreur qu’Anubis, le chacal veilleur des morts, ne commençât à hurler dans la nuit et n’apparût auprès de mon petit lit dans toute sa majesté terrible. La phobie d’Anubis était encore plus irrationnelle en apparence que celle d’autres animaux chez d’autres enfants : le petit Hans, par exemple, dont Freud conte l’histoire, eût pu être mordu par l’animal dent il avait peur, le cheval, tandis qu’il n’y avait vraiment aucune chance qu’Anubis parût vraiment auprès de mon lit. La phobie d’Anubis terrorisa cependant plusieurs années de mon enfance, sans que j’osasse jamais la confier à personne. J’avais osé conter à quatre ans l’hallucination à la cigogne, je n’osai plus à huit révéler la phobie d’Anubis. Mes refoulements s’étaient fait plus rudes, aussi la lutte contre eux, et pour expliquer cette nouvelle attitude, il me faudrait ici analyser toute ma vieille phobie d’Anubis — ce qui mènerait trop loin.

Ce qui est certain c’est que je ne comprenais, à la phobie d’Anubis, absolument rien. Je n’avais pas alors établi le lien entre la momie de l’image et ma mère sur le tableau du salon, ni avec l’histoire que j’avais entendu cent fois conter : que ma mère avait été « embaumée » — comme les momies — fait inexact d’ailleurs, comme je l’appris plus tard, mais auquel je crus toute mon enfance.

Je comprenais encore moins que j’étais à mon tour la momie. Jamais l’idée ne m’effleura que si Anubis venait m’épouvanter chaque soir, dès que j’étais étendue sur le dos, dans mon lit, comme la momie, c’est qu’alors je me représentais moi-même être celle-ci. Je ne percevais consciemment, dans le couple de la phobie, Anubis et la momie, que le premier membre, sans d’ailleurs reconnaître, bien entendu, qui il était vraiment, mon père debout près de la morte. La mère morte, à laquelle je m’identifiais, restait inconsciente et comme concept et comme image, elle constituait une représentation inconsciente intégrale. Ce fait serait à rapprocher de l’oubli qui frappa, lors de mon hémoptysie, à quatre ans, la représentation du sang, de moi crachant le sang comme ma mère, tandis que subsistait seule l’image, souvenir-écran, de la cigogne irisée, du grand oiseau paternel phallique, debout sur une patte.

La phobie d’Anubis se manifestait aussi, en partie du moins, sur le mode oral, comme l’avait fait, plus complètement encore, autrefois, l’hallucination de la cigogne. Le chacal, en effet, se nourrit de chairs mortes, et dans mon inconscient, Anubis, qui représentait mon père, était à la fois veilleur et. dévorateur des morts — ou plutôt des mortes.

Je portai aussi au fond de moi, toute mon enfance, un autre souvenir secret. Je m’imaginais avoir vraiment vu ma mère morte, mais je le taisais jalousement — personne ne devait le savoir. C’était à Dieppe, au bord de la mer — dont j’avais gardé la nostalgie ! Car après mon hémoptysie, on ne m’y avait plus menée qu’une seule fois, et sous prétexte que la mer ne me réussissait pas, que j’avais manqué cette dernière année m’évanouir sur les galets, on avait bientôt vendu la maison, héritée de ma mère, que nous y avions. J’avais donc gardé la nostalgie de, Dieppe, et des sucres de pomme qu’on me donnait en passant en gare de Rouen, et que je suçais avec délices et terreur, à cause de l’histoire du petit garçon qui se serait percé la langue avec un sucre d’orge trop sucé, trop effilé. J’avais surtout, dans la pensée, un tableau qui m’enchantait et me brisait le coeur de nostalgie, maintenant que nous n’allions plus à la mer: en haut d’une ruelle étroite, que gravissait lentement l’omnibus de la gare, la mer apparaissait soudain entre les murs rapprochés des maisons, la mer, morceau de bleu-vert piqueté de voiles blanches. Cela, peut-être, je ne le reverrais jamais. Mais Dieppe était un lieu sacré par un souvenir plus merveilleux encore. Dans la sombre église, fréquentée par les pêcheurs, ne m’étais-je pas trouvée un jour, toute petite, seule avec ma mère agenouillée sur un prie-Dieu, en noir, implorant le secours de Dieu, immobile, muette, pâle, pâle telle une statue de cire ou plutôt une morte ? Ce fantasme, à la réalité duquel je crus toute mon enfance, je le gardais enfermé tout au fond de moi tel un précieux trésor que nul ne devait découvrir ou anéantir.

Un rêve à répétition de mon enfance avait aussi trait à la mer. Il débutait toujours ainsi : j’étais dans une chambre, et j’entendais dans l’escalier monter des gens, des hommes. Je ne pouvais ainsi m’enfuir par l’escalier. Alors, par la fenêtre ouverte, je m’élançais. Je volais, je volais par-dessus un jardin, je m’élevais, par un effort, au-dessus de grands arbres qui le bornaient, et dont mes pieds traînants, en volant, effleuraient la cime. Et mon vol se poursuivait par-dessus de grandes plaines à l’horizon desquelles, très loin, miroitait la mer. Et mon vol s’accélérait à mesure que j’approchais de la mer, j’étais comme poussée par un vent arrière ; et, chose étrange, atroce, tout le ciel blanchissait, et mes yeux éblouis en même temps, perdaient la faculté de se fermer. J’arrivais ainsi, dans un vol vertigineux, au-dessus de la première lagune, je la dépassais ; une étroite bande de terre, une autre lagune, encore une autre lagune, le ciel toujours blanchissant, mes yeux de plus en plus douloureusement maintenus ouverts, et enfin le vol emporté au-dessus de la pleine mer. Alors, mon vol perdait peu à peu son élan, la force qui me soutenait fléchissait, je descendais, je descendais, malgré mes efforts désespérés, vers la crête des vagues, où mes pieds maintenant trempaient. Et l’on eût dit qu’aussitôt l’eau m’engluait, j’étais aspirée par en bas, je sentais l’eau froide à mes genoux, à mes hanches, à ma ceinture, mes épaules y disparaissaient, et au moment où l’eau salée s’engouffrait dans ma bouche, m’étouffant, je me réveillais dans une épouvantable angoisse. Combien de nuits n’ai-je pas ainsi gémi sous ce cauchemar où la mer, éternel symbole maternel, ainsi me fascinait pour m’engloutir, m’incorporer à elle ! et où le goût salé de l’eau qui m’emplissait la bouche était peut-être le souvenir inconscient,, ineffaçable, du sang, fade et salé qui, lors de mon hémoptysie, avait failli me coûter la vie !

A propos de mer, il convient aussi de rappeler encore un souvenir de ma période de latence, relatif à mes études de géographie. J’adorais la géographie, mon père se consacrant alors aux études géographiques. Or, de toutes les mers dont j’apprenais le nom, aucune me ne séduisit, ne m’éblouit, ne m’inspira le désir de la voir, allié à celui de m’y baigner, comme la « Mer Morte ». Cette mer étrange, si salée qu’aucun poisson, disait-on, n’y pouvait vivre, et qu’on y flottait sans y pouvoir enfoncer, tant sa salure était haute, cette mer « embaumée » comme les momies dans leur bain de natron, me fascinait, sans que je susse alors pourquoi. Je sais aujourd’hui que l’inconscient est coutumier de ces calembours d’allure absurde, étrange, et pourtant pleins d’un profond sens.

Or, sous la Mer Morte avaient été englouties deux villes criminelles, dont les noms seuls, à sonorité bizarre et terrible, m’inspiraient un attrait mêlé d’épouvante. Je savais fort bien, sans pouvoir exprimer ce dont il s’agissait, que Sodome et Gomorrhe avaient été punies pour des péchés mystérieux, affreux, que l’on cache aux enfants. La femme de Loth, ne le contait-on pas, rien que pour s’être retournée sur ces villes maudites, n’avait-elle pas été changée en une statue de sel qui m’apparaissait en pensée, pâle, blanche comme une morte? Il y avait là quelque chose qu’on ne devait pas regarder, pas savoir. Ma mère — ceci restait inconscient — avait dû peut-être aussi mourir pour des causes, des fautes mystérieuses que l’on cache aux enfants. Et le sel ! le sel m’apparaissait comme une substance sacrée, redoutable[5]… La lectrice de ma grand-mère, lorsque du sel se renversait sur la table, le jetait par-dessus son épaule dans un geste de conjuration. Mon père m’empêchait de l’imiter, avait une fois retenu ma main, afin de m’apprendre à mépriser la superstition, ce qu’ouvertement je faisais. Mais tout au fond de moi il en était autrement; les cristallisations de sel que j’imaginais sur les bords de la Mer Morte y scintillaient, magiques. Et les irisations merveilleuses que j’imaginais rappelaient sans doute à mon inconscient l’opale, l’opale vraiment fatidique qui continuait à dormir là-bas, au fond de son coffre, à la Banque.

III. — LE FANTASME DE TUBERCULOSE.

Bien que mon atteinte de tuberculose infantile ne se soit jamais réveillée, l’opale, du fond du coffre où elle était enfouie, là-bas, à la Banque, continua à exercer sa funeste puissance. En effet, à dix-sept ans, après une pénible période de conflits ayant suivi mon adolescence, et où je rendis pendant quelques mois la vie difficile à mon père, pourtant tellement aimé — telles sont nos ambivalences — une réaction de tendresse envers lui se produisit. Et alors, en même temps, une idée naquit et s’installa peu à peu en moi : c’est que, comme ma mère, j’étais tuberculeuse, et qu’on me le cachait. Je découvris bientôt toute sorte de symptômes confirmatifs. Ainsi, tout le monde me trompait, mes parents, les médecins, qui tous affirmaient que je n’avais rien ; seule ma vieille bonne, chez nous depuis mes cinq ans, une vieille Corse dévouée et bornée, qui avait exalté en moi, au temps de l’enfance, le culte de ma mère morte, seule ma vieille bonne hochait la tête, regardant ma mine défaite, les larmes aux yeux, et murmurant : « Je l’avais toujours craint. » Oui, je le savais, je ne me faisais aucune illusion, moi, sur mon sort, j’étais touchée par la tuberculose, et j’allais, à peine dépassée ma vingtième année, comme ma mère, mourir. Avais-je entendu dire ce qui m’était arrivé à quatre ans ? M’avait-on alors révélé l’hémoptysie qui pesa sur toute mon enfance, la confinant à la maison ? Je crois pouvoir dire que cette révélation me fut faite à seize ans, donc peu de temps auparavant.

Alors les médecins, fermés, nous le savons, à la compréhension des conflits psychiques, donnèrent à propos du mien, leur mesure. Notre médecin habituel, qui m’aimait pourtant bien, commença par traiter, par un dédain croissant, mes idées morbides, ce qui m’exaspérait et ne fit que m’y ancrer davantage. Chaque fois où j’essayais de lui en parler, il m’envoyait, comme on dit vulgairement, « promener ».

Ainsi trois années passèrent, pendant lesquelles je vécus avec mon fantasme de tuberculose au fond de moi. Je sentais tout mon côté droit alourdi, j’étais parfois oppressée, je m’anémiais ; je maigrissais, je n’avais pas beaucoup d’appétit et, pendant la saison froide, je souffrais de constantes pharyngites et trachéites qui me confirmaient dans mes idées. Ou bien, me disais-je, les médecins sont trop bêtes, trop négligents pour y voir clair, ou bien ils me trompent. Les consultations s’étaient donc succédé, avec divers spécialistes, et toujours le même résultat : je n’avais rien. J’inclinais plutôt à croire que les médecins me trompaient.

J’eus alors le désir d’étudier la médecine, mais mon père s’y opposa, disant que cela nuirait à mon futur mariage. Je me soumis aussitôt. A quoi bon lutter ? J’étais certes trop malade pour pouvoir aller à la Faculté, et puis l’idée de désobéir à mon père ne pouvait alors m’effleurer ! Cependant ma vie n’était nullement découragée ni triste. Jamais je ne travaillai autant qu’alors, mais à la maison. Ce fut pour moi une période intellectuelle héroïque. Levée, l’hiver, avant le jour, parfois dès cinq heures, j’étudiais du matin au soir, enfermée dans ma salle d’étude, la géométrie, la géographie, l’histoire, les sciences naturelles, la philosophie, les littératures française et allemande. Je n’allais pas au lycée, mais je travaillais chez moi comme mon père chez lui, et avec une effrénée ardeur, plus grande encore, pensais-je, que la sienne et dont je m’enorgueillissais. J’étais fière de parler avec lui aux repas quotidiens de mes études scientifiques; si la littérature et l’art, hélas, que j’aimais aussi, il les méprisait, il aimait, du moins, mes goûts scientifiques. J’avais alors l’illusion juvénile de conquérir le inonde par la force de mon esprit. Je me souviens de certaines aurores d’hiver dans ma salle d’étude solitaire, en haut de notre maison dominant la ville, tandis que pâlissait ma lampe et que se levait à l’horizon de Paris, là en bas de ma fenêtre, un rouge soleil, pareil, me semblait-il, à l’exaltation de mon coeur. J’allais peut-être mourir jeune, mais qu’importait ! Jamais je n’avais été aussi heureuse.

C’est d’ailleurs au même moment qu’une nouvelle phobie naquit en moi. Je ne pouvais étudier la médecine, mais tout ce qui y touchait me passionnait. J’avais une prédilection pour l’anatomie, et je voulais l’étudier depuis sa base : le squelette. Or mon père possédait, dans sa grande bibliothèque, un petit squelette qui lui avait été donné : c’était celui d’une jeune Hindoue, morte à vingt ans environ, de tuberculose. Il y avait même, sous un verre, à côté, son masque mortuaire décharné.

Je priai mon père de me laisser monter le petit squelette dans ma salle d’étude, afin que je pusse l’étudier à loisir. Mais il y avait, à ma prière, une autre cause : j’avais, au fond, très peur du petit squelette, et je voulais me forcer à m’y accoutumer. Car je présentais, surajoutés à mes phénomènes d’angoisse et de conversion, de nombreux symptômes obsessionnels qui me poussaient toujours à me surmonter, à me vaincre, à faire justement les choses dont j’avais le plus peur. Je ne traite pas ici de ces symptômes, ayant isolé, dans ce récit, ce qui a trait à mon identification avec ma mère morte, afin d’en présenter une vision d’ensemble.

Donc, le petit squelette installé dans ma salle d’étude, suspendu à son crochet, je me mis à l’étudier. J’étais parfois poussée à. le décrocher, à mesurer à côté de moi sa petite taille. Ma mère aussi avait été bien plus que moi petite, et était morte, aussi vers vingt ans, comme la jeune Hindoue. Mais toutes ces familiarités avec le petit squelette, loin de m’accoutumer à lui, eurent ce résultat : maintenant, parfois toutes les nuits, le petit squelette m’apparaissait. Je passais en rêve près de lui… il étendait alors la main, me saisissait comme pour m’entraîner. Ou bien devant moi il dansait, puis venait vers moi, et je me réveillais en proie à une affreuse angoisse. Ainsi la vieille peur infantile de la vengeance posthume de ma mère renaissait. Le petit squelette de la jeune poitrinaire, morte vers vingt ans, c’était elle ; elle était remontée, de son séjour dans la bibliothèque de mon père, pour me punir de le lui avoir pris. Et maintenant où j’étais, pensais-je, comme elle autrefois, à mon tour tuberculeuse, elle revenait chaque nuit me rappeler qu’il serait bientôt temps de la suivre dans la tombe, ce qui était donc à la fois ma crainte et mon désir.

Voyant que, malgré les mois qui passaient, je n’arrivais pas à m’ « accoutumer » au petit squelette, et bien que j’ignorasse alors que ce qui demeure dans l’inconscient reste inaccessible à l’usure, je ne m’obstinai pas et finis par faire redescendre le petit squelette dans la bibliothèque, en bas.

Et cependant, il continua à hanter mes rêves. Je me voyais en songe descendre chez mon père, chercher à le joindre dans la bibliothèque. Mais au passage le petit squelette par derrière me happait de sa main tendue. Et je continuai à vivre avec mes cauchemars, et n’aurais pas osé, lorsque le soir tombait, et même de jour maintenant, descendre seule à la bibliothèque.

C’est que cette phobie était un trop merveilleux compromis entre deux puissantes tendances de mon inconscient : être ma mère, en mourant comme elle, ce qui satisfaisait la partie la plus positive de mon complexe d’Œdipe : l’amour pour mon père ; et être punie par ma mère de mort, en représailles de la mort que je lui avais causée, ce qui satisfaisait, dans l’autre partie de mon complexe d’OEdipe, le sentiment inconscient de culpabilité y attaché.

Et mon père m’ayant donné, lorsque j’avais dix-neuf ans, les contes d’Edgar Poe, traduits par Baudelaire, je commençai, cet été-là, à la campagne, à les lire le soir. Je lus d’abord. Double meurtre dans la rue Morgue, la Lettre volée, le Scarabée d’Or, les trois récits que mon père admirait, et qui ne m’impressionnèrent pas outre mesure. Mais ayant commencé Ligeia, un conte que mon père méprisait, je fus prise d’une telle épouvante à la description du cadavre vivant et vengeur de la femme, que je ne pus alors, je crois, finir l’histoire. J’abandonnai bientôt le livre terrifiant. Il y avait là quelque chose dont je ne pouvais supporter la nature, moi qui pourtant, m’étais délectée au spectacle des tragédies, et cela dès treize ans ! — Hamlet ou Œdipe Roi. Je ne pouvais pas plus me familiariser avec les contes de Poe qu’avec le petit squelette : plus j’en aurais lu, je le compris, plus j’aurais eu peur ; il y avait sans doute d’autres contes aussi affreux que Ligeia, et qu’il convenait d’éviter. Et pendant vingt-cinq ans de ma vie, je n’ouvris pas de livre où eût pu se trouver une histoire de revenants — surtout de revenantes. Car les mortes, je m’en aperçus bientôt, me faisaient cent fois plus peur que les morts. Et ce sont les mortes hantant les contes de Poe qui m’écartaient de son oeuvre. Je ne devais oser relire Ligeia qu’au cours de mon analyse, et ceci avec quelle rechute de terreur ! afin d’apprendre à connaître l’énigme de mon épouvante. Quand Ligeia se fut démasquée pour ce qu’elle était à mes yeux: la mère vengeresse revenant prendre auprès du père sa place, usurpée par Rowena = moi, elle perdit soudain avec son mystère toute sa force d’épouvante. Ce fut même un des plus jolis résultats thérapeutiques de mon analyse.

Cependant, lorsque j’eus atteint vingt ans — l’âge où s’était mariée ma mère — ma « maladie » subit tout à coup une aggravation. Je me mis à maigrir, à dépérir à vue d’oeil. Et mes maux de gorge, ininterrompus, menacèrent cet hiver-là de devenir chroniques; j’avais même parfois dans le pharynx des mucosités sanguinolentes. On disait : « c’est héréditaire, c’est comme sa mère ; elle avait des granulations, c’est ce qui lui faisait cracher le sang ». Et je fis tant et si bien, je maigris, je pâlis, je dépéris, je pris tellement l’air malade que mon père et ma grand-mère, enfin, et ne fût-ce que pour changer ma mine qui eût effrayé les gens, et les prétendants, se décidèrent, sur le conseil des médecins, à m’envoyer dans le Midi, pour me fortifier, pour guérir mon « anémie », car ainsi on appelait, médicalement, mon mal.

C’était bien mon désir. Je n’avais pas revu le Midi — pays où avait grandi ma mère — depuis ma cinquième année, lorsqu’il m’avait guérie, après mon hémoptysie. Mais je le reconnus comme si je l’avais quitté la veille, et il n’est pas de mots pour dire mon éblouissement en revoyant les palmiers, les eucalyptus, les orangers, les citronniers et les mimosas jaunes et embaumés qui semblaient du soleil en fleur.

J’y vécus à l’air, je m’y contraignis, pendant quelques mois, de mon propre avis, à une suralimentation effroyable qui me mena en quelques mois presque à la lisière de l’obésité. Je mangeai moins ensuite et ne gardai bientôt plus, avant heureusement maigri, que ma bonne mine. Mais j’y devais retourner quatre hivers successifs sans me croire guérie encore. Car il me fallait pour cela une condition que mes médecins ignoraient, comme moi-même : avoir dépassé une certaine date de ma vie. Je ne pouvais en effet pas guérir de mon fantasme de tuberculose avant d’avoir dépassé vingt-deux ans, l’âge où était morte ma mère. Auparavant je n’aurais pu me marier. Ma terreur de la grossesse et de l’enfantement étaient alors d’ailleurs bien trop intenses, il fallait que du moins ce sort précis fût conjuré, cette date fatidique dépassée. Et le fantasme de tuberculose était un compromis qui me préservait,-d’un côté, du mariage effectif, de la grossesse, du sort réel de ma mère, mais aussi de l’infidélité à mon père ; car il me gardait fidèle, de l’autre côté, à l’amour primitif pour mon père, et réalisait, comme autrefois l’hallucination à la cigogne, mon plus profond désir : l’identification à ma mère enviée, dans l’enfance, jusque par-delà la mort.

Cependant, lorsque j’avais eu, je crois, vingt ou vingt et un ans, les bijoux de ma mère étaient revenus solennellement de la Banque où ils dormaient depuis sa mort, et m’avaient été remis ; et de tout ce que contenait le coffre à bijoux, rien n’avait attiré mes regards à l’égal de la grande opale.

Son aspect d’ailleurs m’avait déçue. Elle n’avait, d’abord, pas la forme d’un oeuf, telle que je l’avais rêvée tant d’années ! et ce qui convenait mieux à mes désirs inconscients, mais elle était en forme de coeur. De plus, si l’on faisait abstraction des diamants l’entourant, elle n’avait pas non plus, ce que je rêvai si longtemps, la dimension d’un oeuf de poule, mais était simplement un peu plus grosse qu’un oeuf de pigeon. Et ses irisations étaient trop laiteuses, moins vives certes que celles du plumage du grand oiseau — dont je ne savais d’ailleurs pas la rapprocher alors. Bref, la grande opale, vue au jour de mes vingt ans, me décevait.

Je la mis donc de côté et ne la portai pas, ce vieux bijou russe, trouvais-je, étant trop lourd pour le goût moderne. Ainsi je rationalisai mes sentiments.

Cependant mes vingt-deux ans étant enfin sonnés, mon père me dit : « Le temps passe, vous voilà vingt-deux ans, et toujours pas de mariage en perspective, à cause de vos stupides idées de maladie imaginaire. Il serait vraiment temps de vous reprendre, de vous guérir de vos idées absurdes. » Ainsi parlait mon père, tout comme si son inconscient avait su que la date, en effet, avait sonné, où la réalité me permettait enfin le détachement de lui, la fin du tendre et terrible fantasme qui me liait malgré moi à sa maison.

Le discours de mon père, relatif à ma maladie « imaginaire » d’abord m’irrita. Ainsi, pensais-je, il n’y croit pas ! c’est qu’il ne pense qu’à me faire faire un mariage avantageux, c’est qu’il ne m’aime pas ! Et je lui en voulais de toute la force de mon coeur.

C’est que cette phrase « il n’y croit pas » avait un autre sens profond que celui que je lui prêtais moi-même. La pensée manifeste était pour moi : « il ne croit pas à ma grave maladie ». Mais la pensée latente était : « il ne croit pas à mon immense amour ». Car ma maladie « imaginaire » exprimait ce qu’il y avait de plus « réel » en moi : l’amour profond et fidèle jusqu’à la mort, l’amour dont une partie seulement, et la moindre, affleurait la surface du conscient et que je gardais depuis l’enfance à mon père, à lui seul.

Mais mon père, aujourd’hui que j’avais vingt-deux ans, me disait lui-même qu’il était temps de renoncer à l’identification, par amour de lui, à ma mère morte. La réalité le proclamait : à vingt-deux ans, je n’étais pas morte; et comme je n’avais aucune disposition à la psychose, à n’entendre pas la voix du réel, lorsqu’elle parlait haut, j’entendis ce que disaient et le destin et mon père.

C’est en effet à partir de ce moment que mon fantasme de tuberculose commença à pâlir. L’hiver qui suivit, dans le Midi, je me sentis de mieux en mieux portante, j’eus l’impression nette que ma tuberculose — à laquelle je croyais toujours — était vraiment enfin en train de guérir.

L’hiver suivant, celui de mes vingt-trois ans, un médecin de Nice réussit enfin dans ce qui avait failli à tous les autres : il se donna la peine de parler souvent avec moi, et il me persuada peu à peu, non seulement que j’étais tout à fait guérie de ma tuberculose, mais que, les six ans qui venaient de passer, je n’avais nullement été tuberculeuse. Cela se fit avec la plus extrême facilité, j’oubliai comme par enchantement l’idée fixe de ces six années et n’y pensai simplement plus.

Alors je me sentis comme ressuscitée et songeai, enfin, à la grande joie de mon père, et même avec une sorte de subite avidité, au mariage.

A vingt-cinq ans, je me fiançai. L’âge et la situation de mon fiancé me permettaient de faire sur lui le transfert de mon amour pour mon père. Un jour, comme je lui montrais mes bijoux, il me proposa de vendre tous ceux des vieux bijoux de ma mère qui étaient trop démodés pour être portés, afin d’acheter à la place des perles qui s’ajouteraient à celles que ma mère m’avaient laissées. J’acceptai, bien que l’idée de voir s’en aller tous ces vieux souvenirs me fît un peu de peine. Mais je ne pus me résoudre à vendre une des pierres, bien que mon fiancé m’en pressât particulièrement : l’opale. Il eut beau me dire pour me convaincre que cette pierre ne lui plaisait pas, qu’on disait qu’elle porte malheur, qu’il fallait nous en débarrasser, je refusai obstinément. Mon père ne m’avait-il pas appris dès l’enfance à mépriser les superstitions ! On vendit donc les diamants qui l’entouraient, mais l’opale elle-même, sous prétexte qu’elle n’avait pas assez de valeur, que cela n’en valait pas la peine, je la gardai.

Un jour, pendant, je crois, ma première grossesse, je voulus la revoir. J’ouvris ma boîte à bijoux, je la cherchai. Impossible de la retrouver. L’opale porte-malheur des femmes en couches, et que je m’étais refusée à vendre, avait cependant disparu avant mes’ propres couches. On eût dit que malgré moi le sort voulait m’en protéger.

J’eus deux enfants, et malgré les craintes terribles de mon père à ce moment, je ne mourus pas en couches. Et quand plusieurs années eurent passé, et que je dus peu à peu perdre l’espoir d’être une troisième fois mère, un jour, sans savoir comment, et je crois sans la chercher, je retrouvai l’opale reléguée au fond d’un vieux carton, tristement enveloppée dans un bout de papier de soie. Mais elle disparut bientôt à nouveau de mes objets et de ma pensée… jusqu’à hier où elle reparut, au cours de mon analyse, dans toute sa radieuse importance.

Je croyais d’ailleurs, jusqu’à hier encore, l’avoir perdue, et ce n’est que ce soir, en m’en informant auprès de ma femme de chambre, que celle-ci me rappela son existence au fond du vieux carton. Et maintenant, la grande opale, enfouie depuis tant d’années dans l’ombre, peut revoir le jour. Elle a enfin perdu sa force souterraine et terrible, car — et ceci pourrait être une devise de la Psychanalyse — les spectres s’évanouissent à la lumière du jour. Mais il faut d’abord avoir le courage de les évoquer en pleine lumière.

CONCLUSION

J’ai conté mon hallucination, à quatre ans, de la cigogne, et la phobie d’Anubis qui lui succéda, parce qu’il est difficile de trouver un plus bel exemple d’identification maternelle, à travers la mort, en fonction de l’amour souverain pour le père, à l’âge même de la floraison du complexe d’Œdipe, et dans les années suivantes.

J’y ai ajouté le récit de mon fantasme, à dix-sept ans, de tuberculose, parce qu’il a même origine, dérivant aussi de mon complexe d’Œdipe revivifié de par la puberté, et que mon « cas », entre dix-sept et vingt-trois ans, montre une fois de plus l’influence des complexes psychiques et sur l’état somatique et sur le destin. Une analyse, en ramenant au jour le matériel pathogène refoulé, si elle eût été possible alors, m’aurait davantage été utile que toutes les consultations médicales et tous les séjours dans le Midi.

Et l’on aura pu observer sur cet exemple l’opposition si fréquente des attitudes consciente et inconsciente par rapport à la superstition, comme d’ailleurs à la religion en général. Mon père avait beau me retenir la main quand je voulais jeter pardessus mon épaule le sel renversé, j’avais eu beau moi-même m’identifiant à ce père admiré, m’imaginer au-dessus de toute superstition et mépriser hautement les gens superstitieux, tout mon inconscient « croyait » à la vertu terrible de l’opale. Mon hallucination à la cigogne irisée ne l’avait pas mieux proclamé à quatre ans que ne devaient le faire, plus de vingt ans plus tard, les disparitions et réapparitions de la pierre fatale, suivant les dates et les événements de ma vie de femme et de mère.

C’est par une opposition analogue que moi qui, à l’instar de mon père, me proclamais, une fois parvenue à l’âge adulte, libre-penseuse, et ne croyais pas à la survie des morts, j’avais cependant gardé la peur des revenants au point de ne pouvoir lire un conte d’Edgar Poe, jusqu’à ce que l’analyse m’en eût enfin délivrée.

Ainsi, dans les profondeurs archaïques de notre inconscient continuent à vivre les vieilles religions des hommes, même lorsque notre esprit s’est élevé bien au-dessus de ces conceptions primitives.



[1] J’ai appris, depuis que j’ai écrit ceci, d’une dame qui vit encore et qui nous accompagnait alors dans ce voyage, que c’est de la fenêtre de l’omnibus menant de notre maison à la gare, à Dieppe, qu’on ne pouvait m’arracher. La même personne m’a confirmé mon hémoptysie le matin au réveil.

[2] En pays de langue allemande, les cigognes jouent, vis-à-vis des enfants qui viennent au monde, le rôle que jouent chez nous, les choux.

[3] Comparer les « lunettes » du père que « porte » le cheval dans la phobie du petit Hans (page 451 de cette revue. Analyse d’une phobie chez un petit garçon de cinq ans.)

[4] A rapprocher de ce souvenir cette observation: lors de la récente secousse sismique à Vienne (Novembre 1927) une femme âgée, que je pus voir à la clinique psychiatrique, eut un accès de psychose dont le contenu était que son père mort depuis longtemps, rentrait par la porte, secouait et ébranlait toute la maison.

[5] Cf. Ernest Jones : « Die Bedeutung des Salzes in Sitte und Brauch der Volkër », paru d’abord dans Imago, 1912 (« La signification symbolique du sel dans le folklore et la superstition »), ensuite en 1923 en anglais : « The symbolic significance of salt in folklore and superstition. »

Ce contenu a été publié dans Questions cliniques, avec comme mot(s)-clé(s) , , , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

2 réponses à Marie Bonaparte : « L’identification d’une fille à sa mère morte »

  1. POMMIER dit :

    Bonjour
    Je n’accède pas aux articles.Pouvez-vous me rappeler la procédure et vérifier que tout « fonctionne » ? ( suis-je bien enregistrée auprès de vous par ex.)
    Merci
    Brigitte Pommier

    • Joel Bernat dit :

      bonjour !
      oui, vous êtes bien enregistrée et à la bonne adresse.
      Apparemment, tout fonctionne (titre sur page 1 et texte sur page 2)
      bien à vous
      JB

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Merci de taper les caractères de l'image Captcha dans le champ

Please type the characters of this captcha image in the input box

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.