Joël Bernat : « La fonction psychique du stupéfiant » (« Et nous serons, enfin, comme les dieux ! – que nous avons créés… ») (1ère partie)

« Drogues : et nous serons comme des dieux ![1]. La fonction psychique du stupéfiant[2] »

« Je comparerai ces deux moyens artificiels,
par lesquels l’homme exaspérant sa personnalité crée,
pour ainsi dire, en lui une sorte de divinité. »
Charles Baudelaire[3]
 
« De nouveau vous nous approchez formes vacillantes
Qui naguère vous êtes précocement offertes à ces regards encore troubles
Tenterai-je cette fois encore de vous saisir et de vous fixer ? »
Goethe, Dédicace du Faust

Il y a des thèmes de la vie humaine bien difficiles à aborder : car, immédiatement, nous sommes aux prises avec les prédéterminations et le parasitage des discours culturels et l’ordre moral. Si l’on veut néanmoins comprendre quelque chose dans ces cas-là, c’est au prix d’un effort, celui de tenir à distance cette morale et de tenter de s’exiler de notre culture, afin de préserver une approche, sinon « scientifique », pour le moins « neutre », c’est-à-dire le plus vierge possible d’a priori.

La « drogue » – terme moderne -, ou l’expérience hallucinogène, ainsi que la sexualité, sont de beaux exemples de ces thèmes toujours « tabous ». Alors, comment se défaire du pré-pensé moral sur ces questions ?

Un outil me semble ici bien efficace, celui de la « conscience historique », car, ce qu’aujourd’hui nous nommons « drogue » a de tous temps existé et dans toutes les cultures. Alors, je vais rapidement vous rappeler quelques petits éléments pour notre réflexion[4].

Apports de la Science Historique

L’usage de « drogues » existe en effet depuis la nuit des temps, aussi bien dans le monde humain que dans le monde animal[5]. Les traces écrites nous enseignent que dès la plus haute antiquité, l’opium était utilisé en Égypte comme en Chine, et le haschich en Mésopotamie.

1 – Mais c’est dans l’Antiquité grecque que deux substances vont prédominer : l’opium et le vin. Et ce que nous pouvons déjà relever est la séquence suivante :

– les drogues sont d’abord le secret des dieux, supposés tirer leurs puissances de quelques mystérieuses préparations : l’ambroisie[6], qui remplaçait la nourriture solide, et le nectar qui remplaçait le vin, deux substances imaginées comme source de l’éternité des dieux ;

– jusqu’à ce que les humains s’emparent de ces principes d’abord à des fins religieuses, puis médicales, et enfin personnelles.

Cette séquence se retrouvera systématiquement tout au long de l’histoire. Ce qu’il faut retenir est la quête universelle et millénaire d’une substance qui serait panacée[7], c’est-à-dire remède universel ou pilule du bonheur.

Par exemple, contre le choléra, il fut un temps où la réponse grecque était celle du sacrifice, dans un premier temps celui d’un jeune homme, puis, par la suite d’un bouc que les grecs nommaient : pharmakos, dont le rôle d’émissaire était comparable à celui des hébreux. Ce sacrifice du pharmakos était bien sûr un rite religieux, sensé opérer une katharsis – ici au sens de purification – qui devait apaiser la colère divine et suspendre l’épidémie pensée comme punition envoyée par les dieux : le sacrifice d’un pur afin de purifier la Cité impure[8].

Avec la découverte du pavot et donc de l’opium, la médecine apporta une révolution dans les mœurs dans la mesure où, pour contrer la colère des dieux, l’opium suffisait par lui-même et permit le passage du pharmakos au pharmakon[9], ce dernier opérant, lui aussi, une katharsis, mais ici au deuxième sens du terme, celui de purgation[10]. Transformation qui est aussi le passage, très classique, du sacré au profane, du religieux au médical, ou du divin à l’humain[11].

Hippocrate prescrivait donc l’opium aussi bien contre le choléra que l’hystérie, et passe d’ailleurs pour le créateur du terme opium : opei mekonos, ce qui signifie « jus de pavot »[12]. Héraclite de Tarente, médecin de Philippe de Macédoine, prescrivait ce jus contre toutes les douleurs. Quant aux célèbres médecins du Temple d’Esculape, ils servaient une boisson particulière au malade puis lui demandaient, le lendemain matin, de raconter son rêve : et de l’interprétation du rêve découlait le diagnostic et le traitement de la maladie.

Pour le peuple, toujours plus religieux que les médecins de cette époque, le pavot était associé à Déméter, déesse de la fécondité : ainsi les femmes sans enfants portaient des broches de fleurs de pavot dans l’espoir de devenir fécondes[13].

D’autres substances étaient employées notamment dans les cérémonies religieuses, telles que l’ergot du seigle[14], l’orgê qui produisait des transes qui, selon les Mystères pratiqués, menait aux orgies et s’achevaient en orgie d’orgasmes ; ou bien menait à la révélation (apokalupto[15]) par exemple lors des Mystères d’Éleusis ; c’était aussi la substance qui inspirait la Pythie, jeune fille toujours vierge, elle, afin de prouver que sa parole est pure, soufflée, inspirée par les dieux.

Souvenons-nous qu’il y avait alors deux types de médecine à cette époque :

– l’une, qui était reliée à Hermès et qui se pratiquait dans les temples, comme par exemple à Épidaure, utilisaient les drogues dans le but d’entendre une parole divine ainsi délivrée par la bouche du consultant et révélatrice de la nature du mal ;

– l’autre, qui était reliée à Apollon et dont le représentant le plus connu est Hippocrate, utilisaient les drogues comme pharmakon, et c’est le médecin qui révélait la nature du mal. Cet homme fut un des premiers à différencier le mal physique du mal moral, c’est-à-dire à dissocier le divin (comme source de tous les maux) de l’humain (comme lieu de tous les maux).[17]

Et puis, il y avait le vin, cadeau vengeur de Dionysos – Bacchus, que célébraient les Dionysies[18] après les vendanges : on y buvait du vin bien sûr, mais aussi une bière mélangée à des baies de lierre qui sont toxiques, mais hallucinogène à faible doses[19] (de même que l’amanite tue-mouche[20]). Ces boissons produisaient donc, chez les participants, une mania, c’est-à-dire une folie délirante individuelle (d’où le nom de mainades ou ménades, futures bacchantes romaines[21]), puis une panique, c’est-à-dire une folie collective qui amenait à la dissolution des lois de la Cité.

Eschyle, dit-on, était ivre en permanence et Homère stimulait son inspiration avec ce jus fermenté. Quant à Aristote, il reconnaissait au breuvage un pouvoir essentiel, celui de produire une aphobia, c’est-à-dire la suspension de la peur de penser, condition essentielle du génie[22]. (Il nous fit remarquer en passant que tous les grands dialogues de Platon se tenaient à la sortie d’un banquet…)

Il y a, en fait, une opposition ou séparation entre les drogues et le vin, et ce dernier gardera toujours un régime légal à part et ne sera pratiquement jamais, comme les autres drogues, une prescription de la médecine officielle (mais une auto-prescription surtout chez le pauvre[23]). Il porte, à sa façon, la trace de son origine dionysiaque en tant que source de dissolution des lois sociales (la panique), donc de violences.

2 – Avec les Romains, priment toujours le pavot et la vigne. Et d’ailleurs, depuis la Lex Cornelia, toutes les substances sont autorisées sauf si elles tuent. Ainsi Marc Aurèle prenait tous les matins une grosse noix d’opium dans du vin chaud. C’est l’Etat qui contrôlait le prix de l’opium et en l’an 312, 793 boutiques étaient officiellement reconnues à Rome, ce qui, soit dit en passant, rapportait 15% des recettes fiscales de l’Etat.

En revanche, l’alcool était critiqué dans la mesure où il était une source de violences et fut donc sujet à répression ainsi que le culte de Bacchus qui y est lié. Par exemple, le Consul Spurius Portumus, pour l’année 186 av. J.C., avait dénombré 7 000 morts liées à l’usage du vin. Ce qui vient accentuer l’opposition entre drogues et vin (et peut être aussi le fait de la non classification du vin dans le registre des drogues).

3 – Si chez les Grecs et les Romains, certaines substances avaient un pouvoir de révélation, le Christianisme va inverser plusieurs choses :

– la révélation ne peut plus être une expérience individuelle mais se doit d’être une révélation collective selon une parole écrite et énoncée par un dieu[24] : révélation à admettre, et non plus à découvrir ;

– le Christ inverse les signes de par l’effet même de la symbolisation : plus d’orgies mais l’abstinence, plus de banquets mais le jeûne, et Bacchus deviendra la représentation du diable (qui pousse aux orgies et aux festins, c’est-à-dire au péché) alors que son jus deviendra pur et sera symbole de sang sacrificiel et salvateur ;

– le pharmakon devient hostie ou agneau pascal : c’est-à-dire qu’il garde ses qualités de sacrifice et de purgation ou rédemption ;

– quant aux prières, le jeûne ou la foi mystique, ils remplaceront les substances de la révélation, et la transe mystique perpétuera l’expérience individuelle de révélation, sauf que celle-ci est pré-codée ;

– la souffrance morale et celle de la chair opèrent des katharsis au sens de la purification en lieu et place de celle par l’opium, dont Charlemagne fera une œuvre de Satan.

Le discours actuel est en partie l’héritier de ces renversements.

Poursuivons. Très vite nous aurons une chaîne d’association autour de ces plantes hallucinogènes ou révélatrices, comme on veut, qui en tout cas seront démédicalisées : les drogues sont des figures de l’impur : luxure, sorcellerie, satanisme, etc., associées aux divinités pré-chrétiennes. Et bien sûr, se forme, en opposition, une résistance, celle par exemple des sabbats qui maintient l’usage des plantes et la glorification des chairs contre la mortification. Et ce qui est à relever est que le savoir antique a transité via les sorcières (qui étaient au Moyen-Âge des médeciennes[25]) à la médecine. Bref, les signes furent inversés : les drogues révèlent l’impur et non plus la quête de la pureté. Exception, quand même remarquable, pour le vin, simple péché.

Relevons en passant que, autour du premier millénaire, le haschich fut utilisé pour produire de supers soldats, par exemple les Haschichins (nom dont dérive le terme d’ « assassins »), processus qui ne cessera de se répéter dans les armées.

C’est Paracelse qui inventera le Laudanum[26], qui sera le médicament quotidien de Richelieu, Louis XIV, Ronsard, Goethe, Novalis, Coleridge, Byron, Shelley, Goya, Nietzsche, etc.

Quant aux ivrognes, ils sont toujours aussi mal vus, d’ailleurs, ils ne sont guères inspirés, c’est la drogue du peuple ou de l’idiot : peut-être que ce qui serait dangereux serait l’usage de drogues qui rendent intelligents ? Donc, le vin est permis…

4a – C’est au XIXè siècle que quelque chose change radicalement, avec le développement moderne de l’alchimie en chimie. Très vite, la chimie du XIXè va elle aussi chercher la panacée, c’est-à-dire la substance parfaite contre tous les maux. Dans ce désir de science qui habitait le siècle, la conviction est liée au fait que grâce à la chimie, on allait passer de l’usage de plantes et donc de l’usage populaire de la Nature, à une production bien plus élevée, scientifique et pure, par l’isolation des principes actifs, c’est-à-dire en se débarrassant de la gangue de la plante comme de sa gangue populaire ou mystique (gangues qui feront retour dans les sixties), et ceci à l’image du processus de civilisation pensé comme processus de raffinage (l’homme civilisé est « raffiné »…). Car jusqu’à cette époque, les drogues sont des « produits naturels de la Nature ».

Le principe de la révélation quittait donc le religieux, et habitait désormais la Science[27].

C’est ainsi qu’apparut en premier la morphine, dérivée de l’opium. Elle fut très vite utilisée comme pharmakon, aussi bien pour les soldats des guerres de Sécession ou franco-prussienne, que par des individus comme Bismarck ou Wagner.

Ensuite apparut l’héroïne, plus énergisante : en 1898, elle était en vente libre et utilisée par exemple pour aider les opiomanes à guérir de leur addiction… – comme plus tard les héroïnomanes seront traités par la méthadone, qui elle-même crée une addiction qui sera traitée plus tard par quoi ? À suivre… -.

La cocaïne était apparue vers 1860, présentée comme panacée qui allait vider les hospices de tous les alcooliques : d’où la création de boissons comme le Vin Mariani ou le vin de coca.

Enfin, le vin est le véritable opium du peuple, les autres substances ayant été toujours réservées aux riches et autres élites artistiques, politiques, etc., ce qui se perpétue. De plus, il garde le statut de produit de la Nature.

4b – Outre la chimie, le XIXè voit aussi naître la psychiatrie et donc la libre découverte de la psyché et de ses mystères (libre, par rapport aux interdits religieux de penser). Moreau de Tours[28] partit du simple constat que le haschich permettait de connaître le fonctionnement de l’esprit (c’est-à-dire que l’on retrouve ici la position grecque de la substance qui produit la révélation interne) pour en faire un procédé d’investigation scientifique[29] : c’est ainsi qu’il créa le Club des Haschichins[30] composé, entre autres de Théophile Gautier, Charles Baudelaire, Delacroix, Nerval, Verlaine, Rimbaud, Hugo, Balzac, etc.[31], en complément, si j’ose dire, de l’absinthe et bien d’autres substances, autant de variantes modernes de l’ambroisie et du nectar, et autant de nouvelles muses ; ces groupes furent qualifiés d’hédonistes.

Ces expériences hallucinogènes inspireront bien des œuvres ou des personnages : pour exemple, l’expérience de la cocaïne servira à l’invention du Sherlock Holmes de Arthur Conan Doyle, et au fameux Dr Jekyll et Mr Hyde de Robert Louis Stevenson.

Expérience qui sera reprise au XXè par un autre psychiatre, Henri Michaux, mais qui se poursuivra dans le monde artistique – entre autres – avec le LSD et autres champignons mexicains ; expérience dont témoigne certains poètes tels que Gottfried Benn ou Georg Trakl, avec des destins divers[32].

Nous avons donc ici une tentative de faire révolution, au sens exact du terme, c’est-à-dire de défaire le renversement opéré par le christianisme : ainsi retrouve-t-on la drogue comme outil de révélation et de religion personnelle contre la révélation collective, imposée et impersonnelle.

C’est au XXè que se produit une autre mutation : en opposition aux pratiques de certains individus, la notion de drogue va prendre un sens légal et moral, où il n’y a plus trace de pharmakon ou de panacée – sauf l’utilisation dans des phases terminales de maladies graves, et ce, depuis peu. C’est-à-dire que la position religieuse est reprise par les législateurs et les médecins, dans le cadre d’une morale bourgeoise dominante.

1920 voit d’ailleurs paraître Phantastica[33], premier ouvrage sérieux sur la question des drogues, écrit par un des fondateurs de la pharmacologie moderne, le Dr Louis Lewin : ce n’est que justice, après tout, puisqu’il s’agit de pharmakon. Mais la lecture de ce passionnant ouvrage nous instruit sur la prodigalité de la Nature quant à la multiplicité de substances psychotropes, c’est-à-dire panacées à visée stupéfiante ou hallucinogène.

Enfin, pour clore ce parcours rapide de l’histoire, un dernier élément, afin d’entrouvrir une autre porte. C’est dans les années quarante que sera mis au point le LSD.25 par le chimiste suisse Albert Hofmann[34], toujours selon le même principe chimique : isoler la substance naturelle (ici celle de l’ergot de seigle) de sa gangue. L’histoire du LSD reste une illustration exemplaire du mythe de la « pilule – ou substance – du bonheur ».

Mais ce qui est remarquable est un des destins de l’invention : l’Us Army Chemical avait pour but de produire des armes nouvelles, psycho-chimiques, afin de frapper l’ennemi d’incapacité et d’effondrement psychique passager. Les mêmes recherches furent faites en France sous la rubrique « armes spéciales » comme en témoigne une série d’articles du colonel Nardi dans les années soixante[35]. Ce qui n’a rien de nouveau. Par exemple, le Japon avait favorisé la consommation d’opium par les Chinois en espérant pouvoir ainsi les dominer. Cela se passait entre 1907 et 1937. Le Japon avait inondé systématiquement les élites chinoises de morphine et de pochettes d’héroïne à dix sous.

Comme on le voit, l’usage des drogues comme révélation « initiatique » a longtemps été socialement bien intégré, non seulement dans le cadre des religions[36], du chamanisme ou des sectes, au point même que certains anthropologues, comme Claude Lévi-Strauss[37], considèrent qu’elles ont occupé un rôle social central et, nous ajouterons, pas seulement sous la forme de rites initiatiques ou rites de passage (ce qui se perpétue aujourd’hui à l’adolescence, mais sans cadre symbolique).

Position des Sciences Humaines

Ce rapide survol historique avait donc pour but de prendre conscience du champ de la question et de se dégager des pensées toutes faites, quelles soient morales ou culturelles, voire « scientifiques », afin de tenter une approche la moins influencée possible.

Il est temps d’aborder la question « psy ». Et de se demander ce qu’un psy peut faire de cette question, non pas en théorie, mais dans sa pratique. Mais avant de commencer, il y a à se défaire de classifications implicites et affirmer que le champ des substances dites « drogues » est bien plus étendu qu’on ne le pense spontanément : en effet, on retrouve là une sorte de réflexe culturel qui donne à croire que ce qui est drogue est toujours ce qui vient de l’étranger et non de notre culture (le vin en est un bel exemple, n’étant jamais cité dans la liste des drogues chez nous, comme le haschich chez d’autres) ou bien provenant de substances artificielles.

D’autre part, on va se retrouver assez vite empêtré avec la question de l’addiction : est-elle liée aux substances mêmes ? Si oui, les addictions au café, à l’aspirine ou aux carottes, ferait de ces produits des drogues (ce qui est vrai pour certains). Alors, la palette devient immense ! Dans le même sac : alcool, tabac, thé, café, cacao, muscade, banane, tilleul, amanite tue-mouche, opium, bétel, etc. Pour reprendre un constat de Louis Pauwels[38], la drogue est la seconde nature d’un quart du monde ! Je le cite : « Du livre remarquablement documenté de Jean-Louis Brau, Histoire de la drogue, paru chez Tchou Éditeur (1969), il ressort qu’un homme sur quatre, dans notre monde, demande à la toxicomanie un remède à la faim, à l’angoisse, une possibilité d’évasion, un palliatif à la difficulté d’être. Sans compter, dit Brau, les intoxiqués mineurs qui demandent au tabac, au café, au thé une légère excitation. On dénombre plus de 30 millions d’alcooliques chroniques – je suis certain que ce chiffre a augmenté depuis –, 300 millions de mâcheurs de noix de kola, de coca, de qât, de bétel et de poivre. 300 millions aussi de fumeurs de cannabis (chanvre indien, hachisch, kif), alors que près de 400 millions d’hommes attendent l’euphorie de l’opium traditionnel et de ses dérivés. »

À ce constat s’oppose radicalement le portrait officiel du drogué, portrait officiel et « scientifique » puisque statistique. Un véritable portrait de pharmakos ! En effet, en 2003 et en France, le profil standard de l’usager de drogue tel qu’on nous le donne est celui, à 80 %, d’un homme, âgé en moyenne d’une trentaine d’années, sans emploi et dont le niveau d’études est inférieur au Baccalauréat. Il a une consommation importante de tabac, de cannabis et d’alcool, parfois d’opiacés (68%) et / ou de stimulants (60%). Son état de santé est médiocre avec souvent des manifestations morbides (dépression, perte de poids, problèmes de peau, problèmes de dents, etc.)[39]. Vous voyez que ce profil est assez moralement orienté, donnant à croire que le toxicomane n’est qu’un pauvre individu… et occultant totalement l’usage de stupéfiants dans les élites.

Tendance qui est renforcée avec l’arrivée de la « nouvelle psychiatrie » (américaine), avec laquelle la mode est à la recherche d’un traumatisme, c’est-à-dire d’un événement, ou encore d’un mauvais environnement familial (comme traumatisme répétitif) : autant de causes externes qui orienteraient vers l’usage de drogues. On trouvera toujours des exemples pour soutenir cette thèse, bien que si un tel événement semble déterminant dans un cas, il ne l’est pas pour cent autres. Et les études épidémiologiques ne font que rarement des recherches comparatives.

Cette orientation est en fait un retour aux thèses religieuses : ce n’est plus un sujet qui se cherche, mais c’est le diable qui détermine, prend possession d’un individu ; bien sûr, aujourd’hui on ne parle plus du diable de façon aussi directe, mais si son nom a changé, le modus operandi est le même. Ce sera par exemple le nom de « traumatisme » dont je vous donne l’extraordinaire définition de la société américaine de psychiatrie, en 1970 : c’est l’événement en lui-même qui traumatise, quelque soit le sujet. Voici donc le retour de la psychiatrie du XIXè siècle.

Le sujet psychiatrique ne peut donc que subir un événement, dont il tente de se soigner par un mauvais pharmakon, dénommé drogue ; alors, la médecine va lui en proposer un bien meilleur pour oublier son traumatisme.

Sinon, la voie est celle de la psychothérapie, mais c’est une voie bien longue.

D’ailleurs, avec la découverte du LSD[40] et son application dans les psychothérapies des années 40 à 60, l’on a cru avoir trouvé une substance qui pouvait enfin lever très rapidement l’amnésie produite par les refoulements, en introduisant donc l’expérience psychédélique dans la cure. Cette période fut marquée par de nombreuses études scientifiques.

Et il y eut des témoignages, et bien sûr ceux de gens célèbres. Par exemple celui de Cary Grant qui reconnaît, en 1959, qu’après s’être cherché dans le yoga, l’hypnose et le mysticisme, c’est en faisant une analyse sous LSD qu’il put trouver rapidement la paix intérieure et la connaissance de soi. Ou encore, John F. Kennedy selon Mary Pinclot, une de ses maîtresses.

Une présentatrice de la télévision américaine, fort célèbre à cette même époque, avoua qu’après des années de galère, elle put guérir fort rapidement de sa frigidité grâce au même traitement.

Enfin, Aldous Huxley affirma qu’en une prise, le bénéfice était équivalent à six ans d’analyse[41].

Et dans quelle ambiance ! Entendez Michaux[42] : « J’ai vu des milliers de dieux (…) Je vois l’innommable. Immense monde. Transe érotique. Orgasme métaphysique … brisements, jouissances précipitielles en avalanche … cataclysmes de délectation, extase démoniaque … »

La pilule miracle existait donc et très vite se propagea, gagna les universités puisque les portes de la connaissance avaient enfin trouvées leur clef.

Mais il y eut deux séries, au moins, de problèmes.

Le premier, c’est que tout cela ne fonctionnait bien qu’avec des gens « normaux »[43], fort moyennement avec les névrosés, et pas du tout avec les psychotiques ou les alcooliques.

Le second problème fut que l’expérience psychédélique, en quittant le champ cadré du médical, fut récupérée politiquement comme outil et symbole d’un mouvement s’élevant contre le système quel qu’il soit, l’establishment, mouvement qui se dénommât « contre-culture » et qui s’appuyait sur les textes d’Herbert Marcuse[44] et connût Thimothy Leary (psychologue) et Alan Watts (théologien) comme leaders. C’est ce phénomène de société, politique, qui amenât l’interdiction du LSD et sa classification, non plus comme médicament (donc en vente libre et fabriquée par les laboratoires Sandoz distribué sous le nom de Délysid), mais comme drogue, à un moment où, selon les estimations, dix millions d’américains la consommait.

Et je relèverai un troisième problème, qui lui est bien plus individuel. Passant dans la consommation libre et générale, ce qui disparaît d’un coup, c’est le cadre, le contexte bordant et contenant l’expérience, comme dans le cas des Mystères d’Eleusis ou des expériences de laboratoires menées par Hofmann. Cet aspect du cadre est important[45].

D’une part, nous pouvons observer que si le contexte est riche, l’expérience le sera plus facilement, mais si ce contexte est sordide, le résultat sera encore plus sordide.

D’autre part, la substance ne fait que révéler un fond, celui d’une personne, elle ne produit pas une révélation unique, universelle, et ce n’est pas la substance qui est en elle-même porteuse de révélation. Si le fond est dépressif, la révélation sera catastrophique (voir Klaus Mann), et si le fond est créateur, la révélation sera artistique, etc., mais précisons : si, dans ce cas, il y a une sorte de fertilisation de la création artistique, ce n’est pas cela qui produira l’œuvre d’art.

Avec la diffusion et l’expansion de ce pharmakon, par exemple dans les années soixante où cela devient une drogue pour tous et pour tout et non plus celle d’une élite (aristocrates, gouvernants, nantis, etc.), se sont donc perdu :

  • le cadre, son effet, et sa fonction de contenant, qu’elle soit sous la forme de rite, de symbolisme religieux ou médical (avec pour visée les deux types de katharsis) ; l’absence de cadre et donc de guide est souvent source de révélation catastrophique ;
  • et donc se perd une bonne part de la révélation.

Mais les humains, s’ils ont du renoncer au LSD, n’ont pas renoncé au principe de la panacée, la pilule du bonheur, sous la forme de médicament, dont l’un des plus célèbres, annoncé récemment comme tel, est le Prozac, anti-dépresseur miracle dont on commence à percevoir les méfaits, évidemment, ou la Ritaline pour calmer les enfants, ou encore le Viagra[46] : des millions d’humains sont sous leurs effets, jusqu’au prochain miracle. L’histoire continue donc.

Car les anxiolytiques et autres anti-dépresseurs sont des drogues. On interdit les unes pour le bénéfice des autres (en fait, on interdit bien souvent ce qui n’est pas sous le contrôle des états et des trusts pharmacologiques).

Suite, voir 2ème partie : Une esquisse d’interprétation ?

[1] Titre déformé et emprunté à un ouvrage sans rapport avec notre sujet, il me semble, de Ève de Castro, Et nous serons comme des Dieux, Albin Michel, 1996.

[2] Substance toxique qui agit sur le système nerveux en provoquant un effet analgésique, narcotique ou euphorisant dont l’usage répété entraîne une accoutumance et une dépendance. Qui provoque l’engourdissement, l’hébétude, ou un étonnement extrême, une grande surprise.

[3] Du vin et du haschisch (1851).

[4] J’emprunte pour ce faire à : Louis Lewin, Phantastica, Payot, 1970 ; Antonio Escohotado, Ivresses dans l’histoire, L’esprit frappeur, 1990, ainsi que son Histoire élémentaire des drogues, Éditions du Lézard, 1995.

[5] En effet, l’usage chez les animaux de substances qui leurs sont « stupéfiantes » est fort bien connu aujourd’hui (voir, par exemple, la note 18).

[6] Le terme vient du grec ambrósiós, qui signifie : immortel, divin, qui appartient aux dieux. Ce principe de l’immortalité des dieux liée à une substance hallucinogène se retrouve à peu près partout : par exemple, le somah des Hindous (voir le Ring Veda) ou le Haoma des Mazdéens (voir le livre de Zoroastre, l’Avesta).

[7] Panacée, du grec pan, « tout », et akos, « remède ». Remède donc universel, que l’on croit pouvoir agir sur toutes les maladies. Soit la perpétuation du vieux mythe grec, puisque le nectar des dieux était sensé tout guérir.

[8] En fait, pas tout à fait pur dans la mesure où, avant l’usage du bouc, c’était un être inférieur (c’est-à-dire pas citoyen), laid et gueux (puant comme un bouc ?), représentant la face inversement symétrique du divin, c’est-à-dire l’impur (voir les études de J.P. Vernant) et qui était parfois précipité du haut d’une falaise, au cri de : « sois mes fèces ! ».

[9] Terme qui désigne aussi bien le remède, que le poison ou la potion magique. Le terme même de « drogue » en porte la trace puisque drug, en anglais, signifie avant tout : médicament.

[10] C’est-à-dire une purification du corps, non religieuse.

[11] Approche en partie étudiée par René Girard, La violence et le sacré, Champs Flammarion.

[12] Mekonos étant le nom de la ville de Mekone d’où venait cette plante, ville qui sera rebaptisée Sicion.

[13] Ce qui n’est pas du tout absurde : en effet, la substance amplifie les sensations corporelles, exacerbant ainsi désirs et fantasmes, dissolvant les résistances et interdits, etc., ce qui favorise les accouplements. Idem avec le Haschich. Mais cela reste une question de doses…

[14] L’ergot du seigle est l’hallucinogène de base du LSD.

[15] Avant sa destruction par Alaric, roi des Goths, à la fin du IVè siècle à des fins de christianisation, le temple d’Eleusis était un lieu d’initiation, mais réservés à des sujets strictement sélectionnés. Par exemple : Sophocle, Platon, Pausanias, Pindare, Cicéron, Marc Aurèle, etc. Tous les mois de septembre, les sujets sélectionnés étaient soigneusement préparés et restaient toute le nuit dans le télésterion, salle réservée à l’initiation, dont ils ne sortaient que le lendemain, transformés par la vision (epoptéia) de leur révélation (le « connais-toi toi-même ») des choses sacrées (ta hiéra). Les révélations sacrées d’Eleusis étaient arrheta, indicibles, et aporrheta : telles qu’on ne devait pas en parler (par opposition au parrhesia, le franc-parler). La vision était produite grâce au breuvage sacré de l’extase, le kykéôn dont la composition n’est pas celle qu’Homère, dans son hymne à Déméter propose (un mélange d’orge, alphi, de menthe, glechon, et d’eau), mais en fait une boisson tirée d’une plante, la « mauvaise ivraie », que les latins baptisèrent lolium temulentum, mais que les Grecs nommaient Zizánion, la fameuse zizanie ou mauvaise herbe (l’ivraie) de la Bible. Cette variété d’herbe est très souvent atteinte de l’ergot, champignon parasite (Claviceps purpurea) aux combinaisons chimiques voisines du LSD (voir Albert Hofmann, R. Gordon Wasson, C.A.P. Ruch : The road to Eleusis : Unveilling the secret of the Mysteries, Harcourt Brace Jovanovich, New York, 1978).

Il y avait tout un vocabulaire de la révélation :

Apokalupto : je découvre, je dévoile, je relève la chose qui ne se montre ni ne se dit. Dénuder ou donner à voir. Apocalypse est contemplation et inspiration.

À cela répond le Thambos (numinosum, awe) la terreur sacrée face à une personne ou un objet chargé d’une force surnaturelle en hiérophanie (cf. la beauté d’Aphrodite et l’energès) : effet-Méduse de l’effroi émerveillé, fulgurance qui opère une ek-stase : être hors de soi, n’être plus que désir de/pour l’autre.

L’Arrhèton, caractère sacré de l’indicible, interdit ; l’orgiasme dionysien, l’accouplement « bestial » est la clef de voûte de l’arrhèton. Le rapport sexuel est la fusion des deux principes pour une androgynie première : transfiguration, transcendance, naissance, prélude à l’extase qui donne : l’Epopteia, la vision sacrée de l’objet désiré ; c’est la vision sacrée dans les mystères orphiques, la révélation par l’image du sacrifice ; expérience cathartique.16

Le Dokeïn au sens anteplatonicien, « être » le plus profond surgissant à la surface la plus subtilement affirmée du visible.

Mais qui peut amener le Poimandres, le démon des visionnaires, Esprit de l’Intelligence Absolue, révélateur des Vérités, but de la Gnose.

« La présentation du tragique repose principalement sur ceci que l’insoutenable, comment le dieu et homme s’accouple, et comment, toute limite abolie, la puissance panique de la nature et le tréfonds de l’homme deviennent UN dans la fureur, se conçoit par ceci que le devenir un illimité se purifie par une séparation illimitée. » (Hölderlin, OC, La Pléiade, p.957).

Dionysos est epi/apo/phanique, il déambule, surgit et disparaît ; il est partout et nulle part, à la tête de son cortège et apporte transe et épidémie, voire la mania, parousie, à qui ne lui rend pas culte. Il est toujours masqué.

[17] Mais la révélation change de lieu : dans le premier cas (Hermès), c’est le malade qui la détient à son insu, inconsciemment, dans le second (Hippocrate), c’est le savant qui sait. Nous avons ici, en germe, la ligne de séparation des Sciences Humaines, entre ce qui deviendra les Sciences de l’Esprit et la philosophie, et les Sciences de la Nature ou physiologie ; ou, en d’autres termes, plus actuels, par exemple la psychanalyse et la médecine. Ligne de séparation ou de démarcation qui reste une ligne de tension, de clivage, toujours actuelle.

[18] Dionysos est célébré au cours de quatre fêtes annuelles : les dionysies rustiques, se déroulant fin décembre – début janvier, où les cortèges défilent avec des offrandes au dieu et des symboles phalliques ; les Lénées, fin janvier ; les anthestéries, fin février – début mars ; et les grandes dionysies, fin mars – début avril.

[19] Les baies de lierre contiennent de l’hédérine, qui est un sédatif. Les bourdons ou certains oiseaux en consomment et deviennent engourdis et enivrés.

[20] Voir le rituel indien du soma, rituel initiatique très construit et répétant la naissance des ondes. Le soma est une liqueur obtenue par le pressurage de l’amanite tue-mouche, Amanita muscaria (voir R. G. Wasson, Soma: Divine Mushroom of Immortality, Harcourt, Brace and Jovanovich, New York, 1967). Le principe actif de l’amanite tue-mouche est le muscimol, qui bloque la communication entre les synapses et provoque des hallucinations.

Le sacrifice de soma est effectué au printemps. Substance d’offrande par excellence, âme du sacrifice (Ring Veda IX, 2,10), boisson d’immortalité, sève cosmique : « Emmène-moi, Soma, que je devienne un Immortel » (Ring Veda IX, 133, 7). Toute la partie IX du Ring Veda y est consacrée.

[21] Voir Les Bacchantes d’Euripide, ou les Idylles (26) de Théocrite. Les Ménades, nourrices de Dionysos, étaient son double féminin, l’accompagnaient au son du thiase et du cri : Evoé ! Elles brandissent le thyrse, long bâton surmonté d’une pomme de pin, de feuilles de vigne et de lierre. On les dit douées d’une force surhumaine. Leur frénésie et l’état extatique dans lequel elles sont plongées les feraient poursuivre et lacérer des animaux pour les dévorer.

Les Bacchantes sont souvent confondues avec les Ménades. Celles-ci ont en fait, contrairement aux premières, une origine divine. Dans certains récits, ce sont des Nymphes qui auraient élevé Dionysos et qui font couler le lait, le vin et le miel des arbres. Les Bacchantes sont la plupart du temps des mortelles, femmes mariées de préférence, que Dionysos oblige à tout abandonner pour venir vivre à ses côtés.

[22] Voir le « Problème XXX », texte supposé d’Aristote, in : L’homme de génie et la mélancolie, Rivages, 1988.

[23] Voir les vins chauds et autres grogs.

[24] Mais le rite chrétien ressemble beaucoup aux Mystères d’Éleusis : il y a toujours le vin, et l’hostie remplace l’ergot de seigle. La parole révélée deviendra médicale, au XIXè siècle.

[25] C’est-à-dire des femmes qui détenaient le savoir des plantes hérité des cultures celtes (druidiques) et juives.

[26] C’est un médicament à base d’opium qui doit son nom à sa qualité de remède miracle, digne de « louange ». Rousseau en fera une version personnelle, en faisant fermenter du miel, de l’opium et de la levure de bière. Relevons que dans le Larousse de 1926, le laudanum est indiqué comme médicament avec la seule précision d’être dangereux pour les enfants.

[27] Par exemple, pensons au mot du chimiste et académicien Marcellin Berthelot en 1887, alors Ministre de l’Instruction : « L’univers est désormais sans mystères », reprenant en fait Lord Francis Bacon.

[28] Jacques-Joseph Moreau (de Tours), Du Hachisch et de l’aliénation mentale, Éditions Fortin, Masson et Cie, Paris, 1845.

[29] La thèse est que l’expérience hallucinogène crée un désordre psychiatrique transitoire, donc artificiel : c’est quasiment une situation de laboratoire et d’expérimentation.

[30] Club de mangeurs de Dawamesk, ou dawa-mesk, kawa-mesk (drogue musquée), qui est la principale de ces préparations, est de l’extrait gras auquel on ajouté du sucre, des pistaches, des amandes, des aromates, parmi lesquels le musc doit figurer, d’après son étymologie. Pour le rendre aphrodisiaque, ils y ajoutent, dit-on, quelque fois de la cantharide. On prétend y avoir trouvé aussi de la noix vomique. Le dawamesk est en consistance d’électuaire, brunâtre, d’odeur et de saveur agréables. On le prend à la dose de 20 à 30,0, soit sous forme de bols, soit délayé dans du café à l’eau. Les effets se manifestent au bout de ½ heure à 1 heure, et quelquefois d’un laps de temps beaucoup plus long, selon les tempéraments. Les Arabes nomment Kief, Kif ou fantasia cette sorte de stupeur voluptueuse, produite par le haschich, qui n’a aucun rapport avec l’ivresse causée par le vin, et laisse loin en arrière celle que cause l’opium. Le haschich doit être pris à jeun. A la longue, son emploi peut mener jusqu’à la folie.

[31] Voir, entre autres, tous les textes de Charles Baudelaire regroupés dans Les Paradis artificiels, Garnier-Flammarion, 1966 ; Théophile Gautier Le club des Haschischins. Suivi de : La pipe d’opium, L’Esprit frappeur, 1997 ; Honoré de Balzac, Traité des excitants modernes, Babel 1994 ; et bien sûr, Thomas de Quincey, Le mangeur d’opium, Mille et une nuits ; Confessions d’un opiomane anglais (1821).

[32] Pensons au témoignage de Klauss Mann dans son Journal, ou encore aux expériences (de quête de l’ivresse créatrice, Rausch) de Walter Benjamin, rapportées dans son essai : Sur le Haschich, Christian Bourgois, 1993.

[33] Louis Lewin, Phantastica, Payot, 1970. Cet ouvrage est en fait la reprise et le prolongement de celui de Ernest von Bibra, Les narcotiques et l’homme, Nuremberg, 1855.

[34] Voir son interview in : Gnoli et Volpi, Le LSD et les années psychédéliques, Rivages Poche, 2006, où il rapporte aussi ses expériences avec Ernst Jünger (voir Approches, drogues et ivresse), Aldous Huxley, Allen Ginsberg et William Burrough.

[35] Voir la revue Armée en 1963, révélait l’intérêt des états-majors français pour l’utilisation guerrière des drogues telles que : peyotl, cohoba, yagé, ayahuasca, psilocybe, muscarine, LSD.25, pavot, chanvre. « La production de ces drogues pourrait être intensifiée », écrivait  le Colonel Nardi qui, énumérant les avantages de telles armes (efficacité, économie, variété de choix, emploi facile, pas de destruction du matériel) ajoutait : « L’arme psycho-chimique présente la caractéristique supplémentaire de faire figure d’arme humanitaire, d’arme morale, puisqu’elle ne procure, en fait, aucune souffrance au combattant qu’elle ne rend indisponible au combat que pour un temps limité. […] L’aspect séduisant d’une telle sorte de guerre sur le plan politique ne saurait échapper. »

[36] Voir par exemple : Mircea Eliade : Le chamanisme et les techniques archaïques de l’extase (1951), Payot, 1968 ; Essai sur le symbolisme magico-religieux, Gallimard, 1952 ; Images et symboles. Le sacré et le profane, Gallimard, 1965.

[37] Claude Lévi-Strauss : « Les champignons dans la culture », in Anthropologie structurale II, Paris, Plon, 1973, pp. 263-279.

[38] Louis Pauwels, « Les enfants du Mandala », Le Nouveau Planète, nº 12, novembre 1969.

[39] http://www.drogues.gouv.fr/fr/pdf/pro/etudes/Trend2003.pdf, Cinquième rapport national du dispositif TREND, Phénomènes émergents liés aux drogues en 2003.

[40] Le diéthylamide-25 de l’acide lysergique (LSD 25) est un alcaloïde de l’ergot du seigle. Ce champignon, Claviceps purpurea tulasne, est un parasite des végétaux, responsable des épidémies d’ergotisme qui, au Moyen-âge, ravageaient sporadiquement l’Europe. L’ergotisme était appelé « Mal des Ardents », ou « Feu Saint Antoine » du nom d’un ordre religieux, fondé dans le sud de la France au XIè siècle pour soigner ceux qui étaient victimes de ce fléau.

[41] Aldous Huxley, Les portes de la perception, Edition du Rocher, 1954, où il rapporte aussi ses expériences avec la mescaline.

[42] Henri Michaux, L’infini turbulent, Mercure de France : expérimenta la mescaline et le LSD. Voir aussi : Misérable Miracle  (1956), L’Infini turbulent  (1957), Connaissance par les gouffres  (1961).

[43] Ceux qui ont une topique bien constituée ou achevée.

[44] Voir Herbert Marcuse, Eros et civilisation, Edition de Minuit, 1955 ; L’homme unidimensionnel, Editions de Minuit, 1968.

[45] Lorsque le cadre est celui d’une cérémonie, c’est-à-dire d’un rituel, il est constitué d’un rite, de chants incantatoires, d’invocations, de rythmes répétitifs, autant d’éléments qui produisent un état hypnotique et de transe, avant même toute absorption du produit hallucinogène. Il a été d’ailleurs souvent observé que le rituel suffit en lui-même pour produite l’expérience psychédélique, comme si l’hallucinatoire avait été déplacé de la substance vers le rite. C’est ce que l’on retrouve dans certaines cérémonies religieuses, où il ne reste plus que le rite, mais qui produit toujours son effet de transe. De même fut-il souvent observé qu’en changeant le nom de la substance, cela modifiait ses effets alors que la substance restait la même. Nous serions peut-être ici face à une production fétichique : Le pouvoir de la plante est transféré au nom du dieu – et de son pouvoir -, c’est-à-dire que le dieu serait un reste fétichique de la plante, qui en des temps antérieurs, permettait la vision du dieu. Feuerbach l’avait remarqué, déjà : « La plante est à l’origine du dieu. »

[46] Voir l’article « épatant… » de Yves Eudes dans Le Monde du 07 Décembre 2006 : « Qui vivra Viagra ».

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