Joël Bernat : « Emma et le transfert psychotique »

Y a-t-il du transfert dans la psychose et avec le psychosé ? Certains auteurs (Freud, Lacan) disent que non, d’autres (Winnicott, Bion) que oui… Ce qui est certain est que ce transfert ne prend pas vraiment la forme de la névrose de transfert mais de ce que nous pourrions nommer : psychose de transfert. En voici un exemple clinique avec cette conférence donnée en octobre 2001 à l’Association Psychanalytique de France et publiée dans Documents et débats, n° 59, décembre 2002.

Inscription : ou les possibles destins des premiers mots

Il y a plus de dix ans, lors d’un séminaire, la discussion abordait la question psychotique. Je ne sais plus ce que j’avais pu dire, mais en retour, un collègue me répondit que j’avais « un certain goût pour l’exotisme[1]. » J’en fus gêné, intrigué, puis, après-coup, flatté. Peu après, ce collègue me téléphone pour me demander si j’ai de la place pour une de ses cousines de trente ans qui présente une « psychose hallucinatoire[2] ». Et il m’informe, à peu près, des éléments suivants :

– Elle est soignée depuis une dizaine d’années, allant de traitements en hospitalisations, selon l’alliance du père et d’un psychiatre[3]. Actuellement, elle est « assommée » par une lourde médication ;

– Le collègue travaille avec le père pour une autre approche, mais les quatre précédentes tentatives, auprès d’analystes, échouèrent assez rapidement du fait que Emma fut prise d’hallucinations, toujours les mêmes[4] (hallucinations où elle est brûlée vive, en général devant un hôpital), ce qui entraîne son hospitalisation ;

– La situation m’est dite « critique » et qu’il y a un « défi » : je suis sa dernière chance pour lui éviter une « carrière asilaire définitive » et « l’arracher à une psychiatrie lourde ». Lui ne peut pas la prendre, il s’est occupé des quatre autres sœurs… il en a assez, et puis, « elle est un peu simple, c’est la plus touchée… » ;

– Pour finir : « Vous devez savoir que tout a commencé lorsqu’elle avait cinq ans : elle a assisté à la mort de sa mère, brûlée vive devant elle, sa robe s’étant enflammée à la cheminée »…[5]

Mon accord étant donné, le collègue réussit à convaincre le père et rendez-vous sera pris par la tante d’Emma. Pourquoi la tante ? C’est elle qui a élevé Emma depuis l’âge de cinq ans et qui fait donc office de mère. Cette vieille dame vit seule et a consacré sa vie aux cinq filles de son frère.

La première rencontre

Une vieille dame, maigre et sèche, accompagne Emma, jeune femme en jogging, bouffie, aux chairs flasques, au teint cireux, qui se laisse tomber dans le fauteuil et reste silencieuse. Je sens son inquiétude et lui explique ce qui a pu m’être dit à son sujet, par qui et pourquoi, puis l’encourage à me conter ses précédentes expériences thérapeutiques, dont il ressortira les points suivants :

– le silence des uns ;

– les injonctions morales des autres (« secouez-vous ! ») ;

– et, enfin, le fait qu’ils lui parlaient toujours de sa mère[6].

Je lui demande alors ce qu’elle attend de nos rencontres :

– elle a confiance en moi car je suis recommandé par son cousin[7] ;

– et elle veut, me dit-elle en larmes, « retrouver sa joie de vivre ».[8]

C’est cette dernière parole qui me convainc en m’évoquant celle de Lacan à St. Anne : « ce n’est pas un cas foutu ! ». L’on convient de quatre séances par semaines. Mais trois points sont à noter :

– je ressens une petite fille en face de moi, qui ne fait que parler du père et de ses substituts (psychiatre, cousin) ;

– fait unique jusqu’alors et toujours actuellement : je ne l’ai reçue, chaque fois, qu’une demi-heure, tant elle et moi étions « épuisés » ; ce temps se serait-il imposé de lui-même comme temps psychique commun[9], ou bien comme temps contre-transférentiel ? ;

– repartant de ce premier rendez-vous, Emma s’effondra de nouveau lourdement dans l’escalier, criant « au secours ! ». Je suis ressorti l’accompagner jusqu’en bas.

Mais je suis intrigué : deux « chutes », présentées en arrivant et en repartant : est-ce la présentation, la mise en acte de l’agonie psychotique ? Or, ce sera plutôt une sexualisation qui l’emporte en moi, comme si nécessaire, sous la forme d’une conviction de quelque chose d’hystérique, et non pas psychotique.

Autre point : d’emblée, je sais (c’est du savoir et non de l’expérience, il y a donc du déni) que je m’engage pour un bail ; face à cette étendue sans limites me vint aussitôt l’idée que cette cure se finirait avec la mort du père. Ouf, une limite ! Aujourd’hui, outre l’aspect défensif, je mesure l’aspect écran, névrotique : derrière la figure du père, il y a celles de la mère et de la tante, son substitut. C’est donc, me dis-je maintenant, avec la disparition de la tante que cela se jouera ! [10]

Premier saisissement du transfert

Quelques temps après, rentrant chez moi, je suis à l’arrêt d’un feu rouge, sur une grande artère où elle habite[11]. Lorsque je trouve le temps du feu un peu long, une de mes habitudes est de me demander : « est-ce un feu rouge ou un incendie ? » Je suis aussitôt envahi, terrassé par une vision où mes enfants brûlent dans leur maison ; et me voici me dépêchant pour les sauver, tout en sachant par ailleurs que cela est irraisonné[12]. À côté de ce conflit, émergeait une pensée, celle d’une exclusion : « on ne veut pas que je sois heureux »… Si ce on me semblait parfaitement indéterminé, l’assertion, elle, me semblait parfaitement vraie.

C’est seulement le soir que le lien se fit entre ma vision[13], Emma et la scène : je les avais totalement oubliées le jour même d’une séance[14]. Ainsi, ce transfert sous forme de vision, représenterait différents éléments :

  • les hallucinations d’Emma, où c’est elle, l’enfant, qui brûle et non la mère ;
  • si ma vision représente bien quelque chose de l’hallucination, il y a néanmoins des déformations, notamment deux :

– il n’y a pas de mère représentée et un père absent (le sien ou moi), qui est hors, rejeté à l’extérieur de la scène : l’enfant est seul. Déformation qui dit aussi ma place transférentielle (du côté des pères, hors) ;

– cette absence de la mère indique aussi autre chose : cet événement, ou avènement, eut lieu après trois ou quatre mois de cure. Jusqu’alors, il ne fut jamais question, en séance, de la scène « traumatique », ni même de la mère : ce n’est qu’à ce moment-là que je le réalisais.

En effet, Emma ne parle que de son père. Ce père qui lui envoie des messages par le biais de publicités à l’arrière des bus de ville[15], messages suscitant une terreur représentée par la guerre, le soldat pillard, violeur, assassin, la ville en feu, etc.[16] Un autre point de terreur, est une « vision » (c’est elle qui le dit, ici), en fait un cauchemar ancien et répétitif : lors d’un enterrement, son père est poignardé « à mort » par des inconnus, et plus tard, ce sera par elle… Cette image la terrorise. Mais cela lui permettra d’énoncer sa colère envers lui, liée au fait qu’il ait abandonné ses filles pour aller vivre avec sa secrétaire.

Au sujet des relations sexuelles, il y a deux éléments qui reviennent avec insistance :

– elle ne peut en avoir car son père lui interdit ;

– elle ne peut en avoir car « elle n’a jamais vu ses parents ».

Par rapport au vu, un aspect est agi en séance : elle ne supporte absolument pas que je la quitte des yeux (nous sommes en face à face), convaincue que, si mon regard s’en va flâner hors d’elle, je ne suis plus là, plus pour elle : je l’abandonne. [17]

Évidemment, à ce moment-là de la cure, le thème de l’abandon se liait, pour moi, à un élément d’histoire « réelle » : elle a perdu sa mère. J’étais dans la collusion des thérapeutes, ou dans le névrotique (l’horreur de voir sa mère brûler vive). Mais l’événement transférentiel suivant l’indiquera : la mère perdue comme objet est ici une construction névrotique ; pour Emma, c’est le lien qui est perdu, le lien comme holding, le lien que porte et figure le regard. Non pas « l’objet est perdu », perte subie type de la névrose, mais un agir, quelque chose d’actif : « l’objet me jette ».

En rester à la perte de l’objet est une sorte de répétition du rejet du psychosé, une forme de être tenu / se tenir hors transfert[18].

Un moment « psychotique » du transfert ?

Quelques temps plus tard ; sur ma gauche, il y a une fenêtre.

Ce jour-là, je ne sais plus, là aussi, de quoi nous parlions. Mais je me suis surpris, ou plutôt éveillé, à lui parler en faisant de ma main gauche un geste lent et répété vers la fenêtre comme si j’écartais un rideau ou un voile. À ce moment-là, je réalise que cela fait quelques séances que j’ai ce « tic »[19] chaque fois que je lui parle, tic dans lequel je ne peux pourtant pas me reconnaître : ce n’est pas moi, ce n’est pas à moi et pas même étranger, et j’en ressens, non pas une étrangeté inquiétante, mais j’éprouve une autre personne, je suis pris au corps, il y a une présence autre : « comme » une dépersonnalisation[20] ?

J’en suis tellement saisi (ou bien, je suis dessaisi, « hors de moi ») que j’interromps ma phrase pour lui faire part de mon étonnement : « c’est curieux, chaque fois que je vous parle, je fais ce geste vers la fenêtre, comme si j’écartais quelque chose ! ». En le disant, je ressens que j’expulse quelque chose.

Il s’ensuit un long silence qui me laisse le temps de me sentir « hors du coup », fou, idiot, etc. (autant d’états de détresse psychique), comme suite à un passage à l’acte ou bien le dévoilement d’un trop intime (sexuel)[21]. Lorsque je la regarde de nouveau, son regard est fixé sur moi, tendu, puis elle finit par me dire : « c’est ce qu’a fait ma mère, elle m’a mise dehors, elle m’a poussée dans le jardin, elle m’a jetée, elle m’a abandonnée. » Et il y a de la rage dans ses propos.

C’était la première fois qu’elle parlait aussi directement de sa mère.

À partir de là, bien des choses se sont éclairées sur l’omniprésence de l’exclusion et de ses modes de répétitions ou représentations agies en séance. Peut-on penser que l’omniprésence du père dans sa parole, figurant un agent d’exclusion, n’était qu’un écran contre le premier agent, n’était qu’un fragment plus récent remplaçant un plus ancien ?

En tous cas, il a donc fallu un transfert d’acte, en acte, et sa reconnaissance, pour qu’un transfert analytique puisse s’établir.

Longtemps après, j’ai réalisé que c’est à ce moment-là que j’ai cessé de penser la psychose avec Lacan.

Quelques rapides commentaires

Comment dire, partager la rencontre avec le psychosé ? :

  • Sans névrotiser, sexualiser ou théoriser des lieux et des objets, c’est-à-dire en fait théoriser son contre le transfert ?
  • Sans délirer avec lui, emporté dans un exil de soi (la contamination paranoïaque, par exemple, qui pousse à faire système par l’unification des fantasmes en du Un : par exemple, les périodes de Fließ, l’orgone de Reich, l’infériorité d’organe d’Adler, le traumatisme de la naissance de Rank, etc.) ;
  • Sans rester à distance, à l’abri d’une clinique et d’une théorie comme autant de boucliers élaborés par d’autre ;

Comment rendre compte des moments d’exil de soi, ou de colonisation (l’autre en soi), des moments de clivages, notamment des affects, autant de moments où le transfert opère. Ce sont des questions, auxquelles je ne répondrais pas aujourd’hui.

En revanche, ce que je peux affirmer est que l’étude du transfert psychotique, de même que, par exemple, celle de l’induction et du transfert de pensées, sont des voies royales pour l’approfondissement du phénomène transférentiel, et particulièrement pour le « transfert d’agirs[22] » : et il y a, d’ailleurs, à se demander s’il est spécifiquement psychotique.

1 – Y a-t-il un contre-transfert spécifique dans la cure du psychosé ?

a : un premier aspect serait celui de la « névrotisation de la psychose[23] », lorsque l’analyste oppose une de ses élaborations, un savoir a priori clinique ou théorique, pour ne pas être touché, exilé, par un transfert.

L’exemple est ici celui de la « scène d’horreur » : une mère brûle. Mon collègue, les analystes précédents et moi-même sommes dans le névrotique lorsque nous élisons une scène spécifique sous couvert de traumatisme, mais qui a en fait une fonction de cadre, de bordure, c’est-à-dire de défense, tel l’objet en général, mais pour l’analyste :

– border, cadrer l’horreur ainsi objectifiée contre toute invasion : une mère, ou la mienne, brûle, et c’est mêlé de désirs, de fantasmes, de sexuel, de symbolique, tout en restituant l’horreur, l’effroi, mais un effroi élaboré et ramené à un danger et, ainsi, refoulable.

cadrer l’origine : quelque chose est posé comme traumatique, comme objet donc, et devient représentation – couvercle, tenue pour source de l’organisation psychotique : c’est un semblant posé a priori pour mettre un point, ou un terme, à l’agonie, au « sans cesse », peu importe : ce qui vient effacer quelque chose. Car l’horreur n’est pas celle d’une scène et sa réalité, mais celle du fantasme. L’idée délirante d’Emma est le fruit de l’élaboration fantasmatique classique (que vient barrer, méconnaître l’idée du traumatisme) :

  • j’aime ma mère ;
  • ce n’est pas moi qui l’aime, c’est elle ;
  • elle ne m’aime pas, elle me hait.

La pensée : « elle a perdu sa mère et l’amour » opère la négation de cette élaboration fantasmatique, ce qui fait de la scène un objet, une origine, et non la figuration, voire, le souvenir-écran ce cette fantasmatique.

En m’informant, en me prévenant, m’inscrit-on dans une collusion du névrotique face au psychotique ? Une position contre le transfert d’emblée, qui centre sur le souci névrotique pour l’objet, et non plus sur la question psychotique du lien. Une trace de cela est repérable dans l’élément suivant : la mère est dite « morte brûlée vive », alors que Emma me racontera qu’elle a agonisé un an ou deux aux Grands Brûlés et qu’elle allait la voir chaque dimanche avec ses sœurs et sa tante. Et c’est là que se répétait le rejet puisqu’elle ne la prenait pas dans ses bras[24]. De plus, Emma ne décompensera qu’à l’âge adulte autour d’une histoire amoureuse refusée, rejetée par le père : il barre toute sexualité de sa fille, l’empêche de s’enflammer ? [25] Ce qui répète le rejet « d’être dans les bras ».[26]

b : un autre aspect contre le transfert serait celui du co-délire, une sorte de contamination par non-reconnaissance d’un transfert et d’un rejet agis en séance. C’est-à-dire pas forcément un délire à deux, en masse, aux contenus de représentations partagés, mais une forme d’interprétation dont la mise en actes répéterait sur le psychosé le mécanisme du rejet : par exemple, s’en tenir à une perte d’objet (la mère perdue) répéterait et maintiendrait le rejet du lien (l’exclusion vécue par l’enfant, répétée par le centrage sur la mère). Dans notre exemple, ce qui semble s’offrir comme noyau de vérité a priori[27] (une mère brûle) reçoit en fait des contradictions majeures :

– ce n’est pas le vécu d’Emma : ce qui la traumatise c’est le rejet répété, le geste, l’agir, l’acte de sa mère. Elle ne perçoit pas la dimension de soin, de sollicitude, de protection, de sacrifice (la mère pense à son enfant et non à elle, et Emma ne dira jamais « maman ») ; à ne parler que de la mère, créé une insistance répétant la scène et le rejet : soit une façon de la pousser de nouveau par la fenêtre (il ne reste à Emma, en écho, qu’à se mettre hallucinatoirement dans le feu, à la place de la mère, le feu comme lieu de l’intérêt, sinon du désir de l’analyste, son Wunsch[28] que Emma interprète comme geste de la mère) ;

c : L’analyste pris dans cette conviction et interprétant depuis cette position contre le transfert, produit à son tour une sorte d’opération délirante : il remplace un fragment de réalité par un autre plus récent (l’objet perdu, remplace le lien perdu), ce qui répète le rejet d’Emma. C’est-à-dire qu’à une conviction délirante répond une contre-conviction délirante, la conviction de l’analyste (dans un transfert non-reconnu en lui) : conviction d’une origine, d’un diagnostic, d’un objet. Position princeps contre le transfert, lit de conceptions, de théorisations à suivre comme autant de renforcements, de formations secondaires du fantasme.

L’analyste pris dans le transfert de la répétition du rejet centre aussi sur l’objet feu, qui n’est pas l’élément important puisque, pour Emma, c’est le lien, le geste de rejet de la mère, élément qui sera transféré. Le feu est plus lié à la question des hommes et donc du père, et ce « centrer sur » le feu rejette cette dimension du geste de la mère pour en rester à l’univers des pères, sinon du sexuel, (et donc occuper cette place dans le transfert, bien plus confortable car bien plus névrotique). Le feu est l’investissement d’un fragment contigu, dans la scène, mais déplacé comme pour le fétiche.

2 – Y a-t-il un transfert spécifique de la psychose, ou de l’élément psychotique ?

Il y a un temps premier, plus ou moins long, où, non pas il ne se passe rien (sinon au sens que ne s’instaure pas de névrose de transfert : mais pourquoi attendre du refoulé quand il y a du rejeté ?) ; c’est un temps pour l’installation d’une psychose de transfert, transfert du rejeté. Temps d’apparence vide, où ce qui se transfère est en fait la trace laissée vide dans le moi par le rejet. Ce temps se conclut par la réception d’un autre transfert mais sur un mode spécifique : non pas la saisie par l’analyste d’un xenos, de l’étrange/r, mais une dépersonnalisation, un éprouvé de clivage, etc., c’est-à-dire, non pas le retour d’un élément refoulé, retour dans le transfert (c’est la névrose), mais l’effectivité (de l’agir) d’un élément rejeté, en un rapport « externe » à sa trace vide[29]. Reste dès lors, disait Freud, là où la situation transférentielle déroule un fragment d’histoire, agi devant nous[30], à remplacer l’ancienne suggestion par une nouvelle…

Pour rapidement conclure, disons qu’il y a du transfert avec le psychosé. Est-il pour autant spécifiquement psychotique ? Je ne le pense pas, et il serait préférable de distinguer des registres du transfert selon que les éléments transférés relèvent d’une opération de refoulement, de déni ou de rejet, modes de transfert repérables, aussi, dans la cure du névrosé.

Les éléments rejetés font préférentiellement retour sur le mode d’un transfert en actes, hors, quelque chose ayant eu lieu, mais n’ayant pas trouvé de lieu psychique pour être mentalisés, et faisant retour dans le transfert pour être représenté.

Il y a aussi beaucoup de contre-transferts théorisés ; pourquoi tant de théorisations promulguent du Un ? Le Un de la structure psychotique ou le Un du Noyau psychotique, Le Un de « La Forclusion » ou du « Trou dans le symbolique » ? Seraient-ce des théories qui ne sont que des élaborations secondaires du contre-transfert ? Face au morcellement du psychosé, qu’oppose-t-on avec ces synthèses, voire, ces systèmes, autant de productions moïques… Pourquoi ne pas rester sur la question du transfert ? C’est-à-dire les éprouvés transférentiels du trou, par exemple, comme transfert d’une partie topique des inscriptions du rejet dans la psyché du psychosé, les autres parties étant transférées autrement et en d’autres lieux.

Pour l’entendre, je pense qu’il est important de se dégager de la clinique structuraliste qui a tracé des frontières, sinon des clivages, entre névrose et psychose, afin de retrouver une clinique et une réception du transfert plus souples : ainsi que le répétait Freud, dans la névrose, il y a aussi du rejet, et donc du délire, voire des hallucinations.

La clinique structuraliste serait une théorisation du contre-transfert : la séparation (clivante), en termes de structure (psychose, perversion et névrose), puis, selon un glissement logique, l’élection d’un mécanisme unique (forclusion, déni, refoulement), répète l’opération de rejet (le psychosé devient un parfait xenos, hors), et efface la possibilité de la multiplicité des mécanismes dans une psyché, et donc de la multiplicité des modes de transfert.

Je vous remercie.

18/09/01

[1] Soit le goût pour ce qui est étranger, rapporté de lointains pays, de retour d’une forme d’exil…

[2] Tout diagnostic est pris dans, ou dit quelque chose d’un transfert.

[3] Alliance des pères pour quelle assignation répétée ?

[4] Ce qui indique l’insistance répétitive d’un « noyau de vérité ».

[5] Me voici prévenu : le lien est immédiat avec ses hallucinations.

[6] Soit la conviction du thérapeute en un traumatisme originant. Mais c’est contre le transfert.

[7] Donc un transfert existe, mais latéral.

[8] Serait-ce l’énoncé du sexuel absent ou quêté, ou bien quelque chose du côté du jeu perdu de l’enfant ?

[9] Ou limite du supportable qui vient se marquer en un passage à l’acte ?

[10] Mais c’est encore chercher un événement traumatique ! donc névrotisation…

[11] C’est en écrivant ces notes que je m’en aperçois…

[12] Mais une « justification » s’imposait alors : je refaisais l’électricité de cette maison, technique que je découvrais, mais aussi savoir-faire de mon père (le discours du père) que j’étais en train de m’approprier… non sans avoir provoqué quelques jolis courts-circuits… cela m’apprendra à m’emparer du savoir d’un père…?

[13] Lors du premier jet d’écriture, c’est à moi que j’attribue l’hallucination, et non une vision, alors que c’est bien Emma qui hallucine.

[14] Face à une telle évidence, une culpabilité s’est d’abord manifestée comme résistance à l’analyse de ce transfert.

[15] Malgré la forme délirante (le délire porte sur l’intention) il y a un élément de vérité, car ces publicités existent réellement.

[16] Soit autant de fragments de remplacement, fragments pris à la réalité actuelle des informations télévisées par exemple, en lieu et place de fragments plus anciens, tels que la destructivité du père et son désir de meurtre sur sa fille.

[17] Être désiré dans le regard de l’autre, ou le miroir du regard maternel. Mais, surtout, ces regards fixent, figent le corps, trop présent : mais pour donner forme à quoi ?

[18] Curieusement, cette première partie de la cure fut très influencée par l’approche de Lacan. Mais cette influence va cesser, à mon insu, avec le moment suivant.

[19] Soit une façon névrotique de s’approprier ce moment contre la reconnaissance du transfert. Soit une façon de « se reprendre ».

[20] Comme, car je ne crois pas en avoir eu l’expérience vécue.

[21] Donc un vécu de transgression.

[22] C’est-à-dire quand quelque chose a eu lieu mais n’a pas trouvé de lieu pour s’élaborer, être représenté, et se répète donc sous cette forme (motrice) dans le transfert à cette fin. Parfois, Hors, c’est-à-dire à la porte, dans la rue, etc.

[23] Dans le sens d’une mentalisation, intériorisation (par jugement d’attribution) d’un conflit, mais représenté au sens de vertreten et non comme Vorstellung : le conflit est pris en propre par l’analyste, et non reconnu (jugement d’existence) dans sa dimension de transfert.

[24] Plus l’épisode d’accueil d’un an chez la grand-mère paternelle.

[25] Cela centre, obsède, l’écoute sur le feu, insistance de l’analyste qui circule dans le transfert, et mis en actes par l’hallucination (pour faire jouir l’Autre, disait Lacan).

[26] Le lien au père ne fait que reprendre et répéter celui à la mère tout en l’occultant, d’autant que le lien à la mère était non mentalisé, hors lieu, rejeté. Le père donne un lieu, mais comme substitut – donc cela ne traite rien – qui permet une tentative d’auto-guérison par le délire : mais sur la base d’un fragment plus récent (le père) qui remplace un plus ancien (la mère).

[27] Donc comme conviction (pseudo) délirante, comme en écho à celle d’Emma : elle ne m’aime pas, ce qui se répète à l’hôpital : elle ne me prend pas dans ses bras. Ce bras qu’elle réclame pour ne pas chuter et qu’elle se cassera lors d’une chute, dans la rue, après une séance. Mais, au lieu d’halluciner…

[28] En tant que construit, de son savoir, de ses théories sexuelles infantiles, etc.

[29] Ferenczi, dans son Journal Clinique note ceci: : les hallucinations ne sont pas des idées mais des perceptions du monde réel externe et de la psyché de l’autre (qui fonctionnent comme les restes diurnes par rapport au rêve), ce qui amène la question du côté du transfert de l’analyste. Freud avançait que ce qui est transmis par induction est un Wunsch puissant dans un rapport voilé à la conscience.

[30] Freud S., « Répétition, remémoration, perlaboration ».

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