Joël Bernat : « Le refus de la féminité et autres rocs comme résistance majeure… » (et quelques modes de résistance à la notion de résistance)

Sur les interprétations et les fonctions psychiques d’une phrase de Freud.

Introduction

Les interprétations de l’expression de Freud : refus de la féminité, semblent aussi nombreuses qu’il y a d’auteurs, ce qui devrait faire de suite question ou nous faire signe. Ces interprétations se concentrent souvent sur le terme de roc, ce qui du coup fait proliférer les rocs… qui se transforment tout en se disant de Freud. Ainsi peut-on relever, outre des rocs de la féminité, des rocs du féminin, et des rocs de la castration, etc.

Nous entendons bien là des glissements, du refus au roc, assez fréquents, qui sont autant d’interprétations propres aux préférences pulsionnelles des auteurs. Mais peut-on saisir ce que pensait et visait Freud écrivant cela ? On peut du moins essayer en essayant de ne pas trop glisser vers nos propres préférences pulsionnelles…

1. L’axiome de Montaigne

Cette prolifération de rocs, qui se justifient de ce que Freud aurait écrit, nous amène à relire attentivement le texte d’origine en essayant de nous dégager des influences interprétatives des commentateurs, c’est-à-dire ne pas faire quelque chose que Montaigne dénonçait ainsi : « Il y a plus affaire à interpréter les interprétations qu’à interpréter les choses, et plus de livres sur les livres que sur autre subject : nous ne faisons que nous entre-gloser[1]. »

C’est bien de cette entre-glose qu’il s’agit de se déprendre ! (c’est-à-dire se défaire d’un transfert) Et au sujet de Freud, l’entre-glose n’est pas ce qui manque – et moi-même d’ailleurs… et elle n’est pas, bien sûr, spécifique à la psychanalyse. Pour exemple, la remarque de Whitehead[2] (attribuée à tord à Bertrand Russell) qui énonçât que : « La manière la plus prudente de caractériser la tradition philosophique en Europe est de dire qu’elle consiste en une succession de notes ajoutées au texte de Platon. »

C’est aussi le risque avec l’écrit freudien, risque qui nous attend tous, risque aussi de nos projections transférentielles dans ce que nous lisons ou observons et commentons. Autant de variantes de l’injection de sa propre doxa, c’est-à-dire en fait de sa préférence pulsionnelle, voilée derrière un Freud dixit[3] du coup réduit à un objet de supposée connaissance et débarrassé de sa visée. La lecture risque de figer un texte en un objet – de connaissance – en supprimant ainsi et sa visée et notre relation au texte et à notre fantasmatique transférentielle quant à l’auteur.

L’entre-glose produit alors une dérive progressive selon ce que je nommerais volontiers l’axiome de Montaigne. L’exemple ici est celui que l’on peut tirer d’une phrase de Freud au sujet d’un roc qui devient, dans l’entre-glose, roc du féminin ou roc de la féminité, voire roc de la castration, tous ces rocs évidemment attribuées à Freud puis à Lacan, dans le sens, comme on le lit souvent, de point énigmatique de la sexualité, voire un point de butée de la cure, en tant que source d’un refus qui marquerait une limite à l’analysable (dit ainsi, cela évacue le fait que l’analysable varie selon les analystes… pire, l’analysibilité se poserait comme loi limite pour tous… adieu le sujet !) Mais était-ce bien la représentation de Freud, et puis, surtout, quels enjeux cela peut-il avoir dans la cure ?

Ces pentes interprétatives, outre qu’elles dévoilent quelques orientations personnelles des lecteurs-interprètes (il n’y a pas de lecture sans effet de transfert[4]), ne sont parfois possibles que par des opérations (défensives) de refoulements, c’est-à-dire de déplacements, dont j’en indiquerais certaines, pour exemple, en termes de : dérive (défensive), afin de rendre les dimensions de refoulement, de détournement et de glissement, là où le terme par exemple de métonymie viendrait atténuer l’opération psychique qui en est à la source.

Que ce soit la question de la traduction ou celle de la lecture qui n’est pas sans être une traduction, ces actes psychiques sont souvent des interprétations, c’est-à-dire des projections de la réalité psychique du lecteur – traducteur. La chose est difficile et d’ailleurs pourrait-on se demander si l’on peut lire ou traduire, ou encore dire, sans interpréter ?

Actes psychiques qui ont souvent à voir avec la réduction de l’excitation, c’est-à-dire une résistance, dont nous allons parler.

2. Dérives interprétatives ?

Tout d’abord, relisons ce qu’écrivit Freud, d’abord dans sa langue :

« Man lernt aber auch daraus, dass es nicht wichtig ist, in welcher Form der Widerstand auftritt, ob als Übertragung oder nicht. Entscheidend bleibt, dass der Widerstand keine Änderung zustande kommen lässt, dass alles so bleibt, wie es ist. Man hat oft den Eindruck, mit dem Peniswunsch und dem männlichen Protest sei man durch alle psychologische Schichtung hinudrch zum « gewachsenen Fels » durchgedrungen und so am Ende seiner Tätigkeit. Das muss wohl so sein, denn für das Psychische spielt das Biologische wirklich die Rolle des unterliegenden gewachsenen Felsens. Die Ablehnung der Weiblichkeit kann ja nichts anderes sein als eine biologische Tatsache, ein Stück jenes grossen Rätsels der Geschlechtlichkeit. »

En voici une traduction :

« On apprend cependant aussi par là que la forme sous laquelle surgit la résistance, transfert ou non, n’a pas beaucoup d’importance. Ce qui est décisif, c’est le fait que la résistance ne provoque aucune transformation, que tout demeure dans le même état. On a souvent l’impression que, en se heurtant au désir du pénis et à la protestation mâle, on vient frapper, à travers toutes les couches psychologiques, contre le roc et qu’on arrive ainsi au bout de ses possibilités. Cela doit être le cas, en effet, car pour le psychisme, le biologique joue vraiment le rôle du roc qui se trouve au-dessous de toutes les strates. Le refus de la féminité ne peut être qu’un fait biologique, une partie du grand mystère de la sexualité.[5] »

Freud écrit quelque chose sur la résistance commune à tous les humains, animé par la question de la cure et de ce que l’on peut en faire – ou pas. Il pointe une résistance commune à tous, qui, si elle se manifeste sur le divan, peut aussi se manifester tout autant chez l’analyste, et aussi, comme ici, chez le lecteur. Commenter cette phrase ou ne serait-ce que la penser, fait courir le risque de dire sa résistance à entendre ce qu’elle peut toucher, éveiller en moi.

Dans un premier temps, nous allons faire jouer les écarts d’interprétations[6]. Par exemple, dans les commentaires et entre-gloses, l’on peut observer des glissements tels que, entre autres :

1ere dérive, ou le refus du sol :

Freud prend soin d’écrire : « gewachsenen Fels », en le mettant, qui plus est, entre guillemets. La traduction française opère une double suppression : celle des guillemets sensés signaler quelque chose de particulier dans l’esprit de Freud, et celle du terme « gewachsenen », pour ne garder que celui de « Fels », effectivement traduisible par « roc ». Ce terme devient ainsi très général en perdant la qualification pointée par Freud, et sur la base de cette généralisation, il peut donc prendre tous les sens souhaités par la réalité psychique des traducteurs (et devenir un point d’appui, de butée, etc.).

2ème dérive, ou le refus du refus :

Parler de roc de la féminité comme certains le font, n’est possible que par un saut, ou par l’effacement des mots qui séparent chez Freud roc et féminité, c’est-à-dire que disparaît l’espace entre le biologique et le psychique, entre le roc et la féminité, ce qui permet de déplacer et de transformer le refus : non plus un fait biologique mais un fait psychique. Or, visiblement, pour Freud ce n’est pas la féminité qui fait roc mais son refus. Le roc est celui d’un refus, et non celui de la féminité qui peut être acceptée, admise. Ce qui n’est quand même pas la même chose.

3ème dérive, ou la résistance à la féminité en soi :

Freud écrit : féminité. On observe souvent, dans l’entre-glose, le passage ou plutôt le glissement vers féminin voire castration[7] selon un jeu d’équations non questionnées (du genre : féminité = féminin = femme = castrée…) C’est-à-dire que l’on glisse de la bisexualité psychique à la différence anatomique des sexes, du psychique à l’anatomique et du coup de la bisexualité à la différence, voire du pour tous à pour la femme seule : ce qui supprime l’opération psychique pour, au pire, un soi-disant fait de nature. Au pire, le refus sera versé du côté d’un seul sexe. Dans son texte, Freud précise bien que cela concerne les deux sexes (il en donne des exemples cliniques) et que, du coup, il ne s’agit pas d’une question anatomique, ni de différence, ni même de bisexualité psychique puisque nous sommes là dans quelque chose de plus profond, la couche biologique sur laquelle se développe la psyché des individus.

4ème dérive, ou le refus du biologique :

Mais il y a un autre point, un autre glissement dans les commentaires, un glissement qui se constitue par la suppression d’un terme dans l’écrit de Freud, celui de biologique, ce qui crée une équivoque : le refus de la féminité semble alors être le fait d’un sujet ou de on ne sait trop qui ou quoi. Cette élision du terme biologique indiquerait une résistance psychique, voire une résistance (et blessure) narcissique, face au fait biologique, biologique qui est parfois indiqué comme fourvoiement chez Freud[8]. Il y a pourtant une certaine insistance chez lui, par exemple : « la pulsion de mort est inhérente à la matière vivante[9] » (Voir infra les définitions de la pulsion de mort chez Freud et les blessures narcissiques). Nous passons ainsi du biologique au seul psychique.

5ème dérive, ou de l’effet du biologique :

Freud écrit que c’est le biologique qui produit le refus de cette féminité, que ce soit chez la femme ou chez l’homme ; c’est ce biologique qui fait roc ou butée, et non pas la féminité ou la castration, qui en sont des prolongements psychiques, ce qui dans ce cas réintroduit un sujet et sa problématique. Roc comme sol ou point d’appui, ou roc comme butée ou point d’arrêt, ce ne sont pas les mêmes choses et l’on n’est pas à la même place : l’un marque un point d’appui et de départ, l’autre indique un résultat  terminal. L’un est biologique, l’autre est psychique.

6ème dérive, ou du psychique et lui seul :

En tous cas, ce qui est refoulé du texte freudien par certaines entre-gloses, ce sont la pulsion et le biologique, refoulements qui dès lors en déplacent la source : c’est-à-dire que l’accent mis par Freud sur le substrat biologique et ses effets, est : 1°) refoulé et remplacé par du : 2°) psychique, ce qui supposerait une opération psychique effectuée : 3°) par un sujet. Un des bénéfices immédiat est de réduire ainsi la fameuse blessure narcissique que la psychanalyse de Freud a infligée à l’être humain : le sujet revient au centre (Narcisse se défend-il ainsi ?)

7ème dérive, ou d’un refus du psychique :

Ces opérations permettent aussi, chez certains commentateurs, de refouler la dimension fantasmatique de la bisexualité psychique pour se réfugier dans une différence anatomique des sexes… cela préserverait le masculin au sens de viril chez l’homme, ce qui n’est pas du tout ce qu’écrit Freud. Il nous indique cet exemple de refus biologique de la féminité chez l’homme : « L’une des plus fortes résistances de transfert émane de la surcompensation opiniâtre de l’homme. Il ne veut pas s’incliner devant un substitut de son père, refuse d’être son obligé[10] (…) ».

8ème dérive, ou de la butée plutôt que le sol :

Elle est permise via la traduction du terme employé par Freud : « der gewachsener Fels ». C’est ce terme qui est réduit et rendu en français par celui de roc, ce qui facilite ainsi la représentation de butée qui marquerait une limite, voire une fin de trajet, à l’analyse (interprétation peut-être poussée, soufflée, par le titre même de l’article). Mais là nous sommes dans une représentation horizontale, linéaire (euclidienne), celle d’un début et d’une fin, et non plus une représentation verticale de couches successives (géologiques) représentant le constitutif et l’ontogenèse se développant à partir d’un sol phylogénétique : c’est-à-dire un creusement, vers le bas, une descente[11]. Cela produit une centration sur le roc comme résistance (ici l’action d’un sujet contre celle d’un l’analyste), et non plus comme sol biologique premier.

Etc.

Dans l’esprit de Freud, apparemment, c’est le biologique qui fait le sol du psychique – ce qui n’est pas nouveau, il l’a toujours écrit – et en ce cas précis celui de la féminité dans les deux sexes, et ce biologique produit un refus, qui en est la manifestation psychique, et qui vient, dans la situation analytique et transférentielle, produire une résistance, quel que soit le sexe du sujet. Ce refus serait la représentation psychique du roc qui en est l’expression, le fondement biologique. Ce qui pose une question technique (voir infra).

3. Que signifie donc « gewachsenen Felsens » ?

La question se pose, car c’est à partir de ce terme que les dérives – ou les résistances –  semblent découler. Elle est aussi d’importance, car selon notre réponse, nous ne nous situons pas du tout de la même façon face à la résistance, celle du patient comme de la notre.

Nous savons que Freud utilise souvent les métaphores géologiques pour représenter la vie psychique et son développement. Et gewachsenen Felsens en est une, mais qui semblerait a priori difficile de traduire.

Quelques significations possibles de cette expression :

  • Dans la langue allemande :
    • Fels désigne un roc ou une falaise ;
    • gewachsen est le participe passé du verbe wachsen : croître, pousser.
  • En architecture :
    • ein gewachsener Boden désigne le sol vierge dégagé lors du creusement des fondations d’un immeuble ou encore une friche, c’est-à-dire ce qui n’a encore jamais été travaillé et sur lequel s’élèvera une construction.
  • Enfin, en géologie :
    • ein gewachsener Fels désigne la roche sous-jacente, le sous-sol, ce qui est sous le sol, c’est-à-dire la roche non sédimentaire qui constitue donc la base à partir de laquelle, pendant des millénaires, se constitue par couches successives (strates) un sol fertile faits de sédiments (= la roche-mère), donc en une croissance progressive sous l’action des facteurs du milieu (climat et végétation) ainsi que des facteurs anthropiques. Ainsi le sol est formé d’une fraction minérale et d’une fraction organique (humus). Cette dernière est « mère » en ce sens que c’est elle qui par exemple permet la pousse végétale. Il y a donc à différencier :
      • une roche dure, non sédimentaire, qui est un socle (Grundgestein),
      • sur lequel vont progressivement se déposer les couches sédimentaires (celles qui produisent les hydrocarbures par exemple) : Muttergestein ou encore Ausgangsgestein.

Dans un premier temps, la roche non sédimentaire (par exemple volcanique) est ce qui n’a encore subi aucune altération que ce soit par l’érosion ou par l’homme, de même que le biologique peut être considéré comme ce qui n’a pas été altéré par l’histoire psychique d’un individu, c’est-à-dire son ontogenèse.

Le biologique est donc ici le sol d’origine : dans la phrase de Freud, l’accent porte plus sur le roc qui fait sol, le point de départ, le support, et non un roc comme butée, point final, ce qui n’est pas du tout pareil, cela ne nous met pas dans la même position psychique.

Jean Laplanche traduisit la formule de Freud par roc d’origine (soit en allemand : Urfels ce que Freud n’écrit pas) : cela a l’avantage de mettre l’accent sur l’origine, sur le fondement, mais ne souligne pas assez l’aspect indiqué en allemand, c’est-à-dire que ce qui s’est développé à partir de ce roc en porte la marque (à l’instar de toute élaboration psychique). Car l’important se situe aussi dans ce lieu particulier qui part du biologique pour influencer le psychique. Point de départ, certes, mais au sens de point d’appui qui va influencer les strates sui y reposent.

Il s’agit ici, simplement, d’une représentation habituelle chez Freud, telle qu’il a pu la décliner souvent en d’autres termes comme ceux de : constitution / disposition, phylogenèse / ontogenèse, processus d’étayage, etc. Et ainsi, dans la cure, il n’y a pas que du psychique à l’œuvre, il y a aussi ce sol complexe du biologique – mais cette autre dimension est tout un chantier à élaborer.

4. Conrad Stein

J’avais discuté de ces questions de rocs au début des années quatre-vingt-dix avec Conrad Stein, psychanalyste français d’origine allemande, lors d’une rencontre à Bordeaux. Il m’avait renvoyé à l’un de ses séminaires de 1987, repris plus tard dans une compilation[12]. Aussi vais-je le citer en partie. Il nous propose sa traduction (l’allemand est sa langue maternelle, je le rappelle), qui est la suivante :

« Ce qui est décisif, c’est que la résistance n’autorise nul changement, que tout reste en l’état. Ayant traversé toutes les strates psychiques et atteint l’envie du pénis [ou, plus précisément, le désir « d’entrer en possession d’organes génitaux masculins[13] »] et la protestation virile [« qui n’est, en fait, rien d’autre que la peur de la castration[14] »], on a souvent l’impression d’être arrivé à la « roche de fond » et, par conséquent, au terme de son activité. »

Donc, roche de fond. Notons que la traduction anglaise de Strachey est assez fidèle en donnant : bedrock, mot à mot : lit de roche. Conrad Stein poursuit :

« À force de creuser, nous butons ainsi sur ce qui est de taille à nous tenir tête, soit à l’ultime et insurmontable résistance que Freud pourtant se refuse à personnifier, dans la mesure, précisément, où il la désigne comme étant d’ordre biologique :

Il semble qu’il en est nécessairement ainsi [Strachey donne : « Cela est probablement vrai », alors que la traduction française proposée par Résultats, idées, problèmes est proche de la mienne : « Il ne peut pas en être autrement »] car pour le psychique, le biologique joue effectivement le rôle de la roche de fond sous-jacente. En effet, le refus de la féminité ne peut pas être autre chose qu’un fait biologique, un morceau de cette grande énigme de la sexualité. »

Voilà pour ce qui en est de sa traduction.

5. Le biologique comme résistance

Mais une autre question, plus importante, apparaît alors : que fait-on, en séance, de cette résistance biologique ? Est-ce une butée de l’analyse qui produirait de l’inanalysable ? Que et qu’en faire ?

Conrad Stein poursuit : « Freud se heurte à la résistance du patient, soit à son refus de la féminité, comme à un roc ; à force de creuser il en vient à buter sur la roche vive. »

Or, à la fin du texte, Freud déplace la résistance : non plus le biologique en lui-même, dont on ne peut évidemment rien faire (« L’anatomie, c’est le destin »), mais la position que prend le patient face au fait biologique, position qui fait suite à une intervention de l’analyste, c’est-à-dire que la résistance sera aussi celle du patient face à l’analyste. Freud écrit ceci :

« II est difficile de dire si et quand nous avons réussi à maîtriser ce facteur dans une cure analytique. Nous nous consolons dans la certitude d’avoir fourni à l’analysé toutes les incitations à réviser et modifier ses positions à cet égard. »

Modifier ses positions à l’égard du fait que l’homme et la femme sont anatomiquement dissemblables, ce serait renoncer à l’un ou à l’autre de ce que Freud désigne comme

« [les] deux thèmes liés à la différence des sexes et dont l’un est aussi caractéristique de l’homme que l’autre l’est de la femme. […] Quelque chose de commun aux deux sexes est moulé dans des formes d’expression différentes, du fait de la différence des sexes. […] Ce qui est commun, la terminologie psychanalytique l’a très tôt désigné comme un comportement à l’égard du complexe de castration […] je pense que le terme « refus de la féminité » eût, dès le début, décrit correctement ce bien curieux aspect de la vie psychique humaine[15]. »

Fournir à l’analysé toutes les incitations à réviser et modifier ses positions à cet égard du refus de la féminité, biologique donc. Qu’est-ce à dire ? Sinon lui communiquer quelque chose dont il n’est pas l’auteur mais dont il est le jouet, ce dont il ne veut rien savoir en ce que cela heurte par exemple son narcissisme, c’est-à-dire ici un effet du refus de la féminité ?

Refus et résistance qui peuvent s’entendre ainsi :

 « On serait aisément tenté de se contenter de « gratter » la surface psychique d’un certain nombre de personnes et de remplacer ce qu’on aurait omis par des spéculations, spéculations qu’on mettrait sous le patronage d’une quelconque orientation philosophique. On peut aussi en appeler, en faveur de cette manière de procéder, à des besoins pratiques, mais les besoins de la science ne se laissent satisfaire par aucun succédané. »[16]

6. Le biologique chez Freud

En fait, comme souvent, Freud reformule ici quelque chose qu’il avait déjà écrit, entre autres dans son étude sur « l’Homme aux Loups » : par exemple les dernières pages sur la place du phylogénétique dans la psychanalyse. Je citerais ici le dernier paragraphe :

« Je le sais : de divers côtés on a parlé d’idées semblables soulignant le facteur héréditaire, phylogénétiquement acquis, de la vie psychique. Je pense même que l’on n’a été que trop enclin à leur faire une place et à leur attribuer de l’importance en psychanalyse. Je ne les considère comme admissibles que lorsque la psychanalyse respecte l’ordre des instances et, après avoir traversé les strates successives de ce qui a été individuellement acquis, rencontre enfin les vestiges de ce dont l’homme a hérité. »[17]

Les différentes traductions sont aussi l’écho des différentes positions des auteurs envers le biologique (de Freud), c’est-à-dire avant tout leur propre rapport psychique au biologique selon les strates qu’ils ont traversé ou non. C’est ici que les écarts de traductions et les dérives d’interprétations peuvent trouver leur origine.

Le rapport au biologique, chez Freud, est une vraie constante. Son affirmation n’est donc pas nouvelle (voir par exemple le constitutif et la disposition), et il a toujours maintenu cette question du biologique dans différentes élaborations. J’en donne deux exemples :

1. Exemple de la constitution versus disposition

« La fixation de la libido de l’adulte, que nous avons introduite dans l’équation étiologique des névroses à titre de représentant du facteur constitutionnel, se laisse maintenant décomposer en deux nouveaux facteurs : la disposition héréditaire et la disposition acquise dans la première enfance.

[…] La constitution sexuelle héréditaire présente une grande variété de dispositions, selon que la disposition porte plus particulièrement sur telle ou telle tendance partielle, seule ou combinée avec d’autres. En association avec les événements de la vie infantile, la constitution forme une nouvelle « série complémentaire », tout à fait analogue à celle dont nous avons constaté l’existence comme résultat de l’association entre la disposition et les événements accidentels de la vie de l’adulte.

[…] On peut à ce propos se demander si la plus remarquable des régressions de la libido, à savoir sa régression à l’une quelconque des phases antérieures de l’organisation sexuelle, n’est pas déterminée principalement par les conditions constitutionnelles. »[18]

Mais la notion de soubassement biologique de la vie psychique est source d’une grande résistance en ce qu’elle promeut une sorte de prédétermination qui peut être narcissiquement insupportable :

  • une blessure narcissique, celle qu’après Copernic et Darwin, la psychanalyse inflige à l’être humain : il n’est pas Un et n’est pas au centre du monde ; ni tout-puissant ;
  • le déni du sol physique mène au métaphysique ;
  • et tout n’est pas que langage.

Soit la question délicate du biologique et du corps, en psychanalyse, ou dit autrement avec les mots de Freud, la question constitutif et de la disposition.

Blessures narcissiques car il s’agit de reconnaître, ainsi que Lou Andréas-Salomé l’écrivit à Freud, que « nous vivons plus que nous ne sommes[19] » ! Soit un autre exemple de notre féminité : nous sommes plus faits que nous nous faisons.

2. Exemple de la pulsion de mort et de la psyché

Freud a toujours soutenu, du début à la fin de ses écrits, que la fonction première de la psyché est de lutter contre toute excitation : Psyché refuse fondamentalement l’excitation. Et toute la vie psychique sera une tentative de lutter contre l’excitation, de l’annuler ou de la dévier mais pas de complètement la supprimer : l’équilibre et la vie psychiques réclament le jeu dialectique de deux pulsions, Eros qui excite et Thanatos qui s’y oppose, c’est-à-dire un mélange et une confrontation permanente d’excitations et de refus d’excitation. En ce sens :

« Le système nerveux est un appareil auquel est impartie la fonction d’éliminer les stimuli qui lui parviennent, de les ramener à un niveau aussi bas que possible, ou qui voudrait, si seulement cela était possible, se maintenir absolument sans stimulus »[20] tel l’état minéral.

Soit une définition de la pulsion de mort (Thanatos n’est pas un dieu de la mort mais du sommeil). C’est dans ce fil que l’on peut entendre cette autre affirmation freudienne :

« Le réflexe reste le modèle de toute production psychique »[21].

Freud énonce là la base biologique des mécanismes psychiques : excitation à réaction de défense[22].

« Être excité(e) » est représenté, qualifié par le terme de « féminin », comme position féminine (Freud s’en excuse, le terme est impropre) : mais ce féminin là n’a rien à voir avec l’anatomie des sexes et beaucoup à voir avec la bisexualité psychique, qui est tout autre chose (même si elle reprend à sa façon la question de la différence). Ce féminin concerne les deux sexes. L’excitation est vécue comme passivité dans la mesure où nous la subissons.

Notons qu’en contrepoint la libido est dite « masculine » (là aussi, pas au sens de l’anatomie des sexes), car elle n’est pas une soumission mais une action sur un objet afin d’épuiser temporairement l’excitation. En ce sens, elle est active, et au service de Thanatos en ce qu’elle cherche à supprimer l’excitation.

Féminin et masculin sont ici des traductions psychiques de mécanismes physiologiques, biologiques fondamentaux.

Le moi, en tant que lieu de l’éprouvé, subit l’excitation (qu’elle vienne du ça, du surmoi ou du monde externe), c’est donc lui qui éprouve cette position passive, féminine, qu’il refuse et repousse par tous ses moyens.

Ce refus de l’excitation (ou plus précisément d’une certaine quantité d’excitation) participe au travail du pare-excitation afin de maintenir un certain seuil d’admissibilité dans la psyché qui respecte son travail de liaison.

Le féminin dont il s’agit ici est donc celui de la femme comme de l’homme et n’a rien à voir avec la différence des sexes (sauf au niveau des représentations) : refus d’être excité par, stimulé, subir passivement, etc. Ceci n’est concevable (en effet, pourquoi est-ce insupportable ?) qu’avec la pulsion de mort (elle aussi, prouvée biologiquement indique Freud) : c’est elle qui produit le refus (à lier aux anciennes formulations : principe de Constance ou de Nirvana par exemple ; et aux élaborations suivantes, plus psychiques : castration, soumission, masochisme, certaines définitions de la femme, la notion de revendication phallique, etc.) Ce « être excité » se décline de multiples façons : « être coïté », castré ou pénétré, sexuellement ou par la pensée d’un autre ou par l’irruption de l’altérité, etc., et ce jusqu’au traumatisme : le moi est débordé par quelque chose auquel il n’est pas préparé.

Notons que Freud nous a souvent avertis par rapport aux notions de masculin et de féminin, et que les rattacher à des qualités psychiques, c’est se conformer à l’anatomie et aux conventions : « Cette distinction n’est pas psychologique ».[23] Cela signifie que tant que l’on ne trouve pas une définition psychanalytique satisfaisante du couple masculin et féminin, la notion de bisexualité risquera plutôt de « peser sur nos recherches et rend difficile toute description ».[24]

7. Contre-transfert de Freud, sa butée propre ?

Nous pouvons aussi faire une autre hypothèse, et rien qu’une hypothèse, au sujet de la pensée que nous supposons à Freud : cette affirmation du refus biologique du féminin comme grande énigme de la sexualité, en 1937, n’est-il que biologique ou bien le biologique est-il en partie un masque, un voile de quelque chose de plus interne ou intime chez le théoricien ? En d’autres termes, c’est aussi la question du contre-transfert. Freud finalement n’a pas cessé d’en semer quelques indications :

  • Freud commit un poème, offert à Fliess, où l’on peut lire : « Mais salut aussi au père qui, peu auparavant, tout au fond du calcul a trouvé // à endiguer la puissance du sexe féminin pour qu’il porte sa part d’obéissance à la loi » [25];
  • dans une lettre à Emma Eckstein, la première psychanalyste analysée, Freud lui écrit ceci : « Tous ces évènements, il est vrai, n’ont pas ébranlé l’opinion que j’ai de vous, mais m’ont à nouveau inspiré du respect pour la féminité primordiale contre laquelle je ne cesse de lutter. »[26] Emma donne à voir mais n’en dit rien[27];
  • Ce refus serait-il la source de cet aveu de Freud : « La grande question restée sans réponses et à laquelle moi-même n’ai jamais pu répondre malgré mes trente années d’étude de l’âme féminine est la suivante : ‘Que veut la femme?’ » ?[28] Ces affirmations sont-elles le résultat de la méconnaissance interne, c’est-à-dire d’un « je ne veux rien en savoir » défensif ?
  • la femme pensée comme « continent noir», phrase de Freud qui relève d’un lapsus de traduction assez énorme : dark (obscur) n’est pas black (noir) ! Freud fait référence ici à une expression de l’explorateur Livingston à la Royal Academy de Londres pour désigner tout le travail d’exploration à faire en Afrique, continent encore obscur ; l’erreur de traduction indiquerait-elle une résistance à aller y voir ?
  • le 9 mars 1933, Hilda Doolittle rapporte dans ses notes une intervention de Freud : « Il faut que je vous dise,… je n’aime pas être la mère dans le transfert. Cela me surprend et me choque toujours un peu. Je me sens tellement masculin. »[29]
  • nous connaissons chez Freud le conflit entre l’analyste qui, devant les faits de la clinique, admet l’étiologie sexuelle et la défend, et l’homme en difficulté avec cette sexualité[30], ce dont il nous a laissé quelques témoignages.

Lorsque l’on parcourt les récits de cure ou les vignettes cliniques de Freud, l’on peut s’étonner de la différence de traitement et du ton interprétatif selon qu’il s’adresse à des femmes ou des jeunes filles[31], plus précisément, à des déflorées ou des vierges. Par exemple :

  • dans les cures de jeunes filles : Emma, Dora, Anna, Sidonie, la jeune homosexuelle, etc. Il les décrit comme étant belles, intelligentes et nubiles (remarque de défloreur[32]?), qualités soulignées avec insistance : quel contre-transfert ? Et note ainsi : ou bien elles sont inexpérimentées, sans savoir sexuel même dans l’inconscient et donc sans symptômes hystériques ; ou bien elles sont hystériques, et là pas de pureté de sentiments. Dans ce cas, il occupe alors une position « dure », perçante ;
  • mais avec une femme mure (déflorée ?) ou mariée, le ton est tout autre, et Freud va même jusqu’à donner de l’argent à une femme pour qu’elle puisse lui payer sa cure[33].

Mais là on est repassé du côté de la différence anatomique…

8. Retour sur le fantasme de castration

Conrad Stein fit lors de ce séminaire une remarque concernant le vocabulaire de Freud. Il note que la différence des sexes est représentée par le seul pénis et non pas par l’ensemble des organes génitaux masculins, ce qui peut, nous dit-il s’expliquer que cet organe est le lieu de sensations plus fortes que les autres organes et aussi parce qu’il peut s’exhiber notamment en urinant debout. Il est donc facilitant pour capter l’attention. Nous pourrions aussi ajouter le discours parental, etc.

Ce que Stein conteste est que Freud s’en soit tenu à l’ablation du pénis comme complexe de castration (Kastrationskomplex), alors que complexe d’émasculation (Entmannungskomplex) lui semblerait plus juste puisque, dans la réalité, la castration consiste en l’ablation des testicules.

S’il est vrai que Freud fait peu de cas des testicules[34] dans les théories sexuelles infantiles alors que la pratique analytique et l’écoute des enfants nous montre combien elles jouent un rôle[35], la remarque de Stein ne tient pas car, à l’inverse de la réalité, c’est bien le pénis qui est menacé dans le fantasme de castration. La castration dont il s’agit là ne porte pas dans la réalité mais sur un symbole, par exemple de puissance, et c’est cette puissance qui est menacée d’être ôtée.

Freud parle de la sexualité psychique, et non anatomique, et donc des organes comme symboles représentants d’autres choses.

Conclusions

 Freud indique par sa formulation une façon dont le psychisme réagit ou interagit avec le biologique. Tout au long de ses écrits, il a maintenu ce dualisme – que certains critiquent et rejettent – et pour rappel, il a créé les concepts de pulsion et d’affect comme étant des éléments entre biologique et psychique, qui sont les représentants du passage d’un monde biologique à un monde psychique.

Le biologique est le sol premier d’où tout se développe et se construit (voir la notion de frayage par exemple ou le rapport phylogenèse – ontogenèse, etc.) et les expériences vécues se déposent sur ce sol tels des sédiments, en couches successives. Le psychique est donc posé sur ce sol, comme émanation. La cure produit une sorte de trajet régrédient.

  1. Il est ici question de traductions, c’est-à-dire de représentations rendant compte des émanations biologiques de l’humain et de leurs poids de prédétermination.

Ce qui occupe Freud ici est le fait qu’en cure l’on rencontre une résistance autre que psychique, bien plus fondamentale, et qui relève d’un effet biologique, celui d’une passivité face à l’excitation au sens où celle-ci s’impose et fait irruption dans la psyché. Les résistances à certaines interprétations peuvent en être une émanation, ce qui réclame à l’analyste un autre mode de fonctionnement, non plus interprétatif. C’est une question technique, qui peut éclairer, par exemple, certaines réactions thérapeutiques négatives.

Il y a donc un refus du refus de la féminité.

Annexe : extrait du texte de Freud

 « L’importance considérable de ces deux thèmes, le désir du pénis chez la femme et la révolte contre une attitude féminine chez l’homme, n’a pas échappé à l’attention de Ferenczi. Dans une conférence qu’il fit en 1927, il déclara que toute analyse réussie doit avoir surmonté ces deux obstacles. Mon expérience personnelle m’incite à ajouter que je trouve ici Ferenczi particulièrement exigeant. Au cours du travail analytique, jamais le sentiment de faire des efforts répétés et infructueux n’est aussi pénible, jamais on n’a autant l’impression de prêcher dans le désert que lorsqu’on veut pousser les femmes à abandonner, parce que irréalisable, leur désir du pénis ou lorsqu’on cherche à convaincre les hommes que leur attitude passive envers quelque autre homme n’équivaut pas à une castration et est inévitable dans bien des relations humaines.

« L’une des plus fortes résistances de transfert émane de la surcompensation opiniâtre de l’homme. Il ne veut pas s’incliner devant un substitut de son père, refuse d’être son obligé[36] et par là de se voir guéri par le médecin. Un transfert analogue ne peut découler du désir du pénis de la femme. Par contre, ce sont des crises de dépression grave qui viennent de cette source, crises au cours desquelles la malade est sûre que le traitement analytique ne lui servira de rien et qu’elle est incurable. On n’est pas en droit de lui donner tort lorsqu’on apprend que c’est l’espoir d’acquérir malgré tout l’organe viril si douloureusement convoité qui fut pour elle le motif principal de la cure entreprise.

« On apprend cependant aussi par là que la forme sous laquelle surgit la résistance, transfert ou non, n’a pas beaucoup d’importance. Ce qui est décisif, c’est le fait que la résistance ne provoque aucune transformation, que tout demeure dans le même état.

« On a souvent l’impression que, en se heurtant au désir du pénis et à la protestation mâle, on vient frapper, à travers toutes les couches psychologiques, contre le roc et qu’on arrive ainsi au bout de ses possibilités. Cela doit être le cas, en effet, car pour le psychisme, le biologique joue vraiment le rôle du roc qui se trouve au-dessous de toutes les strates.

« Le refus de la féminité ne peut être qu’un fait biologique, une partie du grand mystère de la sexualité. Il est malaisé de décider, au cours d’une cure analytique, si nous avons réussi à vaincre ce facteur et à quel moment cette victoire se réalise. Consolons-nous en constatant que nous avons offert à l’analysé toutes les possibilités de comprendre et de modifier son attitude à cet égard. »

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Notes :

 [1] Michel de Montaigne, Essais III, P.U.F 1965, p. 1069.

[2] Whitehead, Procès et réalité (conférences de Gifford, 1927-1928), Gallimard 1995.

[3] Sur cette question, voir Joël Bernat, « Introduction » in Le processus psychique et la théorie freudienne, L’Harmattan, 1996.  « Cheminant avec Freud » sur www.dundivanlautre.fr

[4] Voir Joël Bernat, « Lectures de Freud, transferts à Freud », revue Dédale n°21, 1988.

[5] Sigmund Freud, « Analyse avec fin et analyse sans fin », in Résultats, idées, problèmes, II, Paris, P.U.F., 1985. Mes italiques.

[6] Je ne cite personne car il ne s’agit pas ici de dénoncer qui ou quoi que ce soit mais de poursuivre notre analyse personnelle et réfléchir à ce que nous faisons en cure ?

[7] « « Roc de la castration », formule choc qui a fait fortune. Elle s’est disséminée depuis les années 1980 dans la littérature psychanalytique, surtout d’obédience lacanienne, sur fond de l’annonce ressassée d’un au-delà de l’œdipe, d’un dépassement de Freud par Lacan. Dépassement que ce dernier n’a jamais revendiqué comme tel. La formule ornée de ses guillemets se donne l’allure d’une citation… de Freud, ce qu’elle n’est pas ; introuvable chez Freud elle est aussi absente chez Lacan. « Le roc… » Ferdinand Scherrer, in Essaim 2011/2 (n° 27).

[8] Voir Jean Laplanche, Le fourvoiement biologisant de la sexualité chez Freud, Paris, Les empêcheurs de tourner en rond, 1993.

[9] « Analyse avec fin et analyse sans fin », op. cit.

[10] Ibid.

[11] Voir Joël Bernat, « Sigmund Freud et la ‘fonction Goethe’ », in Revue Internationale de philosophie, volume 63, Vrin, 2009, n°249.

[12] Conrad Stein, Le monde du rêve, le monde des enfants, Aubier, 2011, pp. 318-323.

[13]  GW, XVI, p. 97 [Résultats, idées, problèmes, II, op. cit., p. 266]. Entre crochets, les commentaires de Conrad Stein.

[14] GW, XVI, note p. 99 [id., p. 268]. Entre crochets, les commentaires de Conrad Stein.

[15] GW, XVI, p. 96-97 [Résultats, idées, problèmes, II, op. cit., p. 265-266]. Entre crochets, les commentaires de Conrad Stein.

[16] Sigmund Freud, L’Homme aux Loups, P.U.F. Quadrige, 1990.

[17] Mes italiques. Pensons aussi au texte de Sandor Ferenczi, Thalassa, essai sur la théorie de la génitalité in Œuvres complètes Tome III, Paris, Payot 1974.

[18] Freud, Leçons d’introduction à la psychanalyse, Payot, 1923, p. 393.

[19] Freud S. – Lou Andreas-Salomé, « Journal d’une année » (1913) in Correspondance, Gallimard 1970, p. 402.

[20] « Pulsions et destins des pulsions » (1915), in OCF-P XIII, P.U.F. 1988, p. 166.

[21] Voir par exemple, L’interprétation des rêves, P.U.F. 1950, p. 456.

[22] Voir Joël Bernat : « « Freud y el sistema percepcíon-consciencia », Revista de Psicanálise da Sociedade Psicanalítica de Porto Alegre, vol. XV, n°3 ; « Effroi, peur, angoisse », sur www.dundivanlautre.fr

[23] Freud S., (1933), « La féminité » in Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, Gallimard, 1984, p. 150-181.

[24] Freud S., (1938), Abrégé de psychanalyse, P.U.F., 1985.

[25] Lettre du 29-XII-1899, Sigmund Freud, Lettres à Flieβ, PUF, 2006, p. 499.

[26] Lettre inédite citée par J. M. Masson, Le réel escamoté, le renoncement de Freud à la théorie de la séduction, éd. Aubier, 1984, p. 219.

[27] Par exemple, elle refuse de communiquer les dates de ses menstrues ou de parler de son onanisme.

[28] S. Freud à M. Bonaparte, in Ernest Jones, La vie et l’oeuvre de Sigmund Freud, tome II, Paris, P.U.F., 1975-1988, p. 445.

[29] Hilda Doolittle, Visages de Freud, Denoël 1977, p. 65.

[30] Par exemple, dans « La sexualité dans l’étiologie des névroses », OCF/P, III, PUF, 1989 : il écrit page 91, partager la même aversion que ses maîtres Charcot et Breuer. Ou encore : « À peine sorti de l’école de Charcot, je rougissais de la connexion entre l’hystérie et le thème de la sexualité », in Études sur l’hystérie, PUF, 1967, p. 208.

[31] Voir Martine Bucchini-Giamarchi, « Freud et les jeunes filles. Problèmes de technique psychanalytique ou problème de contre-transfert », RFP, 2, 1982 ; Jean Gillibert, « Réflexions critiques », in RFP n° 3, 1981.

[32] Voir Didier Anzieu, L’auto-analyse, PUF.

[33] Voir « Deux mensonges d’enfant », 1913, in Névrose, psychose et perversion, PUF, 1973.

[34] « Il ne faudrait pas pour autant négliger le caractère érogène des bourses dont la rétraction participe à l’érection, ni leur importance en tant qu’attribut, importance dont témoigne, par exemple, la réaction du père qui, assistant à la naissance de sa fille, se surprend à tenir pendant un bref instant pour un sexe masculin les grandes lèvres tuméfiées de cette dernière, ou la découverte de la femme qui, au cours de l’interprétation de son rêve, voit surgir le souvenir d’avoir jadis été fascinée par « les deux billes de son frère », ou encore la certitude affirmée de la petite fille qui, voyant pour la première fois déshabiller son frère nouveau-né, déclare qu’il a un caca entre les jambes. »

Stein indique aussi ceci : Concordance of the Psychological Works of Sigmund Freud donne dix-huit occurrences des termes emasculation, emasculating, dont quinze concernent le délire ou les fantasmes du président Schreber qui a lui-même usé de ce vocable dans ses Mémoires, les trois autres étant relatives, d’une part aux aventures de Zeus et Chronos ou de Chronos et Ouranos, d’autre part à l’évolution des croyances qui aurait abouti à faire peser une menace d’émasculation sur les hommes une fois qu’ils eurent appris à cultiver la terre (Totem et tabou). Il n’est donc jamais question d’émasculation s’agissant des craintes ou des fantasmes d’un patient, d’un interlocuteur quelconque ou de Freud lui-même. Les mots testicle, ou testis, et scrotum sont relevés respectivement trois fois et cinq fois. En revanche, on trouve trois cent soixante-neuf occurrences de pénis, trois cent soixante-quinze de genitals (organes génitaux masculins ou féminins) et quatre cent trois du substantif castration ou du verbe to castrate.

[35] Voir le texte de Vilma Kovács, « l’héritage de Fortunatus », in Le Coq-Héron, n° 139, décembre 1995.

[36] Ou s’incliner devant le primat du biologique et de l’anatomique, ce que Narcisse ne peut que refuser ?

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Une réponse à Joël Bernat : « Le refus de la féminité et autres rocs comme résistance majeure… » (et quelques modes de résistance à la notion de résistance)

  1. Jacques Woda dit :

    Monsieur Bernat,Votre texte « Le refus de la féminité et autres rocs comme résistance majeure… » (et quelques modes de résistance à la notion de résistance) » a provoqué en moi de multiples réactions. Je vous en communique quelques unes. 1- « Nos propres préférences pulsionnelles » (jolie formule) A la réflexion, c’est évident. Tout ce qu’un humain exprime, quels que soient le mode et le vecteur de son expression, ne peut que résulter du traitement qu’il applique à sa perception de la réalité qui lui est extérieure. Et ce traitement lui-même résulte de ses connaissances, expériences, …. et de ses préférences pulsionnelles. Ce qui à mes yeux soulève problème : Freud a été comme tout un chacun influencé par ses propres préférences pulsionnelles. A quelle hauteur la clinique confirme-t-elle ses théories, sachant qu’elles sont vérifiées sur un échantillon forcément limité de l’espèce humaine, qu’à l’intérieur de cet échantillon leurs résultats ne sont forcément pas toujours probants, et qu’il existe d’autres théories influencées par d’autres préférences pulsionnelles ? 2- « le biologique peut être considéré comme ce qui n’a pas été altéré par l’histoire psychique d’un individu, c’est-à-dire son ontogenèse ». L’histoire psychique d’un individu ne commence-t-elle pas in utero, et ne peut-elle pas être profondément influencée, formée, créée, par ce que vit et ressent la mère qui le porte ? 3- Toujours est-il qu’à la naissance, le biologique est en effet figé. Je comprends bien que dès lors il fasse sol, roc, butée, de départ, et que « dans la cure, il n’y a pas que du psychique à l’œuvre, il y a aussi ce sol complexe du biologique – mais cette autre dimension est tout un chantier à élaborer. » C’est la première fois que je suis alerté de la présence du biologique dans la cure. Il semblerait (« chantier à élaborer ») que jusqu’ici personne ne sache qu’en faire. Est-ce bien cela ? 4- « Quelque chose de commun aux deux sexes est moulé dans des formes d’expression différentes, du fait de la différence des sexes. […] Ce qui est commun, la terminologie psychanalytique l’a très tôt désigné comme un comportement à l’égard du complexe de castration […] » « Féminin et masculin sont ici des traductions psychiques de mécanismes physiologiques, biologiques fondamentaux. » Les dénominations « masculin » et « féminin » ont été adoptées et on ne les changera pas. Mais à vous lire je finis par les trouver, en tant que traductions psychiques, inexactes. J’admets facilement l’existence de mécanismes biologiques spécifiques aux sexes masculin et féminin. J’admets que ces mécanismes spécifiques ont un retentissement sur le psychisme de l’individu. Mais le dit psychisme résulte, également, de mille autres facteurs non spécifiques du sexe. A telle enseigne qu’avec la seule description du psychisme de quelqu’un on est incapable d’en déduire son sexe (du moins je le crois). L’incidence des mécanismes spécifiques biologiques a été diluée dans tout le reste, au point d’en devenir indécelable, comme dans un médicament homéopathique. Au lieu de masculin et féminin, conviendraient mieux deux autres mots, à trouver, désignant une polarité psychique, mais complètement désexualisée. Le « complexe de castration », commun aux deux sexes, qui si je comprends bien désigne la peur de perdre sa puissance, donc sa sécurité, deviendrait par exemple, débarrassé des images que soulève à foison le mot « castration » , « complexe d’insécurité vitale », ou quelque chose du genre. Amitiés,Jacques PS 1 : Les roches « non sédimentaires » sont les roches cristallines ou métamorphiques, dont elles proviennent par érosion, et sont donc composées des mêmes éléments. PS 2 : « Bedrock » est un terme très courant en géologie, particulièrement en travaux publics. Là il désigne le substrat rocheux dans lequel on peut foncer des pieux qui soutiendront solidement les structures au-dessus. Les analogies géologiques de Freud sont bienvenues.

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