Serge Lebovici et Joyce McDougall : « Considérations générales sur la psychose infantile » part 2/2

Suite et fin du chapitre extrait de Serge Lebovici et Joyce McDougall, Un cas de psychose infantile étude psychanalytique, PUF 1960, coll.

Chapitre III : Considérations psychopathologiques sur les psychoses de l’enfant

La description clinique de ce qu’on a appelé d’abord la schizophrénie infantile, puis les états prépsychotiques et psychotiques de l’enfance est, comme on l’a vu, très insatisfaisante, si l’on veut sortir d’un cadre purement descriptif qui limite d’ailleurs les faits observés à un certain nombre d’observations exceptionnelles qui constitueront alors les meilleures pièces du musée de la folie de l’enfant.

Il appartient sans aucun doute au psychiatre attaché à la compréhension dynamique des états qu’il observe de tenter d’apporter sa contribution à la description psychopathologique des états psychotiques de l’enfance.

La réduction de la psychose de l’enfant au tableau de la démence précocissime de Sancte de Sanctis, ou de la schizophrénie infantile, ne saurait répondre à l’ensemble des cas que l’on convient maintenant de grouper sous ce titre commun. En tout cas si la symptomatologie que les divers auteurs s’accordent à y retrouver permet dans une certaine mesure d’élaborer une psychopathologie de la psychose infantile, celle-ci doit dépasser les stades purement descriptifs.

De toute façon il est extrêmement difficile d’accepter comme valables sinon à titre purement exceptionnel, les descriptions classiques de la démence précocissime qui font état d’un délire, parfois hallucinatoire, chez l’enfant jeune. Au sens strict du terme le délire, tel qu’on l’entend en psychiatrie classique, ne saurait guère se manifester, à cette période de l’évolution de l’enfant où toutes les données de la psychologie génétique semblent témoigner de l’impossibilité où il est de s’organiser. C’est plutôt dans le sens des altérations de la réalité au sein d’une vie fantasmatique qui l’imprègne tout entière que l’on peut saisir ce qu’on peut se permettre d’appeler les états délirants de l’enfant. La fantasmatisation de la réalité qui est un véritable processus défensif valable dans l’organisation des premiers nucléi du Moi devient hautement significative à mesure que l’enfant avance en âge.

L’école française de psychiatrie infantile a classé les états schizophréniques de l’enfance en un certain nombre de tableaux cliniques qui ont été décrits par Heuyer et ses collaborateurs [32].

Certes, on constate qu’il existe des enfants d’aspect catatonique, tandis que d’autres sont plongés dans un état de rêverie souvent accompagné d’excitation psychique chronique. Ainsi Heuyer en arrive-t-il à distinguer, à côté de la forme qui rappelle en tous points la schizophrénie de l’adulte et qui s’observe surtout à la période prépubérale, deux formes plus spécialement infantiles : la schizophrénie simple avec régression intellectuelle, dissociation et autisme, et la schizophrénie associée à un délire de rêverie.

Devant l’ensemble des descriptions cliniques, en particulier celles d’Heuyer, qui représentent la systématisation la plus achevée, deux attitudes sont possibles : les uns — et ils sont représentés par l’école de Lutz [55] – sont spécialement exigeants sur les critères cliniques et psychopathologiques de la schizophrénie infantile dont ils considèrent qu’il s’agit d’une affection tout à fait exceptionnelle. En 1937, Lutz pensait que la littérature mondiale ne permettait pas d’authentifier plus d’une vingtaine de cas de schizophrénie infantile. Dans les travaux successifs de son école, cet auteur est resté ferme sur ses positions initiales, encore qu’il ait accepté le diagnostic de schizophrénie pour certaines observations : c’est le cas pour celle que l’un d’entre nous étudia comme base de considérations théoriques sur la place nosographique de la schizophrénie infantile (Lebovici [46]).

La position de l’école suisse de Lutz aboutit donc à l’élaboration de critères très orientés sur la psychopathologie. Selon cet auteur, les encéphalopathies infantiles forment l’essentiel de ce que les auteurs ont appelé démence (démence simple de Heller et démence précocissime de Sancte de Sanctis). Il estime que le diagnostic de schizophrénie infantile doit reposer sur une très longue période d’observation et sur la constatation d’une modification définitive de la courbe du développement ascendante que l’on observe normalement chez l’enfant. La séméiologie est faite de troubles du contact qui peuvent s’organiser dans le sens d’un autisme infantile. Par ailleurs, Lutz essaye de reconstituer chez l’enfant l’essentiel de la psychopathologie bleulérienne, mais il faut dire que la description des troubles des associations reste bien vague.

Notre position s’accorde mieux avec les vues psychopathologiques d’un grand nombre d’autres auteurs, surtout anglo-saxons, mais aussi français. Si nous partageons en effet les réticences de Lutz devant le diagnostic trop fréquemment posé de schizophrénie infantile, c’est bien parce que les observations qui semblent mériter cette qualification sont exceptionnelles. Il y aurait d’ailleurs quelque danger à porter ce diagnostic qui comporte une sanction pronostique que l’avenir peut se charger dans une large mesure de démentir. Kraepelin et Bleuler avaient déjà signalé la rareté des cas où la maladie semblait survenir dès l’enfance et bien souvent il faut reconnaître que la maladie débute chez l’adulte. Par contre les états psychotiques de l’enfance gardent un potentiel évolutif dont l’aboutissement est loin d’être constamment la schizophrénie.

D’ailleurs la multiplication des observations de psychose de l’enfant ne peut pas simplement correspondre à une mode : si l’on peut regretter avec Ernst Harms [28] qu’à une certaine période un centre de guidance américain ait porté le diagnostic de schizophrénie infantile dans 80 % des cas qui y furent examinés, on ne peut pas ne pas être frappé par l’importance croissante que les psychiatres d’enfants contemporains reconnaissent à la psychose de l’enfant. Il est inutile de rappeler les descriptions cliniques de l’autisme infantile de Léo Kanner, de la schizophrénie infantile de Louise Despert, des bases de dysmaturation que Lauretta Bender voit dans de tels cas, de la psychose infantile de Margaret Mahler, de l’enfant atypique de Marian Putnam et Beata Rank, des états prépsychotiques de l’enfance (S. Lebovici, R. Diatkine et C. Stein).

Pour notre compte il nous paraît que l’opposition entre schizophrénie vraie et troubles mentaux des encéphalopathies infantiles doit être dépassée. S’intéresser à la psychopathologie de la psychose infantile n’est certes pas repousser toute perspective organiciste. Les études structurales répudient formellement l’opposition stérile entre psychogenèse et organogenèse de la maladie mentale. Si l’on se réfère, comme nous le ferons d’ailleurs par la suite, aux perturbations profondes de la relation objectale dans de tels cas, on comprendra aisément que l’encéphalopathie est à bien des points de vue vécue comme frustrante pour la mère et l’enfant. Une telle considération ne doit pas être négligée lorsqu’on essaye de situer la place de ce qu’Heuyer et ses collaborateurs ont appelé dans plusieurs communications les encéphalopathies évolutives.

Notre description psychopathologique de la psychose de l’enfant sera donc essentiellement axée sur une étude structurale. On ne saurait en effet se contenter de la notion, malgré tout incertaine, d’altération du sens de la réalité qui fut mise en avant par les premiers travaux psychanalytiques pour définir la catégorie psychotique.

Toutefois il convient de revenir encore sur l’évolution du sens de la réalité chez l’enfant. Le jeune enfant semble prendre connaissance du monde extérieur en même temps que de son propre corps. Mais il n’est capable de se reconnaître qu’au moment où il est susceptible de donner une existence autonome à autrui, c’est-à-dire à sa mère. La réalité est alors faite pour lui d’une série d’expériences vécues qui s’étendent peu à peu, à la mesure de sa connaissance grandissante de l’espace et du temps. La maîtrise que lui apporte le langage qui permet très tôt une extraordinaire action sur le monde extérieur, à travers une série de signes, de symboles et d’abstractions augmente ses possibilités d’action. Ces considérations ne font d’ailleurs que reprendre ce que les psychologues généticiens et en particulier ceux de l’école de Wallon ont clairement indiqué sur les progrès de la maturation du comportement qui conduit de l’acte à la pensée. Les schèmes sensori-moteurs basés d’abord sur une vie émotionnelle protopathique se perfectionnent et se chargent de signification au fur et à mesure du développement de l’enfant. L’apport essentiel de la psychanalyse se situe ici : toute sa théorie montre l’importance de la relation dans les progrès maturatifs, suivant une inter-réaction qui a un caractère dialectique.

Ces quelques remarques doivent rester présentes à l’esprit lorsqu’on veut étudier les altérations du sens de la réalité chez l’enfant. D’ailleurs, même chez l’adulte, il est deux manières de considérer les malades mentaux et leurs productions délirantes. Le psychiatre de formation traditionnelle se contente d’enregistrer par un interrogatoire dirigé les idées délirantes ; il aboutit ainsi à classifier les faits qu’il observe, à décrire de grands syndromes qui sont en quelque sorte l’histoire naturelle de la psychiatrie. Mais parce qu’il se considère différent de son malade, il fait de lui, au sens strict du terme, un aliéné. Le psychanalyste, grâce à ses possibilités en matière d’identification, d’« empathie » et d’« insight », rétablit le dialogue. Les altérations de la réalité prennent alors toute leur signification.

Chez l’enfant il en est de même, puisque nous avons à juger de la valeur et de la signification de productions qui s’apparentent aux fantasmes plus ou moins élaborés. Pour juger de la manière dont ils imprègnent la réalité, il faut aussi établir un dialogue. Disons dès maintenant que l’impossibilité où se trouve l’enfant psychotique d’établir ce dialogue, en dehors des fantasmes, représente un signe de grande valeur. Nous avons déjà dit que les enfants jeunes doivent être très rapidement capables de contrôler leur jeu, en présence d’un adulte, et de faire une différence entre l’expression ludique par laquelle s’élabore le fantasme et la relation verbale cohérente qui marque les relations sociales habituelles. De même, les inhibitions graves de l’expression ludique ont inévitablement un caractère psychotique.

Chez l’adulte il est habituel d’opposer, en psychanalyse, la psychose où c’est la réalité qui est refoulée, à la névrose où le refoulement porte sur les instincts. Bien qu’on puisse discuter la validité de cette opposition pour fonder une différence valable entre ces deux catégories de troubles mentaux, on ne saurait évidemment l’adopter chez l’enfant. Le délire chez l’adulte se définit peut-être au mieux par une altération du sens de la réalité, encore qu’il s’agisse d’une approche très superficielle de ce trouble. Chez l’enfant, la primauté de la vie fantasmatique s’affirme avec plus ou moins d’efficience suivant l’âge et suivant les troubles en cause. Ainsi apparaît l’importance, du moins à un certain âge, d’une fantasmatisation permanente de la réalité.

En pratique l’observateur le plus superficiel peut constater combien les enfants jeunes adhèrent à la fiction du jeu. Ce point de vue doit être pourtant nuancé : même chez l’enfant jeune, le jeu ne contredit la réalité que dans le cadre de son déroulement. L’enfant normal sait qu’il entre dans la fiction au moment où il commence à jouer, et il doit être capable d’en sortir, lorsqu’il reprend ses contacts habituels avec l’environnement. L’altération de ce contrôle représente, dès les phases dites précoces du développement, un signe dont la signification ne saurait être négligée.

Le comportement de l’enfant dans ses jeux par lesquels sont abréagis ses fantasmes doit être évidemment distingué de ceux qui se manifestent lorsqu’il se livre à des fantaisies : celles-ci sont aussi un produit élaboré de la vie fantasmatique. Le rapprochement que l’on peut légitimement faire entre le rêve de l’adulte et la fantaisie de l’enfant montre que dans ces deux circonstances la vigilance du Moi est amoindrie : chez un enfant jeune dont le Moi est en pleine organisation, la fantaisie peut donc conduire à une certaine altération du sens de la réalité. Ainsi la fantasmatisation permanente de la vie réelle devient-elle à double titre inquiétante, et ce au fur et à mesure que l’enfant avance en âge : d’une part elle traduit une vision anachronique du monde réel. D’autre part elle conduit à un appauvrissement progressif des fonctions de réalité du Moi. Il va sans dire que l’étude des perturbations de la relation objectale dans la psychose de l’enfant conduit à montrer la signification défensive de cette fantasmatisation du réel.

1.       La relation objectale chez les enfants psychotiques

Dans le contact entre l’enfant et le psychiatre, soit au cours des examens préliminaires, soit au cours de l’évolution du traitement, la fantasmatisation permanente des expériences vécues et de la réalité actuelle est susceptible de se charger d’un ensemble de significations qui permettent de comprendre les modes de structuration du Moi psychotique. On peut les étudier sous deux aspects, d’une part celui de la relation objectale, d’autre part celui des mécanismes de défense.

La relation d’objet dans les psychoses de l’enfant est en effet très particulière : elle apparaît dans toute sa netteté, au sein de la relation transférentielle, selon les données les plus élémentaires de la théorie psychanalytique. Pour essayer de donner un schéma dont le didactisme risque évidemment d’être simplificateur, disons seulement que la relation objectale est massive, sujette à des variations globales et à des oscillations de grande ampleur. Elle est colorée par une véritable imprégnation des fantasmes les plus primitifs d’objets partiels. On y voit s’affronter les images fantasmagoriques d’incorporation et de réjection morcelantes de l’objet maternel. Le contact le plus immédiat, anaclitique comme on l’a dit, est recherché sous ses modes les plus primitifs qui aboutissent à une indifférenciation entre un Moi labile, non structuré ou déstructuré et l’objet qui est à peine conçu comme tel et qui n’est plutôt que le non-Moi. Dans les formes autistique et symbiotique de la psychose infantile, cette relation s’extériorise soit par l’inhibition avec ses aspects cliniques divers d’autisme qui protègent l’enfant contre le morcellement, soit par la richesse des productions fantasmatiques qui expriment directement les modalités de cette relation objectale.

Lorsqu’on essaye de comprendre la pathogénie de ces organisations particulières du Moi psychotique, on doit se référer aux premières expériences de l’enfant. La psychanalyse, dite précoce, celle qui est conduite chez les enfants en-dessous de 5 ans, nous a sans aucun doute, depuis les travaux de Melanie Klein, fourni les plus riches enseignements à ce point de vue. Comme nous l’avons déjà dit, il est possible de comprendre la structuration de ces fantasmes primitifs sur la base du développement neurobiologique de l’enfant, en fonction d’une part du processus de sa maturation et d’autre part des relations qui s’y instituent en même temps qu’elles la structurent. A ce sujet, l’observation directe du nourrisson, au sein de la dyade mère-enfant, a fourni une contribution d’une exceptionnelle importance [50].

Le cas de Sammy nous offre des productions fantasmatiques très riches. En outre on a toutes les raisons de penser qu’il est possible de comprendre certains aspects fondamentaux de la genèse de la relation d’objet psychotique, d’une part dans les modalités de la relation transférentielle, d’autre part dans la connaissance de la personnalité de la mère, au travers des fragments de sa psychanalyse personnelle.

Sammy, tout au long du fragment de psychanalyse qui est exposé ici, a apporté des fantaisies où il exprime sur un mode tragique et poétique son angoisse de morcellement. On peut se demander si l’établissement d’une telle relation objectale n’était pas inévitable au contact d’une mère, en fait alcoolique du type toxicomaniaque et dont la structure psychotique, quoique compensée, n’en doit pas moins être évoquée.

Au sens strict du terme, la relation objectale doit être étudiée dans le sens de l’enfant vers sa mère : comme on l’a vu, elle pourrait être intitulée préobjectale et elle comporte des aspects anaclitiques ; ces qualifications témoignent de leur structure prégénitale et de la fixation ou de la régression à des stades où l’objet n’existait pas pour l’enfant.

Ainsi tout indique que de tels cas nous permettent de comprendre sous l’angle de la reconstitution interprétative les phases qui précèdent et instituent la relation objectale, au moment où le Soi n’existe pas et où le Moi ne se distingue du non-Moi qu’en des moments privilégiés qui sont ceux de l’appel et du besoin qui le détermine (On lira avec profit à ce sujet le livre de R. Spitz, No and Yes, où il expose ses idées sur la genèse de la communication [78]).

C’est, on le sait, sur la base de l’observation de tels fantasmes, soit chez l’enfant jeune, soit chez l’enfant gravement perturbé, que Melanie Klein [43] a décrit la position dépressive centrale du nourrisson : elle estime que dans le deuxième semestre de la première année de sa vie, l’enfant traverse une phase psychotique ; l’agressivité sadico-orale déterminerait d’abord des positions dites paranoïaques, tandis que les tendances restitutives ultérieures conduiraient l’enfant à des positions dépressives.

Les fantasmes de relations à l’objet partiel existent et le cas de Sammy en sera l’illustration. Nous les considérons avant tout comme une élaboration secondaire de la relation vécue sur le mode préobjectal où sur un fond indifférencié la mère ne prend forme qu’en des moments privilégiés de tension et de besoin. Ses aspects partiels sous forme de mère-nourriture en font un objet total qui n’est reconstitué comme objet partiel et morcelé qu’en des phases ultérieures où peut être mise en cause l’unité du schéma corporel de l’enfant (Cf. à ce sujet : S. Lebovici et R. Diatkine [48], et J. de Ajuriaguerra, R. Diatkine et J. Garcia-Badaracco [2]).

La relation primitive à l’objet est donc élaborée sur un mode de fantasmes de morcellement contre lesquels s’instituent les mécanismes de défense de fusion à l’objet sur lesquels nous reviendrons. Leur importance chez les enfants psychotiques ne permet pas à notre sens de parler de positions psychotiques du nourrisson normal. Toutefois il nous semble possible de dire que ces fantasmes nous permettent de reconstituer, toutes choses égales d’ailleurs, le mode d’être d’ailleurs ineffable de l’enfant à cette période de sa vie.

L’importance de ces fantasmes chez les enfants psychotiques conduit inévitablement à étudier l’objet maternel lui-même et à se demander si son attitude n’a pas joué un rôle dans les fixations et les régressions qui caractérisent la relation objectale qui s’est instituée.

Dans le cas de Sammy, nous bénéficions d’un document important : un fragment d’analyse de sa mère. On verra que chez cette dernière les fantaisies et les fantasmes étaient, en dépit de deux essais antérieurs de psychanalyse, largement imprégnés d’oralité. Nous avons d’ailleurs tenté, dans un schéma (i) qu’on pourra consulter après l’exposé du cas de Sammy et de sa mère, de comparer leurs structures.

Il est en effet possible d’étudier les attitudes des mères des enfants psychotiques sous l’angle de l’abandon et de la surprotection. L’approche structurale semble plus intéressante. Diverses études ont été faites dans ce sens. Les perturbations qu’on peut constater chez les enfants de mères schizophrènes semblent avoir été peu systématisées. Mais on ne peut évidemment pas parler de structure psychotique chez les mères d’enfants psychotiques.

Toutefois avec tout le côté approximatif et insatisfaisant que comportent de telles hypothèses, nous tendrions à dire que les mères d’enfants psychotiques nous ont toujours paru particulières. Elles sont apparemment sensibles et comprennent bien le cas de leurs enfants, mais toujours sur un mode intellectuel, rationalisant et froid. On comprend bien que leur narcissisme maternel soit mis en cause par la maladie de leur enfant et les conséquences pénibles qu’elle a souvent sur le plan familial et social, mais on a l’impression que l’enfant est toujours tenu à distance par peur. Les entretiens anamnestiques semblent montrer qu’il a toujours été manipulé comme un objet inanimé. L’autisme précoce a souvent peu inquiété la mère.

Or le maintien de l’objet à distance par peur d’une fusion dangereuse avec lui, à cause de l’importance des fixations orales agressives, est une des bases de la structure des caractères névrotiques ou plutôt psychotiques, selon la classification de Glover [25]. C’est dans cette perspective que A. Green [26] a étudié dans un récent travail ce qu’on pourrait appeler les mères psychotisantes.

2.      Les mécanismes défensifs chez les enfants psychotiques

Freud utilisa le premier la notion de défense en 1896 dans son étude sur les psychonévroses de défense [18] : dans ce travail, consacré à une psychose paranoïaque, Freud définit la maladie mentale par le processus de répression ; il en fait une psychose de défense. Le mot défense fut remplacé dans ses travaux ultérieurs par la notion de refoulement. Dans son ouvrage, Inhibition, symptôme et angoisse (1926) [24], Freud revient à son ancien concept de défense dont le refoulement n’est qu’un aspect particulier. Les mécanismes de défense dont l’étude, après celle de Reich sur l’analyse du caractère [70] fut reprise par Anna Freud [15], sont alors ainsi définis : « mécanismes qui ont pour but de protéger le Moi contre les exigences des instincts ». Divers auteurs se sont intéressés aux mécanismes de défense qui seraient spécifiques des états psychotiques ; ils ont étudié surtout les variétés particulières de l’identification chez les psychotiques.

Edith Jacobson [35] insiste sur le fait que le psychotique présente des troubles qui concernent l’objet autant que lui-même, d’une façon analogue à l’enfant qui ne distingue pas son propre corps et l’objet maternel : il croit qu’il est une partie de l’objet tout-puissant. D’où l’identification magique bien plus régressive que l’identification réaliste des névrosés habituels. Dans cette identification primitive, les images objectales et le « Soi magique », les images de Soi et les images des objets se fusionnent alternativement. Edith Jacobson illustre cette description par un exemple d’une malade qu’elle vit régresser de l’identification normale à une identification magique en quatre stades de relations objectales : i° « Closeness » (intimité) ; 2° « Likeness » (identification ou être comme) ; 30 « Sameness » (identification ou être le même) ; 40 « Oneness » (fusion de Soi complète avec l’objet d’amour).

Les mécanismes projectifs dans les états interprétatifs expriment un mode de défense bien connu en psychodynamique ; les malades projettent sur l’objet de leur délire leurs propres pulsions et leurs propres sentiments. L’utilisation souvent abusive de cette notion, en particulier dans ce qu’on appelle les tests de projection, ne doit pas faire négliger son étude dans les psychoses.

Robert Bak [4] rappelle trois mécanismes de défense psychotiques : désinvestissement, projection, régression.

Mais Melanie Klein et ses élèves ont particulièrement étudié un mécanisme qu’ils appellent l’identification projective et qui trouve bien son illustration dans l’observation de Sammy. Voici comment s’expliquent en particulier Robert Rosenfeld [72] et Paula Heimann [30] à ce sujet : Rosenfeld, à propos de la psychanalyse d’un schizophrène, dit : « L’objet existe en fantaisie de façon externe et interne en même temps. Dans ce processus, le Moi est en danger d’être complètement submergé. Nous devons nous rappeler que le processus n’est pas stable, parce que l’objet contenant les projections du Soi, sitôt que réintrojecté, subit de nouvelles tendances désintégrantes : pratiquement et théoriquement, il est important de considérer le processus sous deux angles : la projection est là pour sauvegarder le Moi et apparaît d’abord comme un mécanisme de défense, mais non victorieux et même dangereux… »

De son côté, Paula Heimann souligne les points suivants : « Le paranoïde établit par l’introjection un objet internalisé que le Moi peut traiter avec le même sadisme que le sujet traite ou souhaite traiter l’objet original dans le monde extérieur. Cela semble possible parce que l’introjection de l’objet produit dans le même temps une fissuration du Moi qui isole la part du Moi identifiée à l’objet… La combinaison de l’introjection, de la fissuration et de la projection intrapsychique représente le mécanisme de défense caractéristique des états paranoïdes. »

Sous ce jeu dynamique complexe, on aura reconnu l’identification projective qui unit dans une fusion indissoluble l’objet partiel, constamment incorporé et rejeté, au sujet lui-même, morcelé et agressif. Par exemple, Sammy racontait « Le Visage magique » qui était lui-même et sa psychanalyste tout à la fois ; c’était un corps morcelé, tantôt visage, tantôt patte terminée par des griffes menaçantes, tantôt corps déchiré par l’agression réciproque. Il exprimait en même temps son espoir de guérir par cette fusion : « Il se promène dans les rues comme une femme ordinaire… elle est morte à un âge normal… ce fut une femme heureuse, une femme bonne. »

Il apparaît ainsi que la structure psychotique est elle-même élaboration contre l’angoisse. Dans bien des cas on peut voir qu’elle est utilisée par les malades pour fuir l’angoisse. Chez les adultes il semble bien souvent que, plus ou moins consciemment, le côté ludique des idées délirantes sert dans le dialogue du malade avec le médecin à éviter les situations pénibles. Le même procédé peut être une défense du Moi qui n’est pas consciente au malade. En voici deux exemples.

Daniel, âgé de dix ans, hémophile, dont les antécédents psychopathiques sont particulièrement lourds, présente des symptômes phobiques (phobie des escaliers mécaniques), intriqués dans le cadre d’une structure manifestement psychotique. Chaque fois qu’il s’agit pour lui de parler de ses relations familiales, en particulier avec un père qui le terrorise, il commence à décrire avec complaisance et sur un ton maniéré, quelque peu discordant, ce qu’il appelle ses phobies ou ses hallucinations.

Pierre-Alain, cinq ans et demi (Observation aimablement communiquée par R. Diatkine [12]), est le deuxième exemple de ce type. Il s’agit d’un cas d’autisme avec mutisme, en ayant longtemps imposé pour une surdité. Son vocabulaire est très développé ; sa syntaxe est très pauvre et il se désigne par son prénom. Il présente surtout un goût très prononcé pour le maniement des nombres. Cette tendance au jeu abstrait avec des nombres complexes constitue l’essentiel de sa défense psychotique destinée à maintenir une distance suffisante vis-à-vis de l’angoisse.

D’une manière plus générale, la structure psychotique peut apparaître comme une défense contre l’angoisse dans ses aspects relationnels. Divers auteurs ont apprécié diversement la valeur défensive de l’organisation structurale du Moi des psychotiques : Mauritz Katan [39] estime que les mécanismes de défense, en particulier de type projectif, n’existent qu’à la phase prépsychotiques des psychoses, la projection délirante n’exprimant rien de l’inconscient. Dans l’ensemble pourtant la plupart des psychiatres psychanalystes estiment qu’il existe une organisation défensive du Moi des psychotiques. Federn [14] décrit la psychose comme une maladie totale du Moi dont les frontières d’investissement sont perturbées. Il estime que l’appauvrissement du Moi qui le caractérise ne permet pas de parler de « psychose comme une défense, mais comme une défaite ». Le délire lui apparaît, non comme une défense ainsi que le voulait Freud, mais comme un déficit. Il y a défense dans la mesure où le Moi affaibli et appauvri régresse à ses états antérieurs.

Dans un travail récent, Schweich et ses collaborateurs [75] remarquent que les mécanismes de défense des schizophrènes n’ont pas la transparence ou la permanence de ceux qu’on décèle chez les névrosés. Ils traduisent le refus de contact, la tendance à l’auto-abandon qui s’oppose à l’institution d’une relation transférentielle.

S’il paraît qu’on doit insister à juste titre sur les lacunes de l’organisation défensive du Moi des psychotiques et sur ses particularités, il nous apparaît pourtant que la structure psychotique et les modalités des défenses psychotiques sont les seules à protéger le malade contre une angoisse indicible et littéralement mortelle.

3.      Les fonctions autonomes du Moi

La fantasmatisation permanente conduit à certaines altérations de la réalité qui constituent l’équivalent, au niveau de développement de ces enfants, du délire de l’adulte. Ainsi toutes leurs expériences sont-elles finalement investies par les conflits primitifs.

L’étude des fonctions autonomes du Moi (voir Hartmann, Kris et Loewenstein [29], Ajuriaguerra, Diatkine et Garcia-Badaracco [2], Lebovici, Ajuriaguerra, Diatkine [50]) montre que ces enfants, toutes choses égales d’ailleurs, peuvent être comparés aux nourrissons qui, se reconnaissant dans l’autre, élaborent, dans la mesure où la maturation de leur comportement le leur permet, les données élémentaires de leur schéma corporel. À cette période il est difficile de distinguer les aspects conflictuels et autonomes du Moi puisque la perception est liée à l’affect. Tout se passe comme si chez l’enfant psychotique les fonctions autonomes et cognitives du Moi étaient encore investies par les conflits.

  1. (suivi par le Dr J. Simon) a 8 ans et n’a aucune connaissance scolaire quand commence son traitement. Pour bien des raisons, sur lesquelles il n’est pas nécessaire de revenir ici, on peut parler chez lui d’une structure prépsychotique. Les premières séances nous mettent directement au contact des fantasmes de scène primitive, conçue comme une incorporation dangereuse. L’enfant la représente souvent sous la forme du mélange agressif des couleurs rouge et bleu. Il ne s’intéresse alors qu’aux effets de ce mélange qu’il relie directement aux catastrophes de chemin de fer qu’il évoque à ce sujet, en référence à des expériences vécues. L’interprétation élaborative de sa culpabilité et de son angoisse devant l’évocation de la scène primitive l’amena à désinvestir cette représentation. Le mélange des couleurs n’était plus représentatif, mais symbolique. On ne pouvait manquer d’être frappé par le démarrage scolaire qui se produisit alors.

Il semble bien que l’investissement par les conflits des secteurs cognitifs du Moi soit à l’origine de l’impression de dysharmonie que donnent les enfants psychotiques. Il y a souvent un décalage entre les possibilités que devrait permettre leur remarquable intelligence et la pauvreté des réalisations pratiques. Ce décalage, qui traduit l’investissement total du Moi, aggrave encore les possibilités de ce qu’on pourrait appeler le potentiel psychotique et inversement les meilleurs effets du traitement se traduisent souvent dans le désinvestissement des fonctions autonomes du Moi.

Il en est de même pour le langage qui en bien des circonstances perd sa fonction symbolique et sémantique.

4.      Le langage des enfants psychotiques (2)

L’importance des troubles du langage a été souvent signalée chez les enfants psychotiques. Rappelons seulement que le mutisme dit psychogène ou extrafamilial est souvent la manifestation la plus

(Pour une étude plus complète de ce problème, on pourra se référer à la thèse de D. Kalmanson, Les troubles du langage chez les enfants psychotiques. Elle forme la base d’un mémoire qui a paru dans Psychiatrie de l’enfant, II, 1 (1959) 36], évidente de l’autisme. Mais on ne peut éviter de penser à la possibilité d’une structure psychotique dans certains cas, comme ceux de l’audi- mutité ou de la surdité verbale congénitale (Cf. J. de Ajuriaguerra, S. Borel-Maisonny, R. Diatkine, S. Narlian et M. Stambak, Le groupe des audimutités, Psychiatrie de l’enfant, I, i (1958), 7-62, P.U.F. [3]). De même certains retards du langage avec atteinte encéphalopathique manifeste posent le problème d’une évolution psychotique. Pour le prouver il n’est que de rappeler les modifications déroutantes de ces dysharmonies évolutives. Dans leur travail sur les psychoses de l’enfant, R. Diatkine et C. Stein [12] rappellent plusieurs observations où les enfants étudiés avaient un retard considérable dans l’évolution de leur langage. Celui-ci se développa très rapidement lorsque l’enfant put autonomiser son Moi grâce à l’analyse de l’angoisse provoquée par les modalités de la relation préobjectale qui s’exprimait dans le transfert. Tel enfant, avant de parler, avait une connaissance remarquable de la dénomination des polygones en géométrie. Telle autre jeune fille, encéphalopathe et psychotique, eut beaucoup de mal à assurer son autonomie, en contrôlant la permanence de son identité et de celle de son psychothérapeute. Sa démutisation fut suivie de progrès remarquables dans le maniement de la langue, et quelques années plus tard elle se faisait un jeu d’apprendre le russe.)

Nous voudrions ici étudier surtout, encore que de façon brève, les altérations du langage chez les enfants psychotiques. L’étude de la genèse de la communication ne peut pas se borner à la connaissance des progrès dans la maîtrise de l’expression verbale du nourrisson. Sur le plan maturatif il y a un lien évident entre les progrès dans l’organisation neurologique et les possibilités de l’expression. De même lorsque l’enfant est maître des limites de l’image de son corps, est-il capable d’affronter les premières difficultés syntaxiques, tout en témoignant de son action sur le monde et de ses possibilités d’abstraction, d’abord par l’emploi du verbe, et ensuite par celui du pronom personnel.

À ce moment le langage est sémantifié et forme la base d’une communication symbolique. Mais on ne saurait oublier que la maturation du langage est aussi une des conséquences de l’évolution d’une relation. Au stade pré-verbal, il y a communication au sein de la dyade primitive : de l’enfant à la mère, elle est préverbale (cris, etc.) ; dans le sens qui mène de la mère à l’enfant, elle est sans doute verbale et largement extra-verbale (rythmes, contacts cutanés, etc.). C’est dans les moments de besoin que le nourrisson peut prendre conscience de cette relation et des expériences de communication primitive qui l’établissent.

Sur la base des progrès maturatifs et d’un équilibre heureux dans la satisfaction de ses besoins, il peut fantasmatiser l’image maternelle et s’assurer de la permanence interne de l’objet, sans doute à la fin de la première année (Cf. René Spitz, L’angoisse de 8 mois, in La première année de la vie de l’enfant, P- 49 sqq. [79]) : les progrès du langage ne sauraient donc être dissociés de ceux de la relation objectale. Parce qu’il peut l’appeler, l’enfant peut agir sur sa mère par le langage. Mais c’est parce qu’il peut la reconnaître et la reconnaître comme sa mère, qu’il se connaît comme être vivant autonome et qu’il peut recourir à l’appel.

Les altérations pathogéniques de la relation préobjectale et objectale ne sauraient donc manquer de provoquer des troubles dans l’évolution du langage : c’est ce qu’on observe chez les enfants psychotiques. Les plus frappantes sont souvent les difficultés syntaxiques. Dans les antécédents de ces enfants, plusieurs auteurs ont insisté sur le retard dans le maniement des formes verbales et pronominales (Cf. S. Lebovici et R. Diatkine, L’hallucination de la présence maternelle, dans Étude des fantasmes chez l’enfant [48]). Plus tard ces altérations peuvent persister et exprimer d’une manière claire et tragique l’angoisse provoquée par toute relation et la recherche défensive de la fusion. Les enfants psychotiques peuvent se désigner longtemps par le pronom il ou bien par celui de la deuxième personne, ce qui rend encore plus émouvante l’observation de leurs abondantes productions fantasmatiques. L’indétermination relationnelle explique encore les confusions dans le genre des substantifs, telles qu’on les notera dans l’observation de Sammy : chez lui telle vache chargée de significations dangereuses d’incorporation sera désignée au masculin.

Les jeux verbaux, les allitérations, les mots portemanteaux sont fréquents chez les enfants psychotiques. Sammy en donnera encore d’intéressants exemples. Sur le plan clinique, ces troubles du langage contribuent à l’impression de dissociation.

Si l’on essaye de comprendre leur signification, on doit se rappeler les altérations des fonctions de communication de leur langage. Tantôt celui-ci est un jeu qui doit rappeler les moments où la fonction expressive du pré-langage n’existe pas encore et où il n’y a que jeu moteur qui s’enrichit de significations par le processus des réactions circulaires, comme l’a montré Wallon [82]. Tantôt au contraire le langage perd sa valeur symbolique et sémantique. Chaque mot est investi de l’ensemble de ses significations conflictuelles, ce qui semble avoir été souvent le cas chez Sammy.

Ces considérations permettent peut-être de mieux expliquer les jeux verbaux de ces enfants qui donnent à leur langage une allure originale, bizarre et précieuse, élément important de l’impression clinique de discordance qui peut ressortir de leur examen.

De même l’investissement des fonctions du langage explique que la fantasmatisation ne constitue qu’un processus défensif insuffisant. L’altération des fonctions de symbolisation apparaît donc comme un élément important de l’étude psychopathologique des psychoses (Lang [44]).

L’investissement du langage par le conflit n’est qu’un des exemples les plus frappants de l’investissement des fonctions autonomes du Moi tout entier : Philippe, âgé de 9 ans, a sombré dans la régression psychotique depuis la mort de son père qui avait été amputé d’un membre inférieur quelques mois auparavant. Il ne parle plus à sa mère depuis plusieurs années et n’a plus que des lambeaux d’activité cohérente. On lui fait cadeau de deux puzzles géographiques. Le premier est constitué par les départements français qu’il apprend vite à ordonner. Il s’écrie alors sur un ton pathétique : « France, je te reconstituerai en entier. » L’autre puzzle est fait des diverses nations de l’Europe. Philippe qui a appris à lire avant sa maladie, car il était surdoué, s’intéresse spécialement aux morceaux qui représentent les provinces baltes intégrées à l’U.R.S.S. « Pauvre Lettonie, dans les mains de la Sainte Mère Russie, je te délivrerai », s’écrie-t-il. La symbolisation de son angoisse œdipienne psychotique n’est-elle pas claire ? Mais l’important nous semble ici que Philippe ne puisse abandonner ces valeurs représentatives pour s’en servir seulement comme éléments de langage et véhicules de significations valables dans la communication

(Deux études récentes sont consacrées au problème du langage chez les schizophrènes adultes : S. Leclaire, À la recherche d’une psychothérapie des psychoses [53] et F. Perrier, Fondements théoriques d’une psychothérapie de la schizophrénie [66]).

Reprenant les idées théoriques de Lacan qui distingue les fonctions du réel, du symbolique et de l’imaginaire, s’appuyant d’autre part sur les études célèbres du linguiste de Saussure qui distingue le signifiant et le signifié, ces auteurs estiment que l’imaginaire infiltre le langage du schizophrène qui ne se confine pas aux modes d’expression symboliques. Sur le plan expressionnel, on assisterait à une libération du signifiant.

Nous préférons nous exprimer d’une autre manière qui paraît plus concrète et plus conforme aux réalités cliniques. Il est bien vrai que la fonction symbolique du langage est altérée chez les enfants psychotiques : ici chaque mot est représentatif, parce que le langage est investi par les conflits pathogènes. La dissociation entre le signifiant et le signifié est une conséquence clinique de ce fait, qui ne doit pas faire oublier que le signifiant est ici utilisé pour lui-même, dans le jeu des conflits qui structurent la relation psychotique à l’objet.)

 5.      L’organisation du Moi chez les enfants psychotiques

Cette étude forcément très brève de la structure psychotique, de la relation objectale qui la caractérise, des modes défensifs par lesquels elle se manifeste, des altérations des fonctions cognitives qu’elle détermine, montre qu’elle a une valeur essentielle de protection contre l’angoisse néantisante. Si le cas de Sammy permet, à cause de sa netteté, une étude privilégiée, il n’en est pas moins vrai que l’avenir des modes de structuration psychotique chez l’enfant est difficile à prévoir. Nous n’adoptons pas les points de vue de Melanie Klein qui estime que tout enfant traverse à la fin de la première année de sa vie une position psychotique qui laisse des cicatrices. Mais nous croyons que l’expérience vécue au sein des frustrations inévitables qu’impose le processus de maturation conduit à l’élaboration de fantasmes primitifs que seule la richesse affective de la mère, ses capacités d’oblativité, sont susceptibles de corriger. Nous avons suffisamment insisté sur les états prépsychotiques de l’enfance, sur les cas où le Moi n’est obéré qu’en partie par les mécanismes psychotiques pour que le lecteur ait bien clair à l’esprit cette idée qu’en dehors des cas les plus nets, les positions névrotiques et psychotiques peuvent s’affronter et conduire à des évolutions névrotisantes ou caractérielles dont l’avenir lointain est extrêmement difficile à prévoir. L’idée que nous défendons ici a été présentée sous d’autres formes par quelques auteurs : nous nous contenterons de citer Lauretta Bender [5] qui estime que les difficultés maturatives, celles qu’en France on a pris l’habitude d’appeler dysharmonies évolutives [48], conduisent à des positions psychotiques qui ont finalement un caractère névrotisant. Ainsi comprend-on que l’encéphalopathie infantile, même sous ses aspects les plus discrets, peut être à l’origine de frustrations graves au sein de la relation entre la mère et l’enfant et conduire à l’institution de modes psychotiques du Moi. De même les mères qui ont un caractère psychotique, même relativement bien compensé, sont susceptibles d’introduire dans le processus de la structuration de la relation objectale des éléments psychotisants dont le sort dépend d’ailleurs de nombreuses expériences ultérieures qui peuvent avoir un caractère correcteur. Tout pronostic à longue échéance doit être porté avec la plus grande prudence surtout lorsqu’il s’agit d’enfants jeunes.

Ces considérations psychopathologiques doivent, nous ne l’ignorons pas, être pesées au contact de l’approfondissement clinique et de l’étude catamnestique. Nous savons que nous avons surtout insisté sur la contribution psychanalytique à la compréhension de ces cas. Mais la psychanalyse peut encore aider à poser certaines hypothèses et à accroître notre pénétration.

Les modalités de la relation objectale psychotique confèrent un rôle prééminent aux conflits prégénitaux. Il ne faut pourtant pas oublier les conflits œdipiens qui sont souvent clairement exprimés. On a parfois parlé de « pseudo-œdipe et de perte de l’œdipe » (M. Katan, loc. cit. [38]) … On se demande pourtant comment des enfants qui abordent la période prépubérale n’auraient pas triangulé leurs relations objectales. En fait les conflits œdipiens ont souvent un rôle évident dans l’imagerie fantasmatique. Mais la prééminence de la relation prégénitale à l’objet maternel maintient plutôt l’évolution de ces enfants au stade « d’œdipification » (Au moment de la constitution des sentiments œdipiens l’enfant passe sans doute par une phase d’œdipification : il veut incorporer sa mère-nourriture ; il ne peut pas ne pas imaginer que son père qui apparaît comme un objet spécifique ne désire par la même chose. Ainsi comme l’a bien vu Melanie Klein, le rival de l’enfant est-il le père dans la mère, d’où l’élaboration secondaire du rôle du pénis paternel institué comme un rival pour le garçon (et pour la fille au moins temporairement).

L’étude des dysharmonies évolutives rend malaisée l’utilisation des concepts de fixation et de régression, au moins dans leurs formes traditionnelles. Sur le plan de l’observation la plus extérieure, nous sommes en présence de dysharmonies, de décalages, qui une fois constitués prennent une valeur d’organisations fermées, à la fois défensives et pathogènes.

Il y a pourtant intérêt à étudier les mécanismes psychopathologiques qui sont à l’œuvre dans la psychose infantile, car tout semble indiquer qu’ils sont susceptibles d’aider à comprendre les rudiments ineffables de la vie fantasmatique du nourrisson.

Nous n’en sommes pourtant pas autorisés à comparer stricto sensu ce que nous pouvons observer chez ces enfants et ce que nous croyons pouvoir reconstruire de la vie psychologique naissante du nourrisson. Il est par exemple probable qu’on peut parler d’une « projection normale » chez le nourrisson, puisque toute sensation désagréable ne peut qu’être attribuée au monde extérieur. Il y aurait pourtant quelque facilité à comparer radicalement cette projection qui contribue à la connaissance de l’objet, à celle du délirant.

Les mécanismes défensifs de la psychose de l’enfant ne permettent pas un fonctionnement satisfaisant de son Moi, et en particulier le développement harmonieux de ses secteurs autonomes et cognitifs. En termes économiques, on peut dire que les pulsions ne permettent pas l’organisation du Moi défensif, ce qui peut s’exprimer en clinique sous la forme de la dissociation.

Là encore on ne saurait se contenter de l’emploi du terme commode de Moi faible. L’étude structurale du Moi des enfants psychotiques exige le recours à bien d’autres hypothèses psychopathologiques pour définir les lignes de son organisation. La dysharmonie entre les niveaux de symbolisation et de réalisation a été soulignée. Il semble que l’étude des conflits ne saurait être séparée de celle des secteurs non conflictuels. Les considérations psychopathologiques qui viennent d’être développées ne constituent donc qu’une approche encore insuffisante et souvent insatisfaisante. Le cas qui est étudié dans ce livre nous a paru un bon exemple, car la richesse des productions que Sammy nous a livrées met au contact d’un monde où l’on peut reconstruire la genèse des relations préobjectales et objectales. Le fragment de l’analyse ultérieure de sa mère donne un bon exemple des difficultés que créent dans l’élaboration de ces relations les fixations primitives qu’on pouvait observer chez elle.

Nous ne nous dissimulons pourtant pas le caractère souvent hypothétique des propositions que nous formulons sur la genèse de la relation psychotique et sur l’influence psychotisante de la mère. L’observation directe de telles mères dans leurs relations ultérieures avec leurs enfants puînés serait évidemment nécessaire (Aux États-Unis, J. Henry, anthropologiste à Saint-Louis, tente une approche de ce genre (communication personnelle).

La monographie de Sammy n’apporte que quelques hypothèses sur la valeur étiopathogénique des premières expériences au sein de la dyade mère-enfant. Mais d’autres faits pourraient et devraient être pris en considération avant de généraliser ces hypothèses. Nous voulons avant tout parler du rôle de l’équipement qui peut expliquer certaines différences dans une même famille (Rappelons seulement que la mère de Sammy n’avait pas envie de jouer avec lui, mais l’enfant était apathique et ne cherchait pas à l’intéresser).

L’étude de nombreux cas et le recours au contrôle statistique de groupes témoins sera évidemment nécessaire avant de donner une valeur définitive à ces hypothèses qui relèvent surtout de l’approche clinique.

Chapitre IV : Psychanalyse et psychothérapie des psychoses infantiles

La psychanalyse n’a été appliquée pendant très longtemps qu’a la thérapeutique des névroses. L’abord des psychoses a été beaucoup plus tardif. Chez l’adulte, Freud pensait que l’ensemble des névroses narcissiques qu’il opposait aux névroses dites de transfert et qui constituent finalement, au sens large du terme, les psychoses, ne relevait pas de la psychanalyse. Depuis plusieurs décades, il est apparu pourtant que si les psychoses confirmées justifiaient l’approche thérapeutique classique, il n’en était pas moins vrai que des tentatives psychothérapiques s’imposaient, d’une part parce qu’il s’agissait de maladies chroniques, d’autre part parce que l’approche structurale en psychiatrie conduisait inévitablement à l’extension de la notion de psychose.

En fait, si l’on veut rendre compte des conditions dans lesquelles se sont multipliées les tentatives psychothérapiques dans les psychoses, il faut tenir compte de l’évolution de la notion de psychose elle-même, et celle de schizophrénie. Lorsque la schizophrénie de Bleuler s’est substituée à la démence précoce de Kraepelin, il ne s’est pas agi seulement de l’introduction d’un nouveau terme, mais aussi d’une nouvelle conception d’ordre psychopathologique. Bleuler fut, on le sait, très séduit par les premiers travaux de Freud et de Jung, son disciple d’alors. L’école de Zurich essaya de comprendre le contenu significatif de la psychose. Bleuler décrivit ses signes primaires et ses signes secondaires. L’autisme, élément psychopathologique fondamental à côté de la dissociation fut à l’origine des descriptions psychopathologiques ultérieures, en particulier des essais phénoménologiques (Minkowski [61]) qui insistent sur la perte du contact vital avec la réalité.

Ainsi à l’origine, l’école de Zurich essaya d’étudier à la fois le mode d’être des schizophrènes et la signification profonde de leur comportement. Mais les descriptions approfondies d’ordre psychopathologique mirent de plus en plus l’accent sur le style de vie de ces malades, tandis que la signification de leurs stéréotypies verbales et gestuelles faisait l’objet d’applications, à vrai dire un peu naïves, des théories psychanalytiques.

Les psychanalystes se sont peu à peu intéressés à ces malades. Freud avait déjà étudié certains cas de délire, mais à partir de documents écrits. C’est en particulier le cas de sa célèbre étude du président Schreber [21]. A vrai dire il est probable que, dans sa pratique psychanalytique comme dans ses essais cliniques, Freud a eu à connaître et à traiter des patients que nous appellerions volontiers aujourd’hui psychotiques. C’est ainsi que si Dora [23] représentait seulement une hystérie grave, l’homme aux loups [22] et surtout l’homme aux rats [20] sont les exposés de deux cas qui ont semblé à bien des auteurs déborder nettement le cadre de la névrose. L’épilogue de l’homme aux rats, racontée par Ruth McBrunswick, en porte d’ailleurs témoignage [60].

Les premières tentatives psychothérapiques des psychanalystes furent une application directe de la méthode psychanalytique. Dès cette période pourtant, les conclusions théoriques de ces premières études semblent avoir été fécondes : c’est ainsi qu’Abraham [1] eut l’occasion de traiter des cas de psychoses, en particulier des malades atteints de folie circulaire. A partir des études qui en furent la moisson, il ouvrit la voie aux travaux de Melanie Klein sur les premiers développements de la vie mentale de l’enfant.

La transposition simple de la psychanalyse aux malades délirants et psychotiques ne pouvait pourtant pas mener bien loin : sur le plan technique il apparaissait que l’entreprise ne pouvait être conduite qu’exceptionnellement et à titre quasi expérimental. Sur le plan théorique, ces malades mettaient au contact d’une riche production fantasmatique très révélatrice de l’angoisse psychotique et de l’importance de l’agressivité morcelante.

Le mouvement récent de la clinique psychanalytique est désormais beaucoup plus orienté sur l’étude structurale de tels cas. Dans le cadre de ce travail consacré à l’étude d’un cas de psychose de l’enfant, il n’est sans doute pas nécessaire d’insister longuement sur les travaux récents des psychanalystes qui se sont intéressés aux psychoses de l’adulte. Le nom de Federn [14] a ici une importance capitale. Il s’est surtout intéressé à l’étude des déficiences du Moi des psychotiques. Par ailleurs divers praticiens qu’on peut ranger parmi ceux qu’on appelle les disciples de l’école anglaise de psychanalyse se sont intéressés à l’étude des structures psychotiques et ont grandement contribué à préciser l’équilibre particulier des défenses dans de tels cas.

En pratique, les indications de la psychanalyse chez l’adulte s’étendent de plus en plus à ce qu’on appelle les cas limites, les malades prépsychotiques, les structures caractérielles compensant les psychoses latentes, tandis qu’est envisagé sur une échelle de plus en plus grande l’abord psychothérapique des psychoses confirmées.

Il nous suffira de nous référer à l’histoire de la notion de psychose infantile, telle que nous avons pu la rapporter, pour qu’on comprenne aisément que les psychiatres de formation psychanalytique ne pouvaient manquer de s’intéresser à la psychothérapie de ces cas. De la démence précocissime on est passé à la schizophrénie infantile, puis aux psychoses de l’enfant. Cette évolution conduit du scepticisme thérapeutique aux traitements psychiatriques classiques puis à leur inévitable complément psychothérapique.

L’application de la psychanalyse à l’enfant a longtemps évolué entre deux tendances. Nous n’estimons pas indispensable de revenir ici longuement sur la controverse qui a longtemps opposé les deux écoles de Melanie Klein [42] et d’Anna Freud [16]. Il faut pourtant rappeler que cette dernière a longtemps estimé et reste encore largement persuadée que l’application de la psychanalyse à l’enfant ne saurait se faire sans un certain infléchissement de la technique : il s’agit essentiellement de créer les bases d’une relation positive qui pourra ultérieurement prendre le caractère plus ou moins propre à l’évolution d’une névrose de transfert dont Anna Freud a longtemps pensé qu’elle ne pouvait avoir chez l’enfant la pureté de ce qu’on observe en psychanalyse de l’adulte. De son côté, Melanie Klein est persuadée que toutes les productions spontanées de l’enfant, et en particulier le jeu, peuvent et doivent être interprétées dans le cadre de la relation thérapeutique jusqu’à leurs implications les plus profondes qui touchent toujours l’angoisse de morcellement. Bref Anna Freud attache la plus grande importance à la recherche du contact et à l’étude patiente de la structure des mécanismes défensifs qui ne dépendent qu’en partie de la relation thérapeutique dans laquelle ils s’expriment. Melanie Klein pense que les interprétations systématiques, s’adressant aux couches les plus profondes, sont susceptibles de conduire à un développement harmonieux du processus psychanalytique.

Les faits observés par ces auteurs ne sauraient être discutés. La technique préconisée par Anna Freud a été et est appliquée sur une large échelle : on peut dire qu’elle inspire, dans une large mesure, toute l’action psychothérapique qui est conduite dans les centres de guidance infantile. L’application de la psychanalyse surtout aux enfants jeunes s’impose dans quelques cas, en particulier dans ceux que nous étudions actuellement ; elle a été et elle reste largement inspirée par les techniques de l’analyse de jeu, telles que les a décrites Melanie Klein et que les a développées l’école dite anglaise de psychanalyse.

Si l’on veut discuter de l’abord psychanalytique des psychoses de l’enfant, on se trouve en fait devant une tâche aisée, pour prendre parti dans ces cas, entre les deux grandes méthodes dont les principes viennent d’être rappelés : c’est ici particulièrement qu’on peut utiliser la classification de Margaret Mahler entre psychoses autistiques et psychoses symbiotiques ; elle correspond, nous l’avons vu, à ce qu’on peut voir en clinique. Elle conduit aussi à des applications thérapeutiques différentes : dans le premier cas, on doit rechercher avant tout le contact qui est à la base d’une néo-relation structurante ; dans le second, la production fantasmatique d’une richesse incomparable conduit à l’analyse des expériences vécues dans la relation pathogène.

1.       La recherche du contact

Quelle que soit la variété de psychose infantile que l’on envisage de traiter, quel que soit l’âge de l’enfant, les modalités du contact sont particulières. Lorsqu’il s’agit d’une forme symbiotique, c’est-à- dire lorsque la production fantasmatique est riche, donnant l’impression d’un état d’excitation mentale, il n’en est pas moins vrai que l’enfant joue, raconte ses histoires en fuyant le contact profond que ses productions mêmes lui permettent pendant longtemps d’éviter. Dans ces cas l’école kleinienne estime que l’interprétation est nécessaire et suffisante pour créer la relation transférentielle et jeter les bases d’une évolution progressive et structurante de l’élaboration fantasmatique.

Mais dans tous les cas où l’inhibition est au premier plan du tableau clinique, une telle conduite thérapeutique ne saurait être de mise. C’est à leur propos que chez l’enfant, d’ailleurs comme chez l’adulte, on doit rechercher et créer le contact. Toutes les conduites de maternage que l’on met en application chez l’adulte s’inspirent de ce principe. On peut dire que dans une large mesure, les méthodes de la réalisation symbolique de F. Sechehaye [76] obéissent aux mêmes principes. Ici la relation est si profondément perturbée qu’elle n’existe pas en apparence ; il faut la créer de toutes pièces en la recherchant de façon déterminée et active.

On espère que sur les bases de cette néo-relation la thérapeutique pourra se poursuivre : le thérapeute n’est qu’une mère qui s’efforce de combler l’immense vide affectif que semblent ressentir ces enfants. Il ne doit plus y avoir de conduite frustrante technifiée. L’attitude du thérapeute est uniquement de don, et l’on peut se demander ce que vaut le don symbolique dans la méthode de Mme Sechehaye, au regard des apports réels dont elle combla Renée.

Les fondements théoriques de cette conduite thérapeutique ne sont pas sans base solide. Il est certain que beaucoup d’auteurs s’accordent à penser que les mères des enfants psychotiques ont une structure particulière, hautement narcissique, méritant souvent le nom de psychotique. En tout cas les perturbations précoces de la relation objectale semblent favorisées par leur impossibilité d’établir une communication avec leur enfant.

Ainsi même dans les cas où l’histoire des relations entre la mère et l’enfant ne permet pas de penser qu’il y a eu privation affective traumatisante à une période cruciale du développement de la relation objectale, on peut penser que les expériences précoces ont été à la fois insuffisantes et perturbées : il y a eu en fait carence affective. D’où la conclusion que la psychothérapie doit être comblante, maternante, anaclitique. Le contact doit être recherché suivant les modalités qu’on observe dans les premières relations entre un nourrisson et sa mère. Tout compte ici désormais : ce que dit le thérapeute qui doit parler et ne pas se contenter d’interpréter, le contact corporel qu’il crée avec toutes ses modalités qui nous introduisent dans le domaine de la communication extra-verbale.

Il serait contraire aux données de l’observation de nier l’importance des techniques anaclitiques que nous venons de mentionner : dans les cas d’inhibition psychotique et dans toutes les formes autistiques, elles sont la base indispensable à la structuration d’une néo-relation, faute de laquelle le processus thérapeutique ne saurait être poursuivi.

Nous doutons cependant, du moins dans l’immense majorité de ces cas, que ces techniques puissent conduire réellement à une structuration cohérente du Moi. Nous dirons plutôt que ces expériences devraient plutôt être considérées comme le préalable indispensable à un abord psychanalytique authentique.

Comment imaginer que le don symbolique ou même réel puisse combler tout ce qui a manqué à une période décisive pour l’institution de la relation objectale ? L’un de nous, au XXe Congrès des Psychanalystes de Langues romanes (Bruxelles, 1958) [52], a essayé de montrer combien le maternage, même dans les conditions d’authenticité d’un contre-transfert bien compris, ne peut manquer d’être frustrant : aucun thérapeute, même s’il consacre beaucoup de temps à ces malades, ne saurait être à la hauteur de leurs exigences. Ce serait d’ailleurs méconnaître les bases mêmes de la théorie de la technique psychanalytique, que d’oublier que ces exigences ont un caractère hautement masochique. L’insatisfaction, authentiquement vécue dans le passé, conduit à la rechercher à nouveau dans le cadre de la relation transférentielle : on exige que le thérapeute vous donne toujours davantage pour obtenir enfin qu’il vous refuse ce qu’on n’a jamais eu ou ce qu’on n’a jamais su obtenir. Ainsi quoi qu’il paraisse, les conduites maternantes sont en fait frustrantes de par leur nature même. Souvent indispensables, au moins à titre préalable, elles doivent faire l’objet d’une analyse systématique dans le cadre de la relation thérapeutique et de leurs implications transférentielles comme contre- transférentielles. Le don ne doit pas faire renoncer à l’analyse du transfert.

Il est d’ailleurs évident que ces conduites thérapeutiques particulières ne sauraient être maniées sans une connaissance réelle de ce qu’elles impliquent de la part du psychothérapeute. Si celui-ci ne veut pas céder à la mode de la psychothérapie des psychoses qui lui permettrait, au nom des difficultés de la technique, de se livrer à n’importe quelle expérience, aussi incohérente soit-elle, il doit comprendre ce qu’exige de sacrifices et de dons la conduite de comblement et de maternage : il ne s’agit pas seulement de consoler ou de cajoler. Il s’agit de « donner » à des enfants hautement frustrés, terriblement masochistes, tant leurs pulsions agressives sont profondément intriquées avec des pulsions génitales. À l’agressivité foncière doit correspondre la capacité de se laisser dévorer : c’est dans cette perspective que sont inévitablement vécus souvent, sur le plan contre-transférentiel, les sacrifices de temps, d’énergie, les déceptions que comportent de telles thérapeutiques. Autrement dit à l’ambivalence primitive correspond l’ambivalence du thérapeute. Si nous n’allons pas jusqu’à nous accorder avec Winnicott [83] qui conseille de révéler, surtout en fin de psychothérapie, la haine qu’ont pu provoquer chez le thérapeute les exigences du malade, nous insisterons sur le fait qu’il convient constamment d’analyser les satisfactions masochistes que les exigences insatiables de ce type de patients ne peuvent manquer de provoquer.

Chez l’enfant on ne saurait que souscrire aux principes techniques sur lesquels S. Nacht est revenu, en particulier à propos de la psychothérapie des psychoses [62] : ce qu’esr le psychanalyste compte plus que ce qu’il dit. L’authenticité de ses dons est plus importante que leur nature. La politique de « présence » est à la base des possibilités de cicatrisation et de réparation chez les adultes de ce type comme chez les enfants psychotiques.

2.      Les techniques interprétatives

En matière de psychanalyse appliquée à la thérapeutique des psychoses de l’enfant, les partisans de l’école dite kleinienne estiment que la technique doit être essentiellement interprétative. Comme on le sait, toutes les productions spontanées de l’enfant, les jeux, les dessins, les fantaisies leur apparaissent comme autant de modes d’expression et d’élaboration des fantasmes.

La lecture des ouvrages de Melanie Klein et en particulier de celui qui est consacré à la psychanalyse des enfants [43] nous montre d’ailleurs que dans ses exposés consacrés à la technique, cet auteur a souvent en vue des cas de psychose, soit qu’elle le dise formellement, soit que ce diagnostic paraisse implicite.

La psychanalyse infantile est basée selon les kleiniens sur l’interprétation immédiate de toutes les productions spontanées de l’enfant : les interprétations doivent être données « d’urgence », en montrant constamment l’anxiété qui se développe dans la relation transférentielle devant la résurgence des fantasmes les plus primitifs.

L’application d’une telle technique semble toute naturelle dans certaines psychoses de l’enfant. Il s’agit en particulier des formes symbiotiques. Le cas qui sera exposé dans ce livre en représente un bon exemple. En effet c’est un des signes les plus constants chez ce type de malade que la production, sans angoisse apparente, des fantasmes les plus primitifs. Il s’agit d’un véritable critère diagnostique qui témoigne de défaillances profondes dans la structuration du Moi.

Il est en effet facile de comprendre le sens même de ces productions qui sont éloquentes : elles nous mettent à même d’approcher l’angoisse psychotique et l’élaboration des relations objectales en même temps que les mécanismes de défense qui tendent à les aménager. Le cas de Sammy paraît à ce sujet riche d’enseignement.

Cela ne veut pas dire pour autant qu’il soit facile de faire comprendre à l’enfant la signification de ses productions spontanées. En tout cas, les lui interpréter sans précautions, c’est régresser avec lui au niveau même de l’expression psychotique.

Il s’agit là d’une conduite technique qui est en principe différente de celle qui est appliquée normalement en psychanalyse : on considère en effet comme un principe essentiel de travailler sur les résistances avant de pouvoir interpréter le contenu au regard duquel elles ont pu s’élaborer.

Chez l’adulte il faut pourtant reconnaître qu’un certain nombre de praticiens qui ont l’habitude de la psychothérapie des psychoses préconisent des techniques comparables. En Angleterre, diverses publications de Rosenfeld [73] insistent sur la nécessité d’une interprétation systématique de la relation partielle d’objet et en particulier du mauvais objet internalisé. En France, Bouvet [8] s’est fait le champion dans la psychanalyse des cas « borderline », d’une technique qui fait appel à l’expression des fantasmes relationnels les plus primitifs. La technique de l’analyse directe de Rosen [71] comporte des aspects analogues. Les interprétations directes traduisent dans notre langage l’inconscient qui s’exprime dans les comportements stéréotypés du catatonique.

Ce n’est pas ici le lieu de discuter sur le mérite de ces techniques interprétatives. Il faut nous limiter au domaine des psychoses de l’enfant. Nous savons que l’expression des fantaisies peut avoir un effet cathartique en matière de psychanalyse d’enfants. Nous savons également que la conduite la plus raisonnable consiste à interpréter à un niveau relativement superficiel pour travailler sur les couches solides du Moi et libérer ainsi les secteurs obérés par l’angoisse. Ainsi apparaît-il clairement que l’interprétation systématique à un niveau toujours axé sur la compréhension des relations les plus primitives risque d’être dangereuse, puisqu’elle met au contact de la recherche permanente de la fusion indifférenciée.

Ces remarques critiques ne doivent pourtant pas nous faire oublier un certain nombre de constatations troublantes ; nous avons souvent assisté, comme beaucoup d’analystes d’enfants et en particulier d’enfants jeunes, à la disparition de comportements répétés, bizarres et incompréhensibles, aussitôt que leur sens a pu être verbalisé. Citons un seul exemple : un petit garçon de 5 ans qui prétendait vouloir être une fille était atteint d’un tic d’accroupissement. Celui-ci disparut dès le moment où l’on lui fit remarquer qu’il voulait sans doute s’assurer par là qu’il pouvait faire semblant d’uriner comme une petite fille, montrant ainsi à ceux qui l’observaient qu’il ne revendiquait pas la condition d’homme.

Autrement dit si la recherche du contact représente, comme nous avons essayé de le montrer dans les pages précédentes, un objectif important en matière de psychothérapie des psychoses de l’enfant, l’interprétation systématique peut être dans certains cas la seule arme efficace pour précisément obtenir ce contact.

Le reste est une affaire de technique habituelle. Les interprétations doivent être données à qui peut les appréhender, à un moment où il en est capable, et dans un climat émotionnel particulier. Il faut toujours se rappeler que les structures pathogènes ne sont pas simples et que l’enfant, même lorsqu’il est psychotique et profondément perturbé, en même temps qu’il lutte contre l’incorporation du mauvais objet par l’identification projective, ne peut manquer d’avoir vécu des expériences relationnelles infiniment plus évoluées. Ainsi assiste-t-on fréquemment à un balancement entre les émois génitaux et prégénitaux dans la relation transférentielle. Mais contrairement à ce qu’on a dit, la situation est en tous les cas œdipienne et basée sur l’histoire de ce qu’on peut appeler l’œdipification et la triangulation des relations. Aussi faut-il toujours saisir les moments où la relation évoluée doit être interprétée et ceux au contraire où elle est exprimée comme une résistance qui traduit la peur de ressentir des émois plus primitifs. Inversement lorsque ceux-ci ont été exprimés, interprétés et élaborés, on assiste parfois à une espèce de répétition monotone de fantaisies prégénitales qui peuvent n’exprimer en fait que la résistance contre des émois de caractère œdipien.

Il va sans dire qu’en tout état de cause les altérations profondes de la relation d’objet qui sont évidentes dans les psychoses de l’enfant imposent finalement un travail approfondi d’interprétation dans ce sens. Les fantasmes les plus primitifs doivent être exprimés, interprétés et intégrés.

Il est remarquable de constater souvent qu’au fur et à mesure du travail d’élaboration interprétative de ces fantasmes, on voit se produire de véritables désinvestissements des secteurs cognitifs du Moi qui peuvent permettre une reprise de l’évolution structurante de l’enfant.

*          *          *

L’ensemble de ces remarques sur les diverses techniques qu’on a pu préconiser en matière de psychothérapie psychanalytique des psychoses de l’enfant montrent qu’on doit aboutir à une attitude éclairée et non systématique. D’ailleurs l’esprit de système en technique psychanalytique n’est généralement qu’une rationalisation devant des attitudes contre-transférentielles qui sont en fait nuisibles. Ceux qui préconisent l’attitude anaclitique se complaisent sans doute dans un maternage qui n’est pas toujours symbolique pour eux- mêmes. Ceux qui ne supportent que la conduite interprétative se réfugient peut-être dans la technification de leur attitude qui exprime la crainte d’un contact vrai (Nous n’avons pas discuté des conditions dans lesquelles peut se dérouler la cure psychanalytique qui doit être souvent poursuivie dans des hôpitaux ou des institutions spéciales. On peut se demander si elle est possible avec ces enfants en cure ambulatoire. L’action pathogène de leurs parents a rendu sceptiques bien des thérapeutes).

Les résultats auxquels peut prétendre la psychothérapie psychanalytique des psychoses de l’enfant ne dépendent pas seulement de l’habileté du thérapeute, de sa valeur humaine, mais aussi de la gravité du cas et des conditions dans lesquelles la cure peut être menée à bien.

Nous ne préconiserons aucune technique qui pourrait être appliquée de façon systématique. Nous avons préféré dans les remarques qui précèdent fournir des éléments pour une théorie de la technique psychothérapique. Répétons seulement que, dans les formes autistiques, les conduites qui visent à la recherche du contact sont nécessairement les plus favorables, alors que dans les formes symbiotiques la conduite interprétative peut être la seule capable de créer ce contact. La gravité indicible de l’angoisse qui se manifeste souvent chez ces enfants impose en tout cas de sérieuses restrictions à l’attitude systématique de frustrations dosées qu’on applique généralement en matière de psychanalyse. Il est évident que des recommandations techniques ne sauraient remplacer ici l’intérêt profond, l’acceptation authentique que doit ressentir le psychanalyste.

La gravité de la désorganisation psychotique ou de la non-structuration du Moi de ces malades est un argument suffisant pour qu’il soit inutile de s’appesantir sur les raisons de résultats souvent incomplets, même à l’issue de cures psychothérapiques longues. En matière de résultats de la psychanalyse, on doit toujours réfléchir sur la différence des critères de santé mentale et de fin de traitement. Il est bien difficile de dire ce qu’est un enfant normal. Rappelons que l’adaptation scolaire, familiale et sociale n’est qu’un critère insatisfaisant. Mais lorsque l’enfant est élevé dans un milieu valable, ce qui n’est souvent pas le cas chez les psychotiques, l’adaptation fait partie de l’évolution normale, si l’on ne s’appesantit pas sur un certain nombre de difficultés qui jalonnent l’existence de l’enfant et troublent d’une manière plus ou moins durable son évolution affective et l’organisation de son Moi. À vrai dire préciser les critères de normalité serait précisément étudier ses modalités dans les secteurs non conflictuels ainsi que dans les secteurs conflictuels où se succèdent les mécanismes de défense dont l’anachronisme persistant représente le caractère essentiellement pathologique.

Lorsque la psychanalyse est appliquée à des cas non psychotiques, ses résultats se jugent essentiellement à la reprise des processus évolutifs qui sont constamment à l’œuvre chez l’enfant jusqu’à une période avancée.

Ici la reprise des processus évolutifs se trouve limitée par de véritables phénomènes de cicatrisation : on doit se contenter de l’établissement de structures défensives relativement anachroniques. Nous faisons allusion ici à la névrotisation des psychoses et à la cicatrisation par obsessionnalisation sur laquelle Bouvet a justement insisté dans la psychanalyse des adultes [7].

Aussi faut-il reconnaître que dans de nombreux cas la psychanalyse des états psychotiques et prépsychotiques de l’enfance conduit à l’élaboration de structures caractérielles assez perturbées : le caractère obsessionnel représente une évolution relativement bonne. Mais souvent les sujets restent bizarres, originaux, fragiles devant la pression des exigences sociales. Comme Glover [25] l’a montré, leur caractère névrotique traduit une véritable psychose de caractère.

Sans doute faut-il poursuivre pendant de longues années ces psychothérapies psychanalytiques. Mais parfois la poursuite du traitement est limitée par de nouvelles résistances de nos jeunes patients. Longtemps le transfert était psychotique, c’est-à-dire que les exigences affectives y étaient à la hauteur de la recherche d’une inévitable frustration ; ces enfants cherchaient un contact qui était agressif parce que basé sur l’identification projective, la relation anaclitique teintée d’une agressivité qu’on peut mesurer à la distance extrêmement proche qu’ils essayaient de prendre avec l’analyste. Au moment où les mécanismes névrotiques commencent à infiltrer la relation transférentielle, la culpabilité œdipienne provoque une prise de distance. A ce moment les enfants peuvent refuser de poursuivre le traitement dont la continuation constitue la preuve même de leur culpabilité. Ils disent qu’ils ne sont pas « fous ». Il faut savoir accepter alors l’arrêt du processus thérapeutique même si les résultats en semblent insatisfaisants, quitte à continuer le traitement même sous des formes très différentes et en espaçant au maximum les rencontres. Evelyne Kestemberg a fourni une excellente théorie à la compréhension de ces situations techniques [41]

  • Nous n’avons pas traité ici les psychoses de l’adolescent. La psychothérapie psychanalytique semble trouver un instrument technique de haute valeur dans le psychodrame psychanalytique (cf. S. Lebovici, R. Diatkine et E. Kestemberg, Bilan de dix ans de thérapeutique par le psychodrame chez l’enfant et l’adolescent, Psychiatrie de l’enfant, I, 1er fascicule, P.U.F., Paris, 1958 [51]).
  • Il apparaît de plus en plus que lorsque le traitement se termine dans ces conditions, nous revoyons souvent les enfants au moment de l’adolescence, c’est-à- dire à la période où les exigences sociales se font plus pressantes. À ce moment la poursuite du traitement sous la forme du psychodrame psychanalytique paraît très rentable.

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