Devenir femme ou redevenir femme ? c’est un des enjeux lié à la question de la connaissance précoce ou pas du vagin chez la petite fille. Mais c’est aussi un changement radical de l’écoute comme certaines des premières analystes femmes ont tenté de le faire entendre dans les années 1920.
Exposé le Samedi 9 octobre 2010 à la Fondation Dosne-Thiers, Paris. Publié in Documents et débats, n°80, 2012.
« Il y a dans la vie de tout homme, une « minute de trop », qu’il cherche à racheter à la réalité, quelque soit le prix à payer. Et ainsi, ce « surplus » de réel se transforme en cauchemar. » Paul Valery[1]
« Nous sommes en présence d’une des principales causes de la confusion philosophique : essayer derrière le substantif, de trouver la substance. » Ludwig Wittgenstein[2]
Introduction
Dans les écrits de Freud, il y a des récits de têtes coupées. Entre autres, celle du messager qui apporte au roi Boabdil la nouvelle de la chute de Grenade[3] : Freud fait de cet acte une représentation du déni, car cette nouvelle, Boabdil « ne veut pas la tenir pour vraie ». Ailleurs, il y a la décapitation de Gorgô par Persée : mais là, Freud n’en fait pas la représentation d’un déni[4]…
Gorgô – ou Méduse – est une figure de l’effroi qu’il ne faut pas regarder au risque de mourir pétrifié. Ainsi que Vernant l’indiquait[5], Gorgô a pour principale particularité de montrer et de ne point nommer, de ne rien dire à l’homme de ce qu’elle montre[6]. L’on sait bien que l’effroi a cette particularité de pétrifier le langage, et ailleurs, Freud nous a montré les nécessaires transformations, par élaborations secondaires successives, de l’effroi en peur, de la peur en angoisse et de l’angoisse en évitement. Et de fait, la peur de perdre l’objet est une élaboration secondaire qui protège d’un effroi, celui de perdre la perception de l’objet.[7] Un des bénéfices de cette opération, on le sait, est d’oublier que l’on n’a jamais possédé cet objet.
Persée décapite l’effroi[8] et transforme ainsi la tête de Gorgô en symbole, un symbole qui maîtrise l’effroi. Freud fait de cette décapitation par le garçon un acte de castration de l’organe génital féminin, « au fond, celui de la mère »[9], acte qui lui évite l’effroi du visible.
Il y aurait donc, dans la vie de l’humain, des figures de l’effroi, figures que le langage, s’il ne les dénie pas, maintient pour le moins à une certaine distance, notamment par le travail de nomination et de symbolisation[10]. De plus, le personnage de Persée incarne assez bien la position du garçon face à l’effroi d’une différence : nommer, interpréter et supprimer, plutôt qu’admettre le perçu en soi. Mais qu’en dit la fillette ?
La position de Freud
D’abord, pour rappel, la thèse de Freud : les enfants des deux sexes traversent les mêmes phases d’organisation jusqu’à la période phallique où la masturbation est phallique, avec une équivalence du pénis et du clitoris. L’organe vaginal y est inconnu[11] et cela paraît dès lors théoriquement logique puisque, étant un organe défini comme exclusivement féminin, la féminité n’apparaît qu’en un second temps. Face aux auteurs qui sous-tiennent l’existence de sensations vaginales précoces, Freud répondait deux choses :
– s’il y en a, elles ne sauraient jouer un grand rôle ;
– et en fait, ce seraient des sensations d’origine anales[12] déplacées après-coup sur le vagin[13] (voir la théorie cloacale).
L’organe vaginal étant pour Freud celui de la féminité, il ne peut, en « toute logique théorique », devenir conscient qu’à la puberté, éveillé par les menstrues et recevant le transfert des sensations clitoridiennes[14]. Il serait donc découvert seulement à cette période[15].
Mais surtout, la théorie de la castration serait la même pour les deux sexes, selon une conception soumise à la phase phallique : on a, ou on n’a pas de pénis. Certes, c’est là quelque chose que l’on entend, de même est-il fréquent d’entendre de nos patientes leur découverte du vagin à la puberté. Mais ne pourrions-nous pas nous demander s’il s’agit là d’une réelle découverte, ou bien d’une re-découverte suite aux refoulements de la sexualité infantile[16] ? Et ne peut-on pas imaginer qu’il existerait une théorie sexuelle infantile de la « castration spécifique à la fillette », c’est-à-dire non régie par l’organisation phallique ? Et si oui, laquelle ?
Nous n’allons pas spéculer théoriquement mais essayer de nous appuyer sur ce que nous pouvons entendre en séance.
Un rêve : le cassé précède-t-il le coupé ?
Cette question reçut, au début de ma pratique, le renfort du rêve d’une jeune femme. Celle-ci était venue à l’analyse avec une plainte précise : son incapacité à rencontrer un homme, non pas parce que les occasions lui manquaient, mais parce qu’à chaque fois elle s’enfuyait « malgré elle », ou bien se réfugiait derrière un « restons amis ! ». Ainsi avait-elle beaucoup d’amis, tout en éprouvant un fort sentiment d’exclusion, voire d’anormalité, du fait de son célibat, ce qui était à lier avec sa grande discrétion.
Une séance débuta par le récit du rêve suivant, rêve initié par la rencontre d’un homme, qui lui avait plu, mais c’était impossible puisqu’il était marié, mais ils avaient des connaissances communes, mais ils travaillaient sur le même lieu, etc…
Dans ce rêve, sa voiture étant en panne (sexuelle), elle demande à ce collègue de venir regarder sa boîte de vitesse, mais celui-ci répond que le levier de vitesse ne fonctionne pas car il n’est plus en prise : il est donc fichu et il faudrait le faire changer. Ce à quoi elle proteste, arguant qu’elle (se) conduit très bien, et qu’elle fait très attention à sa boîte. Elle éprouve, au réveil, un sentiment d’injustice à être ainsi accusée de ne pas être soigneuse et cela, en fait une fatalité de plus, qui lui tombe dessus[17], sentiment puissant qui la poursuit toute la journée.
Entendant ce rêve, je me souviens d’une première impression, celle d’un « dialogue de sourds » : un homme parle de levier à une femme qui parle de boîte. Impression aussitôt suivie d’une culpabilisation à la pensée que ce dialogue de sourds pourrait être le notre, en séance, où je résisterais à entendre quelque inouï de sa part. De ce fait, dire quoi que ce soit sur le levier de vitesse[18] m’apparaissait comme « fausse piste » dans la mesure où elle n’était pas dupe quant à la symbolique du levier, bien que cette piste m’aurait été familière et donc plus économique. De plus, l’accent dans le rêve portait sur son dire à elle, sur le soin pris à sa conduite et à sa boîte, et non point sur le dire du collègue.
La pensée m’était venue que le rêve opposait un dire masculin phallique à ce qu’elle montrait et à sa parole propre, toute autre, mais aussi une opposition entre le visible du levier et l’invisible de la boîte. Ainsi la séance se déroula autour de ce rêve et sur la nécessité de s’approprier son sexe, et non se soumettre aux dires qui pèsent dessus, en l’invitant à associer sur le soin porté à sa boîte de vitesse.
Au fil des associations lui revint un souvenir de sa petite enfance, vers ses trois ans, qu’elle trouve hors sujet quant à la sexualité, mais qu’elle met en lien avec son sentiment d’exclusion.
Sa mère, un certain jour de la semaine, avait coutume de recevoir ses amies pour une partie de bridge. En cette occasion, elle passait sa matinée à préparer de bons gâteaux. La partie se déroulait dans le salon, et elle, trop petite, était exclue de ce groupe de femmes et se retrouvait dans l’entrée, le plus souvent sur les marches de l’escalier, attendant la fin du jeu et espérant que ces dames laissent quelques miettes des si bons gâteaux maternels[19]. Ce qui était parfois le cas. Donc un temps assez long à s’ennuyer devant cette porte close du salon, porte close devenue symbole de son sentiment d’exclusion.
Ce souvenir s’ouvrant sur une dénégation (« c’est hors sujet »), après lui avoir confirmé que c’était bien une scène d’exclusion, je l’ai incitée, si elle s’en souvenait, à m’en dire plus sur ce qui pouvait bien se passer en elle lorsqu’elle était assise, seule, sur les marches.
C’est alors qu’un autre souvenir surgit, la plongeant dans un grand trouble émotionnel : un jour d’été, assise sur les marches, comme l’élastique de sa culotte la démangeait, elle le tritura, puis baissa sa culotte et enfin se pencha pour regarder « comment c’était fait ». Ensuite, elle touche avec un doigt. C’est alors qu’elle ressent très fortement comme une décharge électrique, devient toute rouge et a aussi très peur : peur que s’ouvre la porte du salon, peur qu’elle soit vue par son père ou son frère qui auraient pu être là, dans l’ombre du couloir. Peur d’être vue[20], mais avant tout d’avoir vu.
Elle se souvient nettement de ses peurs et surtout de sa honte au point qu’elle ne recommença que deux ou trois fois, attirée par la décharge électrique, jusqu’à ce qu’elle soit convaincue qu’« elle avait cassé quelque chose à l’intérieur », voire, horreur, « fait un trou » que sa maman pourrait découvrir lors de la toilette et ainsi risquer de perdre l’amour maternel[21]. La honte fut telle qu’elle ne recommença jamais plus jusqu’à la puberté, dit-elle. Ceci d’autant plus que quelques temps après apparurent cauchemars et phobies où insectes et animaux sauvages tentaient, la nuit, de se glisser dans son lit pour la dévorer entre les jambes[22] (jusqu’à ce jour elle portait deux culottes et ne pouvait par exemple enjamber un fossé[23]). Une des fonctions de ses phobies était de déplacer l’auto-accusation, d’un : « j’ai cassé quelque chose, j’ai fais un trou[24] », à un : « je risque de me faire trouer, casser par un autre ». Il n’en reste pas moins que, malgré cette défense – le déplacement par les phobies -, la zone vaginale devint le lieu de tous les dangers, danger qui peu à peu s’est étendu à toute sa personne : malgré les soins qu’elle se donnait, restait en arrière-plan la conviction qu’elle (s’) était « cassée » et se devait de le cacher à tout le monde, et de se cacher elle-même toute entière. D’ailleurs, ouvrir la porte du vagin ne pouvait produire que des catastrophes : tomber enceinte ou avoir le sida (là aussi, ce sont des déplacements défensifs : la catastrophe n’est pas à venir mais a déjà eu lieu). Ainsi sa vie sexuelle se réduit à des « flirts poussés », symptôme qui permet bien des compromis, dont celui de connaître le plaisir porté par la décharge électrique (le clitoris) tout en évitant la rencontre du « cassé » (le vagin).[25]
Cette conviction du « cassé » et donc de l’anormalité par rapport aux autres, ne cessât de s’étoffer au fil des ans, devenant une véritable identité secrète. À la séance suivante, elle rapporte un autre souvenir. C’est à l’époque du CP qu’elle découvre le début de pilosité chez ses sœurs aînées lors des bains communs, et se sent très différente, anormale[26]. Puis, après une visite médicale scolaire, elle fait un rêve toujours aussi vif : « Nous sommes toutes en culottes et maillots de corps, en file indienne, et nous passons une par une devant un docteur qui chatouille de son doigt le sexe des filles et des maîtresses. Toutes ont l’air contentes, je suis horrifiée et me réveille avant mon tour ». Le réveil évite que l’autre découvre le cassé et protège de l’effroi[27].
Ceci représenterait un cas de figure, celui d’une conception spécifiquement féminine de la « castration »[28] à partir de la découverte du vagin et de ses sensations, avec un destin psychique différent de celui du clitoris. Castration résultant non pas de l’amputation d’un pénis mais d’une faute première qui ampute le corps même, une auto-mutilation[29]. Il y aurait du cassé et du perforé avant le coupé.
Sur un autre plan, le premier rêve retrace un historique régrédient des acquisitions des connaissances sexuelles : la boîte fut investie avant le levier, le sentir et le voir avant le dire, et ses élaborations à partir des observations du pénis[30], élaborations secondes qui sont venues recouvrir défensivement les terreurs liées à la découverte de son vagin, qui ne sera redécouvert qu’à la puberté : la supposée perte de l’objet pénis est moins angoissante que le fait vécu d’avoir cassé quelque chose. Dit autrement, l’adhésion à la conception de la castration phallique permet ici de refouler la découverte et la connaissance de son propre sexe, et c’est un moindre mal à ce moment-là[31], l’effroi étant ainsi évité.
Nous voici en présence d’un exemple de cette méconnaissance active que Freud avait relevé : « Les enfants produisent beaucoup de choses fausses dans le but de contredire une connaissance ancienne, meilleure mais devenue inconsciente et refoulée. »[32] Et cette méconnaissance n’est pas sans destins psychiques.
Quel est l’intérêt d’aborder ainsi les choses ? Celui de lever des anesthésies, certes, mais surtout de pouvoir traiter le destin psychique de ces découvertes anatomiques et leurs théorisations infantiles (ici, le destin se dit en sentiment d’exclusion, d’infériorité – « être toute cassée » à l’intérieur – et son envers en conduites d’effacement[33]) et de retrouver son énergétique propre, car la découverte de son propre sexe est aussi un acte d’autonomie premier après-coup interdit.
Mais il n’y a pas que cela. Cette séance peut servir d’exemple du jeu ou du poids de la différence anatomique des sexes dans la cure, ou, pour le dire autrement, quand l’analyste-homme risque de devenir homme-analyste[34] en privilégiant le levier sur la boîte, et peut-être ne pas entendre que, parfois, le cassé précède le coupé.
La querelle des années vingt & trente
Une illustration de ce glissement et retour de l’analyste vers ses « préférences pulsionnelles », selon l’expression de Freud, se laisse entendre dans une querelle importante qui se déroula lors des années vingt et trente autour d’une question centrale : existe-t-il ou non des sensations vaginales précoces ? La seconde guerre mondiale mit fin à la querelle mais elle fera retour dans les années soixante et reste encore de nos jours, un sujet très « sensible »[35]… (Précisons que la référence à l’Histoire n’a pour nous d’intérêt qu’en tant qu’elle révèle les dimensions fantasmatiques à l’œuvre dans les théorisations).
L’enjeu est en fait, pas tant celui de sensations, mais celui d’une théorie : si la fillette est consciente de sensations vaginales, cela met en cause tout l’édifice théorique de Freud quant à la sexualité féminine, ainsi que celui de pas mal de ses successeurs, tel Lacan.
Que le débat ait un enjeu théorique est une chose, mais en-deçà, il y une autre dimension qui est en tension : la « querelle » est une scène adulte où s’opère le heurt des sexualités infantiles masculines et féminines. D’une façon imagée, elle pourrait se résumer à un choix : le levier ou la boîte ? Décapiter/castrer Gorgô, ou bien lui donner la parole ?
Schématiquement, cette querelle va opposer les Viennois aux Berlinois et Londoniens.
C’est un article de Karl Abraham qui lance le débat[36], où il rassemble des éléments échangés dans la correspondance avec Freud[37]. Abraham pose une question : y’a-t-il une méconnaissance réelle du vagin, ou bien est-ce le refoulement d’une connaissance ? Quant à sa thèse, elle s’appuie sur la clinique de la frigidité vaginale : si le vagin reste froid (abstinence) ou se ferme douloureusement à la pénétration, cela serait une manifestation défensive contre des désirs primitifs refoulés suite à un interdit posé sur le vagin. Cela sous-entendrait donc l’existence d’une érogénéité vaginale précoce, liée pour lui à l’investissement libidinal du père[38]. Le débat va se poursuivre entre les élèves et disciples des deux hommes.
Du côté des viennoises, fidèles aux thèses de Freud, la féminité est une acquisition tardive et donc il n’y a pas de connaissance infantile du vagin :
– pour Jeanine Lampl de Groot[39], la fille est un garçon jusqu’à la phase phallique et elle pense la féminité comme normalement passive et masochiste, ce qui permet à la femme d’accepter d’être déflorée, coïtée, etc. ;
– pour Hélène Deutsch, l’éveil du vagin est lié à l’activité de l’homme et il est donc découvert dans une soumission masochiste : « Une femme qui a réussi à établir la fonction maternelle du vagin et à abandonner les revendications du clitoris a atteint le but du développement féminin, est devenue femme. » Pour elle aussi, la féminité est une disposition passive masochiste[40]. À la fin de sa vie, elle ira jusqu’à affirmer que seul le clitoris est un organe sexuel, le vagin n’existant que pour la reproduction et le pénis, car l’orgasme est masculin, et pour la femme la norme serait une détente douce et lente, une relaxation : la femme féminine n’a pas d’acmé orgastique. Mais elle reconnaîtra à la fin de sa vie l’échec des cures quant à la frigidité.[41]
Du côté des berlinoises (et berlinois), ce qui est mis en question dans la théorie de Freud est la thèse de l’indifférenciation sexuelle originaire et en arrière-plan, la notion de phallus, non pas comme phase d’élaboration de la libido, mais en tant que période première pour les deux sexes et surtout en tant qu’utilisation défensive contre ce qui précède.
Pour ce faire, les disciples d’Abraham, telle Josine Müller[42], soutiennent l’existence de sensations vaginales infantiles et donc d’une connaissance de cet organe, devenue après-coup méconnaissance. Après tout, le vagin est le lieu de certains fantasmes incestueux. Cet éveil est lié aux masturbations, éveil suivi d’un refoulement et d’un déplacement sur le clitoris. Le refoulement serait lié à diverses causes :
– pour Karen Horney[43], les désirs œdipiens sont une telle source d’angoisse que la fillette renonce à sa féminité : ainsi la masturbation vaginale est réprimée, il y a un déplacement sur le clitoris, qui est donc un investissement secondaire et défensif puis ensuite, un nouveau déplacement défensif sur l’envie du pénis. Cette angoisse est liée à des craintes de mutilation (par exemple, du fait anatomique de la disproportion entre son petit organe et le pénis paternel[44]), ce qui constituerait l’angoisse de castration spécifique aux filles. Le recours à la représentation d’un pénis perdu serait dans ce cas défensif, un moindre mal car il offre un mal visible et externe ;
– Melanie Klein[45] remet en cause l’universalité du phallus et l’équivalent féminin de l’angoisse de castration du garçon serait une crainte fondamentale liée à l’intérieur du corps, amplifiée, là aussi, par la vue du pénis paternel, d’où le déni du vagin ;
– Ernest Jones[46] soutient lui aussi une connaissance précoce du vagin, qui est ainsi source d’angoisses de pénétration : alors, la phase phallique apparaît comme défense face à ce qu’il conceptualise comme danger primordial, celui de l’aphanisis (perte du désir et du plaisir).
Tous ces auteurs indiquent aussi une peur du vagin chez l’homme[47] qui donc, lui aussi, le refoule (ce qui ferait retour sous les représentations « trou, rien, vide » et dans la question : « mais de quoi jouit-elle ? »). Le vagin serait-il un organe tabou, au même titre que les testicules, dans les travaux analytiques ?
En tous cas, pour ces auteurs, la féminité existe dès l’origine et observons que les modes successifs de refoulement vont du plus interne au plus externe, de l’invisible au plus visible : du cassé / troué au coupé. Mais aussi du trop présent vers l’absent.
En deçà de la question des sensations vaginales, c’est la notion de phallus qui est donc en question et qui est une source conflictuelle. C’est ce qu’indique Marie Bonaparte lorsque Lacan, ayant achevé sa conception du phallus et lançant un congrès sur la féminité s’aperçoit que cela produit une « querelle du phallus », ce que Marie Bonaparte interprète différemment : « non, c’est un combat autour du vagin »[48].
Ce qui se répète dans le champ de la différence anatomique des sexes, c’est la confrontation incessante entre Persée et Gorgô, ou, si l’on préfère, entre le levier et la boîte de vitesse, avec, toujours en fond un élément déclencheur de querelles, l’affirmation du primat du phallus. Je précise que ce qui est en tension n’est pas l’affirmation d’une phase phallique – elle est admise par tout le monde – mais l’étendue de son « application » et de ce qu’elle refoule. Pour exemple :
– son universalité première (dans la théorie freudienne, avant la différenciation psychique des sexes, l’enfant est dit phallique) ;
– la non prise en compte de ce que le phallique peut offrir secondairement comme élaboration défensive et donc refoulante d’autres dimensions (le meilleur exemple reste celui de l’analité ou de l’urétral[49]).
La question transférentielle et le « mensonge partagé »
Bref, il y a un effroi spécifique chez certaines fillettes, antérieur à la connaissance de la différence des sexes, lié à la découverte de son vagin, et non pas à la découverte clitoridienne[50]. Effroi lié à un intérieur invisible, en opposition à celui du garçon qui est lié à la découverte d’un autre sexe, mais pour la seule extériorité visible[51]. Cet effroi spécifique est si dénié ou refoulé qu’il est rare qu’il soit énoncé ouvertement. Mais il peut s’entendre derrière certains masques, tels ceux décrits en termes de mascarades, tantôt dites masculines[52], tantôt féminines[53]. Mais ce qui ressort le plus des débats des années trente c’est l’idée d’une utilisation de l’organisation phallique comme défense privilégiée, et ce, pour les deux sexes.
Sur ce dernier point, relevons qu’il peut parfois exister des moments où, par exemple, Persée et Gorgô passent un accord inconscient : c’est ce que nous indique à sa façon Ruth Mack Brunswick[54] dans son ultime texte, « Le mensonge partagé » ou « consenti ». Elle considère que la simulation de l’orgasme chez la femme a une fonction de réassurance car l’idée masculine traditionnelle sur les femmes est qu’elles ne possèdent pas de sexualité authentique, qu’elles n’ont ni besoin ni désir de relations sexuelles. C’est comme si toute sexualité, attribuée au phallus, du fait de la reconnaissance de l’absence de phallus et d’une certaine logique stricte, inconsciente, était déniée aux femmes. « Ainsi le mensonge sur l’orgasme est-il essentiellement une affirmation de ce que les femmes ne possèdent pas de sexualité phallique. Il constitue une réassurance tant pour les hommes que pour les femmes.[55] »
Un autre destin possible de cette alliance dans le mensonge pourrait s’entendre dans le fait que Freud avait invité les analystes-femmes à dire quelque chose de la sexualité féminine infantile. Comme on peut l’entrevoir, certaines l’ont fait[56], et pourtant, reste cette affirmation : « elles n’en disent rien », qu’elle soit de Freud[57], Lacan[58] ou Granoff[59]. Affirmation qui fait dès lors question : n’en disent-elles vraiment rien et l’on retrouverait Gorgô qui montre mais ne dit pas ? Ou bien les hommes-analystes sont-ils des Persée et coupent les têtes – celles de Klein ou Horney sont les plus faciles – pour ne point entendre dire en dehors du phallique ? Ou, encore, n’aurions nous pas à analyser un élément que Jones et Horney ont avancé, c’est-à-dire la peur de l’homme face au vagin et donc un effroi partagé[60] ?
Par exemple, nous connaissons chez Freud le conflit entre l’analyste qui, devant les faits de la clinique, admet l’étiologie sexuelle et la défend, et l’homme en difficulté avec cette sexualité[61], ce dont il nous a laissé quelques témoignages. Deux exemples :
– dans une lettre à Emma Eckstein, la première psychanalyste analysée, Freud lui écrit ceci : « Tous ces évènements, il est vrai, n’ont pas ébranlé l’opinion que j’ai de vous, mais m’ont à nouveau inspiré du respect pour la féminité primordiale contre laquelle je ne cesse de lutter. »[62] Emma donne à voir mais n’en dit rien[63] ;
– Freud commit aussi un poème, offert à Fliess, où l’on peut lire : « Mais salut aussi au père qui, peu auparavant, tout au fond du calcul a trouvé // à endiguer la puissance du sexe féminin pour qu’il porte sa part d’obéissance à la loi… » [64]. Fliess est ici en Persée…
Si je cite cela, ce n’est que dans le but de faire jouer la différence des sexes dans la cure et le renversement que parfois elle suscite : lorsque d’analyste-homme je deviens, par le jeu de mes résistances, homme-analyste et que, dès lors, vont primer mes « préférences pulsionnelles ». Résistances qui peuvent être renforcées secondairement par nos propres théorisations[65].
À la lumière des positions avancées par les protagonistes de cette première querelle, nous pouvons esquisser des modes de résistances en cure. Par exemple :
– une patiente peut aisément se soumettre à la thèse de la castration phallique (masculine) car c’est pour elle un renforcement défensif contre l’effroi de la découverte infantile de son vagin. Mais alors un symptôme comme celui de la frigidité vaginale sera d’autant plus résistant ;
– ou bien les interprétations phalliques peuvent venir au service d’une mascarade masculine surtout si un diagnostic d’hystérie est en tension, diagnostic qui en ce cas transforme une défense en symptôme et refuse l’existence des sensations vaginales infantiles, ce qui renforce les défenses : par exemple, le crocodile caché dans la cuvette des toilettes ou sous le lit, est-il un coupeur de pénis ou un faiseur de trou, un casseur d’intérieur ?
– ou encore l’accord inconscient entre les protagonistes : pas de castration entre nous ou le « mensonge partagé » ;
– enfin, l’adhésion à la thèse de l’envie du pénis peut dans certains cas venir redoubler et renforcer le système défensif.
Dans ces cas, ce qui reste intact est l’effroi premier et la crainte de quelque chose de cassé à l’intérieur (d’où certains rêves de poursuite, de cambriolage, certaines phobies, peurs d’effractions ou de pénétration, et aussi conduites quasi obsédantes de vérification de l’intérieur[66], etc.)
N’existerait-il pas, parfois, une sorte de demande inconsciente de renforcer les défenses, comme si Gorgô implorait l’analyste Persée de lui couper le tête, de la castrer, et d’ainsi renforcer le déni, ou bien de ne point parler de la boîte de vitesse mais bien plus du visible et du dicible représenté par le levier ?
Conclusion
L’exemple clinique que je présente ici n’est, pour moi, qu’un cas de figure parmi les possibles constitutions de la féminité. Dire cela est, certes, une façon de ne pas entrer dans une querelle, non pas par crainte, mais parce qu’il me semble que d’autres modes de constitutions existent, où, par exemple, le primat clitoridien ne semble pas défensif, ce qui donne d’autres constitutions et destins psychiques. De même, les destins psychiques diffèrent selon les fantasmatiques : le cassé ou mutilé, le troué ou le coupé.
C’est en ce sens que je pense que la sexualité féminine est multiple, et donnerait à penser à une dissymétrie dans les constitutions de la féminité et demanderait à ne pas accepter une thèse univoque qui, au pire, maintiendrait le « continent noir ». Cela implique aussi de ne point considérer l’existence précoce des sensations vaginales comme un symptôme hystérique. Le transfert de l’érogénéité clitoridienne sur le vagin est dans ces cas difficile, car il s’agirait d’attaquer et défaire une organisation défensive contre l’érogénéité vaginale première. D’où peut-être parfois la résistance de cette frigidité[67].
Cette dissymétrie des sexes dans la féminité a pour conséquence de produire différents courants sexuels et d’ainsi venir mobiliser différemment l’analyste-homme. Par exemple, la résistance du symptôme frigidité vaginale tient au fait que, dans certains cas, c’est une défense et non un symptôme, résistance qui vient parfois répondre à l’insistance phallique de l’analyste. Ce qui réclamerait de questionner notre rapport personnel au phallique.
Il y aurait donc dans certains cas à lever une méconnaissance afin de re-trouver la connaissance infantile. Une autre façon de le dire est de soutenir, pour ces patientes, qu’il s’agit de re-devenir femme et non pas le devenir, en retrouvant leur féminité primordiale. Lever cette méconnaissance réclamerait d’affronter un effroi réciproque, ce que Freud, dans son texte sur Méduse, indiquait : « L’exhibition des organes génitaux est un acte apotropaïque. Ce qui, pour soi-même, excite l’horreur, produira aussi le même effet sur l’ennemi qu’il faut repousser. » (Chez Rabelais, encore, le diable prend la fuite après que la femme lui ait montré sa vulve.)
Mais il y a aussi une indication d’un mode de défense : « Le membre viril érigé sert lui aussi d’apotropaion mais en vertu d’un autre mécanisme. L’exhibition du pénis – et de tous ses succédanés – veut dire : je n’ai pas peur de toi, je te défie, j’ai un pénis.[68] » Mais est-ce un acte de castration ou une parole de déni ?
Il y a là une forme de circulation de la rigidité : l’effroi rigidifie le spectateur, mais l’érection rigide renverse les choses puisqu’elle est supposée effacer l’effroi – ou le re-projetter – en inversant les places. C’est en tous cas la conviction de l’exhibitionniste face à sa victime. Mais cela trace aussi une autre tension : l’effroi défait le langage, et le langage à son tour vise à défaire l’effroi, ce qui nous donne les éléments d’un conflit fondamental, dont un des échos s’entend dans une autre opposition de base, entre attraction et répulsion.
Je n’ai personnellement pas connu Gorgô… mais il me plaît de penser – ou de fantasmer, si vous préférez – que, si elle fut effrayante, c’était, peut-être, parce qu’elle fut une petite fille effrayée…
En résumé : l’effroi, dont il est ici question, est celui de l’expérience vécue d’une altérité interne[69] : la « prise de conscience » de l’excitation en soi, du pulsionnel, son plaisir mais aussi son « étrangeté » et son effet de division[70], tel un corps étranger. Que cette expérience soit par la suite reprise et élaborée dans la scène de la différence des sexes est une évidence. Mais dans certains cas, cela laisse coexister des dimensions élaboratrices différentes, avec leurs symptomatologies propres, ou, pour le dire comme Freud, des « courants sexuels » différents aux destins particuliers[71]. Dans l’exemple présenté, il y a une ligne propre à l’excitation qui circule dans le groupe des femmes, une autre liée à la rencontre de la différence des sexes, et enfin, celle qui est liée à la découverte du pulsionnel en soi.
Les réélaborations successives, si elles reprennent en partie ce qui a précédé, en occultent une autre partie, ce qui est propre à toute représentation : d’un côté, elle montre, d’un autre, elle masque. Nous avons pris ici le cas de la représentation phallique sur son versant défensif exclusivement et de ce qu’elle peut, dans certains cas, venir masquer.
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Notes
[1] P. Valery, Analecta, Gallimard, 1935.
[2] L. Wittgenstein, Le cahier bleu et le Cahier Brun, (25), Tel, Gallimard, 2004.
[3] S. Freud (1936), « Lettre à Romain Rolland. Un trouble du souvenir sur l’Acropole », OCF/P, XIX, PUF, 1995, p. 336 sq.
[4] S. Freud (1922), « La tête de Méduse », OCF/P, XVI, PUF, 1991, pp. 163-164.
[5] J.-P. Vernant, La mort dans les yeux, Hachette, 1985, p. 36.
[6] Les références ne manquent pas chez les Grecs antiques : pensons à l’insistance de Zeus quant à la jouissance de son épouse, Héra, qui montre mais n’en dit mot. C’est Tirésias qui répondra à sa place pour avoir connu les deux sexes, mais à quel prix !
[7] S. Freud (1925), « Supplément B : complément à l’angoisse », Inhibition, symptôme et angoisse, OCF/P, XVII, pp. 279 sq. L’objet dont il s’agit est celui du fantasme inconscient. Pensons à Œdipe qui se crève les yeux dans l’illusion d’en perdre ainsi la perception.
[8] En décapitant Gorgô, Persée lui supprime tout phallique, ce qui fait d’elle une femme. Mais ce phallique était, dans un premier temps, projeté sur elle par Persée (et les autres hommes).
[9] S. Freud (1922), « La tête de Méduse », op. cit. Texte où Freud met en circulation la rigidité entre Gorgô et Persée.
[10] Yves Bonnefoy a montré comment et combien le langage défait la perception, celle-ci étant selon son expression, lorsqu’elle reste pure, un in-défait. C’est toute la difficulté que tente de dépasser l’écriture poétique : éviter que le mot ne soit le meurtre de la chose.
[11] Exception faite dans le cas Dora, mais là, ce serait hystérique : Freud y envisage une « féminité infantile refoulée » et donc « l’apparition précoce de véritables sensations génitales ».
[12] Impasse est donc faite sur les vulvites, vaginites, cystites, etc., et leurs destins psychiques. Cette position reçut le renfort de Lou Andreas-Salomé : « Du type féminin » (1914), « Anal et sexuel » (1915) et « Le narcissisme comme double direction » (1921), in L’amour du narcissisme, Gallimard, 1980.
[13] Par exemple, dans « On bat un enfant », le fantasme d’être coïté par le père est une représentation anale transférée après-coup sur le vagin. Et lorsque Freud introduira la notion de phallus, cette dimension anale disparaît de la théorie : voir « Quelques conséquences psychiques de la différence anatomique des sexes » où il révise ce fantasme. Voir sur ce sujet : Jacques André, « La fille, le phallus et la question du père », in Aux origines féminines de la sexualité, PUF, 1995, pp. 57-72.
[14] S. Freud (1915-1917), Nouvelles conférences sur la psychanalyse, Gallimard, 1984, p. 72 : ce transfert de sensibilité est un devoir : la fillette doit renoncer et investir. Cette exigence devrait faire question.
[15] Freud « oublie » ici qu’une telle parole est peut-être le récit d’une scène B, qui maintient le refoulement d’une scène A. Voir le § Proton pseudos in « Esquisse d’une psychologie scientifique, La naissance de la psychanalyse, lettres à W. Fliess, notes et plans 1887-1902, PUF, 1956.
[16] En effet, cette parole qui dit avoir découvert son vagin à la puberté est prise à la lettre, et pas du tout comme scène B, résultant des refoulements de la sexualité infantile, et donc supposant une scène A. Par exemple, nous sommes moins preneurs lorsque nous entendons dire d’un patient qu’il a découvert la masturbation à l’adolescence.
[17] Elle avait un sentiment puissant d’être poursuivie par de nombreuses fatalités.
[18] Cette jeune femme était par ailleurs très discrète et fort lente, de façon « exaspérante »…
[19] Scène qui figure le plaisir comme étant réservé aux autres femmes.
[20] Peur que d’autres voient ce qu’elle a fait, puis, peu à peu, son acte et cet orifice deviendront une représentation identitaire de sa personne, d’où sa discrétion, son effacement (soit l’envers du sentiment d’exclusion, qui est une élaboration secondaire).
[21] Certains ont fait de cette crainte de la perte d’amour le pendant féminin de la crainte de perdre le pénis. Mais la perte d’amour ne peut pas être première, elle vient comme défense contre quelque chose d’autre qui a précédé.
[22] Classiquement, les créatures étaient censées entrer par le pied de son lit et remonter vers son ventre. Il lui fallait donc bien border ses draps et surtout éviter les chemises de nuit, bien trop ouvertes. Il fallait aussi éviter tout écartement des jambes du fait de l’ouverture que cela créerait au niveau de son sexe.
[23] L’ouverture des jambes pourrait re-trouer.
[24] Et en deçà, « j’ai cassé l’objet fantasmatique de la mère ». Mais il y a des destins différents en fonction du cassé ou du troué.
[25] Compromis dont elle s’accuse en se jugeant comme n’étant qu’un « être de surface »… mais donc pas « superficiel ».
[26] Le « cassé » explique tout : si elle n’a pas de poils, c’est une preuve de plus de sa faute.
[27] Mais ici se répète un élément de la scène première : l’excitation – celle des élèves, des sœurs et apparavant celle de sa mère et de ses amies – est perçue, et vient réveiller la sienne, devenue effrayante.
[28] Ce terme de « castration » est sans doute impropre à ce moment d’élaboration.
[29] Cet aspect d’automutilation peut être masqué par une élaboration secondaire telle que : être mutilée par un autre (« hétéro-mutilation »). Cela mènerait à réinterroger la notion de masochisme féminin, non plus comme élément premier dans la vie psychique, mais comme élaboration seconde maîtrisant et refoulant un acte premier. À partir de là, il est important de « parer » ce corps pour en masquer la « cassure ». Voir aussi les nombreuses représentations élaborées en termes d’enveloppes bien closes.
[30] Notamment de son frère, pénis pensé comme quelque chose qu’elle n’a pas, ce qui, à cette époque, vient prendre la place de la pilosité qu’elle n’a pas.
[31] Voir Inhibition, symptôme et angoisse, OCF/P, XVII, PUF, 1992 : la peur de perdre l’objet est une élaboration contre l’effroi de la perception ; puis cette peur sera secondairement élaborée en angoisse, ce qui a pour effet de s’éloigner de plus en plus de l’effroi. Voir aussi la fameuse assertion de Freud : « Les femmes sont invitées à participer à quelque chose qu’elles n’ont pas élaboré ».
[32] S. Freud (1908), « Les théories sexuelles infantiles », in La vie sexuelle, P.U.F 1969. Voir, sur le même thème (1911), « Formulations sur les deux principes du cours des événements psychiques », Résultats, idées, problèmes, tome I, PUF, 1984.
[33] Le cassé peut se réparer, pas le mutilé.
[34]. Selon la formulation de F. Perrier, La chaussée d’Antin, Albin Michel, 1994.
[35] L’observation nous montre que, dès que l’on touche à la notion de phallus, cela provoque parfois des réactions pour le moins « passionnées », ce qui est en soi une vraie question.
[36] Karl Abraham (1920), « Manifestation du complexe de castration chez la femme », in Œuvres Complètes, tome II, 1915-1925, Payot, pp. 116-141.
[37] Par exemple, Sigmund Freud, Karl Abraham, Correspondance 1906-1926, Gallimard, 1969, pp. 380 sq.
[38] Voir aussi « La petite Hilda » : Hilda C. ABRAHAM, Karl Abraham : biographie inachevée. Précédée de « La Petite Hilda », PUF, 1976.
[39] « Histoire du développement du complexe d’Œdipe chez la femme », Féminité mascarade (études psychanalytiques réunies par M.-C. Hamon), Seuil, 1994, pp. 113-132 ; « Contribution aux problèmes de la féminité », J. Lampl de Groot, Souffrance et jouissance : le sexuel féminin, Aubier Montaigne, 1983, pp. 57-100.
[40] J. Lampl de Groot , « Le masochisme féminin et sa relation à la frigidité », Communication au 11ème Congrès International de Psychanalyse, Oxford, juillet 1929, Féminité mascarade, op. cit., pp. 215-231.
[41] H. Deutsch (1924), « La psychologie de la femme en rapport avec ses fonctions de reproduction », et « Le masochisme féminin et sa relation à la frigidité » (1929), in Féminité mascarade, op. cit., pp. 215-231 ; « La frigidité chez les femmes » (1960), in La psychanalyse des névroses et autres essais : étude de clinique psychanalytique, Payot, 1970, pp. 303-306 ; La psychologie des femmes, TI : Enfance et adolescence, PUF 1964 ; T II : Maternité, PUF, 1967 ; Les « comme si » et autres textes : 1933-1970, Seuil, 2007. Autobiographie, Mercure de France, 1986.
[42] J. Muller (1925), « A contribution to the problem of the development of genital phase in girls », International Journal of Psychology, vol. XIII, pp. 361-368.
[43] Pour exemples : le bébé désiré peut-il sortir par un si petit organe ? Le si gros pénis paternel peut-il y entrer ? Etc. Soit autant de formes d’effractions menaçant l’intégrité interne du corps. Voir K. Horney, La Psychologie de la femme, Payot, 1969, ses travaux de la période berlinoise, avant sa « dérive » américaine avec le Culturalisme, « La fuite devant la féminité. Le complexe de masculinité chez la femme vu par l’homme et par la femme » (1926), pp. 48-65 ; « La femme inhibée. Contributions psychanalytiques au problème de la frigidité » (1926), pp. 66-80 ; « De la genèse du concept de castration chez la femme » (1933), pp. 30-47 ; « La négation du vagin » (1932), pp. 151-165 ; « La peur devant la femme », pp. 135-149.
[44] Une patiente avait fait le rêve suivant : elle est assise sur les genoux de son père, mais il a un entonnoir sur son pénis, ce qui permet un rapport sexuel non mutilant. L’entonnoir était un des objets de ses masturbations infantiles. L’on oublie souvent que les petites filles utilisent beaucoup d’objets. La sexualité de cette patiente et de son mari se résumait à une masturbation, côte à côte, mais pas réciproque ou mutuelle. Le rêve est venu satisfaire hallucinatoirement les fantasmes incestueux masturbatoires de l’enfance. Ce rêve, une sorte de révélation, fut un choc énorme pour elle au point de vouloir fuir tous les hommes.
[45] M. Klein et K. Horney (1925), « Sur le développement du complexe d’Œdipe », in Darian Leader, La question du genre, Payot, 2001, pp. 267-274. Ce travail est la réponse au texte de Freud, « Quelques conséquences psychiques de la différence anatomique des sexes », paru en 1924. Melanie Klein (1928), « Les premiers stades du conflit œdipien » ; (1928) « Phases précoces du complexe d’Œdipe » ; (1932) « Le retentissement des premières situations anxiogènes sur le développement sexuel de la fille », Psychanalyse des enfants, PUF, Paris.
[46] E. Jones (1927), « Le développement précoce de la sexualité féminine », (1932) « Le stade phallique » et (1935) « Sexualité féminine primitive », Théorie et pratique de la psychanalyse, Payot, 1969.
[47] Nous en connaissons les manifestations sous des formes très visibles telles que le « fantasme du vagin denté » ou encore la posture de l’apotropaïon. Mais il y en a d’autres. Voir F. Boehm (1930), « Le complexe de féminité chez l’homme », Nouvelle revue de psychanalyse, n° 7, Bisexualité et différence des sexes, Gallimard, 1973 ; M. J. Eisler (1920), « Un fantasme inconscient de grossesse chez un homme, derrière un tableau d’hystérie traumatique », in Le Coq-héron, n° 128, 1993 ; Georges Devereux, Baubo. La vulve mythique, Jean Cyrille Godefroy éd., 1983.
[48] Marie Bonaparte, Sexualité de la femme, PUF, 1967, p. 56. On sait son rapport personnel à ce combat.
[49] Par exemple, lorsque Hans affirme que tout le monde a un fait-pipi, l’adulte lui répond sur un autre registre, celui du pénis.
[50] Cette découverte est dans certains cas aussi une source d’effroi.
[51] Le visible d’une absence.
[52] La féminité étant une source d’angoisse, elle est rejetée derrière une mascarade masculine (K. Horney).
[53] C’est à elle que l’on doit ce terme de mascarade. Voir Joan Rivière (1929), « La féminité en tant que mascarade », La Psychanalyse, vol. VII, PUF, 1964. Mascarade dans la mesure où la fille hésite entre être comme sa mère et surtout pas. Repris in Féminité mascarade, op. cit.
[54] R. Mack Brunswick, « The Accepted Lie », in Psa. Quarterly, vol. 12, n°4, 1943. Inédit en français.
[55] Ibid. Ma traduction.
[56] Il faudrait aussi citer les travaux de : Marie Bonaparte, Ruth Mack Brunswick, Lou Andreas-Salomé, Lilian Rotter, Margarth Hilfeding, Marjorie Brierley, Sylvia Pane, Fanny Hannkende, Alix Strachey, etc., ainsi que quelques hommes : Michael Joseph Eisler, Felix Boehm, etc.
[57] Par exemple, S. Freud (1918), « Le tabou de la virginité », La vie sexuelle, PUF, pp. 66-80.
[58] J. Lacan, séminaire Encore, Seuil, p. 69. Il y a une jouissance clitoridienne et une « autre » à « aborder par la voie logique » car il n’y en a pas d’autre possible. Mais elles n’en disent rien de cette autre jouissance dite vaginale ; et Lacan de parler de cette « connerie » d’une zone érogène dans le vagin… « Cette jouissance qu’elles ont en plus (par rapport à l’homme) n’est pas anatomique, non, elle porte en elle une autre face de l’Autre, la face de Dieu ». L’explication « logique » sera donc la voie mystique. La « preuve » sera donnée par les femmes mystiques qui jouissent dans l’amour de leur dieu… (p. 71).
[59] V. Granoff, La pensée et le féminin, Éditions de Minuit, 1976.
[60] Souhaitons-nous vraiment qu’elles disent quelque chose, ce qui ferait « courir le risque » d’affronter un trop différent, un trop d’altérité, et donc un effroi ancien ou toujours là ?
[61] Par exemple, dans « La sexualité dans l’étiologie des névroses », OCF/P, III, PUF, 1989 : il écrit page 91, partager la même aversion que ses maîtres Charcot et Breuer. Ou encore : « À peine sorti de l’école de Charcot, je rougissais de la connexion entre l’hystérie et le thème de la sexualité », in Études sur l’hystérie, PUF, 1967, p. 208.
[62] Lettre inédite citée par J. M. Masson, Le réel escamoté, le renoncement de Freud à la théorie de la séduction, éd. Aubier, 1984, p. 219.
[63] Par exemple, elle refuse de communiquer les dates de ses menstrues ou de parler de son onanisme.
[64] Lettre du 29-XII-1899, Sigmund Freud, Lettres à Fließ, PUF, 2006, p. 499.
[65] Je n’écarte pas du tout la possibilité que ce soit mon cas !
[66] Par la masturbation vaginale ou les rencontres sexuelles précisément d’un jour et anonymes, sans témoin : il y a vérification mais pas de témoin, etc. Peut-être aussi certaines « psychoses ménagères » : que doit-on cacher ou réparer ?
[67] À ce sujet, voir S. Ferenczi, Journal clinique, Payot, 1990, pp. 241-242, 26.VII.1932, § « Clitoris et vagin » : « Peut-être était-il trop hâtif de représenter la sexualité féminine comme débutant par le clitoris, avec une transposition beaucoup plus tardive de cette zone au vagin. Il est douteux qu’il existe même un organe quelconque dont on puisse concevoir qu’il n’a « pas été découvert » par la psyché, psychiquement neutre en quelque sorte, c’est-à-dire n’existant pas. Au contraire, on se sent en droit de supposer que l’apparente non-découverte du vagin est déjà un signe de frigidité, tandis que l’érogénéité accrue du clitoris est déjà un symptôme hystérique. Le même déplacement provoquerait aussi l’accentuation de la région urétrale et anale, c’est-à-dire l’éclatement de la génitalité en déplacements voisins ou plus lointain »
[68] S. Freud (1922), « La tête de Méduse », OCF/P XVI, PUF, 1991, pp. 163-164.
[69] Au même titre que celle de la différenciation moi / non-moi par exemple.
[70] Voir la notion de Spaltung chez Lacan et son point d’origine dans le texte de S. Freud : « Le clivage du moi dans les processus de défense », in Nouvelle revue de psychanalyse, N°2, Automne 1970, pp. 25-28.
[71] Voir l’Homme aux Loups et les trois courants sexuels : S. Freud (1914), L’Homme aux Loups, P.U.F. Quadrige, 1990.