Jacques LIS : « Grand comme une ville ». Un discours de la psychose à prendre au sérieux

Nos patients psychotiques viennent « témoigner » auprès de nous des phénomènes souvent exorbitants dont ils sont l’objet. Ce faisant, ils posent, pour le clinicien, la question du statut expérientiel du témoignage, en même temps qu’ils nous interrogent sur l’emprise de nos préjugés, c’est-à-dire de nos refoulements. Ceux qui nous éloignent de l’éthique propre de notre travail d’écoute, et qui s’illustrent dans le climat délétère de suspicion, que nous offre malheureusement trop souvent la psychiatrie, à l’égard de ce que lui confient ses patients.

Je dois avouer avec une certaine gêne que le cas de M.N., dont je vais parler me laissa très souvent le sentiment de me trouver face à un « Martien », étant donné une clinique de l’hallucination absolument extraordinaire comme la psychose en crise peut nous présenter parfois. Mais, c’est en prenant au sérieux ce qu’il me disait que je pense avoir réduit l’écart qui nous éloignait, et partagé quelque chose de son humanité. C’est-à-dire en prêtant attention à ce qui dans son témoignage le plus ahurissant, quelles que fussent ses différences, nous faisait partager le même Dasein, le même être-au-monde.

Or, notre patient nous disait cette chose étonnante qu’il lui était impératif de prendre lui-même au sérieux ses hallucinations, faute de quoi il serait littéralement devenu fou !

La pensée objective qui n’entend pas cela, non seulement ignore le procès de subjectivation qui est l’essentiel de notre travail analytique, mais elle passe à côté du Réel des phénomènes psychologiques (en prétendant s’y attacher).

Nous choisissons donc le parti de prendre au sérieux ce que nous disent nos patients. Parce que, dans le procès de notre écoute, doit se réaliser quelque chose du passage du signe au signifiant, ou de l’imaginaire au symbolique ; mais encore, parce que le vécu de la psychose dont ils témoignent nous parle du réel, et de la structure qui est première.

Je ne vais pas m’étendre ici sur la clinique très riche dont M.N. « témoigna » pendant les sept années qu’il vint se confier à moi. Je ne prendrai qu’un exemple, suffisamment cursif, des phénomènes qu’il subissait, de ce que la psychose peut nous offrir de plus remarquable.

Le cas de M. N. exposait une clinique éclatante de ce que la psychiatrie a décrit sous le terme de transitivisme, c’est-à-dire cet état dans lequel est altérée la délimitation entre le corps, ou le moi, et l’espace extérieur, comme entre la pensée du sujet et celle d’autrui. Parmi ses hallucinations si spectaculaires, lors de ses périodes critiques, il y avait ce que l’on pourrait appeler une « héautoscopie de la pensée », puisque caractérisée par la dispersion au-dehors de lui-même de ses propres pensées de manière visible, dans l’espace ainsi que dans les personnes de son entourage, qui faisait dire à M.N. qu’il était « à l’envers ». Comme s’il était « centré à l’extérieur » de lui-même, disait-il. Ce qui n’était pas sans une certaine logique au regard de la topologie de l’inconscient, bien qu’une telle lucidité ne fût pas coutumière.

La psychiatrie a retenu sous le générique d’autoreprésentation aperceptive de Georges Petit, ce vécu hallucinatoire où le patient perçoit ses pensées comme émanant d’autrui, accompagné du sentiment de vol de la pensée, de devinement et de dévoilement dont le caractère d’étrangeté et d’altérité inspirait à Guiraud le terme de xénopathie.

La xénopathie, chez M.N., fonctionnait également dans l’autre sens, à la mesure de ce que les objets extérieurs, comme les pensées des autres, pouvaient résonner en lui, dans sa tête ou dans son corps.

Ces phénomènes, qui signaient un évident problème de limites, étaient couplés chez lui à des hallucinations d’énormité. Il décrivait ainsi ces vécus d’illimitation dans l’étendue, que nous pouvons reconnaître dans les syndromes de Séglas et Cotard, manifestant cette tendance au débordement de l’intuition spatiale, allant de l’extension volumétrique du corps propre à l’incorporation du non-moi par la personnalité délirante. Ce qu’un patient de Dide et Guiraud appelait ses « exilages » géographiques[1].

M.N. décrivait souvent comment il pouvait devenir aérien. C’est-à-dire comment il participait de l’espace où il se répandait. Il avait, disait-il, « la réflexion du monde » en lui.[2]

Il y avait aussi des enchaînements qui l’entraînaient dans des inflations exorbitantes. Par exemple, s’il lui arrivait de penser à un croissant, cela lui évoquait une boulangerie, et il devenait soudain lui-même la boulangerie, et la boulangerie devenait ensuite aussi grande qu’une ville : croissance du croissant.

Souvent en effet, il lui semblait qu’il était lui-même la ville, grand comme la ville, qui résonnait tout entière de ses pensées. Comment peut-on être une ville ? Notre patient en parlait avec réticence eu égard au caractère incommunicable de l’expérience, redoutant l’incrédulité de son interlocuteur. Nous percevions sur son visage le sourire appelant l’indulgence[3].

Une patiente en butte à cette même relation si prégnante à son Umwelt (qu’elle désignait littéralement comme le lieu de l’ « inconscient » qui la persécutait) nous fit un jour cette réflexion admirable : « j’ai des sensations dans la ville ! ».

Mieux encore, M. N. pouvait se lever le matin en pensant que c’était lui qui faisait se lever le soleil, comme s’il était lui-même le soleil levant. La débilité des limites entre lui et le monde avait cette conséquence, comme elle peut se rencontrer à l’orée du syndrome de Cotard : il était lui-même le monde.[4]

Ce dont nous parle un tel vécu c’est évidemment d’une participation du dedans et du dehors sous l’égide de ce qu’on pourrait appeler une immixtion de l’espace thymique dans l’espace orienté, propre à cette « subduction de l’espace » qui a bien sûr été soulignée dans les manifestations classiques de l’automatisme mental.

Alors, quel statut accorder aux dires de M. N. ? Quelle fiabilité peut-on leur reconnaître ? Doit-on les réduire à une fiction personnelle, une illusion pathologique, ou bien les prendre au sérieux au point d’en tirer un enseignement sur la structure ? La question ouvre le problème du vécu psychotique : de l’hallucination et du délire.

Eh bien, cette exigence, dont nous parlions de prendre au sérieux ce que nous disent nos patients m’a conduit à reconnaître l’actualité de travaux déjà anciens sur les rapports de l’homme à l’espace, parmi lesquels ceux de Merleau-Ponty constituent pour moi le fleuron.[5]

Ainsi trouve-t-on dans la Phénoménologie de la perception des pages lumineuses où Merleau-Ponty expose une théorie de l’hallucination propre à conforter notre position, et qui me semble pouvoir rendre compte de l’exemple clinique que je viens de dessiner.[6]

Cette théorie quelle est-elle ?

Elle s’inscrit dans une conception élargie de l’espace, à la suite des travaux qui mirent en question la suprématie de l’espace naturel : comme ceux de Cassirer, Erving Straus, Binswanger, Minkowski ou encore Piaget[7]… Et même, le grand neurologue Jean Lhermitte.

D’abord, la Phénoménologie de la perception se justifiait d’une critique de la toute-puissance de l’analyse réflexive qui professe la supériorité de la réflexion par rapport à la perception. Celle par exemple qui pense connaître ce que vivent le rêveur ou le schizophrène mieux qu’eux-mêmes. Celle qui n’accorde pas aux espaces anthropologiques le statut de vérité de l’espace objectif.

Merleau-Ponty y faisait appel à une logique simple : soit le sujet d’une expérience sait ce qu’il vit, et alors le rêveur ou le fou, doivent être pris au sérieux, soit ceux-ci ne sont pas juges de ce qu’ils vivent et dès lors nous devons conclure à leur illusion. Mais alors, faudrait-il soutenir que l’on ne rêvât jamais ? disait-il. Et il ajoutait : « Tant qu’on admet le rêve, la folie ou la perception, au moins comme l’absence de la réflexion – et comment ne pas le faire si l’on veut garder une valeur au témoignage de la conscience sans lequel aucune vérité n’est possible – on n’a pas le droit de niveler toutes les expériences en un seul monde, toutes les modalités de l’existence en une seule conscience ».

Nous devons donc prendre en compte ce qu’on observe de la perception infantile à la pensée mythique, et jusque dans les manifestations psychiatriques de la folie qui signent la solidarité de l’essence et de l’apparence[8]. Mais, avec la dialectique nécessaire.

Et, ce que nous constatons, c’est qu’à l’inverse de ce que la psychiatrie a souvent soutenu contre toute évidence, nos patients différencient bien le plus souvent leurs hallucinations de leurs perceptions, et savent distinguer la facticité de leur monde de ce que l’on nomme la réalité. Et, comme nous en avons fait maintes fois l’expérience, s’ils insistent sur l’authenticité de ce qu’ils subissent, c’est pour que nous prenions au sérieux des phénomènes réels qui les dépassent[9]. C’est pourquoi l’hallucination n’est pas un jugement ni une croyance téméraire. Et, les fous, nous disait Merleau-Ponty, savent qu’il s’agit là d’une expérience singulière.

Si les thèses empiriste et intellectualiste échouent à expliquer l’hallucination, c’est qu’elles affirment la priorité de la pensée objective. C’est la raison pour laquelle elles manquent le mode propre de certitude de l’activité hallucinatoire. Parce qu’elles cherchent à la critiquer avant que de la vivre. En réduisant ainsi le vécu, elles ne laissent aucune place, disait-il, à « l’adhésion équivoque du sujet à des phénomènes pré-objectifs ». Or, « la connaissance ne peut jamais passer cette limite de la facticité ».

Merleau-Ponty prenait l’exemple d’un patient schizophrène de Binswanger qui affirmait sentir à l’intérieur de sa tête une brosse posée à quelques mètres de lui, et sans qu’il cessât de l’y voir. Pourquoi ? La brosse n’était pas devenue une masse matérielle dans sa tête. Mais, disait-il, elle s’était trouvée « agglomérée au regard », par « ce poste de vigie » au sommet de son corps, et « cette puissance de se joindre à tous les objets de la vision et de l’audition », sans que la distance n’y pût rien changer.

 Pour l’homme sain, les objets gardent leur distance, et si celui-ci échappe à l’hallucination c’est grâce à un rapport particulier avec l’espace. « Ce qui fait l’hallucination comme le mythe, disait Merleau-Ponty, c’est le rétrécissement de l’espace vécu, l’enracinement des choses dans notre corps, la vertigineuse proximité de l’objet[10], la solidarité de l’homme et du monde qui est non pas abolie, mais refoulée par la perception de tous les jours ou par la pensée objective… ». C’est-à-dire que la psychose expose en clair ce que nous refoulons ordinairement : la proximité de l’objet[11], dans sa dimension réelle, propre à faire vaciller la subjectivité, qui est un aspect abrupt de l’inhérence essentielle du sujet et du monde. C’est pourquoi si nous voulons comprendre l’espace mythique ou schizophrénique il nous faut réveiller en nous la relation originelle du sujet et de son monde.

Concernant l’être-au-monde, Heidegger pouvait expliquer qu’il nous serait impossible d’appréhender l’espace, d’envisager même de nous y déplacer, sans cette ubiquité subjective dans l’étendue que rend possible la spatialité du Dasein. Si nous nous déplaçons à travers les espaces, c’est que nous nous y tenons déjà dans toute leur extension ; et sans cela, disait-il, imaginer d’ici le vieux pont de Heidelberg serait proprement impossible.[12]

Il y a là un voisinage évident avec la pensée de Merleau-Ponty pour laquelle, parce que le corps est Visibilité, errante ou rassemblée, il ne lui est pas prescrit de sortir de soi pour réaliser l’ubiquité de sa vision. En tant qu’être-au-monde, la constitution de l’homme dépasse en quelque sorte la question de la limite du dedans et du dehors. Car, ajoutait-il, « les choses n’existent qu’au bout de ces rayons de spatialité émis dans le secret de ma chair ». « Il faut prendre à la lettre ce que nous enseigne la vision : que par elle nous touchons le soleil, les étoiles, nous sommes en même temps partout, aussi près des lointains que des choses proches ».[13]

Cette notion de « chair », formulée in extremis dans Le visible et l’invisible comme la « chair du monde », était une incarnation du Dasein inouïe chez Heidegger. En tant qu’ « élément de l’être », elle était avancée par Merleau-Ponty comme le « milieu formateur (à la fois) de l’objet et du sujet », permettant d’articuler la dichotomie soutenue classiquement du sujet et du monde. Il la concevait comme le point originel, primordial de la « visibilité » qui nous constitue.

 « Je décris l’espace primordial, disait-il à la suite des travaux de Piaget[14], comme topologique (c’est-à-dire taillé dans une voluminosité totale qui m’entoure, où je suis, qui est derrière moi aussi bien que devant moi) ».[15]

À ce sujet, Merleau-Ponty citait le cas de l’hallucination extracampine[16], dans laquelle le patient affirme voir ou sentir, sans le concours de ses organes périphériques, ce qui se passe en dehors de son champ perceptif, derrière son dos par exemple[17]. Le phénomène est remarquable parce qu’il montre que l’illusion de voir ne concerne pas seulement un objet illusoire, mais bien le déploiement et comme « l’affolement d’une puissance visuelle », qui ne peut s’expliquer que part la relation essentielle du corps phénoménal avec son milieu. « Il y a des hallucinations parce que nous avons, par le corps phénoménal, une relation constante avec un milieu où il se projette ». Et le corps possède, en toute circonstance, le pouvoir d’appeler par ses propres montages, une présence hallucinée de cet espace. Dans ce cadre, on ne peut pas dire que l’halluciné voit au sens classique, mais il utilise ses champs sensoriels pour faire de son monde « un milieu factice conforme à l’intention totale de son être ».

Ce que nous montre encore l’hallucination extracampine c’est une quête de l’espace, et par là de l’expérience à l’état naissant, avant toute objectivation. Ce qui faisait dire à Merleau-Ponty que « le phénomène hallucinatoire nous ramène aux fondements prélogiques de notre connaissance »[18]. « Avoir des hallucinations, disait-il, c’est mettre à profit cette tolérance du monde antéprédicatif ». Celui d’une spatialité plus primitive, plus qualitative que l’espace rationnel, évoquant quelque chose des formes a priori de l’intuition dont nous parlait l’Esthétique transcendantale de Kant.

Ainsi, l’hallucination n’est-elle pas simplement une perception, mais elle vaut comme une réalité (celle de la spatialité « primordiale » du Dasein) qui prend pour le sujet une place plus prégnante que ses perceptions mêmes. Hallucination et perception ne sont enfin que des modalités d’une fonction capitale concernant notre relation au monde, et par laquelle nous pouvons nous sentir être dans le monde.

 

Comme vous le savez peut-être Lacan n’a cessé de faire l’éloge des idées de Merleau-Ponty sur l’espace. Et il partageait la même conception d’un sujet non pas ontologique mais anthropologique, en relation structurale avec son milieu[19]. Plus encore, la topologie qu’ils abordèrent l’un et l’autre les faisait aller du même pas. Il serait malheureusement trop long ici d’en reprendre les thèses. Mais je voudrais cependant rappeler ceci pour conclure :

Jacques Lacan, dans sa Réponse au commentaire de Jean Hyppolite sur la « Verneinung » de Freud[20], nous donna son appréciation de la théorie merleau-pontienne de l’hallucination. Bien qu’il y affirmât son admiration pour la belle analyse de son ami, il pouvait y regretter naturellement que les progrès accomplis par celle-ci le fussent sans un questionnement du centrage sur les attributs de la conscience, puisque cette pensée cherchait dans la conscience la garantie de sa certitude. Car c’est bien en tant que phénomène de conscience que l’hallucination est appréhendée par la réduction phénoménologique, mais les limites à l’autonomie de la conscience dessinée par Merleau-Ponty paraissaient à Lacan, je cite, « beaucoup trop subtiles à manier pour barrer la route à la grossière simplification de la noèse hallucinatoire où les psychanalystes tombent couramment : utilisant à contresens les notions freudiennes pour motiver d’une éruption du principe de plaisir la conscience hallucinée ». Il soutenait au contraire le rapport le plus contingent du noème de l’hallucination avec une quelconque satisfaction du sujet ; avançant, avec la phénoménologie, une conversion de la question : celle de se demander si la noèse du phénomène pourrait avoir quelque rapport de nécessité avec son noème. (C’est avec ces progrès-là que Lacan dessinait le renouvellement de son champ.)

Dans son hommage à Merleau-Ponty, il donna aux idées de celui-ci une dimension nouvelle, dans le sens de ce qu’il pouvait supposer de la proximité d’avec la psychanalyse qu’elles eussent atteinte si la mort ne les avait arrêtées en chemin. Ainsi parla-t-il de la Phénoménologie de la perception : « La vacillation marquée dans tout ce texte de l’objet à l’être, le pas donné à la visée de l’invisible, montrent assez que c’est ailleurs qu’au champ de la perception qu’ici Maurice Merleau-Ponty s’avance »[21]. Ce qu’il y reconnaissait, c’est le terrain du désir, où il voyait cette doublure du visible par l’invisible, avant même la publication de l’œuvre posthume du philosophe qui en fut la marque éponyme. Car l’invisible dans le cadre de la psychanalyse est justement ce qui est propre à venir représenter cette absence par laquelle l’objet « cause du désir », en tant qu’objet du manque (c’est-à-dire l’objet a) peut échoir à se signaler dans le champ de notre perception. Ce que disait ainsi Lacan avec Merleau-Ponty c’est que le visible n’existe pas sans une part d’invisible, dans laquelle nous devons repérer le regard (comme objet petit a insaisissable en tant que tel)[22].

Merleau-Ponty avait ouvert ainsi sa Phénoménologie de la perception : « Je ne pense pas qu’on puisse comprendre l’homme et le monde autrement qu’à partir de leur facticité »[23].

Or, c’est ici évidemment de la structure dont il s’agit, et nous avons dit comment nos patients pouvaient témoigner de notre propre refoulement du réel.

Voilà pourquoi nous entendons prendre au sérieux ce qu’ils nous disent, à l’exemple de ce témoignage de M. N., qui nous parlait de sa participation à la chair du monde. Conforté comme nous le fûmes par la dénonciation du discours de « dénigrement » de la psychiatrie à l’endroit de ses clients, suivant le mot terrible de Van den Berg, repris par Laing en son temps de révolution[24].



[1] Maurice Dide, Variations psychopatiques de l’intuition durée-étendue, in Journal de psychologie, mai-juin 1929, pp. 410-424.

[2] Pour Marcel Czermak, Cotard se prenant pour l’objet a peut devenir alors l’univers et se répandre dans le monde.  Passions de l’objet, Éditions Joseph Clims, Paris, 1986, pp. 207, 223.

[3] On rencontre ce type d’expérience dans le syndrome de Cotard, que Marcel Czermak considérait comme ce que la psychose offre de plus pur. À l’exemple de sa patiente qui décrivait le morcellement de son corps, et comment elle s’éparpillait dans l’espace, avec l’impression qu’elle devenait « immense » : une « dispersion instable, oscillante et réversible au cours de laquelle le sujet passe d’une compacité pétrifiée à une expansion à la mesure du cosmos tout entier ». In Signification psychanalytique du syndrome de Cotard, Journées de l’Association Freudienne sur « les psychoses », 19-20 novembre 1983, in Le Discours Psychanalytique, n°10, mars 1984, p. 5 Rééd. In Passions de l’objet, op. cit., p. 207.

[4] « Ainsi Cotard, se prenant pour l’objet a, l’étant devenu, est alors l’univers, et c’est pourquoi, il s’estime répandu dans le monde et tant qu’il en devient l’un des morceaux, un morceau du Réel, voire ce Réel même, exclu du désir puisqu’il en est la cause, d’où il oscille vers une identification au pur désir ». Marcel Czermak, Passions de l’objet, Ibid., p. 223.

[5] Une philosophie qui replace l’essence dans l’existence.

[6] Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, collection  « Bibliothèque des idées », 1945, p. 342.

[7] L’espace mythique de Cassirer, l’espace présentiel de Straus, l’espace thymique de Binswanger, l’espace vécu ou l’espace noir de Minkowsi, l’espace topologique de Piaget.

[8] Se pose ici le problème du statut de l’hallucination. Si elle se distingue bien de l’illusion, où nous suivons naturellement Lasègue, nous ne pouvons certes pas nous satisfaire de la définition de Ball d’une perception sans objet. Et nous apprécierons l’approche critique de la phénoménologie face au sensualisme comme à l’intellectualisme.

[9] Melle B. bien que vierge se dit être enceinte. Dans un premier temps, elle nous confie que ce qu’elle a à dire est « imaginaire », mais qu’elle y est très sensible, semblant douter des termes à employer comme des faits eux-mêmes : « Être enceinte par l’opération du Saint-Esprit, ce n’est pas possible n’est-ce pas ? ». Elle parle de ses « impressions », de son « ressenti », de son « vécu », les qualifiant d’ « inconscient », paraissant minimiser l’hallucination, mais comme pour nous en faire accepter le fait. Et dans un second temps, s’il nous prend de souligner le caractère étonnant de ses propos, elle affirme énergiquement qu’elle pense qu’il s’agit de la réalité, comme si elle craignait d’être démentie.

[10] L’approche lacanienne nous a appris que l’hallucination a à voir avec le réel de l’objet a, sans la médiation du fantasme. Nous voyons dans cette « proximité de l’objet » la dimension crue du réel expérimentée par la psychose en crise, où la clinique de l’objet petit a montre un objet du désir qui n’a plus valeur de manque.

[11] Ce que Heidegger aurait appelé, suivant un étonnant néologisme, l’é-loignement propre à la spatialité du Dasein. L’Être et le Temps, 1927, Éditions Gallimard, 1964, pp. 129-143.

[12] Martin Heidegger, Bâtir habiter penser, in Essais et conférences, Éditions Gallimard, 1958, pp. 187-188.

[13] L’œil et l’esprit, Éditions Gallimard, Paris, 1960, p. 83.

[14] Jean Piaget et Bärbel Inhelder, La représentation de l’espace chez l’enfant, Presses Universitaires de France, Paris, collection Bibliothèque de Philosophie Contemporaine, 1947. Ce que révéla cette étude a bousculé radicalement les idées reçues sur la genèse de l’espace chez l’enfant, puisqu’elle démentit la conception classique selon laquelle les notions spatiales de départ reposeraient sur des intuitions directement euclidiennes. Elles démontrèrent ainsi, à l’instar de l’analyse abstraite des géométries, que les notions fondamentales de l’espace ne sont pas euclidiennes mais topologiques.

[15] Merleau-Ponty, Notes de travail du 27/10/59, in Le visible et l’invisible, Éditions Gallimard, 1964, p. 263.

[16] Décrite par Jaspers. Également, Bleuler. Voir : Conolly Norman, Extracampine Hallucination, in journal of Mental Science, 50, The Royal College of Psychiatrist, 1904, p. 557.

[17] On pourrait rapprocher ce type d’hallucination des Phénomènes d’autoscopie décrits par Paul Sollier (Éditions Alcan, Paris, 1903).

[18] Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, op. cit., p. 391-402.

[19] Voir Bertrand Ogilvie, Lacan, Le sujet, PUF, 1987, p. 51. Rappelons, par ailleurs, que Merleau-Ponty faisait appel à une « ontologie directe », et dénonçait un Dasein idéalement ek-statique.

[20] Jacques Lacan, Réponse au commentaire de Jean Hyppolite sur la « Verneinung » de Freud, in Ecrits, Éditions du Seuil, Paris, 1966, pp. 381-399.

[21] Jacques Lacan, Maurice Merleau-Ponty, in Les Temps Modernes, numéro spécial sur Maurice Merleau-Ponty, 1961.

[22] B. Baas, Notre étoffe (Lacan et Merleau-Ponty), op. cit., p. 54.

[23] M. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, op. cit.,p. 7.

[24] Ronald D. Laing, Le moi divisé, Tavistock Publications, 1959, Éditions Stock, 1970, p. 31.

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