Joël Bernat : « Wilhelm Reich : sa vision-du-monde de l’être et de la civilisation »

Sur le rapport entre les types de société et les constitutions psychiques.

Exposé à l’Université de Metz le vendredi 13 juin 2014 pour le Colloque International « Contre-cultures et littératures de langue allemande de 1960 à nos jours : entre subversion et utopies », organisé par les Laboratoires CREG et CEGIL de l’Université de Lorraine, publié in Genèses de textes / Textgenesen. n°8/9 : Contre-cultures et littératures de langue allemande depuis 1960. Entre Utopies et subversion, Peter Lang, Bern, Bruxelles, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Warzawa, Wien, 2017, pp. 63-88.

 

« L’envie : Je ne sais pas lire,

et pour cela je voudrais

que tous les livres fussent brûlés. »

Christopher Marlowe[1]

 

Introduction

L’on peut supposer sans prendre de grands risques que l’orientation théorique et l’originalité d’un auteur prend source et forme dans certains événements biographiques. Mais les récits auto- ou biographiques ne mettent pas forcément en lumière certains de ces événements du fait qu’ils ne sont pas toujours conscients chez l’auteur lui-même, notamment lorsqu’il s’agit du poids et du conditionnement d’un contexte socioculturel propre à une époque ; ou bien lorsque ces événements furent traumatiques, et là ils sont assez souvent masqués ou déplacés. La biographie n’explique pas l’œuvre.

Qu’il y ait donc une origine ontologique dans chaque pensée semble une évidence, ne serait-ce sous la forme d’une vision-du-monde (Weltanschauung) ou d’une doxa, mais cela ne devrait et ne peut en aucun cas servir à valider ou invalider les constructions théoriques qui en sont issues ou supposées telles.

Dans la vie de Wilhelm Reich, nous pouvons repérer de tels événements déterminants et composants sa vision-du-monde et donc sa conception du processus de civilisation d’autant plus aisément qu’il nous en indique quelques-uns, sans toutes fois en mesurer, nous semble-t-il, non pas la portée, mais le destin psychique dans sa pensée.

Les événements biographiques marquants créent en nous une hypersensibilité qui oriente nos perceptions et interprétations, et ainsi notre regard quant à une société, ce qui est notre lot à tous. L’important n’est pas vraiment ici, il est bien plus du côté de ce qui s’en suit, c’est-à-dire comment un sujet va tenter de panser (et donc aussi de penser) ses blessures, comment va-t-il (re)construire son monde interne afin de s’auto-guérir (du moins s’y essayer), puis, de façon quasi générale, croire que ce monde interne, celui de sa réalité psychique, équivaut au monde réel externe.

N’oublions pas aussi que, sur un autre plan, ces événements traumatiques sont ceux qui nous singularisent et donc alimentent notre originalité, voire qu’ils sont aussi la source énergétique de nos combats et de nos quêtes.

Enfin, une dernière remarque introductive : les événements de la vie du jeune Reich que nous allons évoquer avant d’en mesurer le poids dans sa conception de la société, ces événements ne sont pas uniques et originaux, ils furent partagés – et le sont toujours – par une multitude de gens. En soi, oserions-nous dire qu’ils n’ont rien de remarquables tant ils sont communs… Le remarquable n’est donc pas dans les faits mais dans ce que l’individu va en faire[2], et c’est là qu’il se singularise ; et ce qu’il va en faire par-delà les modes de réactions du cercle des intimes ou du contexte socio-économique et culturel de son époque.

I : Les catastrophes fondatrices

Le contexte

Wilhelm Reich naît le 24 mars 1897 à Dobrzcynica, en Bukovine, partie alors de l’empire austro-hongrois, aujourd’hui en Ukraine. Son père Léon Reich est d’origine juive mais non pratiquant, et sa mère, Cécile Roninger, a passé son enfance dans une partie de l’Autriche rattachée aujourd’hui à la Roumanie. En 1898 naît une sœur qui meurt rapidement, puis en 1899 son frère Robert qui meurt de tuberculose en 1926. C’est une famille riche, le père dirigeant un grand domaine agricole et, selon les habitudes de l’époque, cela permet à ses deux fils de ne pas fréquenter les écoles publiques et de suivre des leçons privées données par des précepteurs. Il ne recevra aucune éducation religieuse. Le père s’occupe des journaliers, des domestiques, des valets, des paysans des villages environnants. Quant à la mère, elle a charge de la maisonnée, du personnel et des domestiques.

Reich décrit son père comme dirigeant d’une main de fer le domaine et les êtres : il frappe femme, enfants et employés : « La structure de l’exploitation était de type absolument hiérarchique et patriarcal » ainsi que le note Reich[3]. Nous retrouverons ce portrait du père comme source de la notion du petit homme : un caractère tyrannique, violent, agressif, atrabilaire, autoritaire, figure qui alimente et grossit le rang des totalitarismes.[4]

Ce que décrit le jeune Reich de la vie à la ferme est des plus classiques quant à la sexualité et ses éclaircissements (Aufklärung) que ce soit par l’observation des animaux ou celle d’une bonne et d’un cocher, dont à quatre ans et demi, nous dit-il, il en retire un vif plaisir qui éveille en lui la conscience de premières sensations érotiques qui l’amènent à solliciter sa nourrice qui le laisse faire : il grimpe sur elle, touche son sexe, et se souvient de ses premières érections. Mais son petit frère rapporte tout au père qui sépare l’enfant de sa nourrice. Reich énumère ainsi plusieurs souvenirs de la vie sexuelle des adultes à la campagne et de leurs effets sur sa sexualité d’enfant, notamment la masturbation sur lui-même comme sur des animaux[5]. Vers onze ans et demi, il a sa première relation sexuelle avec la cuisinière puis toutes les après-midi durant des années pendant la sieste de ses parents, et vivra sa première éjaculation comme un accident.

Son intérêt pour la biologie et les sciences naturelles fut tôt stimulé par cette vie à la ferme. Entre huit et douze ans, il a sa propre collection de papillons, d’insectes et de plantes, le tout sous la direction d’un professeur privé. Les fonctions de la vie naturelle, y compris la fonction sexuelle, lui étaient ainsi familières et cette omniprésence d’une sexualité ordinaire et naturelle déterminera sans doute l’aisance avec laquelle Reich pourra évoquer cette thématique.[6]

Ce premier temps de l’enfance, à côté de l’autoritarisme du père, trace les contours d’une vie idyllique et libre, au plus près de la nature : il le reconnaît, jusqu’à ses dix ans, ce fut une sorte d’Eden…

La catastrophe interne

Les catastrophes psychiques se construisent généralement en plusieurs temps.

– Un premier temps concerne l’un de ses trésors, ses boîtes à papillon. Un jour, il demande au charron un travail en échange de tabac. Pour se faire, il en vole dans le bureau de son père, mais y découvre un album de nus et un Conseiller du mariage avec des planches anatomiques. Le jeune Reich va lire ces ouvrages avec une continuelle érection. Mais le père découvre qu’on a fouillé son bureau et demande à son fils de se dénoncer. Il refuse et malgré les coups auxquels il est habitué[7], il nie. C’est alors que sa mère entre dans la pièce avec une machine à rouler les cigarettes trouvée dans la poche de veste de l’enfant. S’il subit les coups, il vit comme trahison l’intervention de sa mère. Des années plus tard, il écrira : « Elle m’avait livré à mon père ! Je ne pouvais pas m’en consoler et ne le lui pardonnerai d’ailleurs jamais[8] ».

– Le deuxième temps : en 1909, sa mère a trente-trois ans, mariée depuis l’âge de dix-neuf ans avec cet homme jaloux, colérique, violent, agressif. Un jour, elle rejoint un nouveau précepteur dans sa chambre pendant la sieste du mari et pendant trois mois, Reich – qui a douze ans – se lève pour assister à leurs étreintes furtives. Puis, un jour d’absence du mari, ils ont un véritable rapport sexuel. Reich envisage de tout rapporter au père, se ravise, avoue avoir du plaisir à regarder et assiste chaque jour à la scène pendant les trois semaines d’absence du père. Dix ans plus tard, il décrira son éprouvé en termes d’ignoble souvenir, de souillures, d’horribles bruits, d’ordures, de nuit catastrophique[9]. Il envisage d’entrer dans la chambre, mais la peur qu’on le tue le fait renoncer. Il épie la nuit, dit en jouir aussi car l’envie de copuler avec sa mère est là, fortement combattue par le dégoût, ambivalence qui le laisse envahi par « un profond sentiment de malheur et d’abandon ». Alors, il se console avec la cuisinière. Plus tard, le père surprend une situation équivoque entre le précepteur et la mère : il frappe sa femme, l’insulte, la menace, exige des aveux mais elle nie tout. Il questionne les enfants et Wilhelm se venge de la trahison maternelle : il raconte tout. Alors la mère avale du détergent pour toilettes, le père la fait vomir ; elle est blessée mais survit. Du coup, le père est tiraillé entre jalousie et compassion, ressentiment et pitié, et conduit le précepteur au chevet de sa femme pour présenter des excuses en présence des enfants, puis il est révoqué. Wilhelm sera envoyé en ville, dans une pension de famille pour poursuivre ses études.

– Le troisième temps : le père découvre la complicité de sa belle-mère qui couvrait les agissements de sa fille et achetait des préservatifs en pharmacie. De plus, sa femme parlait de divorce et de remariage avec le précepteur ce qui plongeât le père  dans une grande ambivalence là aussi : soit tuer le précepteur, soit le contraindre à épouser sa femme ; une fois il comprend sa femme, une fois il la bat. Bien que régulièrement frappée, la mère supplie son mari de la garder et menace de se pendre s’il la quitte, puis refait une tentative de suicide. Le père se calme un temps, puis recommence…  la mère fait alors une dernière tentative de suicide. Le père pleure, demande pardon mais elle meurt après deux jours d’agonie. Reich a 15 ans

– Quatrième temps : le jeune Reich poursuit ses études, fréquente les bordels, se masturbe compulsivement, est dégoûté de la vie. Quant au père, il déprime, ses affaires périclitent puis sombrent. Il souscrit une assurance pour ses deux fils, puis s’immerge dans l’eau froide d’un lac et contracte une tuberculose dont il meurt en 1914 : Wilhelm Reich a dix-sept ans et cette mort de Léon Reich laisse à Wilhelm la responsabilité du domaine paternel.

Outre les pertes psychiques, l’effondrement de son monde affectif lié à des événements sexuels sera suivi de pertes d’origine externes, soit un autre temps traumatique : l’Eden premier fut ainsi détruit par une tragédie meurtrière qui sera le sol de la conception reichienne de la famille et du fascisme.

Revenant sur ces faits, Reich, bien des années plus tard, rectifiera sa pensée dans une note ajoutée à la Psychologie de masse du fascisme, en 1944 : « Quelle noble créature, cette femme… ma mère ! Puisse l’oeuvre de ma vie compenser mon méfait. Vue la brutalité de mon père, elle avait parfaitement raison[10] ».

La catastrophe externe

La Première Guerre Mondiale éclate et Reich s’engage dans l’armée Autrichienne, dont il devient officier en 1916, et combat sur le front italien. Ces années de guerre le sensibilisèrent aux injustices commises par les Autrichiens contre les populations civiles, et il décrira la guerre comme psychose collective. Commencera alors sa critique des principes du pouvoir et de l’autorité ainsi que sa recherche des racines du militarisme.

Au cours de cette guerre, tout son patrimoine et sa propriété seront détruits, et il ne revit jamais ni sa terre natale, ni ses biens. En 1918, il ne pouvait retourner chez lui en raison des nouvelles frontières imposées par le Traité de Versailles, et entreprit des études médicales à l’École de Médecine de Vienne qu’il achèvera à l’âge de vingt-cinq ans.

Ainsi Reich se retrouve pauvre parmi les pauvres, expérience qu’il n’oubliera pas et qui le différenciera de bon nombre de psychanalystes. L’on peut penser que cette pauvreté et sa vie parmi les domestiques, ainsi que ses premières expériences viennoises[11] ont déterminées un temps son adhésion au communisme.

Il est à noter l’insistante répétition dans la vie de Reich de ces faillites : il n’a cessé de tout perdre, toute sa vie, et de recommencer ailleurs, éternellement éjecté de ses lieux de vie.

II : à partir de la clinique : les trois couches de la psyché et leurs caractères

Au plan individuel

Sur la base de ses observations et de son expérience, jusqu’en 1930, Reich a développé une conception de la psyché individuelle qu’il nommera structure caractérielle[12], qui se compose de trois couches, pensées selon un modèle géologique et phylogénétique car deux de ces couches sont pour lui les sédiments de l’histoire et de l’évolution humaine[13].

1 : une couche superficielle

Elle constitue l’homme moyen, résultat du processus moral de civilisation et de socialisation : cet homme moyen est un sujet réservé, courtois, compatissant, conscient de son devoir et consciencieux : il « porte le masque du self-control, de la politesse obsessive et mensongère et de la sociabilité artificielle[14] ». Cette couche produit ainsi une coopération sociale mais sans contact avec la couche la plus profonde de l’être : elle est donc le fruit de quelque chose d’appliqué sur et contre la nature biologique de l’humain (Freud dirait qu’elle est l’effet du surmoi).

Si cette couche, résultat de l’éducation à la civilité, s’efface, par exemple en temps de guerre – mais pas seulement -, elle laisse apparaître celle qui est juste en dessous.

2 : une couche moyenne

Elle est celle de « l’inconscient freudien, dans laquelle le sadisme, l’avidité, la lascivité, l’envie, les perversions de toutes sortes, etc., sont tenus en échec sans pour autant avoir perdu leur pouvoir. Cette deuxième couche est le fait artificiel d’une culture niant, refoulant la sexualité et cette négation produit la sensation d’un vide intérieur béant[15]. Elle est donc composée de pulsions secondaires sources de ces impulsions sadiques, cruelles, lubriques, cupides et envieuses, c’est-à-dire un élément antisocial qui résulte de la répression des impulsions biologiques primaires, et qui compose des fonctionnements pervers (la haine et les pulsions de mort chez Freud) qui suppriment toute expression authentique du vivant. Cela n’est pas sans évoquer la vision du monde des adultes par le jeune Reich. Bref, cette seconde couche vient recouvrir la toute première.

3 : une couche biologique

Fondamentalement, l’être humain serait un animal honnête, travailleur, coopératif et aimant, c’est-à-dire un être pour qui l’autre et l’amour existent naturellement[16] et non pas selon une exigence morale qui lui serait imposée. C’est le lieu de l’authentique pour Reich. Ces pulsions naturelles auraient donc un caractère primitivement et spontanément social, telles qu’elles ont pu être vécues dans son enfance.

Pour Reich, tout esprit authentiquement révolutionnaire, tout art et toute science véritables y trouvent racines.

Ces trois couches psychiques déterminent pour Reich trois grands types de caractères selon la prédominance d’une couche sur les autres[17].

4 : Le caractère génital

Lorsque le noyau biologique est déterminant par rapport aux autres couches psychiques, cela produit un caractère génital donnant un individu sociable et psychologiquement équilibré : il juge les situations en fonction de ses processus mentaux guidés par la rationalité, est accessible aux arguments réels et connaît une harmonie profonde entre motivation, but et action. Sa vie sexuelle est essentiellement déterminée par les lois naturelles et fondamentales de l’énergie biologique. Il considère le travail comme aboutissement d’un processus créateur et ne songe pas à interférer avec son déroulement normal. Reléguant ses intérêts personnels au second plan dans les conflits interpersonnels, il est capable de dialogue et de remise en question.

5 : Le caractère névrotique

Lorsque domine la couche superficielle, cela créé un caractère névrotique : ici, si le sujet à une pensée qui, bien que rationnelle, est soumise aux refoulements sexuels, ce qui a pour conséquence qu’elle se conforme à la nécessité d’éviter le déplaisir en pratiquant l’évitement et l’esquive. Le névrotique a généralement refoulé son irrationalité et s’il a conscience de l’inhibition de ses fonctions vitales, c’est sans jalouser les individus bien portants. Il ne s’oppose pas au progrès. Il vit dans la résignation sexuelle ou s’adonne en secret à quelque pratique perverse, son impuissance orgastique s’accompagnant d’une nostalgie continuelle du bonheur de l’amour. Confronté aux problèmes sexuels, sa réaction est plutôt dictée par l’angoisse que par la haine, sa cuirasse visant plus sa propre sexualité que celle des autres. Il est plus ou moins inhibé dans son aptitude au travail et n’y trouve aucun plaisir, ignorant l’enthousiasme, et reste soumis à l’opinion d’autrui (le regard supposé des autres).

6 : Le caractère pestiféré

Lorsque prédomine la couche moyenne, cela produit un caractère pestiféré : ici le sujet se distingue du névrotique par une activité sociale plus ou moins destructive, sa pensée étant déterminée essentiellement par des concepts irrationnels. Il a toujours des conclusions toutes prêtes, étant inaccessible à l’altération, et ne vise dans ses jugements qu’à rationaliser des conclusions irrationnelles préexistantes ou préjugés. L’immobilisme et l’attachement à la tradition sont ses références constantes. Intolérant, il ne supporte aucune idée capable de balayer ses préjugés. Le vrai motif de son action n’est jamais celui qu’il indique mais il croit sérieusement aux buts qu’il s’assigne, agissant sous l’effet d’une compulsion structurelle, sous la contrainte de son mal. Il déteste et combat tout ce qui vient le contrarier. Sa sexualité est toujours sadique et pornographique, caractérisée par la présence simultanée de lascivité sexuelle et de prétentions morales sadiques. Il développe une haine farouche de tout ce qui peut susciter des idées orgastiques. D’où son intolérance à l’égard de tout ce qui est amour naturel et sa grande capacité à mettre au point, avec satisfaction pour lui, un système élaboré de délation et de diffamation. Il déteste le travail et se tourne avec prédilection vers l’idéologie mystique ou politicienne. N’achevant jamais rien, il est incapable d’un travail organique et progressif. Victime d’une éducation autoritaire et obsessionnelle, il s’insurge contre elle, mais sa révolte n’a aucun objectif social rationnel. Il méprise ses partenaires, le motif de ses relations interpersonnelles étant le désir de les abattre en utilisant de préférence la diffamation sexuelle, la calomnie à des fins sadiques, attribuant sa propre lubricité à ses victimes.

En fait, ces trois couches ne sont pas sans évoquer trois âges de Reich : l’Eden de son enfance comme temps biologique, le temps du sadisme et du meurtre à l’adolescence et la découverte de la civilité bourgeoise de Vienne à l’âge adulte. Mais cette construction n’est pas seulement autocentrée puisqu’il s’appuie sur ses observations cliniques. Il n’en reste pas moins que la couche biologique semble être une spéculation évoquant le mythe d’un Eden premier, un temps d’enfance, rejoignant le mythe du « bon sauvage[18] » encore en vigueur au début du XXè siècle. Ce qui nous semble important à relever est qu’il ajoute un troisième élément entre nature et culture selon un modèle qui évoque les trois métamorphoses de l’esprit selon Nietzsche[19].

Au plan du groupe, de la masse

Ces couches constituantes de la psyché individuelle vont être le support de trois types principaux de sociétés.[20]

1 : le libéralisme

Il est la source de la couche superficielle en ce qu’il créé des idéaux moraux et sociaux prônant la tolérance et la maîtrise de soi, promulguant une morale[21] visant à juguler la « bête dans l’homme » : cela produit, dirions-nous aujourd’hui, une « identité de genre ». Si le libéralisme ignore la sociabilité naturelle de la couche biologique, il s’oppose et combat néanmoins par sa morale la perversion caractérielle propre à la couche moyenne. Mais les catastrophes du XXè siècle nous montre l’échec de ce combat : le refoulement moral ne tient pas selon certains contextes et dans ce cas, la société régresse à cette autre couche, celle du fascisme.

2 : le fascisme

En premier lieu, il est le résultat de la prédominance de la couche psychique moyenne et s’oppose violement au libéralisme et à la révolution authentique car il est l’expression politiquement organisée des pulsions sadiques inconscientes et des perversions. Cela implique que tout être vivant porte en lui les éléments et la sensibilité de la pensée fasciste : c’est donc un phénomène général qui touche tous les organismes de la société humaine, quelles que soient ses races, cultures, etc.

Mais le fascisme est aussi un effet en réaction au libéralisme, car il figure l’attitude fondamentale de l’être opprimé par la civilisation machiniste autoritaire du libéralisme et son idéologie mécaniste – mystique[22], et en ce sens il est un effet du libéralisme : libéralisme et fascisme seraient ainsi liés, en opposition symétrique, et si le premier combat le second, arrive un  point de saturation où il s’effondre en laissant place au second, et ainsi de suite[23]. Ce serait pour cela que l’idéologie fasciste se présente avant tout comme une idéologie irrationnelle, faisant appel aux sentiments des masses sexuellement frustrées et non à la raison d’une société dire éclairée comme celle de la bourgeoisie viennoise.

3°: une société première ou primitive

En lien avec le noyau biologique, il est supposé une sorte d’Âge d’or[24] ou d’Eden comme chez Jung ou Freud[25], un temps premier posé comme idéal, pacifique et satisfaisant, et ce primat de la couche biologique produirait une organisation démocratique primitive[26] fondée sur le travail, où l’humain reste lié à la Nature et au cosmos[27] et qui ne trouve aujourd’hui d’expression que dans les grandes œuvres d’art, qui n’ont plus, pour Reich, d’influence sur l’évolution de la société humaine[28]. De même, aucun révolutionnaire authentique n’a réussi à convaincre les masses : ainsi n’y a-t-il jamais eu de révolution authentique.

Les trois couches de la psyché et les trois types de société forment le premier sol de la théorie reichienne sur le processus de civilisation.

III : développements théoriques

Un autre fondement est celui de l’affirmation et du constat, somme toute assez classique, d’une tension conflictuelle permanente entre les intérêts de l’individu et ceux du groupe humain, thèse assez partagée en cette époque de l’après première guerre mondiale. La spécificité de Reich est, d’une part d’inférer les intérêts individuels au primat du biologique, et d’autre part de théoriser à partir de faits cliniques car ils sont le lieu d’un dévoilement de l’inconscient : « Il y a une réalité psychique qui s’étend bien au-delà de votre conscience. Votre inconscient est comme la chose en soi de Kant : il ne peut être appréhendé en lui-même, il ne peut être reconnu que dans ses manifestations. »[29]

Ce conflit fondamental va organiser la pensée reichienne, et son raisonnement sera essentiellement binaire, s’appuyant sur des couples d’oppositions symétriques tels que : individu ou groupe, ou bien plaisir et extension versus angoisse et contraction[30], etc.

1- du côté de l’individu

Ce conflit aurait un sol biologique donc individuel : cela est posé comme premier, et comme principe de vie, thèse en partie inspirée d’une évidence biologique (la vie), en partie de la notion d’élan vital de Bergson, et, en tant que force biologique s’exprimant dans et par le sexuel en un sens élargi (voir la notion de libido chez Freud, et plus tard celle d’orgone chez Reich). Ce substrat est posé avant toute prise en considération d’une vie psychique car il est la force motrice[31] qui permet l’épanouissement de l’être et, sur un autre plan, son individualisation. Devenue libre, cette force est supposée produire une sociabilité et une sexualité naturelles, la joie spontanée du travail et une vraie capacité d’amour.[32]

Freud comme Reich s’inscrivent tous les deux – mais différemment – nettement du côté d’une sexualité comme bien car individuant, et non comme mal, ainsi que les états, religions et morales bourgeoises le développent, afin de massifier les êtres.

D’ailleurs, l’exergue de Reich à La fonction de l’orgasme est bien freudienne : « Amour, travail, connaissance sont les sources de notre vie. Ils doivent donc la gouverner »[33].

2- du côté des groupes et sociétés

Du fait de l’élan vital, « … la sexualité est le centre autour duquel tourne toute la vie sociale, aussi bien que la vie intérieure de l’individu. »[34] Ce corps d’énergie vit parmi d’autres corps, donc dans un groupe, une société, d’où la nécessité de lois de coexistence. Mais il y a une sorte de dérapage : ces lois sociales qui permettent un « pouvoir vivre ensemble » sont en fait centrées sur le refoulement du sexuel, c’est-à-dire celui de l’énergie fondamentale de l’être et de sa créativité, ce qui produit une idéologie répressive et conservatrice, un ordre moral au-dessus des êtres qui réprime cet élan vital et détourne cette énergie au profit des intérêts des groupes puis de l’économie[35] ; cet ordre moral pousse à l’oubli de soi et l’investissement identificatoire à des modèles de soumission[36]. Cela crée une forme d’anesthésie de l’être qui se retrouve enclos dans une cuirasse musculaire et caractérielle[37]. L’être n’est plus armé pour s’individualiser puisqu’il recourt par défaut à des modèles aliénants : alors « Les gens tombent dans telle ou telle folie, se plaignent de ceci ou de cela, parce que leurs corps sont raides, qu’ils sont incapables de donner l’amour ou d’en jouir »[38].

Outils de répression

Un des outils pour entraver la sexualité est de la réduire à la seule procréation comme unique but moralement admissible et but « productif », et non plus le seul plaisir et son effet psychique : dans cette morale, la quête de plaisir devient donc transgressive puisqu’elle réinstaure un but individuel en lieu et place des intérêts de la collectivité, dont un slogan serait, selon Orwell : « Nous abolirons l’orgasme ! »[39]

Cette entrave sociale de la force biologique fondamentale a besoin d’un lieu de transmission, d’où, selon Reich, l’invention et la nécessité de la famille et du mariage[40], mais aussi de la virginité. A ces forces morales répressives, Reich opposera des contre-forces telles que : contraception et avortement.

« La répression de la sexualité naturelle chez l’enfant, particulièrement de la génitalité, rend l’enfant appréhensif, timide, obéissant, craintif devant l’autorité, gentil, tranquille ; elle paralyse ses tendances rebelles, parce que la rébellion est associée avec l’angoisse ; elle provoque, en inhibant la curiosité sexuelle de l’enfant, un obscurcissement général de son sens critique et de ses facultés mentales[41] ».

Nous avons donc un détournement de l’élan vital de création et de conservation de l’individu au profit de la création et de la conservation du groupe et d’une société (ou d’une institution), détournement qui serait une sorte de « prix à payer » en renoncements de soi pour une appartenance à un groupe et bénéficier de ce qu’il apporte : protections contre les dangers externes, naturels ou pas, soins, etc. Reich n’envisage pas cet aspect, cette sorte de négociation, au contraire de Freud, que nous pourrions ainsi formuler : « j’échange une part de mon énergie contre une part de celle du groupe ».

L’élan vital biologique, donc personnel, est détourné, perverti et remplacé par un élan de groupe sous forme d’injonctions morales.

3- retours du groupe à l’individu

Cet ordre moral est transmis par la culture, l’école, et surtout la famille de modèle autoritaire selon le modèle patriarcal : le père est une sorte de « bras armé » représentant officiel de l’autorité et de l’état dans la famille : c’est-à-dire face à sa femme et ses enfants. Cela est le plus visible dans la famille bourgeoise mais en fait tout aussi valable pour les familles prolétaires[42]. Ce père, autoritaire[43] est un figure fasciste ; quand à la mère, elle a aussi son rôle de transmission, mais second, via l’éducation.

Dans cette famille mutilante, l’enfant est face à un choix : soumission ou rébellion[44] ? Choix que l’on peut formuler ainsi : « ou je crois ce que l’on me dit d’être[45] ou je défends mon identité et ce que j’éprouve en moi contre cette demande de soumission et d’aliénation ». Notons que Reich n’envisage pas de troisième terme, par exemple : « comment être soi-même avec les autres », et en reste à cette opposition binaire fondamentale.

4- destins de la soumission au groupe

Cette pression sociale et morale produit une peste émotionnelle[46] au niveau de l’individu, peste en ce qu’elle devient source de pathologies et de biopathies en cas de soumission et de renoncement à son individualité, c’est-à-dire au renoncement à son élan vital propre. La peste est un symptôme, ce qui signifie qu’il y a une résistance interne contre l’ordre moral : si le conflit entre l’être et le groupe devient inconscient, il pousse à créer des compromis, c’est-à-dire des symptômes : la résistance de l’être s’opère par la maladie, maladie qui entrave en retour le fonctionnement des sociétés. Et cette peste atteint la sexualité : « Quand je parle de sexualité, je ne songe pas au coït mécanique névrotique, mais à l’étreinte amoureuse ; non à cet espèce d’urinement-dans-la-femme, mais à la recherche de son bonheur à elle. »[47] Ailleurs, il précise que :

« La puissance orgastique est la capacité de s’abandonner au flux de l’énergie biologique sans aucune inhibition, la capacité de décharger complètement toute l’excitation sexuelle contenue, au moyen de contractions involontaires agréables au corps. Aucun individu névrosé ne possède de puissance orgastique. »

La santé, psychique et biologique, n’est possible que par ces suppressions de tensions, et c’est justement la fonction de l’orgasme[48] qui produit, mieux que d’autres réponses, cette sorte de katharsis des tensions : sinon, elles agissent telle un gangrène du corps et de l’esprit.

Reich, notons-le, lorsqu’il parle de sexualité, y intègre d’authentiques sentiments amoureux et des sentiments qui concernent l’intégralité de l’autre personne et non un fragment corporel qui serait survalorisé.

5- propagation de la peste : au niveau collectif, d’un peuple, une société.

Si l’individu normal justifie son comportement sexuel par son besoin d’amour, le pestiféré ascétique va justifier sa débilité sexuelle par ses exigences morales : mais ses maximes ne s’adressent pas à lui-même mais, en premier lieu, et surtout, à son environnement. Tandis que l’individu bien portant ne cherche pas à imposer son mode de vie, le pestiféré tend à imposer aux autres son genre de vie par la force. Si le bien portant aime discuter de ses motifs, le pestiféré se met en colère quand on les évoque. Que produit cette peste collective ?

« Les meurtres sexuels et les avortements criminels, l’agonie sexuelle des adolescents, l’assassinat des forces vitales chez les enfants, l’abondance des perversions, les escadrons de la pornographie et du vice, l’exploitation de la nostalgie humaine de l’amour par des entreprises commerciales et des publicités avides et vulgaires, des milliers de maladies psychiques et somatiques, la solitude et la dislocation généralisée, et par dessus tout ça, la fanfaronnade névrotique des sauveurs en herbe de l’humanité – toutes ces choses pouvaient être difficilement considérées comme les ornements d’une civilisation. »[49]

Et, pour Reich, nul individu ne peut être exempt des dispositions à la peste émotionnelle. Il décrit donc les domaines où elle sévit : le mysticisme « dans ce qu’il a de plus destructif », les efforts passifs ou actifs vers l’autoritarisme, le moralisme, les biopathies de l’autonomisme vital, la politique partisane, la maladie de la famille, les systèmes d’éducation sadiques, la délation et la diffamation, la bureaucratie autoritaire, l’idéologie belliciste et impérialiste, le gangstérisme et les activités antisociales criminelles, la pornographie, la haine raciale. Ensuite, la peste sociale engendre de nouvelles règles pestiférées, de plus en plus.[50]

Mais il n’y a ici rien de bien nouveau ; par exemple, il y a quatre mille cinq ans, un texte akkadien titré « Dialogue sur la misère humaine » (ou encore « Ecclésiaste babylonien ») traduit un sentiment général : « La foule loue les paroles d’un homme prééminent, expert en crime, mais avilit l’être humble qui n’a pas fait de violence. Le malfaiteur est justifié et on chasse le juste. C’est le bandit qui reçoit l’or, tandis qu’on laisse affamé le faible. On fortifie encore la puissance du méchant, mais on ruine l’infirme, on abat le faible » et les prières n’y changent rien[51].

IV : essais thérapeutiques

À la différence de Freud, Reich ne fait pas que théoriser, il met en pratique, sur le terrain, ses conceptions et c’est sur ce plan là qu’il fut vécu comme menace, agitateur, et ainsi exclu des mouvements auxquels il appartenait.

1- tentatives de prophylaxies au niveau de la société, de prophylaxie de la peste :

L’idéal de la société marxiste se révèlera décevant (Reich la nommera : « dictature rouge ») lorsqu’il fera le constat que, pour « les marxistes, l’étiologie sexuelle de la névrose est une fantaisie bourgeoise, c’est le besoin matériel qui en est la source[52] ». Par exemple, Clara Zetkin écrivait que : « La Révolution exige la concentration des énergies […] Elle n’admet pas l’excès des plaisirs sexuels qui est un défaut bourgeois, un symptôme de décomposition[53]. » De même, Arthur Koestler, qui rencontra Reich à Berlin, rapporta[54]  que Lénine fît une fameuse déclaration contre la « théorie du verre d’eau », c’est-à-dire contre la thèse selon laquelle l’acte sexuel n’avait pas plus d’importance que l’extinction de la soif par un verre d’eau car pour lui la sexualité n’était pas un besoin naturel mais un résultat historique et bourgeois. Ce à quoi Reich ne pouvait souscrire,  et il sera renvoyé du parti communiste.

Échec de la révolution communiste à transformer ce fonctionnement, à renverser ce mouvement. « Lorsque plus tard les marxistes objectèrent que l’étiologie sexuelle des névroses n’était qu’une fantaisie bourgeoise, que seul le « besoin matériel » causait les névroses, je me rappelai les cas de ce genre. Comme si le besoin « sexuel » n’était pas aussi un besoin « matériel » ! »[55] Ici Reich oppose son expérience du terrain aux a priori de la pensée. La sexualité n’est pas une fantaisie.Palimier rappelait ceci :

« Conscient que Freud et Marx parlent d’une même réalité, d’une même existence aliénée, il entreprit d’unir la psychanalyse au marxisme dans une dénonciation radicale des institutions bourgeoises. Cette dénonciation commence par celle de la structure familiale.[56] »

2- retour à la thérapie individuelle

Reich n’a jamais cessé de pratiquer, d’autant plus face à l’échec de ses tentatives au niveau des collectivités : le retour à l’individuel est un retour au biologique, le point de départ. Ce centrage reste prédominant chez lui (bien plus que le psychique) : on pourrait dire que Reich est resté médecin (végétothérapeute disait-il) et toute sa pensée s’organise autour d’un principe cathartique : par exemple, en libérant l’orgone (l’élan vital). Mais là Reich est dans une croyance, celle que la sexualité physique peut traiter la peste émotionnelle (selon le schéma de la libération d’énergies entravées) en opposition à Freud qui, en séparant la sexualité physique de la sexualité psychique, mettait l’accent et l’action sur celle-ci. Si la sexualité a bien un effet d’autonomisation, d’individualisation (et c’est en cela qu’elle est condamnée et cadrée pour faire masse), est-ce en tant qu’acte physique ou bien en tant que vécu psychique ? Là est la question. En tous cas, pour Reich, c’est l’action physique de l’orgasme qui est cathartique :

« La santé psychique dépend de la puissance orgastique, c’est à dire de la capacité de se donner lors de l’acmé de l’excitation sexuelle, pendant l’acte naturel. Sa base est l’attitude caractérielle non névrotique de la capacité d’aimer. La maladie mentale est le résultat d’un désordre dans la capacité naturelle d’aimer. Dans le cas de l’impuissance orgastique dont souffrent la majorité des humains, l’énergie biologique est inhibée et devient ainsi la source de toutes sortes de comportements irrationnels. La guérison des troubles psychiques exige en premier lieu le rétablissement de la capacité naturelle d’aimer.[57] »

Que serait une révolution authentique ?

Le seul moyen, pour Reich, de combattre le fascisme, n’est pas le libéralisme, mais de lui opposer une connaissance objective et pratique des processus de la vie (l’éros freudien), ce qu’il concrétisera, par exemple, avec la création des Sexpols[58]. C’est une création logique puisque une révolution authentique ne peut se faire que par le retour à la couche biologique et donc via la sexualité : ainsi, libérer la sexualité génitale, c’est libérer l’authentique, le biologique en nous (qui ne saurait mentir). Donc, pour préparer une révolution culturelle fondée sur l’autonomie des individus, cela commence par cette libération sexuelle des jeunes. Le refoulement sexuel social est un facteur réactionnaire extrêmement efficace qui soutient les institutions réactionnaires grâce à l’angoisse sexuelle et au sentiment de culpabilité sexuelle ancré profondément dans les masses exploitées. Il paralyse toute puissance intellectuelle critique, « ancrage idéologique du système dominant autoritaire dans les structures caractérielles des individus nivelés dans la masse ».

« Cette unité de la culture et de la nature, du travail et de l’amour, de la morale et de la sexualité, que l’humanité attend depuis toujours, cette unité restera un rêve aussi longtemps que l’homme ne permettra pas la satisfaction des exigences biologiques de l’accomplissement sexuel naturel (orgastique). Jusque-là, la vraie démocratie et la liberté responsable demeureront une illusion, et la soumission sans espoir aux conditions sociales existantes caractérisera la vie humaine ; l’anéantissement de la vie prévaudra, ne fût-ce que dans l’éducation obsessionnelle, dans les institutions sociales obsessionnelles, ou dans les guerres. »[59]

Peer Gynt comme figure du révolutionnaire authentique

Le premier texte publié de Reich porte sur le « Conflit de la libido et le délire chez Peer Gynt »[60] qu’il expose pour devenir membre de la Société psychanalytique de Vienne (1919). Ce personnage est central chez Reich, car c’est une figure identificatoire présente du début à la fin de sa vie, et qui deviendra pour lui la représentation du révolutionnaire authentique incarnant le drame de l’individu qui tente d’échapper à la répression universelle pour vivre en accord avec sa nature, sa couche biologique.

Pour rappel, Ibsen met en scène les thèses de Kierkegaard en créant le personnage de Peer Gynt, une figuration du rebelle qui attaque la morale et la société bourgeoise hypocrite au nom de l’individualisme moderne : en effet, Peer Gynt refuse les rôles traditionnels du libéralisme qu’on veut lui faire jouer, veut en inventer d’autres et pour cela fantasme sa propre vie qu’il ne trouve pas assez belle.

« C’est l’histoire d’un individu insuffisamment armé, qui sort du troupeau humain et dont le pas n’est pas accordé à celui de la colonne en marche. Il est incompris. Les autres rient de lui quand il est faible. Ils tentent de le détruire quand il est fort. S’il ne saisit pas l’infini dont ses pensées et ses actes font partie, il est perdu. »[61]

« L’homme pratique, par crainte de l’infini, s’isole sur un bout de territoire et cherche la sécurité (…) On fait son devoir et on garde bouche close. On a depuis longtemps liquidé le Peer Gynt en soi-même, sinon la vie serait trop difficile et trop dangereuse. »[62]

« Je me suis senti étranger comme Peer Gynt. »

Conclusion

Que Wilhelm Reich fut influencé par son siècle, son contexte, dans ses théorisations, n’est pas une surprise, et nous en sommes tous là. Mais cela n’est pas rédhibitoire et n’autorise pas à rejeter une pensée. Cela oblige simplement à rechercher dans d’autres théories, d’autres visions-du-monde, elles aussi fruits de leurs contextes, des éléments qui se révéleraient communs : alors pourrions-nous penser ou affirmer qu’il y a quelques invariables qui seraient fondés.

Pour exemple, si l’on écarte cette phase d’une société première, comme expression d’un noyau biologique à un niveau collectif, en tant qu’utopie, l’observation de Reich sur cette sorte de dialectique de renversement entre libéralisme et fascisme nous semble tout à fait fondée historiquement et dynamiquement fructueuse. Cette dialectique, ou mieux, cette cyclicité, n’est pas nouvelle puisque, par exemple, Platon l’avait, en son temps, déjà relevée.

De même quant à l’utopie collective de Reich (qui reste possible au plan individuel), elle aussi est, disons, classique. En effet, nous y retrouvons cette idéalité de l’Âge d’Or d’Hésiode, ou le mythe d’Eden, ou encore l’idéal de l’état de nature. Autant de représentations idéales et utopistes qui viennent s’opposer aux constats mélancoliques des contextes d’où pensent ces théoriciens. Mais sont-ce des contextes vraiment actuels ? Et bien non, puisque quelles que soient les époques et leurs formes, le contenu reste toujours le même, et le conflit entre individus et sociétés perdure, alimentant donc cette dialectique théorique : utopie versus mélancolie, comme un écho de cette autre : individu versus masse[63].

La vision de Reich fut une tentative de penser un système où individus et société ne seraient plus dans cette opposition, où la société serait au service des êtres et non plus l’inverse : ce serait là une révolution authentique, qu’il reconnut lui-même comme n’ayant jamais existée. Il a théorisé cette dimension, et bien plus a-t-il tenté de la réaliser, par exemple avec l’Ambulatorium ou encore les Sexpols. A ce sujet, ne perdons pas de vue que la sexualité génitale fut pour lui l’outil et la voie qui mènent vers cette révolution authentique (comme la spiritualité l’était pour Jung) et non pas l’expression d’une obsession ou d’une dépravation perverse d’un homme. En tous cas, il n’y a pas que cela chez Reich.

Je vous remercie.

En résumé, quatre citations :

« La constitution d’une personne est la somme totale fonctionnelle de toutes ses expériences passées. »[64]

« Il est frappant de noter comment la dissolution d’une rigidité musculaire non seulement libère l’énergie végétative, mais aussi ramène à la mémoire la situation infantile même où le refoulement a eu lieu. Nous pouvons dire : toute rigidité musculaire contient l’histoire et la signification de son origine. (…) La cuirasse elle-même est la forme sous laquelle l’expérience infantile continue d’exister comme un agent nocif. »[65] .

« La cuirasse caractérielle et la cuirasse musculaire sont complètement identiques. (…) Les attitudes caractérielles peuvent être dissoutes par la dissolution de la cuirasse musculaire et, inversement, les attitudes musculaires peuvent être dissoutes par la dissolution des particularités caractérielles. »

« La rigidité physique représente, en réalité, la partie essentielle du processus du refoulement. Sans exception, les patients racontent comment ils apprirent, au cours de certaines périodes de leur enfance, à supprimer leur haine, leur angoisse ou leur amour, au moyen de certaines pratiques qui influencèrent leurs fonctions végétatives, par exemple, en retenant leur respiration, en tendant leurs muscles abdominaux, etc. »

[1] Christopher Marlowe (1564 – 1593), La Tragique Histoire du Docteur Faust, Les Belles Lettres poche, 2004, Acte II, Scène III.

[2] Cette remarque s’oppose à une tendance édictée par la Société américaine de psychiatrie qui oriente aujourd’hui radicalement la clinique psychopathologique (au fil de ses fameux manuels dits DSM) : dans les années soixante-dix elle pose et impose la définition suivante : c’est l’événement qui est traumatique en lui-même, le sujet n’y a aucune participation… Il n’y aurait donc plus de sujet.

[3] Nous nous appuyons sur le récit autobiographique de Wilhelm Reich : Reich, Passion de jeunesse, L’arche, 1989.

[4] Voir Wilhelm Reich, Écoute petit homme, Payot, 1974.

[5] Par exemple : il masturbe une jument avec le manche d’un fouet, écarte les jambes, urine puissamment. Avoue un premier orgasme sans éjaculation, réitère l’action pendant deux mois. Note les différences de réaction, indifférence, indolence de la vieille jument, ou ruades impressionnantes de la plus jeune.

[6] Au contraire de Freud qui fut pris dans une éducation urbaine, bourgeoise et morale sur cette question.

[7] Ce qui fait aussi destin : Reich sera battu et « sadisé » toute sa vie…

[8] Wilhelm Reich, Passion de jeunesse, op. cit., chapitre « La catastrophe », p. 39. Il la comprendra bien plus tard. Voir infra.

[9] Ibid., p. 45.

[10] Ibid., note 2, pp. 49-50 (je souligne) : « Comme mon jugement de 1919 était faux ! La situation est maintenant claire pour moi, ce que fit ma mère était parfaitement juste. Ma dénonciation, qui lui coûta la vie, était une revanche : elle m’avait dénoncé à mon père lorsque j’avais volé le tabac pour le charron, c’était à mon tour de la dénoncer ! Quelle tragédie ! J’aimerais que ma mère soit aujourd’hui en vie afin de réparer le crime que j’ai commis il y a trente-cinq ans. J’ai placé en évidence un portrait de cette noble femme pour pouvoir la regarder sans arrêt. » Nos soulignements.

[11] Par exemple, sa participation à l’Ambulatorium (clinique de ville) psychanalytique de Vienne qui ouvre en 1922, dont il en sera le premier assistant jusqu’en 1928, puis le sous-directeur élu jusqu’en 1930. Afin que ce dispensaire fonctionne, chaque psychanalyste accepte de donner, chaque jour, une heure de son temps en consultation gratuite. Cela s’avère bientôt insuffisant car les patients affluent. Cette clientèle populaire, bien différente de celle vue en pratique privée, ne tarde pas à convaincre Wilhelm Reich et bien d’autres, sur la base d’observations, que : les névroses sont très largement répandues, à la manière d’une épidémie ; les troubles de la fonction génitale sont, de loin, les plus nombreux ; la psychanalyse n’est pas une thérapie applicable sur une large échelle ; la psychothérapie individuelle n’a qu’un rayon d’action très limité.

[12] La structure caractérielle représente l’ensemble des défenses contre les excitations émotionnelles et l’angoisse, ce qui entraîne une rigidité, un manque de contact, une perte de sensibilité et un appauvrissement de la personnalité : soit une attitude « mortifère ». La cuirasse caractérielle présente une identité fonctionnelle avec la cuirasse musculaire (faite d’une tension défensive quasi permanente).

[13] Voir Wilhelm Reich, « préface à la troisième édition » de La psychologie de masse du fascisme (1933), Payot, 1972, pp. 9-24.

[14] Wilhelm Reich, La Fonction de l’orgasme (1952), L’Arche, 1970, pp. 184-185. Ce titre francais ne reprend pas le texte Die Funktion des Orgamus paru à Vienne en 1927, mais en fait un autre texte de Reich : The discovery of the orgone, tome I: The function of  the orgasm, New-York, 1942. Les deux textes n’ont que dix pages en commun.

[15] Ibid.

[16] « … dans les profondeurs, vivent et travaillent la sociabilité et la sexualité naturelles, la joie spontanée du travail, la capacité d’amour. » Ibid.

[17] Voir Wilhelm Reich, L’analyse caractérielle (1933), chapitre XVI « La peste émotionnelle », Payot, 1971.

[18] Sur la conception de l’état de nature, voir par exemple  les « Cannibales » dans les Essais, de Montaigne, le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes de J.-J. Rousseau ou l’article « Homme » de Voltaire dans l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert.

[19] Voir Frederik Nietzsche, « Les trois métamorphoses » in Ainsi parlait Zarathoustra, Mercure de France, 1958, ou comment le chameau se transforme en lion puis en enfant.

[20] N’oublions pas que les modèles de société apparaissent selon un schéma classique : un modèle psychique individuel de leader devient le modèle psychique de la collectivité (le Un devient le Tout) via idéaux et idéologies, car toute société est le fruit de pensées individuelles ; et vice-versa : un modèle de société donne forme, façonne en retour la psyché humaine. Sur ce thème, voir par exemple Jean-Paul Vallabrega, « Le problème anthropologique du phantasme », in Le désir et la perversion, Seuil, 1967.

[21] Morale que l’on peut qualifier de bourgeoise, ce qui désigne le lieu de son invention. A ce sujet voir Wolf Lepenies, La fin de l’utopie et le retour de la mélancolie, Leçon inaugurale du Collège de France, 1992, Éditions du Collège de France.

[22] Pour Reich, le mysticisme est un effet du système de croyance basé sur l’idée que la nature serait inconnaissable à partir de ses propres sens physiques : cette croyance est un effet de refoulement. Cette croyance trouve une base objective dans le fait que la cuirasse caractérielle distord les impressions des sens et prévient d’un contact direct d’avec la nature. Le mysticisme n’est que la nostalgie inconsciente de l’orgasme, c’est donc une lutte déformée, désespérée pour le rétablissement des lois naturelles de l’amour, qui se révèle dans les diverses formes de désir mystique, de fantaisies cosmiques, de sentiments « océaniques », d’extases religieuses.

[23] Voir le cycle des formes de politiques chez Platon, par exemple dans République (VIII, 445 et 544 sq., 557a-558c) ou Gorgias (508a) : « la démocratie, ou plus exactement l’anarchie, ne peut que s’attribuer à elle-même ce qu’elle mérite, à savoir sa dissolution, sa chute dans la tyrannie ».

[24] C’est-à-dire le temps de Kronos : voir Hésiode et sa Théogonie, La naissance du monde et des dieux, et Les travaux et les jours, éditions Rivages, et plus tard l’invention des Paradis monothéistes.

[25] Voir et l’histoire de Pandore : par exemple Jean-Pierre Vernant, Pandora, la première femme, Bayard 2006, ou ce que l’on imagine de la petite enfance, de la tendresse infantile, et du règne premier des processus primaires, etc.

[26] La démocratie désigne, pour Reich, le fonctionnement du travail naturel et intrinsèquement relationnel (démocratie du travail), en tant que réalité et non une idéologie comme dans le libéralisme, et qui serait au fondement de toute réussite sociale.

[27] Voir les Indiens d’Amérique par exemple qui s’inscrivent et se soumettent à la Nature et non l’inverse comme chez les occidentaux.

[28] Cette thèse n’est pas nouvelle et bien des auteurs l’ont soutenue, par exemple de Virgile à Henry David Thoreau : « Retrouves l’être originel non fragmenté. C’est une source sauvage qui vibre bien au-delà des cadres d’une culture qui, plus que jamais, ne l’aperçoit dans son intégrité, tant elle le canalise en des formes convenues, destinées à être reproduites. »

[29] Wilhelm Reich, La Fonction de l’orgasme, op. cit., p. 38.

[30] Le plaisir ouvre sur le monde et à l’autre alors que l’angoisse mène au repli, à la contraction d’une fermeture défensive sur soi (c’est une réaction défensive).

[31] Rien de nouveau sur ce plan, voir Platon par exemple qui reconnaît en Éros ce qui pousse à penser.

[32] Wilhelm Reich, La Fonction de l’orgasme, op. cit., p.14.

[33] Wilhelm Reich, Passion de jeunesse, op. cit., p. 5.

[34] Wilhelm Reich, La Fonction de l’orgasme, op. cit., p. 19.

[35] De là son intérêt pour Marx. Mais c’est aussi la thèse de Hans Sperber reprise par Freud in Les conférences d’introduction à la psychanalyse, Gallimard, 1999.

[36] Wilhelm Reich, La Fonction de l’Orgasme, op. cit., p.189 : « Hitler avait promis l’abolition de la liberté de l’individu et l’établissement de la “liberté de la nation”. Avec enthousiasme les masses échangèrent leurs virtualités de liberté individuelle contre une liberté d’illusion, c’est-à-dire une liberté par identification avec une idée. Elles le firent parce que cette liberté illusoire les déchargeait de toute responsabilité individuelle. Elles soupiraient après une “liberté” que le Führer devait conquérir pour elles et leur garantir : la liberté de hurler, d’échapper à la vérité pour aller vers le mensonge fondamental, la liberté d’être sadique, de se vanter – bien que chacun ne fût en réalité, qu’un numéro – d’appartenir à une race supérieure (…), de se sacrifier pour des fins impérialistes au lieu de risquer les combats de la vie quotidienne, etc. »

[37] Donc composée par l’ensemble des mécanismes entravant le déploiement de l’énergie sexuelle.

[38] Wilhelm Reich, Écoute, petit homme !, Paris, Payot, 1974, p. 69.

[39] Georges Orwell 1984, Paris, coll. « Folio », Gallimard, 1972. Voir les pp. 352-355.

[40] Voir l’économie de la transmission des biens.

[41] Wilhelm Reich, « La Génitalité dans la théorie et la thérapie des névroses », Premiers Écrits, op. cit. « La suppression de l’activité sexuelle des enfants et des adolescents est le mécanisme de base qui produit les structures caractérielles adaptées à l’asservissement politique, idéologique, économique. »

[42] « Quelles que soient les différences entre les familles des différentes classes sociales, elles ont en commun cette propriété importante d’être soumises à la même atmosphère moralisatrice au point de vue sexuel, influence que ne contrarie pas la morale de classe, laquelle coexiste ou pactise avec ce moralisme sexuel. » Wilhelm Reich, La révolution sexuelle (1936), Plon, 1968, p. 114.

[43] Son autorité vient de ce rôle de transmission et de représentant de cet ordre moral – idem pour et dans la religion, voir par exemple David Hume : Essai sur l’amour et le mariage (1741) ou Essai sur la polygamie et le divorce (1742). Nous sommes aux antipodes des discours sur une défaillance du père comme chez Lacan.

[44] Conflit parfaitement figuré par le personnage de Peer Gynt d’Ibsen. Voir infra.

[45] Et c’est une injonction paradoxale puisqu’on me demande d’y renoncer !

[46] Reich introduit dès 1933 cette notion de peste émotionnelle au chapitre XVI de son ouvrage : L’analyse caractérielle, Payot, 1971, pp. 431-458. Il lui consacre le dernier chapitre du livre. Il la définit « sans nuance péjorative », écrit-il, « comme une biopathie chronique de l’organisme, conséquence directe de la répression, sur une vaste échelle, de l’amour génital ». La peste émotionnelle, inculquée à l’enfant dès les premiers jours de sa vie, trouve son origine chez les individus dans la frustration génitale se manifeste dans ce qu’il nomme « les cuirasses caractérielles », ou dispositifs inconscients mis en place par les sujets pour neutraliser les difficultés qu’ils éprouvent à assumer, dans l’évolution des conflits, leurs besoins libidinaux face à la peur de la punition.

[47] Wilhelm Reich, La Fonction de l’orgasme, op. cit., p. 151.

[48] Sur cette question, voir Joël Bernat : « La fonction de l’orgasme selon Wilhelm Reich (1897-1957) », in la revue Corps, Les Corps de la contagion, éditions Dilecta (CNRS), nº 5, Octobre 2008.

[49] Wilhelm Reich, La Fonction de l’orgasme, op. cit., p. 182.

[50] Roger Dadoun a dépeint cet univers, in Cent Fleurs pour W. Reich, Paris, Payot, 1974, p. 351, de cette façon : « Ceux qui lancent les premières pierres, et ceux qui lancent les rumeurs meurtrières, et ceux qui lancent la police et les juges et les chiens et la foule et les psychiatres aux trousses du chapardeur, du vagabond, du juif, du Noir, de l’immigré, du marginal, et ceux qui lancent à grands cris mystiques leurs furieuses “vérités” religieuses, politiques, scientifiques, tous ceux innombrables qui s’élancent en chœur – d’église, de parti ou de secte – derrière les führers, s’agglutinant et faisant foule pour savourer la calomnie, colporter la rumeur, gonfler les brigades d’acclamations, nourrir les bûchers, courir au lynchage, et assurer avec cœur la bonne administration des asiles, des prisons et des camps, et la masse immense et prétendue silencieuse qui jouit de toujours lancer les dernières pierres – voilà quelques-unes des figures de la pestilence caractérielle-sociale que Reich décrit longuement sous l’appellation de “peste émotionnelle”. »

[51] Rapporté par Georges Minois in Histoire des enfers, Fayard, 1991, p. 19, d’après Ancient Near Estern Texts Relating to the Old Testament, J.B. Pritchard (éd.), Princeton University Press, 1955, p. 99.

[52] Wilhelm Reich, La Fonction de l’orgasme, op. cit.,  p. 68. On comprend ici pourquoi les masses communistes seront appauvries systématiquement, afin de ne pas être névrosées, sans doute…

[53] Clara Zetkin, dans deux articles des Cahiers du bolchevisme, numéros 28 et 29, octobre 1925.

[54] Arthur Koestler, in Le dieu des ténèbres, Calman-Lévy, 1950, pp. 47-51.

[55] Wilhelm Reich, La Fonction de l’orgasme, op. cit.,  p. 68. Voir Lénine sur la Femme et le Communisme.

[56] Jean-Michel Palmier, « Reich, père et fils », journal Le Monde, 1er avril 1977. Voir Peter Reich, À la recherche de mon père : rêves éclatés, Albin Michel, 1977. « La sexualité pour Reich n’est pas un « élément » de la vie, c’est son essence même. Aussi la vie aliénée et misérable qui s’étend en style de vie mondiale lui apparaît-elle comme étant l’aboutissement de toutes les idéologies répressives qui visent à endiguer, à refouler et à réprimer cette sexualité. Défendre la vie, c’était pour Reich, reconnaître à la sexualité ses droits et combattre toutes les idéologies répressives. C’est cette critique radicale qu’il élabora au cours de ses années militantes de Vienne. »

[57] Wilhelm Reich, La Fonction de l’orgasme, op. cit., p. 14.

[58] En 1931, Reich crée Sexpol, Association pour une politique sexuelle prolétarienne. Elle fédère regroupera cent cinquante mille membres. Reich y tient un discours assimilable au Planning familial : favoriser l’accès aux contraceptifs ; abolir les lois qui interdisent l’avortement ; aider à l’IVG ; promouvoir des aides financières et médicales aux femmes pendant la grossesse et l’allaitement; supprimer les distinctions entre mariés et célibataires ; bannir l’usage du mot « adultère » ; banaliser le divorce ; éradiquer la prostitution par l’éducation ; éduquer à l’hygiène sexuelle ; mettre sur pied un programme politique proposant l’épanouissement de la vie sexuelle, mais également économique; diffuser l’éducation sexuelle auprès des jeunes, puis de tous les publics ; ouvrir des centres de soins gratuits ; former des éducateurs, des médecins, des pédagogues, des travailleurs sociaux dans les domaines de l’hygiène sexuelle ; remplacer la répression policière et judiciaire des crimes sexuels par un authentique travail de prévention des causes de cette délinquance ; protéger les enfants et les adolescents des avances sexuelles des adultes. Voir par exemple : Wilhelm Reich, La révolution sexuelle, op. cit.

[59] Wilhelm Reich, La Fonction de l’orgasme, op. cit.,  p. 15.

[60] Wilhelm Reich, « Conflit de la libido et le délire chez Peer Gynt » in Premiers écrits, op. cit.,

[61] Wilhelm Reich, La Fonction de l’orgasme, op. cit., p. 39.

[62] Wilhelm Reich, La Révolution sexuelle, op. cit.,  p.113. « … je me rendis compte qu’Ibsen avait simplement dépeint la misère de l’individu non conventionnel (…) Peer Gynt sent les pulsions de la vie dans leur forme forte et indisciplinée. La vie quotidienne est étroite et exige une discipline sévère. Ici, le monde pratique, là, la fantaisie de Peer Gynt. »

[63] La masse comme source mélancolique.

[64] Wilhelm Reich, La Fonction de l’orgasme, op. cit., p. 118.

[65] Wilhelm Reich, Premiers Écrits, T. I (1920-1925), Paris, Payot, 1976.

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2 réponses à Joël Bernat : « Wilhelm Reich : sa vision-du-monde de l’être et de la civilisation »

  1. bouquet marie dit :

    …et  » la fonction » de ce site et de cet écrit en particulier est de nous faire (re)lire nos classiques d’une façon originale, passionnante en tout cas . J’ai été surprise de découvrir
    le discours qui a présidé à la création des Sexpols , jamais je n’aurai cru qu’il soit de Reich, enfermé, dans mon souvenir , dans des utopies bien moins fécondes !

    J’ai associé aussi la recherche de 3° voie qu’il n’a pas trouvée (pas cherchée ?), que nous ne trouvons pas , aux communautés indiennes d’Amérique latine qui réussissent à tenir ensemble leur immersion individuelle dans la nature et le « buen vivir »en communautés ; ils résistent , mais … se font massacrer par les pestes contemporaines .

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