Didier Anzieu : un survol des conceptions de la prégénitalité

In L’Année psychologique, 1953, 53-1, pp. 195-202, § « VI Psychanalyse : La réévaluation du développement prégénital en psychanalyse » [compte-rendu] (mise en forme par J.Bernat)

Afin de rendre compte du matériel clinique apporté par les adultes aux séances de psychanalyse Freud élabora dès les premiers temps de la psychanalyse la notion des trois stades dans le développement de la sexualité infantile (oral anal génital), mettant l’accent sur le dernier, il caractérisa par le complexe Œdipe, dont il fit la source de la plupart des névroses, et sous-tendant l’ensemble par la conception d’une libido essentiellement biologique Les successeurs de Freud, confrontés avec un matériel clinique plus vaste, furent conduits à remanier ces hypothèses.

Trois influences furent essentielles :

  1. Melanie Klein, en Angleterre, s’appuyant sur l’observation directe des enfants qu’elle psychanalysait, opposa au stade génital une phase prégénitale générale, vraie source de toutes les névroses, où prédominent une angoisse précoce et l’agression, où les opérations psychiques ne sont pas distinctes des mécanismes corporels d’introjection et de rejet.
  2. Jean Piaget, en Suisse, par sa description de structures mentales, sensori-motrices et conceptuelles, propres à l’enfant, attira l’attention sur l’intrication du développement intellectuel et du développement psycho-sexuel, faisant lier la prégénitalité à la pensée magique.
  3. Franz Alexander enfin, à Chicago, plus porté reconnaître l’influence des facteurs sociaux, et ce dans les maladies somatiques origine conflictuelle montra que les stades classiques se ramenaient à un ensemble d’expériences spécifiques débordant largement la sexualité et où se forment les traits de caractère, les interprétant surtout comme des types de relations avec autrui.

Après une assez longue période de lutte, ces hypothèses nouvelles se sont vues généralement acceptées en psychanalyse et est maintenant leur expansion et au développement systématique de leurs conséquences que nous assistons.

Au contraire de l’époque où Anna Freud menait le combat contre Melanie Klein, c’est en hommage à cette dernière que l’International Journal of Psycho-Analysis consacre son n°2 de 1952, rassemblant toutes les directions où le système de M. Klein peut offrir une clé nouvelle.

1- P. Heimann [“Contribution to the re-evaluation of the Œdipus complex in the early stages”. (Contribution à une réévaluation du complexe d’Œdipe dans les phases primitives). Internat Psycho-Anal. 1952, 33, 84-92] rappelle d’abord que le complexe Œdipe est seulement le point final d’un processus qui commence dès la première enfance ; sa réalisation est barrée par le conflit de l’ambivalence entre les « bons » et les « mauvais » objets introjectés, et par l’oscillation entre le choix homo-sexuel et le choix hétéro-sexuel : la balance est abord égale : l’issue dépend du jeu des forces ce moment. Dans une contribution plus personnelle [« Preliminary notes on some defence mechanisms in paranoid states » (Remarques préliminaires sur quelques mécanismes de défense dans les états paranoïaques). Ibid. 208-213], la principale disciple de M. Klein s’efforce de montrer que la scission du moi chez le paranoïaque est un véritable mécanisme de défense ; en effet, le paranoïaque qui développe un délire de persécution expérimente une satisfaction sadique dans sa relation objet introjecté ; sans cette scission, il serait en danger de s’identifier à l’objet persécuté et de s’effondrer sous le poids de angoisse.

2- Le même recours la situation prégénitale sert Thorner [« Examination anxiety without examination » (Angoisse d’examen sans examen). Ibid. 153-159] pour expliquer cette angoisse si particulière à notre culture, l’angoisse devant les examens, par laquelle d’ailleurs nos rêves symbolisent volontiers nos autres angoisses. L’auteur, après un historique détaillé de la question, fait apparaître sur quelques cas l’origine de cette angoisse dans la menace intérieure provenant des mauvais objets introjectés et qui représentent les tendances agressives du sujet ; pour être complète, l’explication utilise les notions freudiennes orthodoxes selon lesquelles l’angoisse signale d’abord un danger primitif, le danger intérieur des pulsions, et les difficultés actuelles sont toujours la réactivation de conflits primitifs.

3- Rosenfeld [« Notes on the psycho-analysis of the super-ego conflict of an acute schizophrenic patient » (Remarques sur la psychanalyse du conflit avec le surmoi chez un schizophrène aigu). Ibid. 111-131] présente le cas un schizophrène profond dont le traitement, avec transfert et analyse de celui-ci, a été possible et pense que ce succès s’explique dans le système de M. Klein en même temps qu’il le confirme, l’analyse ayant mis en lumière la nature du surmoi constitué par les premiers objets introjectés.

4, 5- Segal [« psycho-analytical approach to aesthetics » (Approche psychanalytique en esthétique). Ibid. 196-207] et Rivière [« The uncounscious phantasy of an inner world reflected in examples from english littérature » (Le fantasme inconscient d’un monde intérieur illustré par des exemples tirés de la littérature anglaise). Ibid. 160-172] indiquent comment la psychanalyse appliquée aux œuvres d’art peut se trouver renouvelée par l’introduction des notions kleiniennes de la position dépressive, du déclenchement par celle-ci des tendances réparatrices, et du monde intérieur des objets introjectés ; Rivière s’attache à montrer que le fantasme conscient que d’autres êtres existent en nous n’est pas le moins rare dans l’imagination humaine et qu’on aurait tort de le prendre pour un signe de dérangement mental chez tous les artistes ; Segal conclut que le plaisir esthétique provient de identification du lecteur ou du spectateur au créateur.

6- Bion [« Group dynamics review » (Nouvel exposé sur la dynamique des groupes). Ibid. 235-247] reprend en la résumant sa propre conception de la dynamique des groupes dont il a exposé depuis deux ans le détail dans Human Relations ; reprenant la distinction du groupe de travail fondé sur l’adhésion volontaire, la coopération et le symbolisme, et du groupe d’appariement, qui repose sur une valence affective et involontaire et qui abaisse le niveau intellectuel de ses membres par son incapacité à utiliser les symboles, il conclut que les phénomènes qui se déroulent dans ce dernier groupe doivent se comprendre en termes de mécanismes psychotiques et conformément aux conceptions kleiniennes des objets intérieurs et de l’échec de la formation du symbole.

7- C’est justement cette dernière notion examine Milner [« Aspects of symbolism in comprehension of not-self » (Aspects du symbolisme dans la compréhension du non-moi). Ibid. 196-207] ; il rappelle que pour M. Klein le symbole, c’est-à-dire le transfert d’intérêt d’un objet primitif à un secondaire, est le résultat d’une inhibition sociale ; mais l’expérience des jeux de l’enfant et de la création artistique conduit l’auteur à compléter cette formation par son aspect positif : le symbole provient aussi du désir d’établir une relation avec la réalité ; la cure psychanalytique elle-même est considérée dans cette perspective : elle oblige à reconnaître les mots comme symboles par le moyen desquels le monde est compris, à saisir la différence entre la réalité symbolique de la relation analytique et la réalité littérale de la satisfaction libidinale.

8- Balint [« New beginning and the paranoid and the depressive syndroms » (Le nouveau commencement et les syndromes paranoïaques et dépressifs). Ibid. 214-224] insiste sur un autre aspect de la cure psychanalytique ; ce « nouveau commencement » qu’il décrit apparaît la fin de la cure psychanalytique ; il se reconnaît à certaines demandes de gratifications simples que le patient réclame de son analyste et que celui-ci peut en partie satisfaire ; plus profondément, un changement est intervenu dans les relations objectales du patient et c’est sur l’analyste considéré comme un être humain qu’il fait l’essai de ses nouvelles attitudes interpersonnelles ; les conditions accès à cette phase sont l’abandon de l’attitude paranoïaque et l’acceptation d’un certain degré de dépression dans la vie.

Si l’école anglaise de psychanalyse est pour une bonne part conquise par les idées de M. Klein, c’est à un dépassement de ces dernières que s’efforce le groupe parisien de psychanalystes d’enfants dirigé par Lebovici.

9- Diatkine [« La signification du fantasme en psychanalyse enfants ». Rev fr Psychanal. 1951, 15, 325-334] exprime les idées de ce groupe sur un point particulier de la technique psychanalytique : l’attitude à adopter en face de la répétition par les jeunes patients du même fantasme. L’enfant produit au cours du traitement une quantité considérable de matériel imaginatif, production favorisée par l’analyste, car elle est la voie accès par excellence la compréhension du conflit. Toutefois ce serait une erreur de confondre les fantaisies provoquées dans la situation analytique avec les fantasmes inconscients primitifs : il faut reconstruire ceux-ci partir de celles-là, produites par le moi et donc déformées par les mécanismes de défense. Diatkine présente alors deux cas où la répétition du fantasme ne procure pas seulement une satisfaction masturbatoire mais il ne s’agit plus que d’un jeu où toute association pouvant rattacher le fantasme à un matériel ancien fait défaut. « Isoler l’expérience vécue dans l’analyse avec les événements antérieurs nous paraît fonction essentielle et nous pensons que c’est abord sur ce mécanisme de défense réalisé par le fantasme que nous devons faire porter les interprétations ». A. Freud avait déjà remarqué la fonction de défense du fantasme mais en dehors de l’analyse. Diatkine assimile alors un tel fantasme à une résistance qui requiert la tactique préconisée par Reich pour l’analyse du caractère (montrer enfant pourquoi il isole l’expérience analytique de la réalité par la répétition de fantasmes de plus en plus purs), l’non interprétation en profondeur immédiate préconisée par M. Klein sur un mode symbolique ou ludique, car le recours au langage clair est le meilleur moyen de mettre fin à la dysharmonie des comportements socialisés et de ceux empruntant leur valeur à des expériences primitives. Enfin, Diatkine propose une hypothèse sur la genèse de tels fantasmes : au fur et mesure de son développement, le surmoi s’oppose à la réalisation des instances agressives ; le moi réagit en dissociant ces instances de leurs objets primitifs (les images parentales) ; apparaissent alors les fantasmes de démembrement, dislocation et enfin castration ; au cours du traitement, ce mécanisme se développe à nouveau en même temps est réactivé le matériel.

10- La seconde influence, celle de Piaget, s’est exercée depuis longtemps sur l’explication de la psychologie prégénitale (Mauco, Odier, Guex). Madeleine Rambert [« La pensée infantile et la psychanalyse ». Ibid. 577-597] insiste surtout sur les conséquences relatives à la technique psychanalytique. A l’enfant fixé affectivement aux premiers stades, il faut parler le langage de la pensée magique qui y correspond, soit pour satisfaire le besoin de possession magique frustré et permettre ainsi au développement affectif normal de reprendre (à une fillette qui ne voulait renoncer à son désir du pénis, symbole pour elle de intelligence, de la puissance et de la possibilité d’être aimée, l’auteur donne, au lieu de la baguette magique réclamée, le sourire magique qui fait obtenir des autres ce qu’on veut) soit pour rendre conscients et examiner un à un tous les éléments perçus ensemble de la pensée magique (croyances que les êtres sont à la fois maléfiques et bénéfiques, croyances en la toute-puissance et l’ubiquité des parents, confusion du tout et de la partie qui crée l’angoisse de la castration et de la mort, projection des sentiments de la sorcière sur les autres femmes…) ; il s’agit alors d’un véritable travail intellectuel permettant le passage de la logique de l’absolu (« toutourienisme ») à celle du relatif. Selon l’auteur, loin que la reprise de l’évolution affective due à l’expérience analytique entraîne automatiquement la reprise de l’évolution intellectuelle bloquée c’est au contraire le passage aux notions de relativité qui rendra l’enfant capable d’accéder à l’Œdipe, de supporter sa propre ambivalence envers son père ou sa mère, tout en renonçant sa puissance magique.

11- L’influence d’Alexander est sensible dans le chapitre de l’ouvrage d’Erikson [Childhood and Society. (Enfance et société). In-80 de 397 pages. Londres, Imago Publishing Co 1951] consacré à la sexualité infantile. L’auteur tente une synthèse de la psychologie génétique et de la psychanalyse :

  • Le stade oral est loin de se limiter au plaisir buccal ; il est plutôt caractérisé par un mode d’approche du monde, l’incorporation qui s’étend à tous les sens, la vue, le toucher, etc., aussi bien que la bouche : être tenu, avoir chaud, être bercé, « être parlé », « être souri », rester allongé sur le dos, c’est-à-dire toute la régulation de la zone orale-respiratoire-sensorielle par la mère « pourvoyeuse » ; l’auteur préfère l’appeler stade réceptif conformément à la nouvelle terminologie en usage en psychanalyse. Avec l’apparition des dents, l’enfant passe à l’incorporation orale active (mordre, déchirer), mais aussi à une attitude analogue pour l’ensemble de son corps : il prend et poursuit les choses du geste, du regard, de l’oreille, il change de position, s’assoit, saisit, explore ; il acquiert son premier sentiment de confiance et son premier sentiment du mal, du mal qu’il fait en mordant, en cassant les objets, en tombant ; au « recevoir » succède le « prendre » ; le mythe du paradis perdu symbolise ce passage en même temps que le premier conflit : les premiers hommes étaient nourris sans efforts par les fruit de la terre ; ils ont mordu dans la pomme défendue et mis Dieu en colère. La culture peut modeler de façon infiniment variée les besoins de respirer, manger, croître par absorption, mais à condition d’assurer un minimum.
  • Le stade anal est semblablement réévalué ; il implique le développement général du système musculaire volontaire, capable de serrer et de se relâcher à volonté ; la rétention et l’élimination des selles n’est qu’un aspect, affectivement valorisé dans certaines cultures, du système rigidité-relaxation, flexion-extension ; le comportement habituel de enfant reflète la même alternative : il attrape et jette, entasse et démolit, s’empare et laisse tomber, aime et frappe les parents ; il se tient debout et délimite son monde, le je et le tu, le moi et le mien ; c’est la bataille pour l’autonomie, le conflit avec la honte et le doute.
  • Le stade génital est celui de l’intrusion, l’intrusion dans le corps des autres par l’attaque, dans l’oreille par le parler agressif, dans l’espace par la locomotion vigoureuse, dans l’inconnu par la curiosité ; c’est évidemment l’âge des premiers jeux sexuels entre enfants et de l’observation des activités sexuelles des adultes qui semblent agressives à l’enfant ; c’est l’âge du « faire », de l’initiative et le conflit de celle-ci avec la culpabilité, autrement dit le complexe d’Œdipe.

À chaque stade, les autres modes d’approches servent d’auxiliaire :

  • l’incorporation orale suppose la rétention de la nourriture dans la bouche, quelquefois son rejet ; si un mode auxiliaire devient prééminent, la zone corporelle devient alors zone de fixation ou de régression :
  • l’incorporation anale (introduction du doigt, de petits bâtons, etc.) peut préparer ainsi l’homosexualité ; l’intrusion anale est la forme agressive de l’évacuation, une façon magique d’attaquer, de souiller et profaner en se servant des fèces ;
  • la prédominance de l’élimination au stade génital conduit à l’éjaculation précoce ; celle de l’attitude réceptrice passive à la frigidité chez la femme, à l’homosexualité orale chez l’homme etc.

Dans cette perspective, les activités du corps, plus que ses zones, servent d’expression directe des relations avec autrui.

12- Le travail de Bertram Lewin [Phobic symptoms and dream interpretation (Les symptômes phobiques et l’interprétation des rêves). Psychoanal Quart. 1952, 21, 295-321] échappe aux influences signalées jusqu’ici ; s’appuyant sur un matériel clinique abondant, il s’efforce de montrer que le contenu manifeste de la phobie est construit par les mêmes mécanismes (déplacement, condensation, non-considération du temps et de l’espace) que le contenu manifeste du rêve, et qu’aux explications classiques de la phobie (angoisse de la castration) on peut superposer une interprétation plus profonde (angoisse prégénitale sans laquelle la précédente ne prendrait point d’ampleur). Les symptômes phobiques peuvent inclure de très anciens souvenirs liés à l’oralité (l’ogre, les fantômes, les loup-garous, etc., ou l’angoisse d’être mangé) et plus particulièrement au désir de dormir (tous ces fantômes représentent le perturbateur du sommeil, le réveilleur, c’est-à-dire le père ; la crainte est celle que le sceptre ne se matérialise soudainement et ne devienne visible dans les ténèbres à la façon dont une image soudaine du rêve manifeste pénètre l’esprit vide du dormeur ; la crainte de l’ogre ressemble à la crainte de faire un mauvais rêve ; s’éveiller est fuir l’objet sur lequel l’angoisse a été déplacée).

a : Dans le premier grand type de phobies, les claustrophobies, le claustrum été depuis longtemps identifié à l’intérieur du corps de la mère et ses dérivés symboliques ; mais la fonction du claustrum est double et cette dualité ne peut expliquer en recourant des craintes prégénitales.

  • Tantôt le claustrum est la projection d’un danger, un lieu d’insomnie et d’inanition : la crainte de franchir la porte du métro, d’entrer dans un tunnel reproduit la vieille crainte primitive être dévoré, la phobie être enfermé dans le noir et d’être étouffé par la fermeture d’une porte, c’est la crainte de perdre contact avec le monde de la veille, de s’endormir, la crainte être enterré vivant, d’une mort non vivante comme ce Juif errant qui ne pourra jamais dormir, comme l’enfant dans l’utérus, mais affamé et qui ne peut rester en repos.
  • Tantôt le claustrum est le bon sein, le sommeil paisible, le refuge naturel ; la phobie est alors celle être réveillé comme dans ce rêve où le sujet se promène avec une femme et est réveillé par un cheval qui le menace en lui montrant ses dents (cf. les zoophobies infantiles) ; ici nous sommes en pleine psychologie orale : le sommeil signifie union avec la mère, le réveilleur est le père jaloux oralement et affamé et qui sevré enfant de sa gratification orale car « qui dort dîne » ; le réveil est aussi intrusion du temps – que les artistes représentent toujours sous une figure paternelle – dans immortalité intra-maternelle du sommeil. L’auteur propose alors les égalités suivantes : un sommeil non troublé est analogue un refoulement réussi ; dans les deux cas le retour du refoulé se manifeste sous forme de fantasmes déformés ; un essai de satisfaction est cherché dans hallucination du rêve ou dans activité symbolique de la phobie ; l’angoisse est avertissement de s’éveiller ou de s’arrêter. L’acceptation du claustrum comme lieu de sécurité implique aptitude trouver apaisement dans le sommeil comme substitut du sein maternel protecteur et préœdipien ; l’angoisse être dans le claustrum indique une relation perturbée la mère.

b : Pour le second grand type de phobies, les agoraphobies, Lewin complète par le même recours au prégénital les explications de Freud et de Fenichel pour qui la phobie des espaces libres est une phobie « renversée » des espaces resserrés, comme dans les rêves, la peur être seul peut se manifester par son contraire, être dans la foule.

  • Pour Lewin, la foule, la forêt, la mer, sont des espaces où l’on peut se perdre, être avalé, absorbé dans une unité plus large, et perdre sa propre identité ; c’est la répétition du fantasme oral être dévoré par le sommeil, le sentiment océanique cher Romain Rolland.
  • L’agoraphobique a le sentiment être abandonné par la mère protectrice ce qui peut être compensé par un compagnon d’un certain type.
  • Ce sentiment si souvent rapporté par les malades que leurs jambes les lâchent est trop superficiellement expliqué par la crainte de la castration ; c’est aussi la représentation de la perte de son propre moi, la reviviscence de la flaccidité qui précède le sommeil ou accompagne l’union au sein pendant la tétée, la satisfaction masochiste passive être nourri et porté.
  • De même cette impression qu’ils ont de marcher au bord d’un précipice ou que le sol va leur manquer, cette agora vide, est analogue écran sur le fond duquel se déroulent certains rêves, à ce quelque chose d’incomestible, d’insipide, marbré de veines bleues, ou désertique, qui symbolise les proéminences du corps de la mère ; se fondre dans cet écran ou cette agora suggère le retour à la mère et à l’état d’impuissance qui précède le sommeil, suggère la destruction.
  • Les phobies de rues étroites ne sont pas seulement la projection dans le monde extérieur de la constriction de la poitrine pendant l’angoisse, mais aussi la répétition de fantasmes latents de se réunir à la mère ou à la sœur dans le sommeil et de sensations hypnagogiques et hypnopompiques.
  • La peur de traverser un pont ne se réduit pas la peur œdipienne de la castration ; elle est surdéterminée par la peur prégénitale de passer dans un pays inconnu et dangereux, d’être dévoré par les eaux qui coulent au fond de la faille ; cette faille, c’est la scission d’avec la mère protectrice, la coupure entre la veille et le sommeil.

L’auteur conclut que le mécanisme de défense le plus primitif est non pas le refoulement, mais le précurseur du refoulement : aller dormir.

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