Joël Bernat : « Je n’ai pas de fantasmes ! » ou la défense perverse narcissique

Notes pour un séminaire 2015-2016.

« C’est un bien grand malheur que de prendre pitié

pour des semblants de brebis

qui ne sont que des hyènes déguisées. »

La Rochefoucauld

 

 

 

La perversion narcissique est une forme de perversion, décrite initialement par Paul-Claude Racamier, selon laquelle un individu agirait :

  • comme prédateur,
  • en imposant le besoin d’être obéi en lieu et place du désir d‘être aimé,
  • qui pour obtenir cela va jusqu’à détruire l’identité de sa proie par la manipulation mentale ou le harcèlement moral (ce qui est le plus fréquent : par exemple, le pervers est toujours le premier à crier « au pervers ! » en désignant sa victime… qui ne l’est pas, perverse.

Ce système de fonctionnement psychique se rencontre aussi bien chez les hommes que chez les femmes, et c’est avant tout une organisation défensive : c’est pour cela que, à la place de l’étiquette de pervers narcissique qui connaît un si grand succès, nous préférerions aborder les choses sur un plan clinique en disant : la défense perverse narcissique (dpn), ce qui ne trahit pas la pensée de son inventeur, Paul-Claude Racamier[i].

Au-delà du plan individuel, on peut observer ce fonctionnement dans d’autres situations, qu’elles soient d’État ou groupale, institutionnelle ou patronale, etc., mais en restant prudent quant à une généralisation de cette notion car la manipulation est très répandue, voire banale, sans être forcément perverse. Un tel diagnostic se doit donc d’être précis…

Origine

Ce système défensif apparaît pour maintenir une mégalomanie infantile primitive, c’est-à-dire la croyance en l’illusion de la toute-puissance magique des mots ou des actes, qui est en lien avec une séduction narcissique infantile, ce qui pourrait se formuler ainsi :

« Je me séduis et je m’aime, ou m’apaise, en me croyant tout-puissant ou omniscient, ou bien que les autres sont tout-impuissants ou tout-bêtes et inférieurs ».

Pour Racamier, si cette mégalomanie :

  • Est en souffrance, c’est-à-dire qu’elle est encore latente, c’est la source d’une psychose mégalomaniaque;
  • Si elle est liée à l’auto-érotisme de la sexualité infantile, c’est ce lien qui mène à la perversion narcissique. D’où l’état d’immaturité.

Cette mégalomanie entretient par exemple l’illusion active de remplacer vraiment (dans le fantasme) le père vécu comme tout-puissant en l’évinçant par rapport à la mère. Cela permet :

  • D’éviter la question œdipienne qui est source d’un sentiment d’impuissance, d’échec ;
  • Et d’entretenir l’absence de surmoi (et donc de conscience morale), ce qui garantit :
    • une immunité conflictuelle (pas de culpabilité à créer des conflits),
    • une immunité objectale (ce qui rejoint la théorie de Freud sur les perversions comme émanant du déni de la castration et du clivage du moi) dans le sens où l’autre n’existe pas comme personne,
    • Avec la défense perverse narcissique le sujet croit ne rien devoir à personne, ce qui lui permet de se sentir tout-puissant, tout fait de lui-même,
    • d’ignorer les rivalités puisqu’il y a évictions des autres (l’autre n’existe pas comme autre indépendant),
    • Et de méconnaître la censure interne (c’est-à-dire l’absence de jugements), ce qui fait qu’il n’a pas conscience de l’effet de ses conduites sur autrui ;
  • Par ailleurs, les pulsions partielles se lient au narcissisme (il n’y a donc pas d’objet libidinal, c’est-à-dire pas d’investissement d’un autre comme objet global) et s’organisent grâce au recours aux fonctionnements de l’analité et du sadisme anal (retenir / garder – détruire / expulser).

Cette mégalomanie protège l’enfant qui s’est vécu meurtri par des manœuvres délétères et disqualifiantes de la part de parents pathologiquement narcissiques[ii] (voir « la peau déchirée du moi »). C’est donc une défense contre l’effondrement de soi en faisant s’effondrer l’autre.

On entend a minima cette défense dans la toujours prompte accusation qu’opère le pervers à désigner l’autre comme source de tout malheur. Le pervers ne se met jamais en question, ou alors de façon feinte et imitative.

Déclenchements

Ce sont, par exemple : une douleur importante, une désillusion grave ou une contradiction interne, une grande difficulté produisant une détresse narcissique d’un moi sur le point de se perdre dans une dépression narcissique, ou une détresse libidinale chez un sujet endeuillé, toute situation qui fait éprouver ce sentiment impensable d’impuissance, ce qui produit :

  • sur la base d’un refus du deuil originaire (celui de la toute-puissance),
  • une humiliation et une rage narcissique (« je ne suis pas l’objet universel d’amour »),
  • qui vont susciter un système défensif pervers.

Défenses

La défense perverse narcissique peut avoir deux directions :

  • dénis et évictions de tous conflits internes par le projection sur autrui de ces conflits :
  • ce qui est très destructeur si les défenses sont dures et organisées.

Soit des défenses anti-paranoïde (contre des angoisses paranoïdes de dissolution personnelle, de perte de l’être), et anti-dépressives (contre un deuil à faire).

Tableau clinique

  • La défense perverse narcissique est une problématique ni sexuelle ni érotique, mais morale et narcissique;
  • Elle est tout en action et très peu en fantasme car il n’existe pas vraiment d’objet. Il y a quand même un fantasme, disons de base : être « l’enfant depuis toujours et à jamais irrésistible », sur le mode de Sa Majesté le Bébé, éternellement ; donc un sujet tout en agir et en faire-agir en ce sens ;
  • Impérieuse obligation du fantasme agi de toute-puissance, ce qui dénie toute limite (la toute-puissance n’est pas dans la puissance mais se fonde d’un double déni : déni d’impuissance et déni des limites) ;
  • L’on peut observer deux versions de défense perverse narcissique qui dépendent du destin du complexe de castration :
    • le narcissisme glorieux, surtout chez les hommes : « je ne suis pas châtré, je suis plus grand, fort et doué que quiconque »[iii]; il dénie la castration en exhibant son phallus, ses exploits ou ce qu’il considère comme trophées ;
    • la perversion phalloïde proche de la paranoïa ou de la psychose passionnelle, surtout chez les femmes, et qui est la pire selon Racamier : « je ne suis pas châtrée, je châtre tous les hommes, surtout s’ils me plaisent = si je les envie » en les concevant par exemple comme des « homosexuels refoulés » c’est-à-dire incapables de la faire jouir (et surtout pas, sinon ils seraient tout-puissants, eux) ; elle cache sa propre castration (et sa frigidité) et castre l’autre, fonctionne en coulisse et en cachette en manipulant autrui, voire, les faire agir à sa place. Elle est incapble d’amour.

Méthodes manipulatrices

  • deux forces motrices :

       une séduction narcissique toujours active produisant une survalorisation narcissique de soi devant les autres (sur la base de la séduction narcissique originaire) qui met à l’abri des conflits internes ; il « se fait valoir aux dépens d’autrui[iv] »

       une nécessité défensive puissante et organisée qui protège le narcissisme en expulsant, suite aux dénis, sur autrui par des manœuvres agies ; cela créé un système défensif qui, lui, est érotisé : jouissance de la survalorisation et jouissance de la déroute et disqualification des objets – proies utilisés.

  • deux visées :

       expulsion hors de soi des douleurs et conflits et ainsi tarissement de l’envie (au sens de Melanie Klein) car elle est une preuve d’une intolérable incomplétude de soi ;

       augmentation de la valeur narcissique en détruisant celle de l’autre, augmentant l’acquisition d’une immunité face aux conflits et objets et face à l’attraction de l’objet (attraction vécue comme anti-narcissique). De là l’impossibilité de dette envers quelqu’un, de s’excuser ou de remords (ce serait être faillible) ou encore de remercier (qui prouverait une dépendance et une insuffisance personnelle). Donc c’est lui qui complimente.

  • trois évictions :

       deuil et dépression sont évités et transvasés chez un autre en le plongeant dans un état dépressif de deuil ;

       le clivage colmate (les angoisses psychotiques) ;

       expulsion des douleurs par projection paranoïaque sur une victime porteuse du conflit menaçant.

  • L’objet est une proie :

– il n’est pas aimé mais utilisé pour le rendre non enviable : finalement, il n’est pas si fort que ça, ou bien moi que moi ;

– il n’est pas libidinal, il n’y a pas de haine ni d’identification ;

– il est dénié, non pas dans son existence, mais dans son importance : il est donc à maîtriser ; il est dénié dans son autonomie narcissique ;

– c’est un objet non–objet, rendu inanimé ;

– ne jamais dépendre d’un objet, ce serait se sentir inférieur ;

– donc pas d’identifications mais des mimétismes.

Les conduites du pervers-narcissique renvoient à trois attitudes de base : utilitaire, ustensilitaire et de prédation morale. Il peut chercher à utiliser l’autre, à le traiter en ustensile, ou bien à « absorber » son narcissisme, à posséder son enthousiasme, sa passion[v].

– il ne fonctionne jamais en face, mais toujours dans l’ombre ;

– il démantèle le moi de l’autre et ses émois ;

– il pense peu, n’a pas de fantasme, pour éviter toute attraction objectale ;

– son outil majeur est la parole qui tisse des scenarii. Et ce qui compte n’est pas la vérité mais la crédibilité et son résultat ; les mots sont surinvestis aux dépends des objets (effet de la croyance en la toute-puissance magique des mots) ;

– ce qui compte n’est pas d’être vu ou d’avoir, mais de paraître (cf. l’imposture et la mythomanie)

– sa pensée ne s’intéresse pas aux effets et fantasmes mais à la réalité sociale ; c’est une pensée agissante mais déguisée, qui reste stérile, non créative et socialement dangereuse car elle produit des disjonctions et des déliaisons.

– le pervers ne demande à se soigner que s’il n’est pas assez pervers…

– l’absence de conflit chez ce meurtrier est payée par l’énorme labeur chez celui qui cherche à comprendre.

Le triangle ou le noyau pervers

Une coalition se forme à partir d’au moins deux personnes visant à mettre en œuvre un fantasme commun d’indestructibilité et d’inviolabilité et l’obtention, par prédation aux dépends d’autrui, de gains narcissiques et matériels, en agissant en secret, transgressant les règles communes et attaquant et discréditant la vérité dans ses éléments et son principe même.

Deux à trois personnes, soudées par le narcissisme, liées ensemble par le secret d’une relation perverse – incestueuse. Ce noyau ne se forme qu’au sein d’un ensemble déjà constitué mais jamais formé par les membres fondateurs ou les animateurs positifs, car il ne fonde rien, il exploite en secret, à l’encontre du leadership. Ceux qui résistent sont éjectés, bafoués.

Le secret est la condition absolue de subsistance et de développement du noyau pervers, faisant régner la loi du silence, l’interdiction de dire et s’arrangeant pour que les rôles à l’intérieur soient indiscernables. Il progresse par insinuations et actions discrètes, se servant des uns pour disqualifier les autres.

Il y a un contraste remarquable entre l’habilité des manœuvres et la médiocrité intellectuelle (usages de clichés, « indigence mentale » dixit Racamier, etc.) et idéologique car la ruse supplante l’intelligence élaborative. Soit un contraste important entre une grandiosité prétendue et la médiocrité agie (effet-délire de tout noyau pervers).

C’est l’envie qui fait fonctionner, envie contre tout ce qui est créé et surtout créatif.

Les composants du noyau pervers auront été préalablement adoptés dans et par un milieu suffisamment accueillant pour délivrer un capital de confiance familière. Les prédations et dégâts progressifs seront tolérés et pas reconnus, sauf trop tard.

Effets :

– discrédit porté sur la valeur de la vérité, de façon contaminante : il n’est plus rien qui puisse être tenu pour vrai ni même pour vérifiable ;

– abaissement des idéaux communs, transgression insidieuse et disqualification des règles communes, subversion des rôles et des fonctions, étouffement des initiatives personnelles, baisse générale de la qualité professionnelle ;

– l’entourage est en position d’objet exclu mais nécessaire comme dépotoir.

But : prendre le pouvoir et s’emparer d’un objet convoité.

Le noyau pervers se fonde sur un délire de grandeur qui n’apparaît pas sous des dehors délirants. Le sentiment de toute-puissance et d’invulnérabilité est plus qu’un fantasme, c’est une intime conviction. Mais si l’essence est délirante, les modalités d’application pragmatique sont précises et socialement ajustées.

2. Le décervelage et la Pensée perverse

In secrets de famille et pensée perverse, Revue de psychanalyse familiale et groupale – Gruppo n°8, Éditions collège de psychanalyse – Paris – 1992

Le travail du moi

« […] la perversion narcissique proprement dite, […] comme “ une façon particulière de se mettre à l’abri des conflits internes en se faisant valoir aux dépens de l’entourage ” […] dont l’essentiel se résume en trois points :

  1. deuil et conflit : déni ;
  2. expulsion et exportation dans autrui : organisation du mouvement
  3. survalorisation narcissique et puissance : accomplissement du mouvement. »

Le travail du moi est double :

  1. travail de deuil, qui commence dès l’instant même où commence la croissance, conduit à la découverte de l’objet ;
  2. travail de conflit et de défense, ou d’élaboration du conflit et de la défense, conduit à l’aménagement de la relation à l’objet.

Ce qui n’est pas accompli devra quand même être fait mais par d’autres, selon un processus d’exportation ou d’expulsion du travail refusé, selon des méthode de transport spécifiques :

  1. Le transport se fera de proche en proche : un parent, un enfant, un apparenté, un ami, un milieu d’appartenance, ou enfin un thérapeute accueillant deviendront les portefaix.
  2. L’expulsion se devra d’être active, impérieuse, pressante, utilisant des moyens difficilement parables, consistant en faire-agir ; d’où une “réponse” elle-même active, un agir de la part des portefaix mis à contribution, de gré ou de force.

Le travail expulsé n’est pas transporté tel quel mais maquillé, défiguré ; arrivé à destination, il sera devenu méconnaissable.

Au passage notre trajet nous aura fait rencontrer deux défense majeures : le déni et le clivage. […] ces défenses-là ne s’accomplissent pas seulement au sein de la psyché, et pas non plus d’un seul coup. En effet elles nécessitent :

  • la mise hors psyché de certains processus d’origine intra-psychique ;
  • leur transport (auquel ne suffit pas l’identification projective) ;
  • et l’exécution de manœuvres complexes qui aboutissent à mobiliser l’entourage en vertu d’un faire-agir, qui va servir d’opercule à la défense et va donc en assurer le verrouillage.

Déni et clivage et expulsion

« Opérer un déni, […] de nature narcissique localisé mais impératif, comme un déni de faillibilité personnelle ou d’ambivalence propre, cela ne suffit pas. Encore faut-il en vérifier l’efficience : encore faut-il le verrouiller. » « Le verrouillage du déni, assuré par quelques symptômes, devra être garanti par l’entourage qui sera impérativement chargé de le cautionner, de le riveter. » « Le travail de déni est si permanent et si parfait, l’extr’agir est si puissant, le co-agir de l’entourage vient si étroitement s’appliquer sur les lèvres du clivage afin de colmater ou de calfater la fente, que le clivant, délivré de toute peine, imbu d’un confort parfait, offre à l’observateur médusé l’air de la parfaite innocence, tandis qu’à l’opérateur de la fermeture du clivage – et à lui seul – reviennent le doute, le malaise, le tourment, le moi déchiré, l’agir au bord des lèvres. »

Visées

1- verrouillage : « Ce qui frappe dans les expulsions qu’on vient de décrire, c’est la proportion flagrante qui se creuse entre le confort presque apparent de l’expulseur et l’immense inconfort où se trouve plongé le dépositaire de la charge expulsée. Des matériaux intrapsychiques insuffisamment travaillés par un sujet (ou tout aussi bien par un organisme familial ou groupal) se transforment en poisons psychiques expulsés dans l’entourage : à la disproportion quantitative entre les charges s’ajoute un contraste qualitatif inouï. »

2- socius : « […] la perversion narcissique est loin d’être une affaire individuelle : c’est une affaire collective »

Le mouvement pervers est loin d’être une affaire intrapsychique. C’est une affaire hautement interactive

3- l’envie : « Il s’agit d’éteindre et de tarir en soi cette envie dont a si bien parlé Mélanie Klein, dans l’un de ses derniers et meilleurs Écrits, cette envie prédatrice et tenaillante qui s’exerce avec virulence envers tout ce qui est capable de dispenser richesse psychique et créativité, à commencer par le sein maternel. Dès lors que l’objet est non seulement vidé, mais cloué au sol par les tâches qui lui sont infligées, dès lors qu’il est impérieusement soutiré, il n’a plus rien d’enviable, réduit qu’il a été à l’état d’ustensile. Le pervers narcissique accompli a tout à prendre à tout le monde, mais ne doit rien à personne. »

4- Immunités : « Aussi bien, dès qu’un brin de créativité passe, voit-on bientôt accourir un pervers, dans l’espoir d’y planter son bec : impuissant mais manoeuvrier, infécond mais prédateur. »

D’une double immunité : conflictuelle et objectale. […] il s’agit de se défaire de la charge plus ou moins lourde de conflits et de peines internes, et de se défaire de la dépendance plus ou moins béante envers l’objet, dispensateur à la fois de biens et de dépits.

Que ce soit par l’emprise et l’effraction, par la prédation, l’intimidation et la diffamation, le pervers narcissique vise toujours à disqualifier le moi de l’autre, dans l’espoir de soulager et de valoriser le sien. »

« Son procédé majeur, son arme, devrais-je dire, c’est la disjonction. Il s’agit de disjoindre les personnes, les informations, les pensées : il s’agit toujours de rompre des liens. La perversion narcissique constitue sans aucun doute le plus grand danger qui soit dans les familles, les groupes, les institutions et les sociétés. Rompre les liens, c’est attaquer l’amour objectal et c’est attaquer l’intelligence même : la peste n’a pas fait pis. »

Le pervers s’évertue à faire fonctionner la séduction à sens unique : il cherche à fasciner sans se laisser prendre aux rets de l’attraction objectale.

La pensée perverse

« La pensée perverse, c’est ce qui soutient les agirs pervers, et qui subsiste lorsque ceux-ci sont inhibés par un empêchement extérieur (Le Surmoi ne joue pas sa partie dans la perversité : il n’y a donc pas d’inhibition interne). »

« […] la pensée perverse est pauvre ; c’est qu’elle ne sait combiner que des déliaisons. Elle est déplaisante : c’est qu’elle n’est pas tournée vers le plaisir et surtout pas vers le plaisir de penser. »

« […] je pourrais, pour définir la pensée perverse, dire qu’elle est exactement l’inverse de la pensée créative et en particulier de la pensée psychanalytique. […]

Aveugle à la réalité psychique, celle de soi comme celle d’autrui. Du moment que son confort psychique personnel lui est acquis, le pervers n’a cure ni de fantasmes ni d’affects... Une pensée défantasmée donc, et dé-fantasmante.

« Insensible au psychique, mais très attentive aux réalités sociales, habile, opportuniste, et à ce titre “adaptée”, la pensée perverse sera toute tournée vers l’agir, le faire-agir et la manipulation. Insensible aux mouvances relationnelles, elle est toute dans l’emprise exercée sur les autres afin de les utiliser au mieux de ses intérêts narcissiques et matériels.

Nous sommes, nous autres psychanalystes, des têtes chercheuses de vérité : de vérité psychique. […]. De tels efforts sont dérisoires au regard de la pensée perverse. Vérité ou mensonge, peu lui importe : c’est l’efficience qui compte : il s’agit seulement, et en toute “innocence”, de savoir si les dires sont crédibles, et s’ils vont passer la rampe. Pour le pervers, ce qui est dit est vrai, et ce qui n’est pas dit n’est pas vrai. »

Excelle dans la transmission de non-pensée. »

« Ses deux anti-mamelles sont la créativité et l’intelligence.

Serait-elle simplement sotte ? Elle est pire : anti-intelligente. Nous retrouvons donc ici cette activité de déliaison et de disjonction qui caractérise essentiellement la pensée perverse […].

Le pervers, à son objet : « Renonce à penser si tu veux exister » ; « Si tu penses, tu n’es plus »

Bref, c’est l’objet-non-objet dans sa vacuité la plus calamiteuse. » « Cet objet aura été si follement utilisé ; exploité, détroussé, vampirisé sans vergogne ; discrédité […] ; abusé, trompé sous le couvert de cette fausse innocence que nous avons appris à connaître ; manipulé, empoisonné, et si je puis dire “emprisé”, qu’il sera insidieusement saisi […] d’un sentiment poignant de dangereuse étrangeté ; captif […] d’un filet de faux-semblants, pris entre la rage et le désespoir, il ne lui reste d’autre choix que de se déprimer ou de se révolter […]. »

Au sein d’un groupe. Le noyau pervers ne crée pas ; il infiltre ; il parasite ; il s’étend ; il se ramifie.

Tout cela, demandera-t-on, pourquoi ? […] pour le pouvoir. Pour venir enfin à bout de la créativité qui fait si cruellement envie aux inféconds lorsqu’elle émane des autres ; et pour la satisfaction de tuer la vérité […].

« Au demeurant, s’il est vrai que les pervers-réunis s’accrochent à leur proie comme des tiques, il est non moins vrai qu’ils se sauvent devant la chose la plus simple qui soit au monde : la réflexion. »

3. Perversions narcissiques

  • 3 / in « Entre agonie psychique, déni psychotique et perversion narcissique », in RFP, vol. 50, n° 5, 1986

Il est cependant vrai que les narcissiques les plus pervers se dérobent à notre regard de cliniciens ; mieux vaudrait même pour nous ne pas trop avoir à croiser leur chemin.

Pourchassant le conflit interne, toujours agie et parfois avec habileté, la perversité est tournée vers le social. Sa fonction est double : il s’agit pour le perversif d’assurer sa propre immunité par-devers le conflit et les douleurs de deuil, et de se valoriser narcissiquement (par rapport à des failles profondes et cachées), en attaquant le moi de l’autre et en jouissant de sa déroute ; cette déroute lui est ensuite imputée, ce qui fait que la jouissance perversive est toujours redoublée.

Quant à l’objet du perversif, ce n’est qu’un ustensile ; le sujet repousse toute identification à l’autre ; il entend n’éprouver jamais de reconnaissance ou de gratitude : son narcissisme ne les tolérerait pas (le psychotique, lui non plus, ne tolère pas ces sentiments ; il les éprouve quand même). Les pervers narcissiques ne doivent jamais rien à personne, cependant tout leur est dû.

Et quant à la principale défense du moi pervers, je la vois surtout dans les processus d’extradition (cf. 1985).

Certains affects parmi les plus importants (comme celui de deuil) sont transportables d’une personne à l’autre.

Le narcissique pervers se débarrasse des désillusions et des deuils qui le blessent ; il les extrade — non point par projection mais de par des manœuvres actives, il les extrade vers un ou plusieurs proches (conjoint, enfant, amis, collègues) ; ceux-ci se trouveront placés dans la nécessité de porter le fardeau d’un deuil qui ne leur appartient pas et qui de surcroît, au terme des transformations auxquelles il est soumis, devient méconnaissable et littéralement in-traitable (les disqualifications actives utilisées à ces fins ont été décrites et sont bien connues). Ainsi la sauvegarde narcissiquement perverse de l’auteur de ces manœuvres est-elle acquise au prix de la déroute du moi d’autrui.

Quant à la pensée perversive, elle est non pas souple mais extraordinairement élastique. Dans la psychose les mots sont surinvestis à la place des objets, mais dans la perversion narcissique, c’est la parole qui est surinvestie au détriment des êtres. Et ce n’est pas, comme dans la psychose, ce n’est pas la réalité qui est contre-investie, c’est la vérité. Pour eux, un mensonge qui réussit compte comme une vérité. D’où les surprenantes aptitudes de ces perversifs pour la falsification, l’imposture et l’inauthenticité (cf. encore P. Greenacre et J. Chasseguet).

Rien d’étonnant dès lors à ce que ces sujets suscitent les contre-transferts et les contre-attitudes les plus vivaces.

On sait pourtant bien que les batailles de narcissismes sont parmi les pires.

4. Les Schizophrènes

1980 ; chap. 2. De plusieurs constantes psychotiques, Où l’on oppose l’anticonflictualité des schizophrènes à l’intraconflictualité des névroses, p. 66, éd. Payot & Rivages, coll. Petite bibliothèque Payot, 2001.

« On s’attachera dans ce rapport à montrer que la schizophrénie s’organise de manière aléatoire le long du trajet qui va de la psychose aiguë à la perversion narcissique. »

Citations

1 : Pensée perverse et décervelage, 1992, Sources et trajets Définition, paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.

– « Envers la vérité en général et toute vérité en particulier la pensée perverse use d’une remarquable désinvolture. Plus que quiconque peut-être, nous sommes, nous autres psychanalystes, des têtes chercheuses de vérité : de vérité psychique […]. De tels efforts sont dérisoires au regard de la pensée perverse. Vérité ou mensonge, peu lui importe : c’est l’efficience qui compte : il s’agit seulement, et en toute « innocence », de savoir si les dires sont crédibles, et s’ils vont passer la rampe. Pour le pervers, ce qui est dit est vrai, et ce qui n’est pas dit n’est pas vrai. »

– « Son procédé majeur, son arme, devrais-je dire, c’est la disjonction. Il s’agit de disjoindre les personnes, les informations, les pensées : il s’agit toujours de rompre des liens. La perversion narcissique constitue sans aucun doute le plus grand danger qui soit dans les familles, les groupes, les institutions et les sociétés. Rompre les liens, c’est attaquer l’amour objectal et c’est attaquer l’intelligence même : la peste n’a pas fait pis. »

– « Insensible au psychique, mais très attentive aux réalités sociales, habile, opportuniste, et à ce titre « adaptée », la pensée perverse sera toute tournée vers l’agir, le faire-agir et la manipulation. Insensible aux mouvances relationnelles, elle est toute dans l’emprise exercée sur les autres afin de les utiliser au mieux de ses intérêts narcissiques et matériels. Pour elle, c’est le résultat qui compte. Les fins sont surinvesties au détriment des moyens. »

– « Le noyau s’est installé sans crier gare. Il a fait mine de participer à l’oeuvre commune. Agglutinant pour les utiliser ceux qu’il peut narcissiquement séduire, rejetant ceux qu’il ne réussit pas à capturer, le noyau entreprend de contaminer le milieu qu’il parasite. »

– « Afin d’économiser notre temps, je pourrais, pour définir la pensée perverse, dire qu’elle est exactement l’inverse de la pensée créative et en particulier de la pensée psychanalytique […]. C’est ainsi qu’elle se montre décidément aveugle à la réalité psychique, celle de soi comme celle d’autrui. Du moment que son confort psychique personnel lui est acquis, le pervers n’a cure ni de fantasmes ni d’affects. Une pensée défantasmée donc, et défantasmante […]. Baignant dans l’opulence de l’agir et dans l’habileté manœuvrière, il est dans le dénuement fantasmatique. »

– « [La pensée perverse] n’enveloppe rien ni personne. En revanche, à la manière d’une araignée, elle emballe ses proies, dans un filet serré de faux-semblants, de demandes non-dites et de mensonges explicites. Elle n’est faite que pour confondre l’autre. Elle fait effraction de toutes façons, y compris par l’agir et par l’extr’agir, dans le moi de l’autre ou du groupe. Elle contraint, empiète, pénètre, absorbe et dilacère, elle « prend la tête », opérant insidieusement à la façon d’une grenade à fragmentation.

Cette fragmentation, cette démentalisation, à la fois dévalorisante et disqualifiante, atteindra le partenaire obligé : le thérapeute par exemple. Comme elle essaime avec autant de force qu’elle disjoncte et disjoint, elle pourra contaminer des familles, des institutions et des sociétés entières. »

– « Le pervers narcissique se montre socialisé, séducteur, socialement conforme, et se voulant super normal : la normalité, c’est son meilleur déguisement. »

– « Je parle au singulier. Il faudrait parler au pluriel. C’est que la perversion narcissique est loin d’être une affaire individuelle : c’est une affaire collective, et à partir du moment où les espaces psychiques sont transgressés, nous savons que tous les débordements sont possibles.
Pareillement, le mouvement pervers est loin d’être une affaire intrapsychique. C’est une affaire hautement interactive. Car il est tellement, ce mouvement, tourné vers autrui, qu’il ne cesse de s’en servir. »

– « Je pense, oui je pense avec force et avec ténacité à la victoire de la vérité qui se libère sur les mensonges qui purulent ; de l’authentique sur le toc ; de la connaissance qui se gagne sur l’imbécilité qui se pavane ; et des charmes de la créativité libidinale sur les miasmes inféconds de la perversité. Oui, je pense avec ferveur à la qualité de l’esprit. »

– « Le mouvement pervers narcissique se définit essentiellement comme une façon organisée de se défendre de toute douleur et contradiction internes et de les expulser pour les faire couver ailleurs, tout en se survalorisant, tout cela aux dépens d’autrui. »

« La perversion narcissique s’organise : elle sera ce qui empoisonne les autres, sans du tout incommoder celle ou celui qui l’exerce.

– Une double opération sera donc menée à bien, qui consiste : — à expulser hors de soi les conflits ou leurs traces et les douleurs ou les peines, sur le dos et dans la tête des autres, à charge pour eux de les héberger et de les agir ; — à augmenter la valeur narcissique propre au détriment de l’autre, employé comme ustensile et comme faire-valoir. »

– « La perversion narcissique s’organise : elle sera ce qui empoisonne les autres, sans du tout incommoder celle ou celui qui l’exerce.

Une double opération sera donc menée à bien, qui consiste :

– à expulser hors de soi les conflits ou leurs traces et les douleurs ou les peines, sur le dos et dans la tête des autres, à charge pour eux de les héberger et de les agir ;

– à augmenter la valeur narcissique propre au détriment de l’autre, employé comme ustensile et comme faire-valoir. »

Noyaux pervers

– « A moins d’être complices, les victimes de la perversion narcissique sont à plaindre et plus encore à protéger. Les plus exposés au danger, ce sont les schizophrènes […]. Les schizophrènes, incertains comme ils le sont de leur propre moi, narcissiquement béants, prêts à tout pour plaire et prompts à périr de faux-semblants, sont les proies préférées du narcissisme pervers. »

Quelques traits remarquables du pervers narcissique

– Immaturité

Resté au stade infantile, il vit essentiellement dans le présent pour satisfaire des besoins qui doivent être immédiatement assouvis. Il ne supporte ni la critique ni la frustration.

– Bonimenteur

Sa capacité oratoire, hors toute réalité, le rend capable de capter tout un auditoire en racontant n’importe quoi.

– Narcissisme

Incapable d’aimer ni d’avoir le moindre sentiment pour autrui, avec un égo surdimensionné, naturellement arrogant, il n’hésite pas à jouer les modestes ou les fragiles, les victimes surtout, pour dissimuler son caractère.

– Charismatique

On lui prête naturellement des qualités de leader car c’est un grand séducteur. Si sa proie a de l’argent, du pouvoir, du prestige, il mettra tout en action pour gagner sa confiance et mieux la duper ensuite.

– Caméléon

Se comportant en véritable caméléon, il adapte son stratagème en fonction des personnes et des lieux qui l’entourent. Certains tombent dans ses pièges en buvant ses paroles, d’autres les percent à jour. Très communicant, il a un talent naturel pour se faire valoir, et s’attribue les qualités et les travaux de ses collègues qu’il prend soin d’écraser au passage, jusqu’à usurper le parcours professionnel d’autrui, même celui de personnes décédées. Adepte du faux curriculum vitae et des faux diplômes, il navigue de mensonge en mensonge, s’adapte – malhonnêtement – en fonction de son interlocuteur du moment. Lorsqu’il s’aperçoit qu’un collègue a compris son stratagème et qu’il risque de faire tomber son masque, il le traque.

– Manipulateur hors pair

Il n’hésite pas un seul instant à faire culpabiliser les autres avec un aplomb déconcertant. Il tient volontairement des propos très flous pour déstabiliser son interlocuteur et éviter aussi de s’impliquer. En général il se sert d’un tiers pour tirer les ficelles et semer la discorde.

– D’une labilité logique

Il fait des erreurs de raisonnement, accorde de l’importance à certains faits qui lui sont propres et en minimisent d’autres. Son esprit pauvre comme sa mémoire se concentre uniquement sur ce qui l’arrange. Menteur né, il va sans aucun problème de contradiction en contradiction. On ne peut pas compter sur lui, tant ses promesses ne sont pas tenues. Habitué des lapsus et des actes manqués révélateurs, en cas de dommage dû à leurs faits, il minimise toujours sa responsabilité.

– Dangereux téméraire

Dépourvu de toute moralité et du sentiment de la peur, il prend plus de risques que la moyenne. Irresponsable et incapable d’anticiper, il lui est impossible d’envisager les conséquences de ses actes. De toute façon, ce n’est jamais sa faute mais celle des autres. Incapable de se projeter dans l’avenir, il vit sur l’éphémère.

– Sans remords

Il ne se sent aucunement responsable, se positionne sans hésiter en victime, et culpabilise les autres. Son bouc-émissaire, omniprésent pour lui, est selon ses dires seul responsable.

– Agressif

Il se montre très souvent agressif, menaçant, abuse des procédures juridiques, passe son temps à dire du mal des autres, à les rabaisser, les humilier et ce dans l’unique but de leur voler leur estime d’eux-mêmes.

– Aucune empathie

Incapable d’éprouver le moindre sentiment d’empathie, il se nourrit des émotions des autres, entre dans le cadre de leurs préoccupations sans vergogne et les imite pour leur faire croire qu’il éprouve, comme eux, des sentiments. Quoi qu’il arrive, il n’éprouve pas de remords.

– Paranoïaque

« Tel je suis, tel je crois les autres » est la devise qui le caractérise. Il attribue aux autres ses propres malfaisances.

– Dominateur

Il veut tout contrôler, tout diriger autour de lui, s’entourant uniquement de personnes fragiles et malléables pour satisfaire ses besoins. Il traque ceux qui lui font de l’ombre, et les éloigne sans ménagement.

– Criminel prédateur

Dépourvu de toute émotion, il vampirise sa victime, la dépossède de tous ses repères pour le détruire psychiquement. Il commet le crime parfait.

(Voir : Souad Ben Hamed, Approche clinique de quelques mécanismes pervers narcissiques. La face cachée de la relation ; Préface de Maurice Hurni, collection : Psycho-Logiques, L’Harmattan, 2016).

 

Chez Freud, la perversion fut :

  • en 1905 : une fixation de l’amour de soi ;
  • puis en 1914, c’est la fixation même qui produit la perversion, c’est-à-dire qu’elle est un avatar narcissique, une stase du développement de l’idéal du moi.

Perversion : être de nouveau son propre idéal.

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[i] Voir Paul-Claude Racamier (1924-1996) : Les perversions narcissiques, Payot & Rivages, 2012.

[ii] Voir les travaux de Jeanne Defontaine :

  • « Quelques aspects du transfert dans la perversion narcissique », Revue française de psychanalyse, 2003/3 (Vol. 67) ;
  • L’empreinte familiale : Transfert, Transmission, Transagir, L’Hamattan, (collection : Études psychanalytiques), 2012 ;
  • Dérives perverses dans le couple et blessures d’enfance, L’Harmattan, collection : Études Psychanalytiques, 2019.

[iii] P.-C. Racamier décrit une forme extrême de perversion narcissique, la folie narcissique, qui est « une suractivation effrénée » de la première. Elle se met surtout en place sous l’effet de la réussite et non de l’échec où « le moi est mis à feu […] le sujet nage dans la jouissance narcissique ». Il existe un sentiment d’invulnérabilité liée à une « mégalomanie maligne », maligne car envahissante et dangereuse, voire destructrice, proche d’un état délirant. Le sujet est submergé par une toute-puissance qui ne laisse place à aucune limite, sauf à un moment à ne plus pouvoir monter plus haut, amenant alors à un retour de réalité par anéantissement du sentiment d’invulnérabilité, ruine pouvant amener au dernier acte de toute-puissance qu’est le suicide. In Racamier PC. Le génie des origines. Paris. 1992.

[iv] Racamier P.-C., Les schizophrènes, Paris, Payot, 1980.

[v] Racamier P.-C., Le génie des origines, Paris, Payot, 1992.

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