Joël Bernat : « Le genre comme aliénation de l’individu et de sa singularité » (Ou de la massification contre l’identité individuelle)

Texte entièrement revu, corrigé et augmenté, d’un article paru dans L’Évolution Psychiatrique, T.80, n°2, IV/2005, sous le titre : « Le genre pour tous, contre l’identité pour soi », aux pp. 251-262.

Winnicott faisait la différence entre ceux qui vivent simplement, c’est-à-dire de façon passive et soumise, en obéissance à ce qu’on leur a demandé ou commandé, et ceux qui cherchent à réellement exister, c’est-à-dire de façon active, en tentant de s’inventer, en accord avec ce qu’ils éprouvent au fond d’eux.

Face à ce projet de devenir soi-même, projet dit pindarique cher à Freud ou à Nietzsche, vient en opposition quelque chose qui n’est pas du tout nouveau mais toujours actuel : la notion de genre. En opposition fondamentale puisque, si exister est singulier, le genre est une norme collective : donc déjà ici l’opposition entre l’individu et la masse.

Cette notion de genre suscite beaucoup de théorisations mais sans faire unanimité, voire c’est une notion source de bien des conflits assez virulents, constat qui de ce fait nous indique qu’il y a là une dimension symptomatique. Dit autrement, cette notion fait symptôme et suscite parfois des réactions agressives, des prises de positions loin d’un vrai débat de pensée. Le genre serait-il une notion pathologique ? Voire même le signe d’une pathologie de masse ?

1 : Le « genre » : est-ce vraiment une notion nouvelle ?

Si par exemple vous allez voir du côté de Wikipédia, vous y lirez que le genre[1] est une notion récente. Pourtant le terme est ancien puisqu’il vient du latin genus, qui a donné en ancien français « gendre ». Il a d’abord le sens de « catégorie, type, espèce », puis il prend le sens de « sexe » au XIIIe siècle… En fait, ce n’est que son apparition comme concept et surtout son actuelle médiatisation qui donne cette impression de nouveauté théorique, d’objet nouveau. On trouve cette définition : « C’est autour des années 1970 que le concept de genre a émergé dans sa forme actuelle, afin de distinguer le sexe (notion biologique) du genre, qui lui relève des sciences sociales. »  En fait là non plus puisque l’on dit que cette notion fut introduite par le psychologue et sexologue John Money en 1955, avec cette définition : « le terme de rôle de genre est utilisé pour désigner tout ce que dit ou fait un individu pour se dévoiler […] comme ayant, respectivement, le statut de garçon ou d’homme ou bien de fille ou de femme. Il inclut, sans y être limité, la sexualité au sens de l’érotisme »[2].

Et voici le genre inscrit dans une pensée binaire, c’est-à-dire la pensée infantile infantile, proposant une alternative : le corps biologique anatomique ou les normes sociales.

Ce binaire a déjà une fonction visible et audible : exit ce qu’il y a entre biologie et société : c’est-à-dire la vie psychique… rien que cela. Ce qui est normal dès lors qu’il s’agit d’une norme : une norme ne permet pas la multiplicité et donc pas de place pour l’individu singulier. Une norme massifie et abrase les différences. De plus, la norme impose une pensée primaire binaire contre tout ce qui ferait tiers, tout ce qui serait entre deux notions.

C’est certainement ce refoulé du singulier qui fait retour dans les débats théoriques, produisant une multiplicité de théories en lieu et place de la reconnaissance de la multiplicité des êtres.

Or, ni le mot ni la chose qu’il désigne (le genre) ne sont nouveaux, et cette affirmation de nouveauté n’est possible qu’en déconnectant cette notion de son origine, et de son histoire, et cela grâce à un refoulement[3] qui permet de soutenir cette idée de nouveauté. Nous devons dès lors tenter de saisir ce qu’une telle affirmation de nouveauté (c’est-à-dire : comme si rien n’existait avant) va opérer. Nous pourrions dire, dans un premier temps, que cette notion même de genre masque son origine et son intention… Et si cela relève d’un refoulement, alors quelque chose est caché et fait retour autrement, sous une autre forme, sur une autre scène.

Par exemple, une autre définition du genre l’inscrit comme par principe, entre, entre l’anatomie et le psychique, là où s’inscrit aussi, par exemple, la sociologie, mais aussi là où Freud avait inscrit la réalité psychique… Cette prise de place entre a pour effet de faire disparaître :

  • la réalité psychique – qui du coup, je le redis, ne fera que revenir en force dans les témoignages des individus ;
  • ou encore, par rapport à ce que nous enseigne la sociologie, cela fait disparaître le poids des règles sociales ou en efface les origines humaines.

Déjà, cette notion de genre efface donc, en prenant la place, l’histoire, la constitution d’un socius et la réalité psychique… Effacement assez typique de la culture et de la morale américaines comme l’illustre l’opposition du créationnisme contre la théorie de l’évolution de Darwin.

2 : La relation personnelle à l’histoire

En effet, à l’instar du névrosé qui est pris dans des répétitions suite aux refoulements, nier ou refouler l’histoire est ce qui en produit la répétition. Ainsi le refoulement, ou le mépris de l’éclairage par l’histoire, sont révélateurs des fantasmatiques qui opèrent dans le présent, mais fantasmatiques déplacées sur une autre scène, une nouvelle scène, déplacement souvent masqué par des arguments bien naïfs tel celui de la croyance en un progrès de l’humain, croyance qu’il y aurait du nouveau dans cette autre scène, qu’elle n’est pas la même, etc., ce qui sert à nier la scène originaire.

En fait, l’histoire est un objet psychique (au même titre par exemple que le temps) participant de la réalité psychique, ce qui veut dire qu’elle n’est qu’à mon service ou au service de ma problématique personnelle et de ma réalité psychique, et que d’une certaine façon nous avons l’histoire dont nous avons psychiquement besoin, ce qui faisait dire à Nietzsche qu’ « Il n’y a pas de faits, il n’y a que des interprétations[4] ». L’histoire est un objet, et la question est le mode de relation à cet objet et non pas l’objet en soi. Car ce mode de relation transforme l’objet et lui donne une fonction toute personnelle.

Le rapport à l’histoire n’est donc que mon rapport à mon histoire, c’est une de mes visions-du-monde. Si le temps (externe) est scientifiquement mesurable – c’est une convention, une norme -, le temps psychique, vécu, n’est que mon temps[5] et seulement mon rapport à cet objet psychique interne : c’est un temps individuel. [6]

3 : Où situer psychiquement le genre ?

Selon plusieurs définitions, le concept de genre permettrait de rendre compte, de traduire l’écart entre l’anatomique et le psychique, entre le génital et le social, du fait d’être localisé entre ces notions binaires. Ce serait une sorte de medium, d’élément tiers, qui permettrait de révéler des processus de représentations et de constructions sociales et culturelles qui, selon d’autres théories qui ne reconnaissent pas cette dimension, sont versées, soit du côté anatomique et biologique (la Nature par exemple), soit du côté du psychique, comme on peut le lire dans des théories qui reposent et s’affrontent sur cette simple opposition binaire.

Cette position entre vient ainsi éclairer une autre dimension, celle de la construction sociale du sexe, détachée de sa nature biologique et de sa dimension psychique individuelle pour en faire une construction collective, c’est-à-dire une : norme.

Or cette place du genre ne fait que reprendre la place entre occupée par ces mêmes constructions sociales. Le genre n’en est qu’un prolongement. Qui plus est, le genre vient prendre la place de ce que Freud avait mis en avant, la réalité psychique, ainsi refoulée et remplacée par une réalité sociologique, qui se présente et s’impose comme réalité pour tous.

En effet, le genre vise à produire l’affirmation d’une identité générale, ou du moins quelque chose qui est présenté et s’impose comme identité alors qu’il ne s’agit que d’une appartenance, ce qui créé une assignation, voire une aliénation, et ne peut que produire une tension conflictuelle entre individu et groupe ou société, conflit pour le moins connu de tous temps. Que ce conflit se dise en termes psychiques ou en termes anatomiques est secondaire par rapport à ce qui est premier, et que l’on pourrait résumer en cette question :

« Comment être soi-même sans me perdre dans un groupe qui me dit comment être, pour y être admis ou y rester ? »

Question qui parcourt l’existence individuelle, et ce dès le plus jeune âge. La notion de genre, vient, nous semble-t-il, occulter par les termes employés, quelque chose d’autre qui nous semble plus fondamental : l’expérience vécue (Erlebnis) qui est, elle, unique. C’est ce que refoule toute norme dans une dialectique opposant : individu singulier versus masse collective.

4 : L’altérité comme diversité

L’on entrevoit dès lors que la question du genre n’est qu’un prolongement parmi d’autres possibles d’une question plus première, celle de l’altérité, et donc de la diversité, et qu’à sa façon le genre vient s’y opposer par sa volonté de généralisation, voire d’uniformisation, en s’appuyant sur une logique binaire (typique de la pensée infantile), celle par exemple de la différence, logique facile mais statique parce que simplement duelle, là où le sexuel produit des multiplicités, des pluralités : le genre serait une contre-force, un contre-investissement, un refoulement du singulier. Une preuve – ou un symptôme – de cela serait donnée par le fait de la pluralité des définitions du genre comme signe d’une tentative de re-individualiser la norme à l’insu des penseurs selon le principe du retour du refoulé : la pluralité niée des individus fait retour en une pluralité des théories, ce que l’on doit comprendre comme tentatives de re-individualiser (voire même, de re-humaniser ?) les théories ou de les re-singulariser : mais ce n’est pas possible puisque une théorie massifie, donc elle désindividualise et fait norme.

De plus, le débat est ainsi déplacé (refoulé) et porte non plus sur les différences sexuelles individuelles mais sur les différences théoriques … La question de départ est alors perdue de vue : non plus celle de l’être mais celle de la pensée… c’est un détournement pervers.

Mais alors, on ne peut plus accepter cette définition du genre comme étant entre le sexuel, le sexe et le social (ce n’est que son souhait de se vouloir concept limite), car dans les faits et les résultats, il est bien plutôt une tentative d’endiguer, cadrer voire effacer les altérités individuelles pour instaurer à la place une norme pour tous, une massification contre l’individuation, et de prendre la place des dimensions anatomiques, psychiques et existentielles.

5 : Une norme collective produit une haine individuelle

Ce fonctionnement n’est ni nouveau, ni sans conséquences. Par exemple, Jan Assmann, étudiant les cultures antiques, faisait remarquer que :

« les distinctions culturelles, religieuses ou intellectuelles […] construisent un monde qui ne regorge pas seulement de significations, d’identités et d’orientations, mais aussi de conflits, d’intolérance et de violence[7]. »

C’est exactement ce que produit la notion de genre ainsi que toute normalisation afin de cohérence sociale (par ailleurs nécessaire) : cela suscite en retour des réactions individuelles violentes, moyen spontané pour l’être de faire retour et de faire entendre son expérience vécue. Dit autrement, cette réaction est une tentative de se désaliéner d’une norme qui efface le sujet et lui demande une soumission.

Car la construction d’une identité individuelle est indissociable de la constitution et acceptation des altérités aussi bien par le collectif que par l’individu. Sinon, il n’y a que des normes, imposées à tous : c’est ce que bien des auteurs, après la première guerre mondiale et ce qui fut dénommé la première tuerie de masse, ont tenté de formuler et de dénoncer, comme Canetti, Freud, Reich ou Jung pour qui, par exemple, la massification produirait tyrannies et doctrines, idéaux et abstractions, et donc des anonymats : l’individu serait de plus en plus ravalé à n’être qu’une fonction de la société :

« […] une personnalité fictive et factice […] image abstraite qu’a sécrétée le rationalisme des sciences de la nature.[8] »

La massification ne produit qu’une illusion superficielle de communauté, c’est-à-dire une addition de zéros, ce qui n’a jamais donné une unité. Pour Jung, la Science produirait de la masse en ce qu’elle déshumanise, dépersonnalise, instrumentalise, manipule, désindividualise, y compris les Sciences Humaines : car elles tracent un portrait général de l’humain sur des bases statistiques et ne relèvent que du seul discours de la Raison :

« […] c’est l’individu qui, en tant que donnée irrationnelle, est le véritable porteur de la réalité. C’est dire que c’est l’individu qui est l’homme concret, par opposition à l’homme normal ou à l’homme idéal qui, lui, est une abstraction, cette abstraction étant la seule base des formules scientifiques. […] l’efficacité psychologique qui émane d’une image statistique du monde : elle refoule l’individu au bénéfice d’unités anonymes qui rassemblent en groupement de masses[9]. »

6 : L’invention grecque du genos (genre)

L’oubli de la longue existence de la notion genre permet donc de refouler certaines choses et de masquer l’origine et l’intention de cette notion : d’une certaine façon, ce refoulement maintient en conséquence une sorte d’interdit d’y toucher et de le penser, voire même que cette notion à visée normative porte de ce fait en elle-même l’interdiction de la penser. C’est pour cela que des mouvements dits transgressifs et provocateurs virent le jour, comme le Glam rock et bien d’autres, comme seul moyen, par l’agir, la mise en actes et la mise en scène, de faire bouger quelque chose que le discours ne réussit pas à faire bouger et d’ainsi réintroduire la question de l’individu et de son expérience.

Le genre n’est pas vraiment une invention grecque[10] mais ce sont des Grecs dont nous tenons le plus, et aussi du fait de la masse des écrits conservés sur l’élaboration et l’imposition du genos, mot grec pour dire le genre. Ces Grecs qui ont créé des lois sur les genres (surtout Solon, voir infra) car, ainsi que J.-P. Vernant nous le rapporte, ils étaient animés d’une préoccupation fondamentale dans leur pensée :

« Pourquoi y a-t-il des femmes ? »

C’est-à-dire pourquoi y a-t-il de l’autre ? C’est le fondement de la question du genre mise en acte sur la scène de la différence anatomique des sexes.

La mythologie grecque postule qu’il y eut un Âge d’Or, du temps de Kronos, c’est-à-dire un temps sans femmes et donc sans division, temps qu’évoque Euripide dans son Hyppolite :

« Ô Jupiter, pourquoi as-tu mis au monde les femmes, cette race de mauvais aloi ? Si tu voulais donner l’existence au genre humain, il ne fallait pas le faire naître des femmes : mais les hommes, déposant dans tes temples des offrandes d’or, de fer ou d’airain, auraient acheté des enfants, chacun en raison de la valeur de ses dons ; et ils auraient vécu dans leurs maisons, libres et sans femmes[11]. »

Ce mode de pensée se retrouve à toutes les époques, par exemple dans la Cymbeline de Shakespeare ou chez Milton dans son Paradis perdu :

« Oh, pourquoi Dieu, sage créateur, qui peupla les cieux d’esprits mâles, créa-t-il ensuite cette nouveauté sur la terre, ce beau défaut de la nature ? Pourquoi n’a-t-il pas tout d’un coup rempli le monde d’hommes, comme il a rempli le ciel d’anges, sans femmes ? Pourquoi n’a-t-il pas imaginé une autre voie pour perpétuer la race humaine ? » (X, 888)

Ce qui est à remarquer est qu’il s’agit d’un temps sans sexualité, les hommes vivant avec les dieux. Pour diverses raisons, un conflit sera la source de l’invention de la femme – et donc de la sexualité – : Pandore[12] est la première femme (crée par Zeus, selon Hésiode[13]), de même que dans les mythes monothéistes plus tardifs comme, par exemple, celui d’Adam et Ève : là aussi, tant qu’il n’y a pas de sexualité, c’est-à-dire tant qu’il n’y a pas de division, les humains vivent avec les dieux, mais la femme est seconde, appendice de l’homme, un ajout, donc soumise (mise sous). Elle est soumise par nécessité ! si l’on en croit les mythes, car si elles sont indépendantes, elles sont figurées comme source de catastrophe : Pandore, Lilith (remplacé par Ève), etc.

Selon les mythes, vint un temps d’intervention divine qui crée la « grande séparation » : désormais, il y a du deux : des dieux et des humains, de l’homme et de la femme, et ipso facto, dès qu’il y a deux sexes, est créé le genos. Remarquons que cette séparation résulte d’une faute et que celle-ci sera mise au compte de la femme : soit le premier pas dans la création du genre.

Donc, que ce soit avec Pandore, Ève, Lilith ou le mythe de l’Androgyne selon Aristophane, c’est une coupure qui crée le genre ; double ici car outre l’opposition des sexes ainsi créée, il y a une séparation des hommes d’avec les dieux : s’ils sont les dieux sont auteurs de la coupure comme punition, ce sera aux humains d’en gérer les effets, parmi lesquels la perte de l’omnipotence. Bien évidemment, au travers de ces récits de formes mythiques, on y entend le développement de l’être humain : l’enfant vit d’abord avec des parents qui lui paraissent omnipotents, tels des dieux, puis avec l’apparition de la sexualité, une séparation s’opère : s’il se sent peu à peu individu, il éprouve en même temps des impuissances.

Peu à peu, le genos va permettre d’organiser cette différence et faire passer d’une pluralité des sexes (aussi bien anatomiques que psychiques) à une symétrie binaire et hiérarchisée : c’est-à-dire maîtrisable par et pour la pensée seulement, et au service d’ordre d’une société.

7 : Déplacement de la coupure, de la division

Une remarque :

  • la première séparation, qui est une punition, fait perdre la puissance aux humains et les sépare des dieux (à l’instar des parents et des enfants). Les humains sont porteurs de la faute et se retrouvent entre dieux et bêtes ; dès qu’il y a genre, l’humain perd sa puissance en perdant sa proximité des dieux ;
  • la seconde séparation déplace la coupure : entre hommes et femmes : si cela crée la femme, c’est en lui faisant porter la faute de la séparation, ce qui va dédouaner les hommes et soumettre les femmes en fautives ;
  • enfin, pour bien fixer les choses et leur donner un lieu, la coupure (et la faute) sont inscrite sur le corps de la femme dès lors que l’on croit qu’elle est castrée, que son sexe est une fente résultant d’une coupure, etc. Ainsi l’homme est absout…

Ce qui est aussi remarquable est que cette histoire fait de la sexualité :

  • Le lieu de la faute, répétée,
  • Et une tentative de retrouver la toute-puissance originelle, d’avant la division/

8 : Classifications : deux thèses extrêmes

Ainsi, dès qu’il y a séparation (souvent source d’opposition et donc de conflit), apparaissent ordre et classement hiérarchique, selon un critère de base : la femme est inférieure et –  pour preuve ! – du seul fait de cette affirmation : elle vient en second… accouchée par un homme ! L’homme comme mère de la femme… Le mythe monothéiste renverse celui de Gaïa par exemple.

En fait, il y avait deux modes grecs de représentations de la différence des sexes, qui reposent sur la même thèse explicative : il y eut une coupure (et non quelque chose déjà-là, de tous temps, ce déjà-là, anatomique, est dénié) : le souci de sens, d’explication, contre le constat de la différence, est ce qui créé l’idée de coupure, de séparation. L’invention du genre repose sur cette première interprétation : il y avait du un, puis il y a du deux, qui résulte d’une coupure (dont témoigne le terme latin de sexus tiré de sectus ou secus, et du verbe seco : coupé, en latin) et qui crée donc un système de logique binaire mais des thèses différentes :

  • La thèse d’Hésiode :

la différence des sexes est de suite transformée en opposition – et donc en conflit – des sexes, puis dans un second temps en une hiérarchisation des sexes, selon un rapport dominant / dominé justifié par un supposé ordre d’apparition : il y eut les hommes, puis les femmes (ou encore : les femmes n’existaient pas, seuls les hommes), ce que l’on retrouve dans la Bible : Adam, puis Ève, ce qui inverse le rapport biologique (nous naissons d’une femme) ce qui supprime la puissance du sexe féminin[14]. Dans les mythes chtoniens, c’est la femme qui est première : Gaïa est là avant toute chose et s’autoféconde d’Ouranos avec qui, par la suite, il enfantera le monde. Voir aussi les « bagarres » autour de qui procrée : la femme et son ventre, ou l’homme et sa semence ? On entend dans ces questions la pathologie de la quête et de la preuve du sentiment de puissance. Visiblement, l’écart, la différence, sont ici vécus comme menaces…

La séparation, via la figure de Pandore, est pensée comme création externe et donc une imposition de l’altérité : elle fixe des places, des catégories, elle assigne ;

  • La thèse d’Aristophane[15]:

s’il y a bien une coupure (la division de l’Androgyne primordial en deux), la différence est créée simultanément (donc pas de hiérarchie des sexes) et produit une perte égale pour les deux sexes (la division fait perdre la toute-puissance) ; or, cette perte devient une source de mouvement, c’est-à-dire qu’elle impose la quête d’une retrouvaille de la moitié perdue, et de la puissance perdue : ici il y a l’imposition interne d’une altérité interne. L’omnipotence est donc retrouvée ou revécue dans la re-fusion, la réunion, c’est-à-dire la suppression de l’écart ou de toute altérité et non pas dans un rapport de force, de domination comme chez Hésiode où la toute-puissance se veut du côté d’un seul sexe (selon une logique phallique). Cette thèse indique aussi une fonction majeure de la sexualité, non pac celle de la domination d’un sexe sur l’autre, mais leur alliance afin de revivre un sentiment de complétude réparateur.

Nous voici donc avec deux types de coupure et donc deux conceptions du genos :

  • Le rapport des genres est horizontal chez Aristophane, créant des alter ego: nous sommes tous égaux dans la même problématique ;
  • Le rapport des genres est vertical chez Hésiode, sur le mode de domination de l’un et dévalorisation de l’autre : c’est cette représentation qui l’emportera et sera renforcée par les monothéismes qui feront primer un seul sexe (l’on pourrait même parler de mono-sexuation, voire d’homo-sexuation). De plus, ici écart et différence sont de suite posés comme source du conflit, voire d’une menace : c’est cette conception qui est le sol de cette notion de genre.

Ces deux thèses, bien qu’opposées, sous-entendent pareillement l’existence d’un avant, un Âge d’Or, figurant un état d’omnipotence (selon une vie en bonne entente avec les dieux), une sorte de temps pré-historique, car avant la sexualité, du moins génitale, c’est-à-dire d’avant la question de la différence des sexes (chez Freud, c’est le temps de l’autoérotisme de la sexualité infantile).

En opposition à ces représentations explicatives d’une différence des sexes, il y a d’autres représentations grecques qui ont plus à voir avec l’identité sexuelle en opposition au genre.

  • La Thèse de Déméter :

Pour en donner un exemple rapide, pensons à celui de la déesse Déméter triste et endeuillée, qui retrouve sa puissance en voyant la vulve que lui exhibe sa servante Baubo[16] : la déesse se retrouve en retrouvant la puissance de son sexe et de son identité. Si la mère est endeuillée et impuissante, la femme garde la puissance de son sexe, c’est-à-dire de son être. La coupure serait ici interne et auto, humaine et non divine, liée à une double fonction psychique : être mère et être femme, parfois dans un rapport conflictuel interne (et que la morale vient mettre en opposition, donc en conflit).

9 : Effet de partition, effets du langage

La question grecque (« pourquoi y a-t-il des femmes ? ») est en fait la mise en tension, et en scène, d’une autre question, plus première : « pourquoi y a-t-il de la différence, de l’autre ? », question qui est repoussée non plus à l’intérieur de soi (comme signe de problème personnel) mais à l’extérieur, dans la scène sexuelle. La réponse ne peut être qu’individuelle et une théorie générale qui traiterait cela par la seule force de son discours reste utopique et relèverait de la croyance en la toute-puissance imaginaire du langage et de la pensée : le mot prendrait magiquement la place de la chose, ou bien que le mot serait la chose…

Car c’est bien le langage qui s’empare d’un fait biologique et qui vient le recouvrir en y (im-) posant son ordre propre : le genre n’est qu’un fait de langage et l’opposition qu’il crée est due à la seule binarité qui lui est spécifique : le blanc existe parce qu’il y a du noir [17]. Pour exemple, Pythagore et ses disciples classèrent le monde en deux catégories, notamment quant au biologique : ce qui est femelle serait humide et froid (car elle serait faite d’eau et de glaise, donc de matière et passive – réceptrice…), ce qui est mâle serait sec et chaud, etc. A cela pourrions-nous appliquer la critique de Benveniste[18] sur Aristote : on croit décrire des catégories de l’être, mais ce ne sont en fait que des catégories du langage, prises pour des réalités réelles dans la croyance en la toute-puissance magique du verbe[19].

Puis les analogies viennent renforcer ces catégories et créer des pseudo-évidences plus ou moins symboliques (le symbole est pris pour de vrai, effaçant sa construction et son fondement imaginaire et défensif, car il naît d’un déplacement, selon une pensée magique). Par exemple, le ventre de la femme[20] serait à l’instar du sillon de labour, un récepteur passif qui reçoit la semence fertilisante : donc la femme est terre et matière, donc elle subit, passive, donc inférieure, donc, etc.

Ainsi le genos permet de transformer les altérités en oppositions puis en hiérarchies, le qualitatif (l’individuel) en quantitatif (normes générales) qui, lui, est mesurable (voir Stoller[21]), de transformer la chose ou l’anatomique en discours, et donc de se donner comme loi imposée pour organiser et ordonner une société : ce qui est bien sûr, en partie une nécessité, et un échec quand cela devient une massification puisque cela serait au prix de la disparition ou de la réduction de l’individualité.

Le genre est un outil d’ordonnancement social et non l’énoncé d’une vérité.

10 : L’invention du Gynéconome

Pour réaliser et imposer ces normes de genre à un peuple, il est requis un « bras armé ». Pour ce faire, la Cité va élaborer un code de lois pour contenir la puissance désorganisatrice du sexuel. En Égypte[22] comme à Athènes[23], au IVe siècle avant J.C., existait un magistrat, le gynéconome[24], dont la fonction était de surveiller l’obéissance aux normes de comportements édictés selon les sexes, notamment des femmes, lois définies par le sénat de la nouvelle république athénienne[25]. Les genres étaient établis, et réglaient la façon de s’habiller, de se suicider, de se comporter dans les rues[26], etc., et ceux qui en dérogeaient étaient alors punis – jusqu’à être exclus de la cité selon le rite du bouc émissaire. Se laisser aller à soi-même se heurtait au contrat social et ne pouvait qu’être sanctionné. En témoignent les lois mais aussi le théâtre, deux éléments clefs de transmissions du genre[27].

Au fil des générations et des transmissions, ces lois sont devenues et vécues comme naturelles du fait qu’elles sont passées dans les mœurs (c’est-à-dire la culture et l’éducation), et que leurs aspects de décision légale (Solon et ses fantasmes par exemple) est ainsi peu à peu voilé et caché derrière l’argument de la Nature.[28] Lorsque la religion monothéiste eut pris le relais, cela devint : au bon citoyen croyant, est promis la récompense du Paradis, à l’individu, l’Enfer comme punition.

Le genre n’est ainsi absolument pas une invention du XXe siècle, il est tout au plus une redécouverte qui répète en toute logique sa construction : un contrat social qui s’oppose à l’être individu pour faire masse, et une tension entre le supposé naturel et le légal, la Nature (ici individuelle) et la Culture (posée comme nature collective), ce qui convoque donc la médecine et la justice, nouveaux gynéconomes potentiels. Ce que l’on retrouve aujourd’hui, avec ce qui est considéré comme déviances par rapport à une norme de groupe, c’est toujours la réaction grecque pour contrecarrer l’effroi, la terreur sacrée face au risque de dissolution des frontières tant externes qu’internes[29].

S’il n’y a plus de ministre gynéconome de nos jours, il n’en reste pas moins une gynéconomie qui fonctionne sous d’autres formes, telles que, par exemple par rapport aux déviances sexuelles :

  • soit elles relèvent de la psychopathologie (ce sont des psychoses ou des perversions, de la folie : ce qui existe aussi !) ;
  • soit elles relèvent du judiciaire (ce sont des délinquances) ;
  • soit elles relèvent d’un problème de genre.

Le genre est, dans les faits, une nouvelle gynéconomie, voire, un gynéconome interne en chacun de nous, implanté dans nos culture et éducation, c’est-à-dire des discours contre les éprouvés individuels afin de normaliser par la massification un peuple en lui donnant une cohérence verbale là où existe une diversité.

11 : Le genre comme persona[30], surmoi (idéal social), aliénation : l’appartenance contre l’identité

De tous temps, chaque société a le souci de créer, contre la pluralité des individus, une norme exprimée sur le mode d’une différence binaire[31], ordonnée, et de la marquer dans une réalité sociale, morale ou physique. Par exemple : devenir homme par la circoncision, la scarification ou autres rites symboliques de passages ; devenir femme par la clitoridectomie réelle ou morale (la fillette doit renoncer à son plaisir clitoridien[32], etc.

Mythes et contes de fées, entre autres, en sont des transmetteurs et donc participent précocement à ce formatage, à l’inscription du genre dans la psyché, ce qui en fait un intime étranger en nous et la source d’un conflit, ainsi que l’a si bien dépeint Virginia Woolf dans Orlando[33] : « comment rejoindre mon corps ? » afin de s’extraire d’une « identité émiettée », sinon en traversant les apparences des conventions et du langage pour atteindre une « jouissance bariolée ». Plainte assez générale qui est aussi celle des transsexuels et transgenres dont le témoignage dit en général : « je ne sens pas ce qu’on me dit que je suis ».

Le genre impose une anatomie sociale imaginaire et son destin contre l’investissement libidinal de l’anatomie, et s’il est bien un vecteur de sexuation, d’identification sexuelle par et pour le groupe, c’est en refoulant l’auto-sexuation, opérant une assignation sexuelle contre désirs et fantasmes sexuels et sentiment amoureux. En échange, le genre, forme de pré-pensée, offre une appartenance à un groupe en réclamant une apparence (une surface de présentation tournée vers l’extérieur et qui ne me représente pas forcément, telle la persona, le masque social des romains) : un paraître en lieu d’être, un faux self. Mais cela n’est jamais acquis : voir le trouble, le vacillement du genre et de l’identité sexuelle lors de certaines rencontres, ou encore la résistance du « peuple » comme cela s’est produit avec le rapport Kinsey[34], dévoilant les pratiques sexuelles individuelles face aux discours des savants et des législateurs.

12 : La scène sexuelle comme autre scène : la division moi/non moi

Reste à comprendre pourquoi un être se range dans ou accepte une identité de genre toute faite, outre l’économie qu’il y trouve puisqu’il n’a pas à s’inventer en refoulant sa dimension propre.

Dans la théorie psychanalytique, un des moments clefs est représenté par la problématique de la castration chez Freud, et donc la scène de la différence des sexes, qui est un paradigme fondamental. L’on objecte qu’il s’agirait là en fait de sa problématique personnelle, ce qui est possible. Mais c’est peut-être aussi parce que cette scène est très opérante, c’est-à-dire représentant et résumant au mieux dans la vie psychique des humains une autre question plus ancienne, celle de la séparation interne entre moi et non moi, moi et l’autre, qui se joue et rejoue sans cesse, mais aussi entre l’autoérotisme infantile et la sexualité génitale (Freud se réfère surtout à la représentation de la coupure selon Aristophane).

Ainsi, quelque chose se joue sur (ou dans) la scène sexuelle, mais cette scène n’est qu’une autre scène et non la première. Si on méconnaît cela, si on la tient pour première (dans un intérêt personnel voire névrotique), on ne fait que répéter ce qui fut et fait depuis des millénaires puisque la cause n’est pas dans cette scène, elle est en tension derrière, occultée (et intacte) : l’élaboration et l’intégration de l’altérité, de chaque différence.

Cette méconnaissance (c’est-à-dire ce refoulement) a un bénéfice : on peut jouer et agir dans la sexualité, comme dans notre rapport avec chaque autre, nos théories défensives personnelles et répéter inconsciemment le schéma de la première séparation. Car la scène sexuelle est d’une certaine façon idéale pour mettre en forme, en figures et en actions des représentations autres que sexuelles, telles que :

  • scène où le désir de ré-union, aussi bien à un autre, externe, qu’à l’intérieur de soi, et avec soi-même, ce qui suscite un sentiment de complétude, c’est-à-dire un éprouvé de puissance retrouvée du fait de ne plus éprouver de séparation ou de division ; disons un désir de fusion aussi bien selon des désirs sexuels que des sentiments amoureux (l’état d’énamoration) ;
  • scène de l’angoisse de fusion (être englouti, dévoré, disparu) par ou en l’autre (externe ou interne : être emporté par son désir ou son plaisir, perdre la tête, etc.) : la différence est vécue comme menace contre son intégrité propre (et le risque de castration, ici celle de l’illusion d’omnipotence) ; et l’autre va représenter par projection la menace interne à l’origine ;
  • scène où sont agies des fantasmatiques de domination / soumission, c’est-à-dire une problématique phallique, etc.

13 : Conclusions

Une société a besoin de légiférer, gérer et réduire les écarts, les différences, afin de produire une harmonisation, une unité, c’est-à-dire une identité de masse quantifiable qui réclame ou impose une appartenance, ce qui implique le gommage des écarts qualitatifs de leurs richesses potentielles, c’est-à-dire le gommage des individualités. Il y a ainsi une exigence sociale, culturelle et morale, de normalisation (pour rendre un groupe cohérent), mais différente selon les cultures. Nous savons cela, comme nous en comprenons la nécessité, mais ce qu’il s’agit de ne pas perdre de vue est que ces normes sont au départ des pensées et des œuvres humaines individuelles, c’est-à-dire faites par des êtres eux aussi animés par la différence des sexes, mais qui, du fait de leur position sociale, ont eu le pouvoir d’imposer leurs solutions, leurs vision-du-monde, selon leurs problématiques personnelles et leurs préférences pulsionnelles, de transformer leurs théories sexuelles et leurs réalités psychiques en lois imposables à une masse[35] – pour qu’elle soit à leur image ? -, qui souvent va y résister. La théorie du genre tente de scientifiser, quantifier, la problématique personnelle d’un auteur afin de conforter cet auteur et les auteurs dans leurs organisations psychiques propres afin de nier leurs difficultés face aux différences et face à l’altérité en général.

La divulgation du genre s’impose, non pas comme formulation d’identité sexuelle mais comme appartenance, au pire comme une fausse identité, un faux-self, ce qui ne peut que créer des tensions puisque le genre n’est qu’une construction socioculturelle. Ce n’est pas une notion qui se situe entre anatomie et psychique, mais une exigence externe qui, sous couvert de lier anatomie et psychique, ne vise qu’à prendre leurs places.

Ces thèses du genre sont des formes modernes d’exclusion de la Cité. En un sens, l’on pourrait dire que la notion de genre est une gynéconomie. Le genre est un mythe moderne et ses vicissitudes sont en fait liées au fait que se répète dans cette notion gynéconome la question de l’identité individuelle sur la scène sexuelle où est déplacée la question fondamentale de la différence entre moi et non-moi. Ainsi chacun y va de sa théorie personnelle sur, non pas le masculin et le féminin, mais en fait sur son mode de rapport aux différences.

Le genre serait un masque, un costume avant d’être coutume, qui résulte de deux vicissitudes individuelles principales :

  • le fantasme de toute-puissance et sa quête, sous la forme d’une problématique phallique ;
  • l’angoisse face à la différence, que ce soit moi / non-moi, individu / société, etc.

C’est une théorie-symptôme qui déplace donc la question d’origine quant à la séparation ; mais ce déplacement fait que la question n’est plus entendue et traitable puisque :

  • il maintient le conflit et la pensée qu’une différence est une tension et non, par exemple, une possibilité de coexistence ;
  • et la multiplicité des thèses reflète la multiplicité des réponses individuelles face à la différenciation.

Or, la constitution d’une identité est indissociable de la constitution d’une altérité. Mais morale et culture visent ou offrent une constitution toute faite de l’altérité, ce qui est économique, mais qui prend la place, ou le tente, de la constitution de l’identité individuelle.

Car le sexuel est par essence individuant et c’est pour cela que de tous temps les sociétés, qu’elles soient politiques, religieuses, militaires, etc., ont tenté de le cadrer, de le réduire : c’est là leur aspect gynéconomique.

N’en sont pas exemptes les théories en sciences humaines ou psychanalytiques, qui sont faites par des individus, dont certaines, du fait de la notoriété de leurs auteurs, produisent des normes, là où la cure est supposée rester du côté de l’individuel et de l’identité personnelle.

Les interactions du féminin et du masculin, dans des proportions variant selon les êtres, que ce soit en nous-mêmes ou entre nous, ont toujours été une source de richesse pour soi et pour les groupes.

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[1] Voir Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Robert, p. 881.

[2] John Money, « Hermaphroditism, gender and precocity in hyperadrenocorticism: psychologic findings », Bull Johns Hopkins Hosp., vol. 96, no 6,‎ 1955, p. 253-264.

[3] Le refoulement est un mécanisme de défense du moi qui rend inconscient des représentations (pensées, images, souvenirs) dont la satisfaction est jugée dangereuse pour le moi, qui fonctionne dans la psychologie normale comme dans le cas des névroses. Ce mécanisme a donc pour but d’éloigner les dangers, donc du plus intime, du plus affectif et interne, vers le plus lointain, externe et conceptuel.

[4] Friedrich Nietzsche, Fragments posthumes, fin 1886 – printemps 1887, Œuvres philosophiques complètes, vol. 12, Paris, Gallimard.

[5] Pour l’influence culturelle sur la représentation du temps, voir les travaux de Edward T. Hall, par exemple Le Langage silencieux, Seuil, 1971.

[6] Pour une Science Historique, voir Wilhem Windelband, discours de 1894 à Strasbourg : « Histoire et Science de la Nature », in Études philosophiques, janvier-mars 2000, Philosophie allemande, PUF.

[7] Jan Assmann, Moïse l’Égyptien, Champs Histoire, 2010.

[8] C. G. Jung : Présent et avenir. Denoël/Gonthier 1970, p. 119.

[9] Ibid., pp. 21-22.

[10] Voir chez les Égyptiens ou encore dans la légende de Gilgamesh.

[11] Euripide, Hyppolite : v. 616.

[12] Voir Jean-Pierre Vernant, Pandora, la première femme, Bayard 2006.

[13] Hésiode, Théogonie, La naissance du monde et des dieux, et Les travaux et les jours, éditions Rivages.

[14] Voir à ce sujet Theodor Reik, La création de la femme, éd. Complexe, Bruxelles, 1975.

[15] Voir Platon, Le Banquet, Garnier Flammarion, 1999.

[16] Voir Georges Devereux, Baubo, la vulve mythique, Payot, 1983.

[17] Ce que Piaget à décrit en termes de réversibilité ; voir aussi Freud, « Sur le sens opposé des mots originaires », in L’inquiétante étrangeté, Gallimard 1985.

[18] Voir Aristote critiqué par Émile Benveniste, « Catégories de pensée et catégories de la langue » in Problèmes de linguistique générale, Gallimard, coll. Tel, 1966. Il reprend la réflexion d’Aristote sur les catégories de l’être et de l’expérience et montre que là où Aristote pense les trouver, il n’a simplement retrouvé que les catégories fondamentales de sa langue et non ce qu’il croyait être des catégories universelles de l’être. Il n’a fait que penser dans sa langue et par ses verbes.

[19] Qui fait croire que le mot créé la chose sur le modèle de l’Abracadabra, c’est-à-dire « qu’il en soit fait comme je le dis » … Position divine donc croyance en la toute-puissance !

[20] Selon Aristote, la glaise produit le ventre de la femme qui est passif comme une cire sur laquelle l’homme pose son empreinte via la semence, car ce serait le père qui donne figure à l’enfant.

[21] Selon lui, les genres masculin et féminin sont indépendants du sexe (le sexe est mâle ou femelle), définis par une quantité d’éléments masculins ou féminins dans une personne : ainsi, en toute logique, le mâle normal à plus d’éléments masculins et la femelle normale, plus de féminins. Cette définition occulte le référent et l’origine externe du genre.

[22] Voir Jean Bingen, « le papyrus du gynéconome », in Chroniques d’Égypte, T. XXXII, 1957, pp. 337-339.

[23] Croissant, F. & Salviat F., « Aphrodite gardienne des magistrats ; gynéconomes de Thasos et polémarques de Thèbes » : Bulletin de Correspondance Hellénique XC 1966 460 – 471.

[24] Gyne, femme, et nomos, loi. Tout est dit dans le mot même.

[25] Il s’agit surtout de Solon : voir Plutarque, La vie des hommes illustres, tome I, La Pléiade, Gallimard, 1951.

[26] Voir Nicole Loraux, Les mères en deuil, Seuil, 1990.

[27] A Athènes, le théâtre était gratuit et servait à former le peuple.

[28] Une preuve de leurs efficacités serait l’exemple de la redécouverte du clitoris par la médecine au XVIe siècle. Cet argument de la Nature révèle un haut pouvoir d’assignation et d’aliénation.

[29] L’exemple de l’effroi de la castration, qui n’est pas tant lié à la différence des sexes mais à l’interprétation qui en est faite : cette différence serait preuve de l’existence de la castration, et non pas une source de curiosité voire de joie face à l’existence d’un autre monde à découvrir…

[30] Le terme latin persona, qui a donné personne, désignait le masque des acteurs qui parlaient (sonare) à travers (per) lui : per-sonare. Notons aussi l’ambigüité du mot : être une personne / il n’y a personne.

[31] Rappelons que la pensée et la logique binaire sont celles du temps de la sexualité infantile.

[32] Freud S., « Sur la sexualité féminine » (1931) in La vie sexuelle, et « La féminité » (1932), Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, Gallimard, p. 147-178.

[33] Virginia Woolf, « Orlando », in Œuvres romanesques complètes, tome II, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de La Pléiade », 2012.

[34] Dr. Alfred Kinsey : Le Comportement sexuel de l’homme, éd. Du Pavois, 1948, et Le Comportement sexuel de la femme, Amiot-Dumont, 1954.

[35] Le fantasme de l’un devient mythe pour plusieurs, mythe qui vient ensuite alimenter le fantasme individuel. A ce sujet, voir Jean-Paul Vallabrega, « Le problème anthropologique du phantasme », in Le désir et la perversion, Seuil, 1967.

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