Inconscient (Joël Bernat)

« Inconscient » désigne en psychanalyse, tantôt la qualité descriptive d’une formation psychique, tantôt un lieu psychique, selon la première conception de l’appareil psychique par Freud, composé de trois instances : inconscient, préconscient et conscient.

in Le dictionnaire du corps, CNRS éditions, 2006, pp. 256-257.

Le terme d’inconscient est l’élément central de la psychanalyse et la découverte de Freud. Si le concept existait depuis longtemps en philosophie, l’inconscient au sens de Freud regroupe deux dimensions nouvelles : l’une, apportée par les observations neurologiques mettant en lumière des mécanismes et processus psychiques strictement inconscients, l’autre, nourrie de l’expérience clinique et de la découverte progressive de l’étiologie des névroses. Ces observations feront que le terme « inconscient » ne sera plus une seule notion descriptive, mais deviendra un ensemble dynamique à la source et au centre même de la vie psychique de l’humain.

Il y a donc un double emploi du terme « inconscient », tantôt comme substantif, tantôt comme qualificatif.

Comme adjectif, il désigne des mécanismes, des processus et des formations psychiques qui, soit resteront toujours inconscients, soit n’ont jamais eut accès à la conscience, soit ont été refoulés, c’est-à-dire expulsés du et par le moi à des fins défensives.

Comme substantif, il désigne un lieu psychique particulier dans la première conception topique avec des mécanismes particuliers. Les éléments psychiques y sont soumis aux processus primaires (définis par les mécanismes du déplacement et de la condensation) qui fonctionnent selon le principe de plaisir / déplaisir exclusivement, dans une totale indifférence à la réalité, ce qui fait qu’il n’y a pas, dans l’inconscient, de doute, de manque, ni aucune forme de négation, et donc pas de temporalité.

Mais à partir des années 1920, Freud avancera une seconde conception de la psyché afin de tenir comptes des acquis de la pratique analytique. Dès lors, il y a désormais trois inconscients, c’est-à-dire un par instance composant la psyché.

Le « ça » est une instance entièrement inconsciente et première (les deux autres instances en sont des émanations). Régi par les processus primaires, il a la particularité d’être ouvert sur le somatique et d’être ainsi le lieu de jonction avec le psychique, produisant des représentants de pulsions et d’affects. À cet ensemble viennent peu à peu s’ajouter les éléments refoulés par le moi (par exemple, la sexualité infantile), ce qui donne à cette instance sa double dimension.

Le « moi » se développe progressivement à partir du ça par son contact avec le monde extérieur et sa fonction perceptive, tout en restant en contact avec le ça. S’il est le lieu de la conscience, il se subdivise aussi en une partie inconsciente notamment composée des mécanismes de défense (le refoulement ou la projection entre autres), et une partie préconsciente, où Freud situe le langage.

Le « surmoi », qui est en partie une instance morale, héritière des problématiques infantiles (notamment le complexe d’œdipe), est aussi le lieu d’identifications et d’éléments phénoménologiquement inconscients (par exemple : une symbolique « muette » au sens où le sujet n’a pas participé à son élaboration, ou encore les héritages culturels transmis, portés par le langage dans lequel baigne un sujet).

À partir de la seconde topique, l’on ne peut plus dire « l’inconscient » sans préciser de quelle instance nous parlons. Or, depuis Freud, des théorisations « de l’inconscient » ont vu le jour, autorisant bien des dérives et créant bien des confusions (pour exemple, il y aurait du manque dans l’inconscient, ou de la logique verbale, etc.) Que ces dimensions aient quelque chose de qualitativement inconscient, certes, mais de quel inconscient parle-t-on ? En tous cas, pas du « ça ».

 

Indications bibliographiques :

Y. Brès, 2002, L’inconscient, collection « Philo », Paris, Ellipses.

S. Freud, 1956, « Esquisse d’une psychologie scientifique » (1895), dans La naissance de la psychanalyse, Paris, P.U.F.

S. Freud, 2003, L’interprétation des rêves (1899), Œuvres complètes, IV, Paris, P.U.F.

S. Freud, 1998, « Formulations sur les deux principes de l’advenir psychique » (1911), dans Œuvres complètes, XI, Paris, P.U.F.

S. Freud, 1988, « Métapsychologie » (1915), dans Œuvres complètes, XIII, Paris, P.U.F.

S. Freud, 1996, « Au-delà du principe de plaisir » (1920), dans Œuvres complètes, XV, Paris, P.U.F.

S. Freud, 1984, Nouvelles conférences sur la psychanalyse (1932), Paris, Gallimard.

S. Freud, 1967, Abrégé de psychanalyse (1938), Paris, P.U.F.

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