Joël Bernat : « Conserver un esprit non prévenu … »

Conférence donnée aux XIIIe Journées Occitanes de Psychanalyse, à Montpellier sur Transmission de pensées et interprétation, 1997

Conférence donnée aux XIIIe Journées Occitanes de Psychanalyse, à Montpellier, , et publiée telle quelle in : Barbier et Decourt (Dir.) Transmission, transfert de pensée, interprétation. 13èmes journées Occitanes de Psychanalyse, Montpellier, 1997 Une version plus courte fut publiée sous le titre : « Interprétation et transmission de pensée » in : Le fait de l’analyse, n°4, Paris, Éditions du Monde Interne, 1998, pp. 73-93. Ce texte a ensuite donné lieu au livre : Transfert et pensée (La transmission de pensées en psychanalyse), collection « Perspectives Psychanalytiques », Bordeaux, L’esprit du temps – P.U.F., octobre 2001, 313 p.

Interprétation et transmission de pensées : quel intérêt, pour l’analyse, peut-on attendre d’une telle approche ? Certainement pas celui de satisfaire à quelque goût pour l’occulte, ce qui serait réduire la question à celle de l’animisme. Quel en est l’arrière plan, et que recouvre ce terme de transmission ? Il semble être un « mot valise » et n’indiquer qu’un résultat. Ainsi, l’expression « transmission de pensées » serait-elle une expression par défaut correspondant à l’évocation d’un élément tiers sis entre deux inconscients, expression qui viendrait dans un temps premier d’élaboration et principalement dans les termes de la première topique : mais en lieu et place de quoi vient-elle ?

Sur cette question, Freud a suivi, entre 1910 et 1938, de nombreuses pistes selon son expérience, dont la plus souvent retenue fut conceptualisée en termes de phylogenèse, associée à l’étude des fantasmes originaires. Mais d’autres pistes apparaissent que nous allons tenter de reprendre et qui concernent la technique même de l’analyse – bien plus que la métapsychologie, sinon la visée de l’analyste dans la cure : disons, pour l’instant, ce qui entre individuation et massification ouvre le champ de la différence des scènes psychiques dans la cure.

L’hypothèse qui me guide est donc qu’il y a bien un parcours de Freud, et très insistant, concernant cette question : comment contenir, réduire le transfert de l’analyste en tant que ce transfert est source de transmission de pensées et cause des résistances du patient ? Et ce parcours semble nous mener vers le problème posé par le processus de la transmission bien plus que vers celui des contenus de représentation.

α : Les 30 & 31 Mars 1910 se tient, à Nuremberg, le second congrès privé de psychanalyse. Congrès plus connu pour ses conséquences sur l’histoire du mouvement psychanalytique[1] que pour l’effet d’une communication qui produisit sur Freud « une impression profonde »[2], un « moment mémorable ». L’auteur de cet effet était Johan Jacob Honegger[3], élève de Jung, et son exposé sur « La formation paranoïde du délire » montrait comment :

« (…) les formations fantasmatiques de certains malades mentaux (dementia praecox) s’accordaient de manière extrêmement frappante avec les cosmogonies mythologiques de peuples anciens sur lesquels il était impossible que les malades dépourvus d’instruction aient eu une information scientifique. (…) l’accent était aussi très fortement mis sur l’importance que revêtait le parallélisme entre évolution ontogénétique et évolution phylogénétique également pour la vie psychique. »[4]

Ainsi l’explication phylogénétique fut une première voie d’approche passant par l’étude de la littérature, du folklore et des contes de fées. Mais il y en eut une seconde parcourue par Freud avec Ferenczi, plus « discrète » car elle apparaît essentiellement dans leur correspondance. Ils étudient la transmission de pensées à travers la position des médiums en situation ; si cette étude ne conclut pas vraiment sur la question, elle aboutit, et peu de temps après Nuremberg, à un constat capital quant à la condition de la transmission de pensée et à son processus, à partir de la scène de voyance :

« Le récepteur [écrit Ferenczi à Freud] doit être d’humeur calme, gaie, mais pas trop agitée. S’il est en état d’excitation, il sera plutôt meilleur pour émettre le rayonnement psychique. L’impatience perturbe. »[5]

Ainsi, celui qui est excité transmet, et celui qui reçoit, perçoit, doit être calme, non excité. Serait-ce une première définition de l’écoute flottante ? Quand bien même cette définition s’énonce en termes économiques, elle repose sur la liaison établie, grâce au détour par l’étude des médiums, entre l’excitation et la transmission de pensées, cette dernière s’opposant à la perception, qu’il s’agisse de celle du patient ou de celle de l’interprète.[6]

Freud reprendra très souvent cette définition, par exemple dans « Psychanalyse et télépathie » en 1921[7]: il y a réception d’un transfert de pensées dans un état de distraction de ses propres forces psychiques (définition qui pourrait s’appliquer à la neutralité bienveillante, incluant aussi la suspension de tout jugement). Mais pour l’instant, la suite immédiate de ces observations quant à la scène de voyance, en 1912, prend la forme qu’elle revêt dans les « Conseils aux médecins sur le traitement analytique » où Freud déconseille de procéder à l’élaboration scientifique d’un cas pendant la cure : cet état d’excitation scientifique et de souci de synthèse entraverait le traitement et n’est donc possible que lorsque cette cure est achevée ; ceci d’autant que les meilleurs résultats « s’obtiennent lorsque l’analyste procède sans s’être préalablement tracé de plan, se laisse surprendre, a une attitude détachée, et évite toute idée préconçue » : c’est-à-dire lorsqu’il s’applique à lui-même la règle fondamentale.

Ainsi l’analyste ne peut ni ne doit être excité de quelque façon que ce soit afin de préserver sa capacité de passer d’une attitude psychique à une autre, évitant ainsi toute rumination mentale ; mais le plus dangereux reste bien ceci (indiqué dans les Conseils aux médecins, je cite)

« (…) la tendance affective la plus dangereuse, celle qui menace l’analyste, c’est l’orgueil thérapeutique qui l’incite à entreprendre (…) quelque chose qui puisse convaincre autrui. (…) il s’expose en même temps, sans défense, à certaines résistances du patient. »[8]

Ces deux énoncés semblent correspondre à une définition possible de l’analyste excité. Si on rapproche les remarques portant sur le dispositif de voyance de celles-ci portant sur la cure (de 1910 à 1912), on est mené à faire l’hypothèse que ce qui excite la psyché de l’analyste est non seulement source et procédé de transmission de pensées, mais est aussi facteur et source des résistances du patient, résistances face auxquelles l’analyste restera sans défense. Freud sera désormais très insistant sur cet aspect des choses et les indications sont multiples dans ses textes. Par exemple quant au souci théorique qui peut occuper l’analyste en séance, Freud écrit à Ferenczi :

« j’estime que l’on ne doit pas faire de théories – elles doivent tomber à l’improviste dans notre maison, comme des hôtes qu’on avait pas invités, alors qu’on est occupé à l’examen de détails. »[9]

C’est-à-dire que ce qui vaut pour le lien entre l’analyste et le patient décrit en termes d’écoute flottante et règle fondamentale, vaut tout autant pour l’analyste quant au rapport qu’il entretient avec son inconscient. Ce que Freud soulignait déjà avec Itzig[10], en 1898, lorsqu’il écrivait à Fliess :

« mon travail m’a été entièrement dicté par l’ics suivant la célèbre phrase d’Itzig, le cavalier du dimanche : « Où vas-tu donc, Itzig ? » – « Moi, je n’en sais rien. Interroge mon cheval ! »[11]

Hors de ce rapport, l’analyste est prophète ou gourou, séducteur et transmetteur, ce que d’une autre manière Ferenczi écrit à Freud (en 1912) :

« il est évident que Jung n’a jamais voulu (ni pu) se laisser démolir par un patient. Il n’a donc jamais analysé, mais il est resté, pour ses patients, le sauveur qui se laisse baigner par les rayons de sa ressemblance à Dieu! »[12]

Et comment ne pas penser aux rayons du rayonnement psychique et à leur transmissions, comment ne pas penser à Schreber ? Nous y reviendrons.

Mais un autre aspect me paraît devoir être souligné concernant l’excitation, aspect qui permet de comprendre les indications de Freud au sujet de la disposition de l’analyste, et qui intervient également dans la situation de voyance : le système Perception doit toujours rester vierge pour percevoir[13], car conscience et mémoire s’excluent[14]. Freud ne cessera d’insister sur ce point à propos du fonctionnement psychique de l’analyste : à l’instar du dormeur se défaisant de toutes ses prothèses, il doit renoncer aussi à la plupart de ses acquisitions psychiques[15]: on ne dort pas si l’on est excité, on ne perçoit pas non plus parole et pensée de l’autre ; ce que sait le médium. L’écoute flottante est une façon de virginité du système Perception. On pourrait lire en ce sens la « Note sur le « Bloc magique » »[16], telle une métaphorisation du fonctionnement et de la disposition psychique de l’analyste en séance : ce qui l’occupe ou le préoccupe est à l’égal d’une trace mnésique, d’une excitation, qui s’oppose à la virginité du système Perception et donc empêche la réception qui se produit sur le papier ciré représentant le système perception-conscience. Pour ce qui en est de la mémoire, l’analyste doit s’en remettre à son inconscient ou, tel Itzig, à son cheval, c’est-à-dire à la couche de cire qui représente l’inconscient et sa mémoire. Ainsi pour l’analyste, pas de notes en séance, mais se fier à sa mémoire inconsciente :

« L’ics de l’analyste doit se comporter à l’égard de l’ics émergeant du malade comme le récepteur téléphonique à l’égard du volet d’appel. »[17]

Ce qui serait ainsi en question, quant au fameux désir de l’analyste, serait par conséquent, non le désir de guérir en tant que tel, en tant que contenu de représentation, mais bien son excitation, qui peut prendre la forme du souci éducatif ou de l’orgueil thérapeutique, d’une transmission ou d’un pare stimuli. Et si Freud le répète, c’est sans doute pour l’avoir vécu et tout particulièrement dans la période de 1905-1910, où lui et ses premiers disciples sont tout à l’excitation de la découverte analytique et si soucieux de répandre la « peste ». Comment dès lors ne pas tomber, du fait de cette excitation de la découverte, dans la Forderung : terme que l’on peut traduire par revendication – au sens de la revendication syndicale, qui désigne, sous la forme de la Realforderung, l’exigence externe[18]. De cette extrême difficulté témoignent l’insistance interprétative de Freud envers Dora, ou celle de Max Graf envers son fils Herbert-Hans.

Faisons un pas de plus, justement avec Hans en écoutant autrement ce cas, ce qui ne remet pas en cause les précédentes écoutes. L’affaire se déroule sur un fond général de transmission culturelle familiale : Gustav Mahler est le parrain de Hans, et a du se convertir en 1896 au catholicisme afin d’accéder à la direction de l’Opéra de Vienne. Pour Max Graf, cette conversion soulève la question de ce qui serait bon pour son fils, se demandant s’il ne devrait pas le soustraire à la haine antisémite régnante pour l’élever dans la foi chrétienne, question sur laquelle Freud a une position très ferme, articulant la lutte, la rébellion et les sources d’énergie :

« si vous ne laissez pas votre fils être élevé comme un juif, vous le priverez de ces sources d’énergie qui ne peuvent être remplacées par rien d’autre. Il aura à se battre en tant que juif et vous devriez développer en lui toute l’énergie dont il aura besoin dans cette lutte. Ne le privez pas de cet avantage. »[19]

C’est donc sur ce sol de l’ambivalence paternelle et dans ce contexte, que s’installe l’autre scène faite de multiples composants : celui de la quête et de l’élaboration scientifique (Hans est observé depuis sa petite enfance par son père qui transmet ses rapports à Freud) ; celui du souci éducatif du père ; puis le souci thérapeutique des deux hommes.

Ainsi se crée une situation d’exigence et de contrainte qui organise la relation de Freud à Graf et de Graf à Hans, contrainte liée à l’excitation paternelle tant éducative, scientifique que thérapeutique. On peut penser que cette excitation paternelle imprègne ses interprétations et qu’ainsi elles transmettent ses propres théories sexuelles infantiles ou adultes à l’enfant, et que celles-ci s’opposent à celles de son fils. Cette excitation paternelle barre dès lors toute possibilité de percevoir la parole du fils – qui le lui dit.

Freud comme Max Graf se posent en adultes détenteurs d’un savoir dont l’écran serait la scientificité, occupant dès lors une place de figures idéales et d’éducateurs, de conducteurs (Führer), fonctionnant, du moins pour ce qui est du père, en séducteur (Verführer). Cela provoque une confusion, une massification ou une masse à deux en un lien homosexuel du fait de la transmission des théories masculines (et l’on peut observer l’évolution du fantasme incestueux de Hans vers une fantasmatique homosexuelle). L’excitation montre ici un autre effet, outre ceux de transmission et de non perception, celui de massification contre laquelle la phobie se pose comme résistance.

Car, face à cette Forderung, cette revendication, cette exigence des adultes, Hans résiste. C’est un « rebelle », notera Freud. Sa résistance s’organise donc sur le mode phobique (dont un des noyaux serait le couple observer/être observé) afin de s’opposer à la demande contraignante de savoir des adultes. Ils veulent savoir ce que sait Hans, et Hans de répondre : « tu sais tout, je ne sais rien », tout en déniant toute valeur aux réponses de l’enfant : « ce n’est pas vrai », « tu as attrapé la bêtise ». Un refus d’entendre Hans dont le résultat, comme l’a montré Nicole Oury[20], est l’amplification des phobies : c’est ainsi que Hans défend sa parole propre et ses élaborations contre le savoir écran des adultes, « éducateurs » soucieux de vérifications théoriques. En voici quelques jalons.

Pour les trois ans de Hans, Freud offre un cheval à bascule  » qu’il a lui-même porté en haut de l’escalier qui conduisait à la maison », détail qui impressionnât beaucoup le père, comme signe de l’amabilité de Freud … le charivari du cheval et ses bascules, la bouche mund , Sieg-mund, G-mund-en, etc., sont autant d’élaborations par Hans du cadeau et de la satisfaction du père [21].

Hans est exclu de la chambre des parents à la naissance de sa soeur. Le père nie son propre intérêt pour l’analité (et donc ses propres théories sexuelles infantiles), intérêt qu’il met en acte dans sa relation avec Hans (clystères, recettes pour les selles, fessées qu’il pratique et dénie). Il promeut la cigogne alors que Hans assiste aux premières douleurs d’accouchement… et nie que l’enfant a pu « épier » les rapports des parents alors qu’il « dort » avec eux jusqu’à 4 ans. Ainsi entrent en opposition la curiosité anale du père et la négation de cette curiosité chez son fils : elle n’est plus que bêtise. De la même manière, le dit de la cigogne s’oppose au vu de Hans et le nie. Ce dit fonctionne comme un mécanisme d’aliénation : ou je crois cette fable que l’on me transmet, ou je crois ce que je vois, et donc ce que j’en pense. C’est une situation dite de double contrainte où est en jeu, en tension, l’élaboration d’un « je » qui ne peut se constituer que par un « il/elle me trompe », pensée motrice de l’autonomie de penser[22] : or, celui qui donne la cigogne sait qu’il trompe l’enfant.

Autre jalon, celui de la transmission de l’interdit masturbatoire maternel : elle refuse d’y mettre le « doigt » lors d’une toilette, élément que Freud relève et qui l’intrigue mais qu’il ne développe pas. Ne s’agit-il pas là de la transmission à Hans d’une autre Forderung, celle du lien œdipien de la mère à sa propre mère au travers de l’interdit de la masturbation[23] ? Ce qui est ici transféré est quelque chose qui fut reçu par la mère de sa propre mère, qui ne fut ni élaboré, ni abréagi, puis transmis à nouveau à l’enfant qui tente de l’élaborer. Ici c’est le statut même de l’éducation qui est sur la sellette, l’éducation comme transmissions d’interdits correspondants à des idéaux et non nécessairement à des refoulements. Dans les Nouvelles conférences, Freud rappelait que l’institution du Surmoi se faisait par identification avec l’instance parentale : son édification ne se fait pas « en fait d’après le modèle des parents mais d’après le Surmoi parental : il se remplit du même contenu, il devient porteur de la tradition. »[24] Est-ce que le docteur parle à Dieu ?, demandera Hans …

La contrainte de savoir exercée par les aînés engendre donc le développement de la névrose d’angoisse de Hans, ainsi que l’augmentation de la production des expressions phobiques que le « déguisement » par les processus primaires rend résistantes face aux adultes excités ; Hans ne dit rien de lui, il parle de ses phobies, c’est-à-dire de ces pensées transférées qu’il travaille et qui le travaillent. C’est par ce biais qu’il défend sa propre théorie sexuelle, luttant contre les interprétations des adultes qui sont reçues comme autant d’interdits de savoir et de voir : par exemple, la fable de la cigogne est imposée contre les perceptions de Hans, fable en tant qu’ensemble de représentations interprétatives, transmission de l’hérité oedipien parental, allant contre les perceptions même de l’enfant : « tu crois ce que je te dis, non ce que tu vois ». Freud et le père promulguent un savoir écran, refoulant la quête de Hans, par leurs propres théories sexuelles. Chaque fois que le père énonce un savoir, il s’oppose au mouvement élaboratif des théories sexuelles infantiles de Hans, et l’expression phobique qui, elle, échappe à l’emprise des adultes, s’accroît sur un mode analogue à celui de la réaction thérapeutique négative. Hans résiste, c’est un « rebelle ». Plus tard, en 1914, Freud saisira avec L’homme aux loups que lorsque le nouveau est récusé, il est remplacé par une phobie.[25]

Enfin, c’est bien lorsque Freud restitue à Hans le droit de penser sa propre théorie (le 01. 05. 1908) que l’expression phobique se réduit ; il n’intervient pas sur le fait-pipi, ni la différence des sexes, ni l’angoisse de castration : il donne le droit à Hans de posséder sa propre théorie sexuelle infantile, et donc son pénis comme représentation imaginaire de cela. Et Freud notera plus tard :

« quand les expériences vécues ne se plient pas aux schèmes héréditaires [transmis], se développe la fantaisie, mais le plus souvent le schème l’emporte sur l’expérience individuelle [en cure, le savoir sur l’ics joue comme un schème héréditaire contre l’expérience vécue du patient]. Les contradictions [au sens de protestations] apportées au schème par l’expérience semblent fournir ample matière aux conflits infantiles. « [26] [et en cure, la perlaboration s’oppose au schème].

Ce développement à propos de Hans semble pouvoir illustrer un des modes possibles de résistance du patient à l’excitation de l’interprète : la phobie serait une forme de réaction thérapeutique négative, de rébellion dans le sens où la scène phobique est un lieu où, comme dans l’espace transitionnel interne, sont mises en jeu, afin qu’elles puissent être élaborées, les pensées propres d’un sujet et celles qui lui ont été transmises sous forme de schémas héréditaires non élaborés par un autre excité : ainsi la phobie serait le lieu de l’élaboration de l’autre en soi, articulé à la différence je-autre, et non simple mal à éradiquer. En quoi nous sommes en accord avec ce qu’écrit Annie Biraux :

« La structure phobique est ce qui de l’intérieur vient témoigner de la représentation du sujet à la violence de l’objet ou à sa potentialité aliénante ; la finalité du processus phobique est de maintenir une représentation du sujet, son activité psychique, une ipséité minimale. »[27]

Pour l’instant, cette première voie nous montre ce que la scène de voyance a enseigné au sujet de la situation analytique : celle-ci est constituée de deux protagonistes fonctionnant selon des modalités économiques opposées, et elle opère et répète quelque chose qui est organisé sur le mode de la confusion des langues (aidée en cela par le fait que la cure instaure par la dissymétrie de la situation une différence générationnelle). Situation organisée par conséquent sur le même mode que le fantasme de séduction : ici c’est l’excitation de l’un, l’adulte, que perçoit l’autre, l’enfant, et qu’il tente d’élaborer, et de même dans la cure, le patient tente d’élaborer ce qui a excité son analyste, ou bien s’y oppose de différentes façons. Nous reviendrons sur cela à propos des phobies transitoires en cure.

Mais ces observations mettent au jour le lien intime entre séduction, excitation et transmission. Dans la cure, l’excitation est l’opérateur du transfert et donc de la transmission de pensées, en une scène structurée par le fantasme de séduction et l’effet de rayonnement psychique de celui-ci : ainsi le transfert serait l’autre face de la transmission de pensées, sa face cachée, son opérateur, et aussi le révélateur de ce qu’il y a eu transmission et contrainte (Forderung) dans l’histoire du patient. L’interprétation, dans ce contexte, apparaît comme une intention de séduction, provoquant la répétition des soumissions et des rébellions.

Cette première voie en rejoint une seconde également empruntée par Freud.

β : C’est en 1909, devant la statue de la Liberté, que Freud aurait énoncé la célèbre sentence : « Ils ne savent pas que nous leur apportons la peste. » C’est, en tous cas, ce que rapporte Lacan[28] de ce que lui aurait transmis Jung[29] qui l’aurait entendu de Freud… La peste, celle évidement liée à l’interprétation sexuelle des troubles névrotiques, telle que les Trois essais sur la théorie sexuelle de 1905 la promeut en un texte polémique et intempestif[30] pour l’époque. Mais pas seulement sous cette forme : l’autre versant de la peste se résumerait d’un mot, celui d’individuation, sous la forme du dégagement de l’individu de la gangue de ses croyances religieuses et sociales transmises par l’éducation et la civilisation, en somme une « dé-massification » de l’individu, sa des-aliénation.

Cet aspect de la peste vient aussi reprendre toute une décade de travaux[31], qui amena à la certitude que le noyau de la névrose est le résultat de ce que les représentations des adultes transmises par l’acte d’interprétation et données comme réponses, blessent la pulsion d’investigation de l’enfant (ou du patient), et inhibe la tentative d’un penser indépendant (Freud 1907) :

« … si l’intention de l’éducateur [ou de l’analyste] est d’étouffer le plutôt possible toute tentative de l’enfant de penser indépendamment, au profit de « l’honnêteté » si prisée, rien ne l’y aidera mieux que de l’égarer sur le plan sexuel et de l’intimider dans le domaine religieux . Les natures les plus fortes résistent bien sûr à ces influences ; elles deviennent rebelles à l’autorité des parents et plus tard à toute autorité. »[32]

La « leçon » de Hans a été retenue… En effet, Freud ne cessera de rappeler, entre 1908 et 1910, que cette situation de conflit (le penser de l’enfant contre les représentations des adultes, ou les représentations de l’analyste) peut devenir le complexe nucléaire de la névrose. Il nous paraît donc important de rappeler ces trois destins de la « pulsion d’investigation » que définit Freud dans le Vinci sans perdre de vue le rapport entre le patient et l’analyste dans la cure, et la revendication que ce dernier peut y manifester :

soit la pensée rencontre un interdit de penser (Denkverbot), une impasse, ce qui engendre le doute et aboutit à la rumination ; et l’avidité de savoir partage alors le destin de la sexualité : elle est inhibée et produit la névrose. Ce qui peut se répéter par exemple sous le « feu » des interprétations et du savoir contraignants de l’analyste qui fait plus qu’être « supposé savoir ».

soit le développement intellectuel est vigoureux et résiste au refoulement ; seule disparaît l’investigation sexuelle ; mais l’investigation intellectuelle devient alors une activité sexuelle, elle répète sans cesse le caractère inachevé de la quête première, « se perd dans le sable », et « l’impression produite par cet insuccès (…) semble être persistante et profondément déprimante ».[33] « Cette rumination et ce doute deviennent le prototype de tout travail ultérieur de la pensée appliquée à tous les problèmes et le premier échec exerce toujours une action paralysante. »[34] Et cette répétition n’est-elle pas à l’origine d’analyses interminables ? Ou bien de cures où le sexuel disparaît de l’interprétation au profit de considérations existentielles ou philosophiques, culturelles, ou de préoccupations sociopolitiques qui déplacent la contrainte interne sur l’externe et l’y fixe.

soit enfin, le cas suivant plus rare et plus parfait : la libido se soustrait au destin du refoulement en se sublimant dès le début en avidité de savoir, et en s’associant à la puissante pulsion d’investigation. L’investigation devient alors une quête secrète, le meilleur des cas étant donc la rébellion, seule préservant le penser propre face à la revendication éducatrice ou thérapeutique : il s’agit alors d’éviter la rencontre avec toute exigence externe (Forderung) qui aurait un effet quasi hypnotique. Ainsi, le « non » à la fable de la cigogne est un acte d’incrédulité qui date l’autonomie d’esprit, et, avec celui-ci, l’enfant ne pardonne pas aux adultes de l’avoir trompé sur la vérité.

Freud s’inscrit sans doute lui-même dans ce dernier destin, en tous cas comme adulte soutenant sa propre pensée. Les marques de cette place de « rebelle » sont nombreuses et une des indications les plus nettes, dans son Auto-présentation, se rapporte à Nietzsche, dont :

« les pressentiments et les aperçus coïncident de la manière la plus étonnante avec les résultats les plus laborieux de la psychanalyse, je l’ai longtemps évité pour cette raison. C’est que la primauté m’importait moins que de conserver un esprit non prévenu.[35]« 

« Le psychanalyste qui veut être original ne devrait pas avoir lu Nietzsche. » Ce que Freud a très souvent indiqué à ses disciples dans ses correspondances, par exemple à Richard Sterba : « (…) ne le faites que si vous en sentez intérieurement la nécessité (Anspruch)- n’obéissez qu’à une contrainte de cet ordre et surtout pas à une pression extérieure (Forderung). »[36] Où l’on voit bien en quoi Forderung s’oppose à Anspruch, l’exigence, revendication interne, en tant que ce qui est du, dictée par l’objet inconscient, ou exigence pulsionnelle, Trieb-anspruch, ou encore, comme effet du déterminisme psychique, ce qui est figuré par Itzig.

Ainsi conserver un esprit non prévenu est la règle fondamentale pour le psychanalyste comme pour le patient : ceci s’accordant avec le fait que Freud déconseille à ses patients la lecture d’ouvrages psychanalytiques durant le traitement : « j’exige d’eux qu’ils s’instruisent par expérience personnelle »[37]. Sinon le scénario transférentiel de la cure est amené à répéter la scène constitutive du noyau de la névrose.

L’analyste, afin d’éviter toute transmission ayant effet de séduction et de contrainte sur le patient, se doit de faire le deuil d’une certaine position de toute puissance de sa pensée et de son savoir : le renoncement à toute revendication, fut-elle scientifique, en faisant partie. Et Freud fut très insistant à ce sujet, jusqu’à la fin de sa vie : par exemple en 1933, avec le terme de Weltanschauung [38], terme dit intraduisible qui rend compte, non pas d’une quelconque méditation philosophique, mais d’une position technique et éthique de l’analyste, en ce que la psychanalyse ne peut ni ne doit créer une Weltanschauung[39] car, non seulement, elle n’en a pas besoin, mais surtout elle ne prétend pas à une telle systématisation ni à une telle synthèse (on retrouve les « Conseils aux médecins) qui a des traits négatifs de soumission à la vérité. Pour celui qui le regretterait, et bien, il n’a rien à faire avec l’analyse, ce que Freud n’hésite pas à souligner en 1919 à propos de Putnam : il

« nous pardonnera de ne pas partager son opinion, lorsqu’il prétend que la psychanalyse doit se mettre au service d’une conception philosophique particulière de l’univers qui obligerait le patient à s’élever moralement. (…) sorte de tyrannie voilée par la noblesse du but à atteindre. »[40]

Pourquoi cette opinion ne peut être partagée par Freud ? Si l’analyste a une Weltanschauung, c’est-à-dire une théorie sexuelle infantile adulte scientifique, celle-ci fonctionne dans la cure de façon aveugle et tyrannique ; elle excite, séduit et se transmet, elle contraint et entrave la réception : l’analyste est prophète.

Et n’oublions pas que dans la XXXVè conférence où Freud discute de la Weltanschauung, la question d’une « vision du monde » est associée à l’interdit de penser auquel elle soumet l’autre. Ainsi toute parole de l’analyste, pour peu qu’elle porte quelques représentations et convictions, vient répéter une telle situation de contrainte, et dans ce cas permet au patient ou bien de transférer sa propre contrainte interne sur la personne de l’analyste, ou bien de répéter, de réactiver, la scène du Denkverbot, le noyau même de la névrose. Ce que Lacan reprendra avec la question de la débilité comme aliénation au discours d’un autre.

Freud conceptualise les indications qu’il a déjà données dans de nombreuses occasions comme par exemple aux soirées de la Société viennoise[41], ou bien dans Totem et tabou, L’avenir d’une illusion, Malaise dans la civilisation, textes où il définit une éthique du psychanalyste quant à l’exercice de son « savoir » dans la cure[42]. (Il écrit dans « les voies nouvelles de la thérapie analytique)

« Nous ne cherchons ni à édifier [le sort du patient], ni à lui inculquer nos idéaux, ni à le modeler à notre image avec l’orgueil d’un Créateur. (…) [mais à] le pousser à libérer et à perfectionner sa propre personnalité. »[43]

Les effets de la Forderung de l’analyste, de ce qu’il cherche à obtenir de son action s’exerçant comme influence étrangère, reçurent en 1914 un autre développement avec l’Homme aux Loups. Ce cas, selon les mots même de Freud, permit de montrer comment « le processus qui assure la mutation d’un moi pris dans la récusation hystérique en névrose de contrainte, n’est pas le prolongement d’un développement interne, mais l’effet d’une influence étrangère venue de l’extérieur. »[44]

Cette influence se présente pour l’homme aux loups sous la forme d’une autre sorte de fable, celle de la bible, cigogne transmise par le transfert maternel comme une Weltanschauung. C’est cette transmission forcée qui produit la résistance et la mutation des symptômes d’angoisse en symptômes obsessionnels, résistance du sujet à la transmission et donc à la soumission demandée à une vérité. Freud écrit : « il tombe malade d’un refusement narcissique ». Ce que Freud pointe également à propos d’une patiente : « chaque fois que je parlais du récit fait par sa mère, la jeune fille réagissait par un accès d’hystérie, ou d’oubli, ou d’imbécillité, ou une amnésie totale »[45]. Pour ce qui est de l’homme aux loups : « le processus avait conduit à une victoire de la foi et de la piété sur la révolte faites de recherches critiques. »[46]. L’interprétation ultérieurement proposée par Freud, au-delà de son texte même, de ses contenus de représentations, ne vaut-elle pas alors comme acte, un agir qui répète la scène de transmission par contrainte et qui reconstitue une masse à deux, réactivant le noyau de la névrose au lieu d’en permettre la déliaison : ce à quoi Sergueï résiste obsessionnellement. De la même manière, si un courant s’était soumis à l’interprétation biblique transmise par la mère, un autre courant s’y était opposé, car cette soumission « en coûterait le pénis ».

Ce refusement narcissique face à la contrainte qu’exerce la transmission est une forme de réaction thérapeutique négative, adressée ici à la mère, à ses soucis éducatif et thérapeutique, réaction qui se répète ensuite en séances avec Freud, ce qu’il note à chacune de ses interprétations[47] : « après chaque solution tranchante, il tentait pour un bref laps de temps d’en nier l’effet par une aggravation du symptôme résolu. » La réaction thérapeutique négative apparaît ici comme une résistance, ayant également valeur de tentative de maintenir séparées les scènes psychiques et de préserver l’indépendance de penser lorsque les interprétations de l’analyste répètent le temps constitutif du noyau de la névrose. Car, peu importent les représentations en jeu : ce qui se répète là dans le transfert est le processus lui-même. Nous pouvons différencier ainsi d’une part l’Agieren comme acte psychique d’interprétation et ses effets en tant qu’acte, et, d’autre part, le contenu de représentations transmis par l’interprétation (Bible, tradition juive, philosophique ou discours psychanalytique) et ses effets propres.

L’hypothèse que je fais donc est que la scène où se réalise le transfert de pensées de l’analyste et par conséquent la transmission, est la scène même de la confusion des langues répétée en une scène de séduction, et structurée sur le mode de ce fantasme, produisant une contrainte qui répète le temps constitutif du noyau de la névrose du patient.

L’interprétation excitée, excite et transfère cette excitation au patient, excitation liée à la séduction. Le contenu est énigmatique pour lui, et cet énigmatique l’occupe, exactement comme la parole du patient vient à l’inverse exciter et occuper la psyché de l’analyste. Cela produit un effet de contrainte externe qui n’est que répétition ou scénarisation de l’interne. Le patient recevant l’interprétation excitée de l’analyste est dans un état de suspension du jugement, sidéré, comme l’enfant dans la scène de séduction où sa sexualité est structurée par quelque chose qui lui vient de l’extérieur et qu’il reçoit passivement dans le sens où il ne peut évoquer de représentations, et ce jusqu’à la production d’un effroi sexuel.

Au-delà des contenus de représentation en jeu, ceci ne relève pas de la phylogenèse mais d’une répétition historique mise en scène par la névrose de transfert ; nous sommes bien dans un processus ontogénétique où il y va de l’assomption du sujet. L’enjeu est l’appropriation de schèmes héréditaires par leur perlaboration et leur abréaction en séance, tout à fait dans le sens du « là où ça était, je dois advenir ». D’ailleurs, c’est aussi en ce sens, qu’au sujet de la transmission de pensées, Freud fit un rappel, en 1914, concernant la valeur du facteur héréditaire et de l’acquis par phylogenèse :

« on n’a été que trop enclin à leur accorder une place dans l’évaluation psychanalytique. Elles n’apparaissent admissibles que si l’analyse, en respectant la séquence d’instance correcte, débouche enfin sur les traces de l’hérité après être passée par toutes les strates de l’acquis individuel. »[48]

Car l’explication phylogénétique risque de masquer le fait que ce qui se présente hic et nunc en séance est la question de la transmission de pensées, c’est-à-dire celle de l’enlisement de l’autonomie du sujet et de sa pensée.

L’analyste transmet sa fable, son mode de réfutation propre et sa théorie sexuelle séductrice face à la castration contre la perception que le patient provoque, éveille en lui. L’interprétation occulte mais n’a rien d’occulte en elle-même sinon de l’occulté, du non abréagi. C’est du contre-transfert, à moins que l’analyste soit alors dans la conviction et ce serait alors son transfert, celui-là même qui a un effet de contrainte sur le patient.

Si nous allons jusqu’au bout de cette hypothèse, nous pourrions avancer que dans la cure, l’analyste est à la place de l’enfant dans la scène de séduction, il est saisi, recevant ce qu’un patient excité lui donne à entendre et à voir, et il ne peut s’en défendre qu’en inversant la scène : le patient, dans le second temps, est alors l’enfant et l’analyste l’adulte séducteur qui résiste avec quelque interprétation qui dès lors fonctionne comme une Forderung pour le patient. De ce point de vue, la transmission s’inscrit rigoureusement dans le transfert en tant que répétition d’un quelque chose a eu lieu sans trouver de lieu pour s’inscrire, mais qui se répète dans ce transfert pour être élaboré.

A cette répétition fondamentale, soit d’un contenu de représentation spécifique, soit de l’acte même de l’interprétation comme intrusion, le patient réagit, résiste selon ses modes historiques propres ; en ce sens, on peut entendre différemment les manifestations cliniques transitoires dans la cure que sont, par exemple :

– des réactions thérapeutiques négatives qui font suite à certaines interprétations, ou à des points aveugles de l’analyste[49]

– ou bien, des phobies apparaissant dans les mêmes conditions, afin d’élaborer le conflit entre le transmis et la pensée propre

– ou bien, l’irruption d’un fantasme ou d’un symptôme nouveau, voire d’une hallucination négative comme scène, ou figure en attente

– ou bien encore, certains délires : après tout, Schreber tente de se dégager de l’extraordinaire excitation éducative de son père en l’élaborant sous une forme délirante certes mais en première personne : ainsi les esprits de la nuit viennent tirer les petits cheveux de la nuque, là où le père Schreber fixait les pinces de son appareil de maintien et de contention nocturnes ; c’est le délire contre le discours du père (dont le nom même fait un hapax dans ses mémoires).

Ces modes indiquent les recours dont usa le patient dans la situation de contrainte éducative et de séduction originaires. Mais ici, répétons-le, nous pouvons distinguer une ligne de fracture quant à la question de la transmission, et différencier deux modes :

– d’une part, un transfert de pensées s’effectuant à l’insu des protagonistes, transfert en acte, agieren psychique dont témoigne l’excitation. Autrement dit, la transmission est transmission de processus plus que de contenus de représentations ou bien de points aveugles qui sont soustraits à l’analyse et qui font retour dans l’analyse, en attente de perlaboration, retour qui a lieu quoique fasse l’analyste.

– d’autre part, une transmission de pensées sur le mode d’une Weltanschauung, de la fable de la cigogne, celle des traditions biblique ou juive, ou même psychanalytique ; nous serions du côté de l’influence, voire de la post-éducation. Mais avec la différence importante que, dans la fable le transmetteur sait qu’il ment, alors que dans la Weltanschauung, il est dans la conviction.

A cela nous ajouterons cet autre mode de transmission, celui de l’opsis, à savoir la structure même des énoncés, leur mise en forme et l’agencement propre des pensées d’un sujet, dont le mode de liaison transmet quelque chose ; cela aussi répète un élément historique, élément d’importance qui éclaire la question soulevée par Honegger, que nous mentionnions au début de l’exposé, et qui rencontre ce que Tausk rapporte d’une soirée au cercle de Vienne :

« Freud souligna que la croyance de l’enfant que les autres connaissent ses pensées prend source dans l’apprentissage de la parole. Car l’enfant, avec le langage, reçoit les pensées des autres, et sa croyance que les autres connaissent ses pensées apparaît fondée sur les faits tout comme le sentiment que les autres lui ont « fait » la parole et avec elle les pensées. »[50]

χ : Il y a des patients qui nous préviennent immédiatement :  » Je vous préviens, si je fais une analyse, pas question que je sois un cas de manuel ou que je le devienne ! » Ce sont les premières paroles d’un patient lors de sa première séance. Bien sûr, il y a un effet d’annonce et une dénégation là-dedans, mais pas seulement. Alors, me voici bien prévenu, mais de quoi ? [En tous cas, cela m’arrache un sourire car me reviennent mes premières paroles à mon analyste : « Je vous préviens, il n’est pas question que je m’identifie à vous pour me retrouver fumant la pipe et parlant doucement … comme d’autres. »] Ainsi les analystes sont parfois prévenus, et ce terme fait écho à ceux de Freud à propos de Nietzsche : garder un esprit non prévenu… ou rebelle, tel Hans, mot que Freud emploie dans le Vinci pour spécifier la seule issue quant à la préservation de la pensée propre… Prévenu : autrement dit, pas d’influence de votre pensée sur la mienne ; pas de ce transfert là, car j’y suis déjà aux prises.

Mon patient continue après un long silence : « A chaque génération, il y a un fou ou une folle, qui se pend ou fini à l’asile. Alors moi, je me pose des questions … » Que cherche-t-il à nommer sinon le poids surmoïque et transgénérationnel que je serais mené à relier avec cette résistance au transfert qui s’installera au fil des séances, et non pas résistance du transfert. Car la situation même de la cure répète cette dépendance historique dont le Surmoi porte la trace (éveillée d’emblée par la règle fondamentale). Elle conditionne la réception surmoïque de l’interprétation ; ainsi des patients d’entrée de jeu refusent toute dépendance, résistent au transfert, ce que notait Winnicott :

« Il se peut, par exemple, qu’un patient ait diverses phobies et une organisation complexe pour y faire face, de sorte que la dépendance n’entre pas rapidement dans le transfert. A la longue, la dépendance deviendra un trait capital et c’est alors que les erreurs de l’analyste deviendront des causes directes de phobies localisées, et ainsi l’irruption de la crainte de l’effondrement. »[51]

Effondrement de quoi ? Peut-être bien celui de l’opsis du patient comme résultat de la collision des cadres inconscients de l’analyste et du patient, leurs opsis personnelles comme traces œdipiennes transmises par les parents, dans l’excitation et la confusion des langues.

Enfin, entendre certaines réactions du patient, non plus seulement comme résistance, mais comme mise en jeu et en scène hic et nunc de l’élaboration de la différence entre je et autre, élaboration indissociable de la transmission de pensées, de la présence de l’autre en soi, présence « intemporelle ». Lou Andreas-Salomé questionnait Freud sur ce sujet et notait, à regrets, dans son journal : « Freud continue à prétendre que pour lui, intemporel signifie « pas abréagi » et rien d’autre. » [52]

δ : Mais, peut-il y avoir interprétation sans effet de transmission, de séduction, de massification, de contrainte, c’est-à-dire sans répéter le refoulement de la curiosité intellectuelle et sexuelle ?

En 1916, dans ses Leçons d’introduction à la psychanalyse, Freud rappelait que l’hypnose risquait d’abolir l’indépendance du patient et qu’il était tout aussi facile de le transformer en partisan des théories et erreurs de l’analyste. Mais ce faisant, on aura influé sur son intelligence et à mesure que se succèdent les suggestions, nous aurons à lutter en retour contre des résistances qui se transforment en transfert négatif.[53]

Il a pu être pensé, afin d’éviter la suggestion, que le silence de l’analyste, fut-il justifié d’une théorie du desêtre, ou bien qu’un énoncé sans énonciation seraient des issues possibles ; mais, d’une part, cela risque de laisser entier le problème de la perlaboration des séductions, Forderung et dépendance infantile premières ainsi répétées dans la cure, et d’autre part, ce serait oublier que le patient lui aussi interprète aussi bien le silence que le moindre bruit, allant ainsi, pourquoi pas, jusqu’à reproduire pour lui-même et par lui-même la fable de la cigogne : le noyau de la névrose resterait intact.

Ce que notait Freud en 1938 dans son Abrégé : avec le transfert aussi bien maternel que paternel, le patient transfère le pouvoir que son surmoi exerce sur son moi et répète la dépendance infantile. Ce nouveau surmoi (figuré par l’analyste) peut opérer une post-éducation et rectifier des erreurs parentales. Mais il y a le danger d’un mésusage : celui de devenir modèle et idéal (führer) et de façonner le patient, autrement dire de répéter l’erreur parentale qui étouffa l’indépendance de l’enfant, et de remplacer ainsi l’ancienne suggestion par une nouvelle, là où la situation transférentielle déroule un fragment d’histoire, agi devant nous.[54]

C’est pour cela que Freud n’a cessé de répéter que l’interprétation, afin qu’elle ne soit pas suggestion, ne pouvait être donnée qu’à un moment particulier : celui où le patient en aurait lui-même l’idée, ce qui supprime l’effet d’annonce ou d’oracle, face auquel le patient soit se soumet et répète ainsi dans la cure l’enlisement et le refoulement de sa pensée, soit se rebelle et résiste au transfert ou développe un transfert négatif. Il y a donc à attendre le moment propice pour interpréter, sinon résistance, récusations, indignations du moi empêchent ce moi de s’emparer du refoulé[55]: « ce n’est que lorsque le patient est sur le point de découvrir de lui-même la solution que l’on peut interpréter »[56] car les interprétations seront ainsi reçues comme écho de la pensée même du patient[57], coïncidant avec sa réalité, et sans effet de suggestion. L’on pourrait ici parler de co-interprétation, comme pendant de la co-pensée de Daniel Widlöcher[58] : co-pensée et co-interprétation résultant de l’attention portée non plus aux seuls contenus mais aux liens associatifs et aux noeuds sémantiques dans le réseau épistémique du patient, ce que Freud indique en sa conférence « Rêve et occultisme ».

De là l’importance, pensons-nous, que l’analyste, outre le dégagement de ses liens identificatoires à son propre analyste, opère une appropriation de la théorie freudienne afin de n’en être pas le récitant, porteur du dire d’un autre, ce qui réalise et perpétue un Denkverbot, une transmission et crée une Weltanschauung psychanalytique qui entrave le mouvement de la cure.

Quel que soit son contenu, l’interprétation comme acte psychique de l’analyste ne devrait pas perdre de vue que, en tant que processus, elle vise à maintenir la différenciation des scènes psychiques, pour restituer le penser propre du patient : ce qui exclut toute séduction massifiante, aliénante et confusante : de ce point de vue, l’interprétation peut et se doit d’être un acte de déliaison au sens de des-aliénation. C’est peut-être en ce sens que l’on peut saisir la réponse à Max Graf ainsi que la fréquence avec laquelle Freud citait ce vers de Goethe :

 » Ce que tes aïeux t’ont laissé en héritage, / si tu le veux posséder, gagne-le. »[59]

ε :  Conclusion : La peste, ce serait la cure du côté de l’individuation par opposition à la massification par la Forderung, pire, par clonage, lorsque l’interprétation agit contre le penser propre, ce qui répète l’enlisement et le refoulement de la pensée et donc de l’individu et de sa sexualité comme individuante. La peste est du côté du rebelle : pour ce faire, il y a à délivrer le patient de ses cigognes sans lui donner les nôtres (ta mère contre la mienne) et ainsi l’analyste ne peut être ni Führer ni Verführer. Ce que Freud rappelait encore à la fin de sa vie dans son Abrégé :

« Le désir de posséder un moi fort non inhibé, semble naturel, mais (…) cette aspiration est essentiellement contraire à la civilisation. Or les exigences de celles-ci se traduisent par l’éducation familiale ; n’oublions pas d’insérer ce caractère biologique de l’espèce humaine -sa dépendance infantile de longue durée- dans l’étiologie des névroses. »[60]

Où est la peste dans l’analyse aujourd’hui ? Je pense au texte de Jean Cournut[61] sur le clonage analytique ou encore à ce que Conrad Stein racontait un jour : le jeu assez facile de deviner qui était l’analyste du candidat à l’admission… Il y a donc à défendre, sans cesse, l’analyse comme processus d’individuation, une maïeutique pour un penser et une parole propres à cet être qui est le patient, où l’interprétation vise à maintenir, instaurer ou réinstaurer la différence des scènes psychiques, faire que l’autre existe.

Pour terminer, je laisse la parole à Victor Smirnoff, en 1970 :

«  »Il est impossible de prendre la parole et de la garder sans une prise de pouvoir. Vouloir se dire, c’est s’engager à faire l’histoire. » Mais que cette parole se propose de vouloir faire tomber le discours creux d’une société, le discours hypocrite d’une « bonne conscience », pour permettre l’accession à un langage différent, voilà qui nous paraît être le fond de tout fait révolutionnaire.

Il fut un temps où la psychanalyse s’en réclamait encore. »[62]

Notes

[1] Election de Karl Gustav Jung à la présidence de l’Association, création de trois groupes locaux et nomination de leurs présidents (Karl Abraham pour Berlin, Alfred Adler à Vienne et Jung à Zurich) et fondation de la Zentralblatt für psychoanalyse dirigée par Adler et Steckel. Cf. « Contribution à l’histoire du mouvement psychanalytique », in Cinq leçons de psychanalyse, Payot 1984, pp. 120-124.

[2] « Contribution à l’histoire du mouvement psychanalytique », op. cit., p. 111 : « Je me rappelle l’impression profonde que ressentirent les membres d’un congrès psychanalytique en entendant un élève de Jung faire ressortir les analogies qui existent entre les formations imaginaires des schizophrènes et les cosmogonies des peuples et des époques primitifs. »

[3] Il se suicide un an plus tard, le 28. III. 1911., s’empoisonnant à la morphine à la clinique Reinan. Cf. la lettre du 2. IV. 1911. de Freud à Ferenczi : »Honegger, en qui j’avais mis beaucoup d’espoir (…) », in Correspondance Freud-Ferenczi, Calmann-Lévy 1992, p. 279.

[4] Introduction à l' »Horreur de l’inceste », citée dans Totem et Tabou, Gallimard 1993, p. 325, note 1. Honegger avait rédigé un compte-rendu de sa communication pour le Jahrbuch für psychoanalytische und psychopathlogische Forschungen (1910, vol. II, part. I, rapporté dans Unebévue, 6, EPEL 1995, p. 152-153.) : dans le délire d’une démence paranoïde d’un patient d’éducation scolaire simple, on trouve donc de nouvelles créations de très anciennes représentations mythologiques et philosophiques. De plus,  » Nous pouvons constater essentiellement deux formes de pensée : 1. une forme symboliquement mythologique, le mode de pensée du rêve, 2. une forme dialectique, qu’il faut concevoir comme un exercice de pensée venant en compensation d’un mode symbolique de pensée. La renaissance autochtone des mythes antiques, des représentations philosophiques et des conceptions du monde, se présente comme une négation qui ne remonte pas seulement jusqu’à l’enfance de l’individu, mais également jusqu’à celle de la race entière. On peut la comparer, dans le domaine anatomique, à des déformations qui présentent un atavisme ontogénétique à des stades primaires de la phylogenèse. »

[5] Lettre de Ferenczi du 19.XII.1910, p. 254, Correspondance Freud- Ferenczi, Calman-Levy 1992, tome I.

[6] Notons l’écho de ceci chez Winnicott D. W., avec la notion de mère calme ou excitée, in « La position dépressive dans le développement affectif normal », De la pédiatrie à la psychanalyse, Payot, pp. 159 sq ; ou encore les « humères », « mot » de J. B. Pontalis, in La force d’attraction, Seuil, 1990.

[7] « Psychanalyse et télépathie », in OCF-P XVI, PUF 1991, p. 108.

[8] « Conseils aux médecins sur le traitement analytique » (1912), in La technique psychanalytique, PUF 1972, pp. 65-66. (je souligne).

[9] Grubrich-Simitis I., in Freud S., Vue d’ensemble des névroses de transfert, Gallimard, 1986, p. 113.

[10] Itzig est le nom qui désigne familièrement le Juif en allemand, der Itzig, déformation de l’hébreu Yizhaq.

[11] Lettre à Fliess du 7-VII-1898, in La naissance de la psychanalyse, Paris, PUF 1969, p. 229.

[12] Correspondance Freud-Ferenczi, lettre 331 du 25.X.1912, op. cit.

[13] Telles les prophètesses !

[14] Cf. la lettre 52 du 06. 12. 1896 à Fliess, Naissance de la psychanalyse, op. cit.

[15] « Complèment métapsychologique à la théorie du rêve », in Métapsychologie, Gallimard 1968, pp. 125-6.

[16] « Note sur le « Bloc magique » », (1924), OCF-P XVII, PUF 1992.

[17] « Conseils … », op. cit., p. 66.

[18] Par exemple en tant que celle du réel, Realforderung, ou de la réalité, Realitätforderung. Terme que Lacan traduit curieusement par demande et non revendication. Cf. le séminaire « inédit » sur les formations de l’inconscient

[19] Reminiscences of Professor Sigmund Freud, Psychoanalytic Quaterly, 1942 II (4) p.456-476; trad. de Gregory Zilborg, supplément à l’Unbévue, EPEL 1993. Je souligne.

[20] Oury Nicole, « Hans le découvreur », Psychanalyse à l’université, PUF 1994, T. XIX, n° 74.

[21] Bergeret Jean, Le petit Hans et la réalité, Payot 1987.

[22] Aulagnier Pierra, La violence de l’interprétation, PUF 1975, et Les destins du plaisir, PUF 1979.

[23] Torok Maria, « Histoire de peur. Le symptôme phobique : retour du refoulé ou retour du fantôme ? », Etudes freudiennes n° 9-10, Denoël 1975. Le « fantôme » de Freud est omniprésent.

[24] Nouvelles conférences, Gallimard 1984, pp. 87 & 93.

[25] L’homme aux loups, Quadrige PUF 1990, p. 107.

[26] Ibid., p. 117. Nos crochets.

[27] Biraux Annie, Eloge de la phobie, PUF 1994, pp. 68-9.

[28] Lacan Jacques, « La chose freudienne », in Ecrits, Seuil 1966, p. 403.

[29] Des pestiférés ?

[30] Cf. la préface de Michel Gribinski aux Trois essais sur la théorie sexuelle de Sigmund Freud, Gallimard 1987.

[31] Trois essais sur la théorie sexuelle (cf.: « les recherches sexuelles infantiles ») en 1905, « Les explications données aux enfants » en 1907, « Les théories sexuelles infantiles » en 1908, « Analyse de la phobie d’un garçon de cinq ans » en 1909 et « Léonard de Vinci » en 1910.

[32] « Les explications sexuelles données aux enfants », in La vie sexuelle, PUF 1972, p. 11. (je souligne)

[33] Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci, Gallimard 1987.

[34] Cf. « Les théories sexuelles infantiles », in La vie sexuelle, op. cit.

[35] Autoprésentation, OCF-P XVII, Paris, PUF 1992, p. 107.

[36] Cf. Sterba R., Réminiscences d’un psychanalyste viennois, Privat 1986, p. 105.

[37] « Conseils … », op. cit., p. 71.

[38] Weltanschauung : rendrait compte d’une construction intellectuelle qui résout, de façon homogène, tous les problèmes de notre existence à partir d’une hypothèse qui commande le tout, où, par conséquent, aucun problème ne reste ouvert, et où tout ce que à quoi nous nous intéressons trouve sa place déterminée. L’Anschauung est une expérience vécue (Erlebnis) et visuelle des choses, puis, toute expérience vécue ou intériorisation immédiate de ce qui se présente comme un contenu de chose rattaché à une forme, et ce qui plus généralement présente un sens. Une des définitions en philosophie de ce terme-concept est celle qui en fait la saisie empirique, non conceptuelle et non rationnelle de la réalité. Mais à l’inverse, c’est aussi la saisie immédiate, et non liée à une transmission par les sens de significations, d’idées.

[39] « Sur une Weltanschauung », in Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, op. cit. , p. 243.

[40] « Les voies nouvelles de la thérapie psychanalytique » (1919), in La technique psychanalytique, op. cit., pp. 138-9. Je souligne.

[41] Cf; Sterba, op. cit.

[42] Position dont on peut penser qu’elle dérive du positivisme de Comte que Freud connût grâce à Brentano (cf. Assoun et Kofman S) et dont il fit une des bases de sa méthodologie. Le positivisme est une discipline ayant pour objet la coordination des faits observés sans dépasser les acquisitions de la science expérimentale. Cela exclut toute investigation sur l’essence du réel. L’esprit humain ne peut atteindre le fond des choses et doit se borner à la seule recherche des lois de la nature conçues comme relations invariables de succession et de similitude. Le positivisme repose sur la loi des trois états, en rapport au développement spirituel de l’humanité, de la science comme de l’individu qui passe donc par :

a – un état théologique ou fictif où l’homme explique les phénomènes du monde par l’action d’êtres surnaturels, agents détenants une volonté (Zeus est la cause des anomalies de la nature) : c’est un état animiste.

b – un état métaphysique ou abstrait équivalent à des théories, qui sont des croyances masquées, où les êtres surnaturels sont remplacés par des êtres abstraits, vides. Stade non productif mais dissolvant, qui mène au suivant.

c – un état scientifique ou positif ; la recherche de la cause dernière est abandonnée pour les faits établis : abandon du « pourquoi » pour le « comment ». Le fondement de la recherche est l’observation qui permet de connaître les lois générales effectives gouvernant les phénomènes, soit l’utile, le palpable et non le fictif et l’imaginaire. Est positif ce qui est réel et utile, ce qui supprime la séparation théorie – pratique, et vient à la place des prétentions métaphysiques. A. Comte : Cours de philosophie positive (1830 – 1842), Discours sur l’esprit positif (1844), Système de politique positive (1851 – 1854).

[43] « Les voies nouvelles de la thérapie psychanalytique », op. cit., pp. 138-9.

[44] L’Homme aux Loups, op. cit., p. 111 (je souligne).

[45] « Le début du traitement », (1913), in La technique psychanalytique, op. cit., p. 102.

[46] L’Homme aux Loups, op. cit., p.69.

[47] Ibid., p. 67. Nota : tout ceci figuré par les intestins, lieu ambivalent de la contrainte exercée, du plaisir des soins éprouvé, de la rébellion-résistance à l’analyse par exemple.

[48] Ibid., p. 118-9.

[49] L’Agieren de l’analyste transfère des contenus soustrait à l’analyse qui font toujours retour quoi que fasse l’analyste, alors sans défenses sinon à élaborer ses résistances. La résistance à l’agir de l’analyste est liée à la perlaboration et la vérité historique du patient.

[50] Tausk Victor, « De la génèse de « l’appareil à influencer » au cours de la schizophrènie », (1919), in Oeuvres psychanalytiques, Payot 1976, p. 195 en note. Je souligne.

[51] Winnicott D. W., « La crainte de l’effondrement », Nouvelle revue de psychanalyse, Les figures du vide, n° 11, 1975, Gallimard, p. 36.

[52] Rapporté par Lou Andreas-Salomé, « Journal d’une année », in Correspondance Freud-Salomé, Gallimard 1970, p. 401sq.

[53] « La thérapie psychanalytique », XXVIIIè conférence des Leçons d’introduction à la psychanalyse, Payot, pp. 427-431.

[54] Abrégé, PUF 1973, pp. 43-44.

[55] La question de l’analyse profane, (1926), OCF-P XVIII, p. 45.

[56] « Le début du traitement », op. cit., pp. 100-2.

[57] Ibid., p. 100 : »… ce n’est que lorsque le patient est sur le point de découvrir lui-même la solution que l’on peut lui interpréter un symptôme ou lui expliquer un désir. »

[58] Widlöcher Daniel, « L’analyse cognitive du silence en psychanalyse », Revue internationale de psychopathologie, n° 12, PUF 1993, pp. 508-528. Cf. aussi Edgar Allan Poe, Double assassinat de la rue Morgue pour l’exposé de la méthode analytique du chevalier Dupin, reprise par la suite par Sir Arthur Conan Doyle pour son personnage de Sherlock Holmes. Poe soutenait qu’il fallait enseigner à l’humanité l’art de la voyance contre la perception ordinaire …

[59] Totem et tabou (1912-13), Pour introduire le narcissisme (1913 ), Abrégé de psychanalyse (1938) p. 86. Goethe: « Was Du erebt von Deinen Vätern hast, / Erwirb es, um es zu besitzen« , Faust I & II, Paris Flammarion 1984: vers 682-3 de « La nuit »; aussi traduit: « L’héritage qui t’est venu de ton ancêtre,/ Il te faut l’acquérir pour le mieux posséder. » Ou encore, « Ce que tu as hérité de tes pères, / Acquierts-le afin de le posséder ».

[60] Abrégé, op. cit., p. 56.

[61] Cournut Jean, « La béance des dervis », in L’ordinaire de la passion, PUF 1991, pp. 309-315.

[62] Smirnoff Victor, « La transaction fétichique », Nouvelle revue de psychanalyse, n° 2, Gallimard 1970, p. 62, n. 1.

 

 

 

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4 réponses à Joël Bernat : « Conserver un esprit non prévenu … »

  1. Berthomieu dit :

    Merci pour cet article riche en rappels théoriques autant qu’en commentaires permettant de cheminer toujours dans les questions « soufflées par la cure »…

    Peut-on parler de « violence primaire » de l’analyste (cf notion de violence primaire de la mère chez Piera Aulagnier) lorsque l’analyste affirme en milieu de cure que  » le patient ne doit pas s’opposer à ce que dit son analyste, quel que soit ce dire, parce que c’est son analyste qui le dit » …?

    La position d’analysant « rebelle » est parfois difficile mais nécessaire car condition de survie psychique…

    • Joel Bernat dit :

      bonjour et merci de votre commentaire !
      la question que vous posez est assez étourdissante… ainsi, il y aurait de l’analyste supposé savoir, et le projet de pindarique Freud (que le patient advienne à lui-même) est ainsi sacrément remis en question. De plus, cela impose au patient un interdit de penser et donc de se penser, etc. Alors oui, c’est une violence primaire et c’est un beau contre-transfert, et l’on peut même penser que l’analyste, dans ce cas, répète à inconsciemment quelque chose de la problématique du patient.
      en tous cas, merci de votre commentaire, et si vous voulez développer cette dimension de violence primaire, vous êtes bien venue !
      JB

      • Berthomieu dit :

        Bonjour et merci pour cette réponse que je ne peux lire qu’aujourd’hui : je vais pouvoir y réfléchir sous un autre angle de vue.
        A vous lire toujours,
        M. B

        NB : Je vous avais envoyé un email à l’adresse indiquée sur ce site, mais il m’est revenu « undelivered » …?

      • Joel Bernat dit :

        Bonjour !
        en effet, il y avait une erreur de frappe dans l’adresse mail… vous pouvez donc me renvoyer votre mail, j’y répondrais !
        merci !

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